L’expérience anglaise de résilience alimentaire selon Alizée Marceau

Récemment arrivée à Clermont, Alizée a œuvré pendant 6 ans dans le monde des programmes de résilience alimentaire au Royaume-Uni. Quels apprentissages peut-on en tirer ?


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Pourquoi cet article ?

Vous savez sans doute que je participe, depuis août, à la jeune association Par Ici la Résilience, qui organise 6 fois par trimestre les Rencontres de la Résilience. Nous y invitons des acteurs du territoire puydômois à venir s’exprimer sur des enjeux de résilience territoriale.

Alizée est une nos participantes les plus assidues, et soutient l’association depuis septembre. J’ai en outre eu la chance de la connaître peu de temps après son arrivée à Clermont, et son expérience unique et transversale de la résilience alimentaire multi-territoriale en Angleterre me semblait être un véritable atout pour les acteurs auvergnats.

Je vous propose donc ici un entretien revenant en détail sur les principaux points à retenir de la manière dont Sustainable Food Places appréhende le sujet outre-Manche, et sur ce que l’on pourrait en tirer pour l’adapter ici.

Damien

L’intervenante : Alizée Marceau

Alizée est une pure franco-britannique : elle a vécu à Belfast dans sa jeunesse, puis est revenue – dans le cadre d’un stage de fin de master en Développement Soutenable à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille – travailler outre-Manche.

Elle s’était sensibilisée aux sujets environnementaux à l’occasion d’un projet en anthropologie à Whistable, dans le Kent : « j’ai interviewé des acteurs d’un jardin partagé en permaculture. Je venais juste pour m’y intéresser, mais j’ai trouvé ça génial ! J’ai participé à des réunions, rencontré les porteurs … puis j’ai continué en creusant par des lectures perso, à la bibliothèque de la Fac.« . C’est notamment par la découverte des écrits de Rob Hopkins qu’elle se rapproche des thématiques de résilience alimentaire.

Alizée travaille donc dès 2014 dans l’ONG Sustainable Food Cities, devenue depuis Sustainable Food Places. Elle apprécie l’approche systémique de l’alimentation et l’angle local assumé tout en misant sur un réseau de projets territoriaux à l’échelon national.

Elle y est « couteau suisse » pendant 6 ans : « je faisais de l’animation du réseau, la mise en relation des membres et des partenaires, la communication, l’évaluation de programmes, la gestion financière, l’événementiel, des réponses à des appels à projets …« 

A l’été 2020, elle s’installe en Auvergne pour des raisons personnelles, et cherche à se rapprocher des acteurs de l’alimentation territoriale pour y apporter son expérience du réseau britannique.

Pour contacter Alizée par e-mail : alizee.marceau@gmail.com
Voir la page LinkedIn d’Alizée

La structure : Sustainable Food Places

Fondé en 2013 sous le nom de Sustainable Food Cities, Sustainable Food Places vise à développer un réseau de partenariats alimentaires territoriaux au Royaume-Uni.

L’association compte aujourd’hui 9 collaborateurs (pas tous à temps plein), et a pu accompagner à l’émergence de 60 projets locaux, tous reliés entre eux (c’est le rôle de l’association que de maintenir ce maillage national).

Son financement est désormais assuré par le National Lottery Community Fund ainsi que par la fondation Esmee Fairbairn, sous forme de conventions pluri-annuelles. Il représente 5,7 millions de livres sterling sur 5 ans (environ 6,4 millions d’euros).

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Ton approche initiale est plus large que l’alimentation … comment appliques-tu ton esprit critique au sujet de la transition écologique ?

Mon domaine d’études initial était large : sciences politiques, questions de résilience et de transition, problématiques posées par le développement, le progrès, la croissance … Mon approche consiste à remettre à plat ces sujets, en les déconstruisant. Que met-on derrière ces idéaux ? 

Penser “out of the box” est toujours une bonne chose ! 

