De la gestion de crise à la résilience territoriale : le grand écart

Comment un sujet managérial désormais classique peut-il être relié à la question de la résilience à long-terme, des enjeux territoriaux et de la transition ?


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Résumé de l’article

Voici les points principaux qu’il me semble intéressant de retenir ici. Chaque onglet vous propose un résumé et un lien vers la section de l’article où l’argument est développé.

Cellule de crise

Qui dit gestion de crise dit d’abord organisation, et préparation à l’avance. C’est le principe de la cellule de crise, qui doit être efficace, souple, réactive et communicante.

Le sujet est abordé par plusieurs intervenants tels que Marc-Alexis Roquejoffre sur la communication de crise et Bernard Barrera sur le modèle militaire.

Aller à l’intervention de Marc-Alexis Roquejoffre
Aller à l’intervention de Bernard Barrera
Communication et médias

C’est le fil rouge majeur de ce séminaire : comment bien communiquer, et bien maîtriser la communication en temps de crise.

Journaliste de profession, Marc-Alexis Roquejoffre revient régulièrement sur ce thème et l’aborde en introduction.

Mais les principaux développements sont proposés par Caroline Faillet sur les outils numériques pour bien communiquer, et par Patrick Poivre d’Arvor sur l’emballement médiatique.

Aller à l’intervention de Caroline Faillet
Aller à l’intervention de Patrick Poivre d’Arvor
Résilience

La résilience est, à l’origine, une notion de psychanalyse qui traite de la « reconstruction » des individus après un traumatisme.

Manuela Braud revient sur ce « mécanisme » interne, propre à chacun de nous. Il est progressif, long, collectif et autant cognitif qu’émotionnel.

Aller à l’intervention de Manuela Braud
Territoire

La notion de territoire n’est pas évoquée, spontanément, durant le séminaire.

Encore moins le sujet de résilience territoriale.

Pourtant, peut-on concevoir une entreprise résiliente sans un territoire à l’unisson ?

Sans doute l’écart entre « gestion de crise » – un sujet identifié en entreprise et déjà classique – et « résilience territoriale », est-il aujourd’hui trop important.

Néanmoins, plusieurs participants et intervenants au séminaire nous ont livré, à chaud, leur vision de la résilience territoriale. En « plein » ou en « creux », le constat est intéressant.

Aller au chapitre dédié sur le territoire

Et un album photo vous est proposé à la toute fin de l’article.

Pourquoi cet article ?

Le monde de l’entreprise semble plutôt hermétique aux questions de transition environnementale. Parce que la vision de la croissance économique est philosophiquement basée sur une utilisation de la nature comme une ressource, et une absence (ou très faible) prise en compte des externalités négatives – sociales comme environnementales.

Il y a bien sûr des exceptions, et même de plus en plus, mais le monde économique a encore du mal à prendre à bras-le-corps cette question. La plupart de ceux qui le font parient sur l’innovation technologique ou l’investissement. Pourquoi pas, mais c’est toujours une voie de continuité, si ce n’est d’accélération.

Ce qui m’intéresse ici est la prise en compte de la possibilité des chocs structurels, systémiques, d’origine environnementale, par les managers. Au-delà des risques « classiques » liés aux fluctuations économiques, géopolitiques, juridiques ou techniques, les chocs environnementaux sont-ils sérieusement considérés ?

J’ai eu l’opportunité d’assister le 17 septembre à un séminaire d’une journée à Vichy sur la question de la gestion de crise, organisée par Marc Production. C’était l’occasion de questionner les animateurs et participants sur le lien entre un domaine bien identifié dans le management – la gestion de crise – et une thématique sous-estimée mais qui revient sur le devant de la scène – la résilience territoriale.

La structure : Marc Production

Marc Production est une agence conseil en stratégie de communication, basée à Chamalières. L’équipe à taille humaine est pilotée par Marc-Alexis Roquejoffre, journaliste, réalisateur et animateur.

Marc Production propose aussi bien du conseil que de la réalisation de contenus vidéo, WebTV et des séminaires d’entreprise.

