Pour Eric Piolle, « ce qui m’intéresse, c’est la conduite du changement »

Grenoble est la seconde grande ville écologiste de France. Son maire, Eric Piolle, élu depuis 2014, revient sur la manière dont il conduit la transition écologique sur son territoire.


Les intitulés dans un rectangle noir sont des blocs déroulants : cliquez dessus pour accéder à leur contenu.
De même, cliquez sur chaque photo ou visuel pour l’afficher en grand format.

Pourquoi cet article ?

Ca ne vous aura sans doute pas échappé : c’est la rentrée.

Autre actualité difficile à éviter : les élections présidentielles s’approchent.

Dans ce cadre, Eric Piolle, maire de Grenoble et l’un des principaux candidats écologistes – en attendant la primaire de fin septembre – effectue de nombreux déplacements en France pour rencontrer les acteurs locaux de la transition écologique.

Le 22 juillet dernier, il était donc à Clermont et j’ai pu échanger rapidement avec lui lors d’une visite au CISCA. Il a accepté un temps d’interview fin août, que j’ai orienté sur son expérience de la transition écologique au niveau local. Pour info, la commune grenobloise est sensiblement de la même taille que Clermont (proches de 150 000 habitants), mais l’aire urbaine nous dépasse de loin (700 000 habitants contre 500 000).

A part ça … content de vous revoir, amis lecteurs / amies lectrices 🙂 J’introduis des évolutions de types de contenus cette année, suite à un petit sondage effectué cet été. Vous les verrez arriver progressivement sur le mois de septembre, et je reviendrai dessus dans la newsletter.

Damien

Un petit mot sur le traitement des entretiens

Je parlais plus haut d’évolutions éditoriales. Vous avez été nombreux, dans le sondage de cet été, à me demander davantage de « controverse » dans les entretiens, ou tout du moins de propos contradictoires. Je vais tenter d’introduire progressivement cela, mais l’exercice n’est pas évident car l’on trouve toujours des contradicteurs dont l’intention n’est parfois que formelle – surtout lorsqu’il s’agit de contredire une femme ou d’un homme politique. Et la vérification complète de l’honnêteté des propos des uns et des autres est un travail assez titanesque (et pas toujours faisable : bien souvent, il s’agit de différences d’approches du monde) que je ne peux hélas pas mener tout seul si je veux vous proposer au moins un entretien par semaine.

Je préfère donc augmenter le nombre de « compléments », que vous trouverez par exemple ici avec des brefs retours de Diego Landivar et de Geoffrey Volat, afin d’illustrer certains faits évoqués dans l’entretien principal. Je vais aussi chercher à rédiger d’autres entretiens, sur le même format mais apportant des éléments contradictoires avec un entretien précédent – par exemple, si vous avez lu l’entretien avec Jacky Massy sur la problématique de l’eau à Volvic, il s’agirait (et j’y crois !) d’obtenir un entretien du même format avec un responsable de l’usine d’eau minérale. Les traitements éditoriaux seront alors les mêmes, mais il ne s’agira pas d’un « débat » en face à face. Et vous-mêmes, amis lecteurs, pourrez me recommander des questions à poser en amont des entretiens à venir, que j’annoncerai désormais sur le site et sur les réseaux sociaux (à partir de la semaine prochaine).

Je souhaite aussi tester un nouveau format de réelle controverse, avec entre deux et quatre intervenants autour d’une problématique, disons, « aiguë » et d’actualité. Evidemment, les intervenants auront des positions différenciées. Le but est qu’ils puissent échanger et réagir entre eux, tout en construisant une forme d’argumentation autour du sujet. Je vous proposerai un premier essai de ce format j’espère d’ici fin septembre.

Au final, c’est à chacun de nous de se faire sa propre opinion en faisant la démarche, proactive, de chercher des sources de contenus complémentaires, et de prendre du recul sur chacun d’entre elles. C’est une évidence, qui concerne notamment tous les entretiens publiés dans ces colonnes, mais ça ne fait pas de mal de le rappeler.