Le “progrès”, par exemple, a une connotation positive. Mais en fait ça dépend du contexte, et de notre système de valeurs. Et aussi des alternatives qui existent. Toutes réflexions que le système éducatif ne présente pas toujours … Ainsi, penser “out of the box” est toujours une bonne chose ! 

Tu t’es vite focalisée sur la notion de “développement soutenable”. Quelle définition en donnes-tu, et quelle différence avec le “développement durable” ?

J’ai choisi de faire un Master en Développement soutenable en 2012 à l’Institut d’Etudes Politiques de Lille. Soutenable, pas durable … on revient au sens des mots. Le “développement durable”, le capitalisme s’en est emparé pour se pérenniser et continuer à chercher la croissance économique en changeant quelques variables un peu accessoires pour regagner sa légitimité. Mais à la base, ça reste un système d’exploitation.

Le “développement soutenable”, c’est une manière de se démarquer : on ne se penche pas que sur la croissance verte, ou alors avec un regard critique. Le but est bien de changer de modèle socio-économique.

Les objectifs du développement durable ont notamment été popularisés par les Nations Unies / Crédit photo : Mat Reding (Unsplash)

A partir de ces bases, comment appréhendes-tu le sujet de la résilience alimentaire ?

Par une approche systémique de l’alimentation. Il s’agit de prendre la question au sens large. Au-delà de la production agricole et de la consommation, cela inclut toutes les questions de précarité alimentaire, de santé publique, de gaspillage, d’utilisation des ressources, d’approvisionnement … 

Le but du Développement Soutenable est bien de changer de modèle socio-économique.

Le “système” alimentaire, c’est donc l’ensemble des acteurs, des ressources, des activités qui permettent de produire, de transformer, de distribuer et de consommer des denrées. Tous doivent être “adressés” pour progresser dans la transition des systèmes alimentaires.

Tu as une analyse mais surtout une expérience poussée du sujet, principalement en Angleterre …

J’ai eu un coup de cœur pour l’Angleterre, mais j’y étais prédestinée ! J’ai déménagé en Irlande du Nord quand j’avais 7 ans, vers Belfast, et j’y suis restée 5 ans. (…)  Entre 2010 et 2012, j’ai fait deux années de licence en Angleterre. Puis, en 2014, [j’y suis retournée] pour faire mon stage de fin de Master.

Je suis alors tombée dans le programme Sustainable Food Cities, qui avait démarré depuis un an. Il m’a beaucoup parlé, grâce à cette dynamique issue du terrain, “par le bas” … c’est-à-dire par les projets pionniers qu’il mettait en réseau et qu’il permettait de diffuser. Aussi, par son approche de l’alimentation systémique. D’autant plus que le dispositif était porté par une association.

Le Kent est connu notamment pour ses falaises crayeuses qui font face au Pas-de-Calais. Mais c’est aussi une région agricole, où Alizée a été sensibilisée aux enjeux de résilience territoriale / Crédit photo : Photo by Joseph Vary (Unsplash)

Quand je suis arrivée au sein du projet [en 2014], on n’était que deux. J’y suis resté six ans, et mon rôle a toujours évolué. J’étais une sorte de “couteau suisse” : je faisais de l’animation du réseau, de la mise en relation des membres et des partenaires, de la communication, de l’évaluation de programmes, de la gestion financière, de l’événementiel … 

Comment fonctionne Sustainable Food Cities [désormais Sustainable Food Places] ?

Le modèle se base sur la création de partenariats alimentaires territoriaux, à savoir entre tous les acteurs d’un territoire qui ont un intérêt à travailler sur l’alimentation – qu’ils soient des individus, des producteurs, des universités, des restaurateurs, des collectivités, des entreprises … et ce partenariat doit avoir une existence juridique, par une association, une coopérative, ou au sein d’une collectivité – selon les finalités. C’est ce qui deviendra le noyau qui relie tous ces acteurs et met en commun leurs expertises complémentaires.