Voir le site web de Marc Production

Information sur notre prochain événement

Le « choc » du Covid-19 – exogène (globalement) à l’économie, difficile à prévoir et s’imposant à tous – a-t-il modifié la perspective des acteurs économiques face aux risques systémiques ?

Comment les décideurs, les managers et les collaborateurs sensibilisés à la gestion des risques peuvent-ils faire le lien entre les crises « classiques » que les entreprises connaissent, et ce nouveau type de menaces ?

Une trentaine de participants, tous issus d’entreprises ou d’acteurs publics auvergnats, étaient présents au séminaire sur la gestion de crise du 17 septembre / Crédit photo : éditeur

Gérer une crise, une approche efficace mais classique

Lors du séminaire du 17 septembre, j’ai eu la chance d’écouter plusieurs intervenants à la fois variés, pertinents et de haut niveau. Que peut-on apprendre de la gestion des risques en une journée ? Le contenu s’est orienté sur, principalement, trois axes

  1. La communication de crise – un tropisme naturel compte tenu de la qualité de journaliste de l’organisateur, Marc-Alexis Roquejoffre. Outre son propos liminaire, ce sujet fut traité en détail par Caroline Faillet (directrice du cabinet d’influence digitale Opinion Act) et par Patrick Poivre d’Arvor (que je ne vous présente pas)
  2. L’organisation de la « cellule de crise » – même si les noms peuvent varier, il est capital de disposer de process et d’une équipe efficace pendant la crise … ce qui se prépare bien avant, et s’analyse après. Tel était notamment le propos de Bernard Barrera, Major général de l’armée de terre
  3. La conception du risque et de la résilience – principalement vue au niveau individuel, ou du groupe humain, elle est issue de la psychanalyse. Durant le séminaire, c’est Manuela Braud, psychologue et chercheur, qui est revenue sur ce point, en insistant sur la notion de soutien, de collaboratif et de travail sur le long terme.

Je vous propose dans les sections ci-dessous un petit focus sur chaque intervenant et des interviews complémentaires de participants. Puis je vous dirai pourquoi tout ce qui a été m’a à la fois beaucoup intéressé mais aussi laissé sur ma faim, dans la seconde partie de ce reportage (#teaser)

Marc-Alexis Roquejoffre : la cellule de crise

Première intervention, sous forme d’introduction, par le maître de cérémonie et organisateur du séminaire : Marc-Alexis Roquejoffre. Le journaliste auvergnat, ancien de Clermont Première, est proche des réseaux d’entreprises – il est notamment rédacteur en chef du Journal de l’Eco.

Peut-être souhaite-t-il donner la tonalité du séminaire en débutant son introduction sur la notion d’une crise déstabilisante, perturbatrice, mais « qui nous pousse à de l’extra-ordinaire » et « amène à des comportements plus dynamiques ».

Introduction de Marc-Alexis Roquejoffre, sur la crise qui déstabilise et dynamise / Crédit photo : éditeur

En d’autres termes, la crise est inévitable, souvent imprévisible, il faut s’y préparer dans une certaine mesure … mais elle est aussi une opportunité de changement et de transformation.

Très vite, un des principaux « fils rouges » se met en place, autour de la stratégie de communication en gestion de crise. La clé réside dans la mise en place d’une cellule de crise, qui permettra d’organiser, de décider, d’échanger et de communiquer. Evidemment, cela se prépare en amont.

La crise nous pousse à de l’extra-ordinaire

Marc-Alexis Roquejoffre

Quelques points clé mis en avant par Marc-Alexis :

