Où faire ses courses pour soutenir les agriculteurs

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Manger sans (Du)plomb #1/3 – Peut-on manger sain en soutenant les producteurs locaux ? Profitons du débat de l’été et de la rentrée pour réorganiser notre façon de nous nourrir. Trucs, tips et bonnes adresses pour mettre en cohérence notre cerveau et notre estomac.

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

Paradoxalement, le débat de l’été sur la loi Duplomb a ouvert la voie à une avancée possible vers un modèle de société plus durable et solide. Car les partisans du retour de pesticides interdits et du classement « intérêt général » des mégabassines ont renvoyé aux opposants à cette loi, à défaut d’arguments scientifiques crédibles, une question qui nous interpelle tous : êtes-vous prêts à vivre sans pâte à tartiner industrielle ?

Non, je rigole. Cet argument-là, avancé par une députée puis abondamment repris par les pro-loi Duplomb, me semble ridicule et bon tout au plus à faire de la pub pour ce produit qui n’en a pas besoin. Mais plus globalement, la question de mettre en cohérence notre volonté de préserver notre santé, la biodiversité et la planète, avec notre façon de nous nourrir, est plus sérieuse. Dans un monde où tout est fait, en termes de marketing, de matraquage publicitaire, de packaging attirant (visant souvent en premier lieu les enfants), d’organisation de la ville pour drainer les consommateurs vers les grandes surfaces, il n’est pas si facile de respecter cette cohérence.

Mais la question, la loi adoptée en dépit du bon sens parlementaire et la réaction qu’elle a suscitée nous invitent à considérer que le sujet agriculture-alimentation est un vrai sujet de société, où chacun doit pouvoir défendre son point de vue, ses contraintes, et entendre les autres points de vue.

Un constat pour finir : il y a pléthore de façons de soutenir concrètement les agriculteurs sans passer par la case agro-industrie. En commençant à les lister rien que pour le Puy-de-Dôme, je pensais faire un article. Finalement il y en aura trois.

Marie-Pierre

Trois infos express   [cliquer pour dérouler]

  • Pour soutenir les agriculteurs du territoire, le mieux est de se fournir directement auprès d’eux, en circuit court. Notre département peut fournir quasiment tous les types de produits alimentaires. Vous pouvez en trouver directement à la ferme, mais aussi sur les marchés, en Amap, sur abonnement à des paniers hebdomadaires ou en magasins de producteurs.
  • Cet article vous suggère quelques adresses, mais des cartes, listes et annuaires les recensent de façon plus complète. Le bouche-à-oreille peut aussi vous guider. Ainsi que les pancartes à l’entrée des fermes, sur les petites routes de campagne.
  • Si ces solutions de vente directe vous semblent compliquées, vous avez encore l’option des supérettes et petits magasins bio, primeurs ou épiceries, de quartier ou de village. Là où les enseignes commerciales ne se sont pas implantées ou ont fermé leurs portes, il existe de belles initiatives d’épiceries associatives gérées par des bénévoles.

Si le citoyen ne peut pas changer le monde, il peut au moins changer son assiette. S’il veut manger sainement en soutenant une agriculture locale, respectueuse de l’environnement et permettant aux producteurs de vivre correctement, il a de multiples possibilités de le faire. Dans notre département où la variété des territoires permet de produire pratiquement tout le nécessaire, il a même l’embarras du choix.

Facile à dire, certes. Car dans un monde (encore) organisé pour qu’il soit hyper-facile de manger des aliments transformés industriellement et souvent importés, on a tous expérimenté que manger bio, local et de saison, c’est cher, c’est chronophage, il faut pouvoir trouver, il faut savoir, il faut aimer les légumes, il faut connaître la saisonnalité, il faut s’organiser…

Pas si simple, finalement. Tikographie vous donne un coup de main pour faciliter cette mutation de votre alimentation.