Le modèle se base sur la création de partenariats alimentaires territoriaux.

Géographiquement, il n’y a pas d’échelle fixe. Mais ça ne doit pas être trop petit, car il faut un certain nombre de levier politiques pour faire bouger les choses. Il faut aussi un sentiment d’appartenance des acteurs et des habitants, pour susciter une dynamique locale. Afin que ça touche autant au cœur qu’à la tête.

L’équipe Sustainable Food Places en 2020, Alizée étant la 3ème à partir de la droite / Crédit photo : Sustainable Food Places

Quels sont les rôles-clé de ces partenariats alimentaires territoriaux ?

Dans ce noyau, le rôle du coordinateur est vite capital. Sustainable Food Cities a pu appuyer financièrement. Mais, au départ, beaucoup de coordinateurs étaient bénévoles. Dans tous les cas, la coordination doit être intégrée dès le départ et financée de manière pérenne car les enjeux de l’alimentation s’inscrivent dans le long terme.

Le coordinateur permet de faire le lien, d’accélérer les progrès, d’animer la communauté, et de faciliter la capitalisation des bonnes pratiques sur le territoire.

Le coordinateur permet de faire le lien, d’accélérer les progrès, d’animer la communauté, et de faciliter la capitalisation des bonnes pratiques sur le territoire. C’est aussi un rôle administratif et logistique, et de recherche de financements. Enfin, c’est notre point de contact du national au local, donc avec le programme Sustainable Food Cities [maintenant Sustainable Food Places].

Les partenariats se concentrent-ils uniquement sur l’alimentation ?

Le modèle consiste en une approche systémique. C’est un postulat de travail que tous les membres doivent accepter. A partir de cela, le programme propose un cadre de référence qui peut être adapté localement. Il est basé sur six thématiques : 

  • la gouvernance : elle doit être démocratique, représentative de la diversité des enjeux, des populations, des territoires et dont les membres viennent de secteurs divers publics, privés, universitaires. Elle se concrétise par le partenariat alimentaire;
  • la sensibilisation aux enjeux, la “citoyenneté alimentaire” : pour favoriser les mouvements “par le bas”, pour que les individus aient conscience des enjeux et de l’importance d’une bonne alimentation;
  • la précarité alimentaire et la santé (enjeux de nutrition notamment);
  • la redynamisation de l’économie locale : par exemple l’incubation de nouveaux projets et entrepreneurs, les circuits courts, le développement d’infrastructures, etc;
  • l’approvisionnement public et la restauration collective;
  • la réduction de l’impact environnemental : en termes de gaspillage alimentaire, d’émission de GES, de biodiversité, d’intrants …
Essaimage de l’expérience Sustainable Food Places à Namur, dans le cadre de l’opération « la démocratie dans l’assiette ». Ayant fait ses preuves en Angleterre, le modèle s’exporte en Europe / Crédit photo : Sustainable Food Places

Quant à la question des espaces de production alimentaire, c’est en fait plus compliqué. Dans la pratique, c’est dur d’inclure les agriculteurs dans les partenariats. Au Royaume-Uni, ils sont plus isolés qu’en France. Donc Sustainable Food Cities est resté … un programme relativement urbain, comme son nom l’indique. Mais on réfléchit à inclure les départements au sein du réseau, ce qui apporterait des territoires plus ruraux dans l’initiative. D’où notre changement récent de nom en Sustainable Food Places.

Tu insistes sur la capitalisation de l’expérience …

Dès la création du programme [Sustainable Food Cities, en 2013], nous étions financés par une fondation pour 3 ans, afin de tester le modèle avec 6 villes pilotes. On se basait alors sur des expériences préalables, comme à Brighton ou à Bristol, qui avaient mis en place le modèle qu’on souhaitait développer. 