  • Savoir qui sera le porte-parole. « Pas forcément le PDG », insiste le journaliste, « qui n’est pas toujours celui qui s’exprimera le mieux … ou qui saura garder ses moyens » (petit frisson dans la salle). « L’important est de choisir celui qui pourra s’exprimer au nom du groupe quand ce sera ‘le’ moment », conclut-il.
  • Prévoir les questions difficiles : on sauve qui/quoi, on lâche qui/quoi ? La crise, c’est le moment des décisions rapides. « Forcément, il y aura des dégâts collatéraux » prévient Marc-Alexis.
20 minutes sur la cellule de crise et son rôle dans la communication, par Marc-Alexis Roquejoffre / Crédit photo : éditeur
  • Anticiper les besoins, faciliter la décision par des documents comme le PCA (Plan de Continuité d’Activité). « Ne vous surestimez pas, prévoyez un temps de détente, d’avoir de quoi manger, un vêtement de rechange pour être présentable devant les médias »
  • Et donc, savoir communiquer soi-même tout autant que vers les journalistes. « N’oubliez pas qu’en temps de crise, vous avez la possibilité d’activer vous-mêmes une communication » prévient Marc-Alexis.

Comme l’évoqueront plusieurs intervenants, les « retours d’expérience » post-événement sont indispensables pour analyser la crise et en tirer des points d’amélioration.

Résumé de cette introduction vue par Dominique Ezquerra, secrétaire générale de la CPME Puy-de-Dôme et participante au séminaire :

Manuela Braud : résilience et état d’esprit

Psychologue, coach et chercheur en Sciences Humaines à l’université de Nantes, Manuela vient apporter un éclairage plus scientifique au séminaire. Sa logique sera de partir du fonctionnement de l’individu (pensée, émotions) et d’aller vers l’organisation.

D’emblée, elle focalise sur la notion de traumatisme, « quand un débordement émotionnel fait que le cerveau ne peut plus gérer. » Ce sera elle qui développera la notion de résilience, issue du monde de la psychanalyse (avec Boris Cyrulnik, notamment). C’est là une problématique plus interne qu’externe, une manière de reprendre un pouvoir d’agir sur soi et sur la situation. Et cela prend du temps à se construire, après le trauma initial.

Manuela insiste sur la différence entre le coping, qui consiste à résister au stress – et qui se travaille avant la crise, et la résilience. Cette dernière est donc bien « un processus que l’on fait émerger » suite au traumatisme, distinct de l’anticipation.

Là aussi, comme pour Marc-Alexis, la reconstruction passe par un retour objectif sur le choc, et sur l’organisation qui l’a subi. Comme le résume Manuela : « La résilience, c’est savoir transformer ce qui est arrivé »

La résilience, c’est savoir transformer ce qui est arrivé.

Manuela Braud

Ainsi, la résilience individuelle :

  • se réalise en groupe. Il ne faut « pas hésiter à se faire aider », éventuellement par un « tuteur ». La solitude et la honte (de parler de ses faiblesses aux autres) sont de vrais facteurs de risque;
  • prend du temps, parfois des mois ou des années. Il faut « savoir transformer ce qui est arrivé », et c’est un processus de maturation interne;
  • représente une opportunité damélioration, « une chance de se reconstruire autrement » pour Manuela. On revient ici dans l’angle « positif » du séminaire. La résilience demandera alors de la créativité, de l’imagination, et de l’acceptation du changement.
Intervention de Manuela Braud, sur la résilience des individus à titre privé et dans l’organisation / Crédit photo : éditeur

Et en entreprise ? Il est contre-productif de véhiculer, pour le dirigeant ou le manager, une image d’invulnérabilité. « Cela coupe le lien avec les subordonné.es, qui ne viendront pas leur parler de ‘choses humaines' » insiste Manuela. Il faut ici savoir créer des liens, et même « accepter d’être en relation affective avec ses collaborateurs ».

Marion Lespine, directrice des relations extérieures du groupe Limagrain, était présente au séminaire. Elle résume ainsi ce qu’elle en retient, insistant sur l’importance de l’accompagnement :

Bernard Barrera : tactiques militaires

L’armée est le modèle d’efficacité par excellence. Sur le terrain militaire, face à l’ennemi, une erreur d’organisation peut coûter des vies humaines. Pour illustrer ce fonctionnement, Bernard Barrera est revenu sur son expérience de l’opération Serval au Mali (sur laquelle il a écrit un ouvrage de référence).