Cela dit, bonne lecture 🙂

Les principaux points à retenir

  1. Maire de Grenoble depuis 2014, Eric met en avant la réalisation de la transition écologique et sociale qu’il présente sous l’angle de la « conduite du changement » – il ne parle notamment pas d’urgence écologique, mais plutôt de « chemin de progrès ». Sa méthode : traiter les sujets en parallèle, avancer vite, fédérer par des grands projets (comme Grenoble Capitale Verte de l’Europe en 2022) et miser sur plusieurs formes de démocratie participative.
  2. Pour fonctionner, la démocratie participative doit être cadrée en amont des projets. Un guide méthodologique a été rédigé à cette attention par la Ville. De plus, les échanges doivent être combinés avec des actions concrètes sur le terrain, où les techniciens de la ville travaillent de concert avec les citoyens. Ainsi, chacun fait évoluer sa façon de voir les autres acteurs locaux.
  3. Un travail spécial est notamment mené avec Origens Media Lab, acteur clermontois qui accompagne la ville de Grenoble et plusieurs groupes d’habitants dans la question du « redéploiement écologique » et des choix à opérer ensemble, ce qu’il faut garder ou pas, et sur la question du sens.
  4. La problématique de la justice sociale, pour Eric, se joue justement dans la dimension participative, mais aussi dans la conscience de l’existence des droits. Il cite plusieurs exemples, dans les tarifs de l’énergie par exemple ou dans les transports en commun, où des droits existants ne sont pas utilisés car méconnus. Il faut donc sensibiliser, voire inverser la logique en automatisant l’accès au droit selon la situation.
  5. Selon Eric, les territoires sont nécessairement indépendants, même si les villes doivent travailler sur une forme d’autonomie. La relation avec les campagnes environnantes est notamment cruciale. Les régions ont des compétences capitales (en mobilité et en formation professionnelle) pour la transition écologique, mais il regrette que la dernière réforme ait créé des territoires souvent bien trop grands. Enfin, l’Etat doit retrouver un rôle de « stratège » de la transition écologique qui, même si elle se déroule au niveau local, doit être favorisée par la loi et la politique fiscale, notamment. D’où son engagement pour l’élection présidentielle de 2022.
  6. Enfin, Eric reconnaît la pertinence de la notion de résilience, comme la préparation des territoires à des chocs qui se multiplieront. Cette préparation est possible, en travaillant sur une forme d’anticipation, d’adaptation, de robustesse, et en développant le maillage entre les acteurs locaux et leur conscience des enjeux. Cela passe, selon lui, par un projet commun, des objectifs partagés, et par exemple des défis concrets dont on peut s’emparer (comme avec la Capitale Verte de l’Europe, qui se base sur cette approche). Eric a notamment rencontré à Clermont l’équipe du CISCA le 22 juillet dernier, qui travaille sur la résilience territoriale en Auvergne.

L’intervenant : Eric Piolle

Maire de Grenoble depuis 2014, membre du parti EELV (Europe Ecologie les Verts), candidat à la primaire écologiste pour la présidentielle 2022


Né à Pau, Eric travaille plusieurs années au sein de Hewlett-Packard France en tant que cadre dirigeant, sur le site de Grenoble. En 1997, il s’oriente vers la politique, rejoint rapidement le mouvement Europe Ecologie les Verts (aux côtés de son épouse Véronique) et obtient un mandat de conseiller régional Rhône-Alpes en 2010. En 2014, il est élu maire de Grenoble, puis réélu en 2020 (avec plus de 53% pour une liste « divers gauche »).

Grenoble est ainsi devenue la seconde grande ville française dirigée par un élu écologiste, après Montreuil (qui avait élu Dominique Voynet à sa tête de 2008 à 2014.

Le 29 juin 2021, Eric Piolle se positionne comme candidat à la primaire écologiste en vue de l’élection présidentielle 2022.

Visiter le fil Twitter d’Eric Piolle

Crédit photo : équipe d’Eric Piolle (DR)

Accès direct aux questions


Information sur notre prochain événement

Comment mènes-tu les différents sujets de la transition écologique au niveau d’un territoire comme celui de Grenoble ?