Et nous étions à 60 partenariats, six ans plus tard ! Notre financement a été reconduit et s’est étoffé, rassemblant Esmee Fairbairn Foundation et la National Lottery Community Fund. Selon moi, les financeurs ont vraiment vu l’intérêt du programme. Mais le but est que des partenariats autonomes financièrement puissent se développer. Sauf que les financements locaux sont plus difficiles à sécuriser, sans parler du contexte particulier aujourd’hui : Brexit, Covid … 

Moment de networking organisé par le réseau Sustainable Food Places. Le développement de liens entre les membres de différents projets locaux permet de mieux partager l’expérience / Crédit photo : Sustainable Food Places

Quelle expérience locale t’a le plus marquée ?

On a heureusement beaucoup d’exemples intéressants qui ont un réel impact. A Greenwich, une cuisine collective a été lancée, pouvant être utilisée pour de nombreuses finalités – par exemple, proposer des ateliers aux personnes de la communauté, pour réapprendre les bases de la cuisine avec des produits simples – comme avec leur conservation – et ainsi redevenir autonome dans leur alimentation. 

Mais la cuisine sert aussi d’incubateur pour de nouveaux entrepreneurs-restaurateurs partageant une éthique ‘durable’ pour les aider à lancer leur activité professionnelle; de lieu de formation de restaurateurs professionnels à des pratiques soutenables: cuisiner plus sainement, travailler avec les produits locaux, reduire le gaspillage, la consommation de ressources naturelles.

Le projet « Greenwich Community Cookery Clubs » à Greenwich, près de Londres / Crédit photo : GCDA (DR)

D’autres exemples en tête ?

Je pense aussi à un événement organisé dans beaucoup de villes du Royaume-Uni : Feeding the 5000. C’est une sorte de festival de rue qui vise à utiliser des produits destinés à la poubelle pour nourrir des habitants, de manière festive. Ça sensibilise au gaspillage alimentaire. Ce sont des bénévoles qui cuisinent de grandes quantités, de manière conviviale.

Autre exemple : à Halloween, chaque année, la Pumpkin Rescue vise à faire savoir … que la courge peut être mangée, qu’elle n’est pas uniquement un déguisement ou une décoration. Cette animation saisonnière propose des idées de cuisine, des moyens de réduction du gaspillage alimentaire … ça marche très bien !

Un « surplus café » à Oxford, une des initiatives suivies par Sustainable Food Places / Crédit photo : Hannah Fenton (DR)

Enfin, à Cardiff, un projet – Food and Fun, SHEP School Holiday Enrichment Program – a été lancé pour répondre à la précarité des élèves qui n’avaient plus accès à la cantine pendant les vacances. Des écoles ont été ouvertes pendant les vacances, accueillant certains élèves pour des activités pédagogiques et sportives mais avec un repas chaud et nutritif en prime. Les familles étaient même invitées à manger ensemble, ce qui créait du lien social, tout en employant des animateurs et des cuisiniers. Ca avait un impact nutritionnel bien sûr, mais aussi lié au décrochage scolaire. Ce programme a eu tellement de succès que le gouvernement gallois a décidé en 2015 de le financer à hauteur de 1,5 millions de livres pendant 3 ans, afin de le déployer dans l’ensemble du Pays de Galles.

Enfants participant au programme School Holiday Enrichment à Cardiff, au Pays de Galles / Crédit photo : FoodCardiff

On voit que les initiatives locales se sont multipliées ces dernières années. Sans doute en réponse à la fragilité du système alimentaire ?

En effet, il faut savoir que, même s’il y a des réseaux alternatifs, ou de la vente directe, 87% des produits consommés en alimentation viennent de la grande distribution, en France. Au Royaume Uni, c’est pire ! Et ce système n’est pas du tout résilient : il est basé sur une organisation en flux tendus, sans stocks, et dont les produits nous parviennent après plusieurs milliers de kilomètres de transport. S’il y a une rupture dans l’approvisionnement, s’il y a une grève des transporteurs routiers, ça peut être catastrophique. En 2 ou 3 jours, les rayons des supermarchés sont vides.