Retour d’expérience sur la gestion de cellule opérationnelle durant l’opération Serval, par le général Barrera / Crédit photo : éditeur

Il résume ainsi l’état-major sur le terrain d’une opération : « une machine à faire décider » qui doit « conduire la guerre, et surtout penser au coup d’après »

Voici les points que je retiendrai de son intervention :

  • l’importance du collectif, puisqu’une crise ne peut se gérer seul. La « cellule » doit être structurée, identifiée et préparée à l’avance, avec les bonnes personnes formées pour cela. Mais le collectif doit être mis à profit pour imaginer des solutions adaptées à la situation et croiser les points de vue ;
  • la présence d’un chef et un mode de commandement directif. Le chef ne doit cependant pas être sur le terrain : sa vision, sa « hauteur de vue » est capitale. C’est ce que le général a appelé « l’effet majeur », en d’autres termes l’objectif à atteindre, que le chef ne doit jamais perdre de vue et doit pouvoir transmettre à ses équipes. Mais le chef doit aussi être capable de gérer les rapports humains, et parfois de faire retomber la pression ;

L’humain a une importance capitale dans la gestion de crise

Bernard Barrera
  • la capacité à prendre des risques, à faire confiance à son instinct, puisqu’une crise ne se passe jamais comme prévu. Pour autant, il est nécessaire de prévoir le maximum de choses et notamment de lister, voire de répéter, les tâches à accomplir le jour J (et avant, et après) … sans pour autant se limiter à cela ;
  • enfin, la conduite de retours d’expérience, les RETEX militaires : après la crise, quels enseignements peut-on en tirer ? Comment modifier, améliorer, optimiser les process et l’organisation pour la prochaine fois ?

L’intervention de Bernard Barrera était passionnante de par l’unicité de son expérience. Néanmoins, je me suis demandé si la rigueur nécessaire à l’organisation évoquée, propre à une « culture militaire », peut se transposer dans le monde de l’entreprise … qui est constitué d’entités bien plus disparates que dans l’armée.

Combien d’entreprises pourront-elles s’organiser à la façon militaire ? Et en prenant le temps de le faire avant la crise ? / Crédit photo : éditeur

La majorité des intervenants ont, semble-t-il, été marqués par cette intervention. Comme le résume ci-dessous Dominique Ezquerra, secrétaire générale de la CPME Puy-de-Dôme : « c’est en temps de non-crise qu’il faut prendre le temps de se préparer »

Patrick Poivre d’Arvor et l’emballement médiatique

Célèbre journaliste, présentateur du JT du service public puis de TF1 pendant de nombreuses années (décennies), « PPDA » a connu et développé la résilience personnelle. En effet, il a souffert la perte de trois de ses enfants, ce qui lui permet de « mieux parler de la souffrance des autres ».

Mais on sent rapidement la tension dans le discours de l’homme de médias, quand il évoque la manière dont les médias ont traité (et continuent à le faire) la crise sanitaire du Covid-19. Cet exemple – d’actualité – constitue le gros de son intervention. Si l’analyse est pertinente et intéressante, et bien que je la partage, j’ai eu du mal à la relier au sujet de la gestion de crise.

Le propos de Patrick Poivre d’Arvor est donc d’illustrer la manière dont les médias gèrent désormais une crise majeure : mal. Après une introduction historique sur des pandémies passées, plus ou moins récentes, pour lesquelles « on n’avait jamais cherché un responsable », le journaliste insiste sur le rôle premier des médias : « remettre les choses dans le contexte »

Or, ils ont visiblement failli à cette mission de base à l’occasion de la crise sanitaire actuelle. Sans détailler, il est question de « course médiatique », de « concurrence exacerbée » (surtout sur les chaînes d’info continue), des experts « que l’on forçait à avoir une opinion », de la « réaction émotive plus que de l’information »

On n’est plus dans l’information mais dans la réaction émotive.

Patrick Poivre d’Arvor

Bref, un emballement de la machine médiatique, où « c’est le premier qui parle qui a raison », estime Patrick Poivre d’Arvor.