Nous menons tous les chantiers de front. L’eau, le logement, les mobilités, l’espace public, etc. Agir partout, en même temps, nous donne de l’espoir. On voit le changement. C’est pourquoi nous avons fait le choix de la vitesse : lancer la transition, changer tout et vite, ça redonne confiance. Si on fait du séquentiel, on ne voit pas ce qu’on fait dans le temps, et cela crée de l’insécurité …

Quelle place a le citoyen dans la transition à Grenoble ?

La participation des citoyens est une nécessité pour changer. Réussir la transition, c’est faire vivre l’engagement citoyen : on l’a vu dans les projets d’énergie citoyenne qui équipent les toits en photovoltaïque.

La participation des citoyens est une nécessité pour changer.

Cette implication citoyenne donne de la cohérence : on ne peut pas reprendre les modèles de captation de valeur au profit de quelques-uns, comme ce qui fonctionnait autour des énergies fossiles. Si nous reproduisons cela pour les ENR ou l’alimentation, ce sera un drame social, et les résultats ne seront pas là.

As-tu mis en place une méthode spécifique de démocratie participative ?

Notre objectif, c’est la clarté. Définir en amont de chaque projet quel est le niveau de participation attendu : quand faut-il consulter, informer, concerter ou co-construire. Il faut fixer ces règles avant. Si on fait de la co-construction par exemple, on démarre ensemble dans le diagnostic. Si on vient consulter, on a déjà tracé des rails, et on vient déjà choisir des alternatives. Pour que ça marche, tout doit être explicite avant si on ne veut pas générer de frustrations.

La démocratie participative fonctionne notamment si elle s’allie avec des pratiques de terrain.

En outre, nos sept ans d’expérience [à Grenoble] montrent que l’appétit vient en mangeant et que la participation fonctionne de mieux en mieux. Notamment si elle s’allie avec des pratiques de terrain : les chantiers ouverts au public dans des aménagements de bouts d’espaces urbains, des projets citoyens avec des ressources techniques civiles – architectes, menuisiers … – transforment concrètement la ville. Cela permet une implication dans l’action qui transforme aussi le regard du service public sur les citoyens, qui les voient comme usagers et pas uniquement comme consommateurs.

La ville de Grenoble a notamment travaillé avec Origens Media Lab, un acteur clermontois de la transition écologique …

Avec Origens, nous avons travaillé sur la question du “redéploiement écologique” à travers six ateliers. C’était extrêmement riche et productif. Cela nous aide, collectivement, à cheminer dans des choix qui ne sont pas des renoncements mais plutôt des choix éclairés, sur ce que nous voulons garder ou pas, ce qui a du sens, de l’importance … 

Pour compléter : Diego Landivar, fondateur d’Origens Media Lab

A Grenoble, en partenariat avec la Ville, nous testons un protocole de renoncement avec 108 citoyens volontaires tirés au sort, qui enquêtent eux-mêmes sur les limites planétaires sur 6 quartiers et sur les arbitrages (et donc renoncements) à réaliser. A l’issue, les quartiers qui ont fait ce travail se rencontrent et mettent en cohérence ces différentes feuilles de route, qui sont soumises aux élus.

Extrait d’interview de l’article de réactions : « ne plus soutenir un aéroclub pour raison écologique : bonne stratégie ? » du 9 avril 2021

Lire l’entretien avec Diego : « la résilience doit modifier en profondeur les politiques publiques »

Et comment peut-on combiner transition écologique et justice sociale ?

Lors des ateliers participatifs, notamment ceux d’Origens. C’est là que l’expérience vécue est intégrée, et qu’on fait de “l’accès au droit” – par exemple, on a multiplié par sept le nombre de personnes qui accèdent aux tarifs d’électricité sociale [depuis 2014]. Ce sont des gens qui n’utilisaient pas leurs droits même s’ils étaient théoriquement éligibles. 

La problématique est la même pour les transports en commun ou la tarification sociale de l’eau : c’est désormais directement et automatiquement “poussé”, les gens n’ont pas à faire de dossiers. L’essentiel des problématiques sociales, surtout sur le logement, les transports, l’alimentaire, vient ainsi croiser des problématiques environnementales.

