Ferroviaire : des petites lignes à haute tension

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Vu depuis le fond de la salle, avec les intervenants et le public nombreux
Suspendues, supprimées ou menacées, les petites lignes de train qui irriguaient notre territoire auraient pourtant leur utilité, écologique ou sociale. Elles continuent à susciter des luttes et des initiatives, comme l’ont montré les débats de la 43e Rencontre Tikographie.

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Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?

Les intervenants

Le podcast

Vous pouvez accéder à un enregistrement “nettoyé” – pour une meilleure écoute – de la Rencontre ici :

La synthèse : Quand les trains et les décisions ne passent pas

Quoi de plus écologique que le train pour les trajets de moyenne et longue distance ? À l’heure où l’on doit massivement réduire les émissions de carbone, on pourrait s’attendre à ce que ce mode de transport soit privilégié dans les politiques publiques. Pourtant dans le département du Puy-de-Dôme (et plus largement en région Auvergne-Rhône-Alpes), la trajectoire suivie semble aller en sens inverse, avec nombre de lignes suspendues ou supprimées.

À commencer par la liaison entre Clermont et Saint-Etienne, suspendue depuis 2016 sur 48 km entre Thiers et Boën, « un cas unique en France » de deux métropoles voisines non reliées par le ferroviaire, relève Karine Legrand. Le drame étant surtout que les six gares qui ne voient plus passer ou s’arrêter les trains représentaient, dit-elle, « la colonne vertébrale de tout un territoire », qui fait défaut pour les voyageurs du quotidien : que ce soit ceux qui se déplacent pour leur travail, les personnes âgées pour se rendre à des rendez-vous médicaux, les jeunes qui renoncent aux études faute de pouvoir se loger en ville ou rentrer chaque soir.

« La Région Aura a clairement fait des choix qui ne sont pas pro-ferroviaires. »

Les usages existent, veut démontrer l’association Le Train 634269 ; en plus, les avantages du train sont multiples, poursuit-elle : « dans un train, on peut travailler, lire, dormir, aller aux toilettes, discuter… »

Tout en acquiesçant, Patrick Oliva fait remarquer que la voiture a gagné du fait de sa grande souplesse d’usage, offrant « la possibilité d’aller où on veut, quand on veut », cela allié à une volonté politique forte de développer la route, comme d’ailleurs l’aérien, ainsi que des questions de coût et de fiabilité : « Au global, dit-il, l’entreprise SNCF n’est pas bien gérée. »

Karine Legrand, au micri, pendant la rencontre
Pour Karine Legrand, la ligne Clermont – Saint-Etienne est « la colonne vertébrale de tout un territoire ».

Si les usagers du Paris-Clermont en savent quelque chose, ceux des petites lignes restantes, financées par la Région, l’éprouvent aussi. « La Région Aura, soutient Karine Legrand, a clairement fait des choix qui ne sont pas pro-ferroviaires alors que tous les feux sont au vert » ; entendez par là aussi bien l’urgence écologique que les besoins de la population et la possibilité d’ouvrir des portes au tourisme, sur un mode cohérent avec le profil des visiteurs de notre région.

Ce qui retient les politiques de faire plus, c’est effectivement la lourdeur des financements et investissements nécessaires. « Dès qu’on parle du train, c’est long », souligne Patrick Oliva. « On n’est plus dans le temps d’un mandat donc c’est compliqué de dialoguer avec les élus », confirme Karine Legrand, qui démonte le mécanisme : « Les investissements et le maintien en état, c’est coûteux. Si on n’entretient pas, petit à petit, les vitesses nominales baissent, les usagers prennent moins le train, la rentabilité diminue et on se retrouve avec une ligne suspendue. » Elle y voit même une « recette pour fermer une ligne », dont elle peut énumérer les ingrédients.

« Il faut travailler sur le mode rail-route pour arriver à un optimum économique. »

Tandis que son association (et d’autres sur d’autres lignes) monte au créneau avec ténacité pour faire entendre la voix de ces petits territoires oubliés – « nous on est là depuis 2016 », rappelle-t-elle – Patrick Oliva veut croire à d’autres méthodes pour rétablir une irrigation du Massif central.