Patrick Poivre d’Arvor, de sa célèbre voix calme et posée, revient sur l’emballement médiatique autour du Covid-19 / Crédit photo : éditeur

J’espère que ce sujet sera traité demain par une école de journalisme, sur la base du témoignage d’une personne comme PPDA. Aujourd’hui, je ne sais pas si cela aidera sur la gestion de crise en entreprise. Cela dit, les propos de l’ancien présentateur de JT alimentent la réflexion générale sur la communication grand public, comme le résume Jean-Christophe Laourde, délégué CFE-CGC chez Michelin :

Caroline Faillet, l’art de la guerre numérique

Après les médias dits « traditionnels », plongée dans l’internet et les réseaux sociaux. Directrice du cabinet conseil en stratégie digitale Opinion Act, Caroline Faillet est très bien placée pour parler influence et lobbying numérique.

On revient donc ici dans du pratico-pratique, mais façon Web 3.0 (celui des data), pour gérer la communication de crise sans passer par les médias … et même parfois à leur attention.

Caroline Faillet analyse l’influence exercée par les réseaux sociaux / Crédit photo : éditeur

Elle catégorise ainsi six types d’outils numériques permettant un éventail d’actions pour la communication d’une entreprise:

  • Le fact checking avec Google et Twitter
  • L’expertise citoyenne avec Wikipédia
  • L’émotion (et la rumeur) avec Youtube
  • La propagation (et la manipulation) avec les réseaux sociaux
  • La revendication avec change.org
  • L’action juridique avec Citizencase

Selon la temporalité – pendant, juste après, ou bien après la crise – les outils à employer seront aussi différents, de Twitter à Wikipedia. Parfois, des simples pages web bien réalisées et bien référencées peuvent s’avérer très utiles. Tous conseils pratiques développés dans le livre de Caroline, « L’art de la guerre digitale« , chez Dunod.

Pour appuyer son propos, Caroline nous a proposé plusieurs études de cas. La plus intéressante m’a semblé être celle de l’accident de train de Brétigny-sur-Orge, le 12 juillet 2013, un des très rares exemples de déraillement mortel en France.

La stratégie de communication de crise de la SNCF a, selon elle, été particulièrement efficace – probablement parce que préparée en amont et déployée efficacement :

  • avec des images photo et vidéo préparées et fournies aux médias (qui ont toujours besoin de contenus);
  • avec des éléments techniques détaillés dans des schémas et des explications, permettant de mieux comprendre la complexité du dispositif – notamment la fameuse « éclisse« ;
  • avec une prise de parole du PDG de la SNCF, Guillaume Pépy, arrivé 2 heures après l’accident sur les lieux du drame. Sérieux, calme, en gilet orange, il déclare que l’entreprise « assumera toutes ses responsabilités ». Un bon exemple de « gestion de la dimension émotionnelle » d’après Caroline, vu que l’accident – mortel – réclamait la présence du patron de l’entreprise;
  • enfin, avec la gestion à long terme de la communication autour de l’accident, par l’ouverture d’un blog « Brétigny après l’accident« , ouvert aux commentaires « pour que les gens y évacuent leur stress quant à l’insécurité des trains », selon Caroline.

Aligner ce qui se dit dans l’opinion et ce sur quoi la cellule de crise communique.

Caroline Faillet

Dernier conseil de Caroline : « traiter le fond du sujet mais aussi sa forme, à savoir l’émotion générée ». La grande majorité des acteurs en situation de crise répondent uniquement sur le fond, or il faut adopter les bonnes postures de communication « qui apaisent ».

Les participants attentifs aux interventions / Crédit photo : éditeur

Au final, une intervention très pro, dense, utile, et bien illustrée par de nombreuses références qui « parlent » au public. Mais un léger malaise quand Caroline évoque des clients dans l’univers pharmaceutique, leur affirmant que « ils sont les mieux placés pour parler de maladie aux patients ». On est bien ici dans le monde de la communication, de l’autre côté du miroir journalistique. Il ne s’agit pas de savoir s’il est bien ou mal de communiquer sur tel message, mais de le faire avec efficacité. Soit.