Le grand projet de territoire sur Grenoble est la “Capitale Verte de l’Europe”, pour 2022. Comment ont réagi les différents acteurs locaux ?

Notre candidature a permis à tous les acteurs du territoire de se structurer autour d’un projet commun – universitaire, associatifs et société civile, culturels et sportifs, et bien sûr les institutions. On se donne ainsi des objectifs et des défis – à travers douze thématiques, comme le changement climatique, la pollution de l’air, la lutte contre le bruit … et chaque acteur peut adopter ses propres défis. Ainsi, tous participent à une histoire collective et sont reconnus pour cela.

Par exemple, les services fiscaux commencent à végétaliser leur parking, ou encore une société va récupérer la chaleur perdue d’un incinérateur … et bien sûr des acteurs associatifs se saisissent de questions d’alimentation urbaine, de chantiers d’aménagement publics participatifs, etc. (…) 

Cette Capitale Verte nous tirera jusqu’en 2030, donc ces perspectives sont plutôt réjouissantes. 

Grenoble vue depuis le chemin du Pariset au Seyssinet. Une grande ville, avec plusieurs industries, au croisement de trois vallées alpines … un cadre magnifique (comme à Clermont 🙂 mais de vraies problématiques d’urbanisation contrainte et d’axes de transports / Crédit photo : Hélène Rival, Wikimedia Commons (CC BY SA 4.0)

Comment communiques-tu sur la notion de transition écologique ?

Ce qui m’intéresse, c’est la conduite du changement. Par exemple, je ne parle pas d’urgence : les scientifiques apportent cette notion, qui est partagée et globalement acceptée. Moi, je me concentre sur un “chemin de progrès” social et environnemental, sur comment nous voulons vivre demain. C’est cette logique de progrès qui permet de faire les choix pour l’avenir.

Tu évoquais la notion de local, de territoire, par rapport au national : quel est ton périmètre d’action ?

Un “territoire”, c’est surtout défini par les “bassins de vie” : là où un pôle d’attractivité vient croiser des problématiques de logement, de transport, d’action économique … et de vie au quotidien. L’analyse des données de connexions téléphoniques, par exemple, est une bonne méthode pour montrer la densité des liens à l’intérieur des territoires, ainsi que les liens avec les territoires voisins.

Je ne parle pas d’urgence (…), je me concentre sur un « chemin de progrès ».

Cela dit, les périmètres peuvent varier selon les thématiques. Par exemple, si on parle de projet alimentaire de territoire, l’échelle sera celle de grands bassins de vie, pour préserver le foncier. Si on parle transports en commun, ce sera un mix d’échelle intercommunale et régionale. Si on parle rénovation de logement, on est plus sur l’intercommunalité, avec une aide de l’Etat …

Les territoires doivent-ils être autonomes, et jusqu’à quel point ?

Il faut de toute façon une interdépendance des territoires, et – en leur sein – un lien fort des villes avec la ruralité. On l’a vu à Clermont sur les projets agricoles dans la Limagne, ou avec la régie des Territoires des deux rives : elle est à cheval entre le rural, l’urbain et le péri-urbain. 

N’oublions pas qu’une ville, par définition, est en dépendance [du territoire qui l’entoure] sur l’alimentaire, sur l’énergie, sur la gestion des déchets. Même si elle doit travailler sur son autonomie, elle ne l’atteindra pas seule.

Lire l’entretien : Stéphane Linou, de la sécurité alimentaire à la sécurité des territoires

Entre l’Etat et la ville, il y a la Région (pour schématiser), qui dispose de nombreuses compétences dans la transition écologique. Comment interagis-tu avec Lyon ?