Le système alimentaire actuel n’est pas du tout résilient.

De plus, tout une partie de la population est exclue de ce système marchand, et elle dépend d’une aide [publique ou associative]. Et cette part de la population a augmenté de 30 à 50% pendant le Covid !

Au niveau environnemental, quelle est ton analyse ?

Il y a le fait que très peu de variétés soient cultivées : le blé, le maïs et le riz apportent 60% des calories que les humains consomment. Mais ces plantes sont généralement exploitées en monoculture, sur lesquelles le changement climatique multiplie les risques en termes de rendement. Les écarts liés aux variations de température ou de pluviosité sont de plus en plus grands. Et, d’une année sur l’autre, les cultures peuvent être davantage impactées. 

En outre, les “pollutions” liées aux modes de production font qu’il y a un épuisement des sols, une dégradation de la qualité des ressources en eau, et une hausse des émissions de gaz à effet de serre. La FAO [Food and Agriculture Organization, branche des Nations Unies] a dit en 2015 qu’au vu de l’appauvrissement des sols, il ne restait que 60 moissons avant qu’ils ne deviennent improductifs …

La trop faible diversité des céréales cultivées dans le monde est un facteur important de fragilité / Crédit photo : Miquel Pujol (Wikimedia Commons CC BY SA 3.0)

Comment les partenariats alimentaires que tu as facilités sont-ils une réponse à ce manque de résilience ?

Ils sont un moyen d’agir simultanément sur l’ensemble de ces problématiques de résilience à l’échelle d’un territoire. En étant en réseau, ils sont plus réactifs ce qui permet d’accélérer la transition des systèmes alimentaires. Le but est de créer un maillage territorial au Royaume-Uni, avec des partenariats locaux un peu partout, qui agissent comme un “filet de sécurité”. 

Le but est de créer un maillage territorial au Royaume-Uni qui agisse comme un “filet de sécurité”.

On a vu, pendant la crise du Covid-19 [début 2020], qu’il y a eu une réponse alimentaire beaucoup plus rapide là où il y avait ces partenariats locaux : mise en place de circuits courts, aide alimentaire d’urgence, récupération des produits des restaurateurs qui avaient dû fermer subitement … Parce que les acteurs se connaissaient déjà, que les réseaux de communication étaient en place, et qu’on avait déjà identifié les personnes vulnérables.

Le « Brighton and Hove Food Partnership », à Brighton, dans le Sussex, vise à aider les gens à mieux manger, à savoir cuisiner et à gaspiller moins de nourriture / Crédit photo : BHFP (DR)

Tu es de retour en France. La situation est-elle comparable avec le Royaume-Uni ?

Je pense qu’il y a ici une relation différente avec l’alimentation et l’agriculture. En France, le lien a été moins “perdu” entre les populations et leur alimentation, et les marchés locaux se sont mieux maintenus. 

Autre différence majeure : les collectivités jouent un rôle plus moteur sur les projets locaux. Alors qu’au Royaume-Uni, c’est surtout la société civile (individus, associations) qui porte cette dynamique. Conséquence : s’il y a plus d’innovation, plus de flexibilité au RU, les initiatives françaises sont probablement mieux financées, et se basent sur des outils institutionnels qui peuvent être puissants. 

Par exemple, les PAT [Projets Alimentaires Territoriaux] ont un fort potentiel. Parce que la matière est là pour que ça fonctionne. Mais, souvent, ils sont portés par les collectivités, et il pourrait y avoir plus de place et de représentativité à donner à la société civile. Dans certains cas, il y a des thématiques qui ne sont pas traitées au même titre que d’autres. Il me semble ainsi que des questions connexes à l’agriculture sont parfois sous traitées, comme celles liées à nos six thématiques – santé, environnement, précarité …

Lire l’entretien avec Jean-Pierre Buche : « le PAT veut montrer que la transition est possible »

Comment souhaiterais-tu agir sur le sujet, à titre personnel ?