***

Et donc, à part mes petits états d’âme, qu’est-ce qui me préoccupait tant avant d’entamer la synthèse des 5 interventions ? Réponse : une approche finalement assez classique de la crise organisationnelle. Aujourd’hui, on a beaucoup parlé process, mais très peu causes et risques auxquels peuvent être confrontés les entreprises.

C’est compréhensible vu la densité des contenus, la variété des participants et le temps assez court. Mais la conséquence est qu’on ne sait finalement pas bien ce qui peut nous tomber dessus. Le Covid-19 en a été un très bon exemple : même les organismes de veille et de recherche sur la résilience ne l’ont pas vu venir.

Lire l’entretien avec Nicolas Duracka : « on est obligé de changer de logiciel, et ce n’est pas facile ! »

Ce qui m’amène à reformuler la question de la résilience : comment les entreprises peuvent-elles se préparer à des crises et des chocs d’origine environnementale, qui toucheront autant elles-mêmes que leurs territoires ?

Et le territoire dans tout ça ?

Pauvre territoire, jamais évoqué spontanément. En tous cas, pas durant le séminaire. Nous sommes restés focalisés sur l’organisation, parfois en évoquant l’individu ou le contexte sociétal et économique (les autres acteurs comme les médias, les politiques, les géants du numérique …).

Je suis donc allé tirer les vers du nez des différents intervenants et participants sur cette question, en leur demandant comment ce qui avait été dit lors du séminaire pouvait faire écho à la notion de résilience territoriale.

Et là, il y a eu plusieurs « écoles ».

La proximité, facteur de résilience

L’approche institutionnelle, mais intéressante et sans doute pertinente, consiste à résumer un territoire comme le lieu où les gens se connaissent.

C’est notamment le point de Claude Barbin, président de la CCI du Puy-de-Dôme et participant au séminaire, qui le résume ainsi : « quand la crise arrive, un territoire a une capacité de résilience plus forte quand les gens se connaissent, parce qu’ils savent ce que vivent les autres »

Même analyse du côté de notre hôte, Marc-Alexis Roquejoffre, qui insiste toutefois sur la nécessité du « donnant-donnant » entre les entreprises et leur territoire : « ce n’est pas le territoire qui fera la résilience, ce sont les entreprises qui entreront en résilience et qui transformeront ainsi leur territoire. »

L’approche pragmatique

Et si la résilience territoriale se traitait finalement comme la gestion de crise au niveau d’une organisation, mais en plus grand ? C’est le point de vue développé par deux des intervenants.

Ainsi, Bernard Barrera évoque les risques structurels auxquels font face les territoires, et estime qu’ils peuvent être traités par les mêmes procédés que la cellule de crise opérationnelle évoquée plus haut :

Caroline Faillet, quant à elle, insiste sur les enjeux d’une communication grand public dans le cas d’une crise territoriale – puisque, mécaniquement, plus de gens seront concernés que pour une organisation. Néanmoins, elle revient sur les trois outils numériques permettant de gérer la communication selon la bonne temporalité :

Le territoire, condition de la résilience

Plus rares sont les participants conscients du lien intrinsèque entre résilience organisationnelle et résilience territoriale (mais je n’ai pas interviewé tout le monde, hélas).

Une bonne synthèse nous est proposée par Jean-Christophe Laourde de Michelin : « une entreprise résiliente dans un territoire qui ne l’est pas, ça ne l’aidera pas. Car il y a toujours des liens [entre les deux niveaux] dans une crise majeure »

Recherche oblige, c’est Manuela Braud qui fournit le plus de détails sur le rôle majeur que peut avoir le territoire, la communauté, ou plus généralement le contexte pour favoriser la résilience de l’individu. Avec les incertitudes liées aux chocs environnementaux à venir (fréquence, force, type de chocs …), « il faut impérativement inclure les projections environnementales dans la résilience à long terme pour la rendre pertinente »

C’est cette approche qui me semble la plus aboutie, parce qu’elle intègre pleinement le territoire et sa nécessaire résilience comme condition de la survie à long terme – et même du changement – des entreprises et de l’ensemble de ses acteurs soccio-économiques. Là proximité évoquée plus haut en est une composante essentielle, mais non suffisante.