Sur les échelons intermédiaires, on a des plans comme le SRADDET, les Schémas d’Aménagement, les PCAET, les Trames vertes et bleues … mais il y a de l’impact régional [en lien avec la transition écologique] sur deux points principaux : tout d’abord, les transports en commun et la mobilité du quotidien. Ensuite, la formation professionnelle, car la transition va entraîner des mutations d’emploi très importantes. Cela correspond au plan que j’ai proposé mi-août pour créer 1,5 millions d’emplois tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

Néanmoins, l’élargissement des régions, décidé par François Hollande, est un échec. Dans Auvergne-Rhône-Alpes, comme dans le Grand-Est ou la Nouvelle-Aquitaine, on a tellement éloigné les centres de décision des bassins de vie que ça n’a plus de sens.

Eric Piolle visitant une conserverie bio à Marcoussis, dans l’Essonne. Le candidat insiste sur la possibilité de créer ou de convertir de nombreux emplois dans le cadre d’une économie axée sur l’écologie / Crédit photo : équipe d’Eric Piolle (DR)

Concernant le dernier niveau, l’Etat, tu es candidat à l’élection présidentielle de 2022. Selon toi, quel rôle doit jouer l’Etat dans la transition écologique ?

Je pense que le cadre [de la transition], donc la stratégie, doit être donnée par l’Etat. Par le levier législatif et financier, pour permettre la transition. Cependant, la mise en œuvre se fait à l’échelle locale : c’est là qu’on construira des énergies renouvelables, qu’on mettra en place des politiques alimentaires, qu’on isolera les logements … le tout dans un cadre national. 

C’est pour ça qu’il est capital de retrouver un “Etat stratège”. Aujourd’hui, l’Etat a recentralisé beaucoup de décisions, asséché les moyens des collectivités, et il n’avance pas : le projet de loi climat a montré qu’on ne faisait qu’un cinquième du travail à faire d’ici 2030. Et le Haut Conseil pour le Climat, en juin dernier, a montré que la France allait deux fois trop lentement dans sa réduction des gaz à effet de serre.

Il est capital de retrouver un « Etat stratège »

Par exemple, il y a actuellement un mouvement spéculatif vers le foncier agricole et les forêts. (…) En Normandie, j’ai vu des fermes de 600 hectares rachetées par un fonds de pension hollandais. Dans le Morvan, ce sont des acteurs bancaires qui s’emparent de forêts entières. Ici, c’est à l’Etat de changer la loi pour protéger des investissements d’acteurs financiers et d’étrangers. Si un investisseur étranger veut investir dans la défense, il ne peut pas le faire, il y a un contrôle. Pourquoi ne pas faire de même pour ce qui relève des biens communs comme les forêts ?

Pourquoi l’Etat n’a-t-il pas évolué dans le sens de la transition écologique selon toi ?

Parce qu’il n’a pas de stratégie, et qu’il est de toute façon obnubilé par la croissance du PIB – depuis des décennies ! C’est pour ça qu’il faut une présidence écologiste selon moi. Si j’ai un accident sur la route, je génère plus de croissance du PIB qu’en roulant prudemment. Il faut changer cela. 

A l’inverse, un acteur économique local cherchera à voir quelle contribution il peut amener, non pas dans une logique d’optimisation du travail humain, mais plutôt de réduction de son impact sur l’eau, l’énergie, la biodiversité, les matières premières … en ce sens, décarboner l’activité économique est un enjeu majeur. De là, chaque acteur adaptera ses produits et ses services. 

Lire l’entretien : avec Jean-François Caron, la transition des collectivités se construit ensemble

Mais il faut distinguer la logique d’un “micro”-acteur, même une grande entreprise, de celle d’un Etat qui, de manière totalement impuissante, n’a que la théorie du ruissellement et la croissance du PIB comme horizon de sortie de crise. Et qui ne permet même pas de mesurer notre impact sur le climat, ni de réduire les inégalités !

Que penses-tu de la notion de résilience territoriale ?

Nous sommes dans une société qui va encaisser de plus en plus de chocs, c’est certain. Il faut se dire que nous devons faire un chemin de transition en étant en capacité d’encaisser des chocs. Cela implique de les anticiper, de se poser la question de la manière de mieux les encaisser. C’est la définition de la résilience selon moi, une forme de robustesse.