Précisant d’emblée que « la mobilité est un bien fondamental » à préserver malgré ses externalités négatives, il insiste d’abord sur l’intermodalité. « Le débat ne peut pas être que sur le rail ; il faut travailler sur le mode rail-route pour arriver à un optimum économique », estime-t-il. Et il va même jusqu’à l’idée qu’« il y a des cas où le train serait très sympa mais inaccessible » en termes de coût, et qu’« à ne pas vouloir abandonner certains dossiers, on ne fait plus rien. »

La suite de votre article après une petite promo (pour Tikographie)

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Mais alors, que faut-il faire ? Le président d’Orbimob veut secouer le Massif central pour l’engager à prendre plus de place dans le débat national. Pour cela, il invite cette grande région à se tourner vers les innovations et à le faire savoir. « Notre territoire ne se porte pas – ou très peu – candidat pour les expérimenter. C’est une question de dynamisme qui nous revient », développe-t-il, en ajoutant qu’il « faut passer d’une démarche de rattrapage à une démarche de leadership ».

Patrick Oliva au micro, montrant une étude sur le potentiel du rail en Auvergne
Patrick Oliva évoque les études qui ont permis à Orbimob et à la métropole clermontoise de justifier une candidature pour le SERM.

Des exemples : sans attendre les investissements coûteux dans les infrastructures, il affirme qu’on peut « tout de suite développer des services dans les gares », pour permettre l’intermodalité et la vitalité de ces points de passage obligés. Ou se porter candidat pour tester des matériels roulants plus légers – « c’est l’avenir », dit-il – comme le font d’autres régions plus volontaristes. « Aujourd’hui on n’existe pas », déplore-t-il encore.

« Il faut passer d’une démarche de rattrapage à une démarche de leadership. »

Ce qui n’est pas tout à fait vrai, car il se targue aussi d’avoir fait avancer la prise en considération d’une candidature de Clermont-Ferrand dans le projet national des « services express régionaux métropolitains » ou SERM, ou encore RER métropolitains, comme on les appelle plus familièrement. La méthode a été d’engager des études, notamment avec le chercheur Frédéric Faucon, pour montrer que le potentiel existe. Ensuite, relate-t-il comme une autre recette, « il faut se distinguer par deux dimensions : l’innovation et l’avantage financier », ce dernier étant apporté par un phasage du déploiement. « Au moins, on aura réussi à initier des dossiers », se réjouit-il.

Patrick Oliva écoutant Karine Legrand au micro
Les deux intervenants de la rencontre : deux approches, mais une même volonté forte de faciliter la mobilité en Auvergne.

Karine Legrand est elle aussi attentive à ce projet qui peut aussi, de façon inattendue, constituer une opportunité pour le Forez. Car « Le SERM de Saint-Etienne va être rattaché à celui de Lyon et cela peut être une autre entrée pour rejoindre le TGV depuis Clermont. Il y a une réflexion de fond à avoir sur la mobilité », analyse-t-elle en raccrochant, si l’on peut dire, les wagons les uns aux autres pour dessiner une autre vision des logiques de déplacement, incluant la multiplicité des usages : trajets du quotidien, grands déplacements, tourisme… Sans parler du frêt, usage moins visible du grand public mais lui aussi en fort déclin, du fait de « la non-fiabilité du service en France », indique Patrick Oliva.

Avec tout ça, il n’est pas sûr que la Rencontre ait réussi à répondre à la question initiale de notre animateur : en quoi le train est-il un moyen de transport pas comme les autres et quelle symbolique porte-t-il ?, se demandait Antoine. Mais elle aura au moins confirmé que le sujet déclenche des débats passionnés, des enthousiasmes, des colères, des points de vue bien tranchés. Témoins les multiples plaidoyers qui se sont exprimés dans la salle au moment des questions… qui d’ailleurs n’en étaient pas, mais plutôt des témoignages en provenance d’autres contrées où le train ne passe plus ou quasiment plus : que ce soit du côté de Billom, d’Eygurande ou en direction de Montluçon.

Synthèse par Marie-Pierre Demarty

Vue d'ensemble de la salle
Un public nombreux, passionné et souvent impliqué dans les luttes locales pour les petites lignes de train.

Autres ressources

Les crédits

Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour son accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres Tikographie pour cette saison, et en particulier à Boris, Philippe, Lénaïc, Olivier et Gaëlle.

Merci à nos invités, aux participants et à l’équipe de l’association Tikographie qui porte et organise les Rencontres.

Pour cette Rencontre spécifique ont œuvré :

  • Antoine à la préparation éditoriale et à l’animation ;
  • Damien à la prise de son ;
  • Marie-Pierre aux photos et au compte rendu.
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