Lire l’entretien avec Olivier Bianchi : « corriger ce qu’on peut, préparer la gestion de crise »

Un sujet pas assez identifié

Dernière approche, celle des personnes soit réticentes à s’exprimer sur la thématique de la résilience territoriale, soit celles qui n’identifient pas spontanément les risques systémiques de demain, liés à l’environnement.

Je ne veux pas minimiser les autres types de risques – sociétaux, économiques – mais j’insiste ici sur ce qui me semble être la catégorie de risques majeurs en très forte croissance, et avec un degré d’incertitude et un potentiel d’impact énormes. Donc, les risques environnementaux.

Pourquoi ces risques ne sont pas toujours identifiés comme tels, ou en tous cas spontanément cités lorsque l’on évoque la résilience territoriale ? Les causes sont probablement multiples et ce n’est pas vraiment le sujet ici … mais on peut penser à une question générationnelle (moins d’intérêt dans l’avenir), à une vision encore verticale et non systémique (approche uniquement économique ou institutionnelle, par exemple), ou à une réticence à utiliser des termes galvaudés*.

***

Pour conclure, ce séminaire de grande qualité fut une excellente entrée en matière sur le thème de la gestion de crise … et, en « plein » ou en « creux », à la résilience territoriale.

Excellente car il était dense, court, varié dans ses contenus (quoique un peu trop orienté « communication » à mon sens) et surtout dans ses participants : nous avions ce 17 septembre 2020 à Vichy une trentaine de représentants d’acteurs économiques auvergnats suffisamment intéressés par le sujet pour y passer une journée à plusieurs centaines d’euros.

Cette diversité m’a permis d’avoir un premier aperçu, certes approximatif, des « ponts » à jeter sur l’abîme entre les crises que pense devoir affronter une entreprise au cours de son existence, et les chocs qui risquent bien d’arriver dans les prochaines décennies, sinon années. Des grands frères du Covid-19, pour la plupart.

Les acteurs économiques locaux sont en tous cas demandeurs sur le sujet de la gestion de crise. Pour citer Virginie Rossigneux, coach** et participante au séminaire : « Il y a un vrai besoin de trouver des solutions à un problème complexe ». Il faut donc poursuivre l’action de sensibilisation initiée à Vichy, et la faire évoluer dans le bon sens.

Je repars donc avec le souhait de poursuivre ce « fil » thématique des entreprises dans la résilience territoriale, en étudiant davantage dans les mois qui viennent la « clé d’entrée » de la gestion de crise :

– comment elle est envisagée et préparée (le cas échéant) dans les entreprises et acteurs publics du territoire auvergnat;
– comment les organismes de recherche et d’enseignement abordent le sujet, et – sans doute – le font évoluer;

Et, enfin, quelles sont les prochaines étapes pour sensibiliser, former et préparer les acteurs économiques du territoire aux conséquences des ruptures environnementales à venir … ce qui inclut une dimension de « réparation ».

Damien

*comme « résilience » ou « transition » … mais n’est-ce pas la rançon du succès, ce qui arrive à tout terme dont l’usage se répand et qui finit par être utilisé dans de trop nombreuses situations ?
**Virginie est également mon associée dans une offre d’accompagnement de groupes humains à la résilience, Sens9

Pour aller plus loin :
La page « prévention des risques majeurs » proposée par le gouvernement

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Contenus réalisés sur place le 17 septembre. Merci à Marc-Alexis Roquejoffre et à son équipe, et bien sûr aux intervenants et aux participants pour leur disponibilité. Crédit photo de Une : éditeur

Les intervenants au séminaire de gestion de crise du 17 septembre 2020 / Crédit photo : éditeur

Album photo du séminaire

Voici les photos que j’ai prises lors de cet événement, incluant le temps du déjeuner où nous avons pu échanger de manière plus informelle avec chacun des intervenants.

Pour accéder à l’album photo en ligne, c’est par ici !