Mon rêve serait de regrouper ces deux types de dynamiques : avoir du “grass roots”, une dynamique venant du bas, avec des leviers liés au financement public. Si, en plus, ces projets sont connectés au sein de réseaux notamment régionaux, et au niveau national, ça permettrait vraiment d’avancer rapidement.

Mon rêve : avoir du “grass roots”, une dynamique venant du bas, avec des leviers liés au financement public.

Et, bien sûr, je milite pour une approche plus systémique, impliquant les acteurs du territoire qui ont une vraie expertise sur le sujet. Mais cela prend du temps, et doit être bien organisé pour porter ses fruits. (…) C’est indissociable de politiques nationales et européennes qui viendront en soutien. Mais je reste persuadée que l’échelle locale est la plus à même d’être innovante et de porter des solutions, à condition d’être soutenue.

Les représentants du réseau Sustainable Food Cities en 2017 / Crédit photo : Sustainable Food Places

On termine sur l’Auvergne … quel ressenti as-tu depuis ton arrivée à Clermont ?

Je suis en Auvergne depuis fin août 2020. Je me suis rendu compte qu’il y a une dynamique assez forte au moins en centre-ville, avec des soirées thématiques associatives, sur les questions de résilience et d’alimentation. J’ai pu facilement identifier les lieux, les réseaux qui travaillent sur ces thématiques. Mais aussi, en se promenant en ville, on trouve pas mal d’options d’alimentation alternatives, que ce soit sur le végétarien, le local, les produits pas trop transformés … 

En Auvergne, il y a une dynamique assez forte sur les questions de résilience et d’alimentation.

Je pense qu’il y a une forte attache des gens d’ici pour leur territoire. Comme partout, ils se sentent attachés à leur lieu de vie. C’est normal, et ça explique en partie l’intérêt pour les questions de résilience. Mais ça ne se restreint pas à ces limites géographiques, il y a une capacité à penser au-delà de son périmètre. Et à s’inspirer d’exemples plus lointains pour les adapter chez soi.

Une des « Rencontres de la Résilience » organisées toutes les deux semaines, en présentiel ou en visio. Elles permettent de rencontrer et d’échanger avec des acteurs du département sur la résilience territoriale / Crédit photo : Théo Durand (DR)

Comment peux-tu participer à la dynamique de résilience alimentaire territoriale ici ?

Je discute beaucoup avec des acteurs un peu partout en France qui partagent ces réflexions et ambitions. Je travaille également avec la coopérative Pistyles basée à Lyon sur les questions d’agriculture urbaine. Mais j’aimerais bien aussi travailler avec des acteurs locaux en Auvergne.

Lire l’entretien avec Jean-François Moreau : « Quand l’Etat change la règle pour tout le monde, il n’y a pas de souci.« 

Il y aura des apprentissages intéressants à partir du système britannique, mais il ne sera bien sûr pas transposable tel quel en France. Cependant, on peut utiliser des innovations qui peuvent être adaptées ici. J’aimerais me rapprocher du PAT du Grand Clermont, je pense que leur démarche est très intéressante.

A nous de développer un autre modèle, mais en travaillant avec tout le monde.

Dernier point concernant les grandes entreprises du territoire : il faut les inclure dans les échanges mais surtout être vigilant sur leurs finalités. On ne peut pas rester dans une logique de croissance à tout prix et de marges fortes. A nous de développer un autre modèle, mais en travaillant avec tout le monde. Dans une logique de justice sociale, de relocalisation, d’écologie et de simplification de la chaîne de valeur.

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Propos recueillis le 7 octobre 2020, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigés par Alizée. Crédit photo de Une : éditeur