Et un territoire peut être résilient ! A condition que le maillage de ses acteurs le lui permette. Ça a tout à fait du sens : il faut multiplier leur interconnexion, leur compréhension des buts communs … c’est ce qui fait notre force à Grenoble, par exemple, à savoir que les objectifs politiques sont partagés. Parce que nous étions la première ville écologiste, tout le monde l’a accepté, et cela a imprégné les politiques urbaines mais aussi la boussole des autres acteurs.

Le 22 juillet 2021, Eric Piolle a rencontré l’équipe du CISCA lors d’un déplacement clermontois / Crédit photo : éditeur

La résilience territoriale est-elle néanmoins un objectif partagé par les acteurs locaux ?

En fait, on ne parle pas de chocs. On fait de la gestion de crise, on organise les priorités sur la sécurité civile par exemple. En 2014, 350 établissements ERP avaient un avis négatif de la commission de sécurité, et il n’y en a quasiment plus. On a vraiment travaillé sur le risque, on a mis en place une cellule de crise, et on a développé notre capacité de réaction.

Un territoire peut être résilient, à condition que le maillage de ses acteurs le lui permette.

Ainsi, on peut réagir à une inondation, une sécheresse, un risque de délestage électrique – dans ce cas, en janvier 2017 par exemple, nous avions affiché sur les entrées d’immeubles qui risquaient d’être coupés du réseau, que ce risque existait pour eux. Les voisins se préparent dans ce cas, ils repèrent des lieux publics à proximité où le courant restera … ça devient extrêmement concret, et la capacité à agir des personnes se renforce.

Et ça a entraîné un effet positif. Certaines personnes étaient même déçues qu’on n’ait pas de test grandeur nature ! 

Lire l’entretien avec Stéphanie Bidault : « l’inondation est le premier risque naturel en France »

Lors de ta visite à Clermont, tu as rencontré l’équipe du CISCA qui travaille sur la résilience territoriale. Qu’en as-tu retiré ?

Ma rencontre avec le CISCA était très riche : de par l’approche recherche-action, cette structure permet de faire évoluer les connexions et la connaissance du sujet, d’insérer la prise de conscience, de mieux faire “remonter” l’expérience et de voir la diversité des sujets traités. 

C’est capital : il faut faire du “360 degrés” dans le domaine de la transition. Un peu comme le GIEC, qui, dans ses rapports, commence par un état de l’art en sciences du climat tout en actant qu’il reste des connaissances à acquérir.

Pour compléter : Geoffrey Volat, directeur stratégique du CISCA

Eric Piolle cherchait un lieu pour accueillir un échange sur la transition avec des acteurs clermontois. Après ce premier temps dans les locaux du CISCA, nous avons prolongé entre nous car Eric avait déjà cette culture grenobloise de parler avec des acteurs de l’université, en mode informel. Nous avons donc présenté les échanges qu’on a sur le territoire entre recherche, acteurs économiques et collectivités. Eric étant personnellement engagé sur ces enjeux, nous avions le discours d’un élu local de haut rang, et c’était super riche.

Nous sommes revenus sur les travaux des doctorants du Cisca : Jean Gosselin sur la transition touristique, Anaïs Bodino sur la démocratie participative, Louisa Fonlupt sur les filières locales résilientes, Clémence Rebourg sur la résilience alimentaire … Je pense qu’Eric a vraiment apprécié l’intermédiation que nous avons avec les collectivités et les acteurs  locaux via les thèses CIFRE. Ce sont de vrais vecteurs de changement ! Le dialogue des mondes, que souhaite opérer le CISCA, l’a donc particulièrement intéressé en tant que rouage de la résilience territoriale.

Lire le dossier : le CISCA pose la première brique de la résilience territoriale

Echange téléphonique du 3 septembre 2021

Pour aller plus loin :
la fiche Wikipedia sur Eric Piolle, qui met en avant certaines réalisations autant que certaines controverses
Information sur notre prochain événement

Propos recueillis le 24 août 2021, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigé par l’équipe d’Eric. Merci à Nicolas, à Enzo et à Camille pour leur aide. Crédit photo de Une : équipe d’Eric Piolle (DR)