1. Ça pousse près de chez vous

La notion de circuit court, ce n’est pas une question de distance mais de réduction des intermédiaires. Le circuit le plus court est donc… la vente directe. Bonne nouvelle : les petits ou même moyens producteurs ne manquent pas dans notre département et à part les produits vraiment exotiques, on peut se procurer de presque tout : légumes, fruits, viande et produits laitiers, céréales, miel, confitures…

Panneau indiquant un point de vente directe à la ferme
En parcourant les petites routes de campagne dans vos balades du week-end, vous croiserez de nombreux panneaux signalant la vente directe de toutes sortes de denrées.

Se déplacer jusqu’à la ferme proche si on habite à la campagne ou profiter de ses balades pour faire le plein de produits frais permet de trouver des aliments de qualité à un coût raisonnable, puisque vous n’aurez pas à payer les intermédiaires – grossistes, négociants, transformateurs, transporteurs, distributeurs…

Bien sûr, ça peut être chronophage d’aller faire le tour des fermes. Mais le croiriez-vous ? les fermes peuvent aussi venir à vous. Et de plein de façons différentes.

2. Joindre l’utile au pittoresque

La plus classique et ancestrale, ce sont les marchés. Vous y trouverez aussi des revendeurs, mais les agriculteurs qui proposent leur propre production sont nombreux sur tous les rendez-vous hebdomadaires de quartier ou de village. Ce sont des moments de vie colorée et parfois pittoresque, de convivialité, de gourmandise et de curiosité.

On pourra aimer flâner dans les grands marchés réputés comme ceux de Billom, Riom, Issoire ou Aubière, ou soutenir les producteurs qui s’efforcent de maintenir de la vente de proximité sur de tout petits rendez-vous à trois ou quatre étals.

Etal de producteur local sur le marché d'Issoire
Sur le marché du samedi à Issoire, fin août. Des produits locaux, de l’ambiance et du pittoresque : de quoi mettre en appétit !

Si on veut s’assurer de la qualité des produits, on se rendra sur un des marchés de producteurs bio du département : le vendredi à Orcet, Volvic et (une semaine sur deux) Moissat, le mardi à La Bourboule. Depuis juin, ils ont même un petit frère qui s’est installé les jeudis à Mur-sur-Allier. Et on retrouve aussi un dimanche sur deux le marché bio de la place de Jaude à Clermont.

Equipez-vous d’un panier ou du caddy à roulettes autrefois monopole des petites mamies mais redevenu tendance. Et laissez-vous guider par les bonnes odeurs, la longueur de la file d’attente ou l’inspiration du moment.

Lire aussi ces deux portraits de producteurs que vous aurez l’occasion de croiser sur certains marchés du Puy-de-Dôme : « Pour adapter les cultures, Rémi Pilon expérimente des fruits bizarres » et « La famille Porteilla réinvente le sens de la vie à la ferme »

Lectures d’été : demandez la Biblitikographie !

En 2024, nous avons publié un petit texte numérique (format PDF) rassemblant une liste d’oeuvres livresques ou bédéesques sur l’écologie et les territoires, recommandées par la communauté et la rédaction Tiko. Pour bronzer futé, malin et clever, vous pouvez vous la procurer en payant, ou sans payer, mais de toute façons en nous soutenant (teaser)…

3. Le rendez-vous du panier

Si vous n’aimez pas les foules ou les courses en extérieur, vous pouvez opter pour l’inscription à une Amap ou à un système de paniers hebdomadaires. Il faut se souvenir que « Amap » est un acronyme signifiant « association pour le maintien d’une agriculture paysanne » : ça tombe bien ! Vous en trouverez forcément une pas trop loin de chez vous.

Ces systèmes de vente directe groupée ont été imaginés pour assurer une viabilité aux producteurs locaux. Ils reposent sur un engagement des consommateurs et un vrai lien créé avec leurs fournisseurs. Le département en compte une bonne vingtaine, dont vous trouverez la liste plus ou moins complète sur différents sites, par exemple ici.

Le contenu de mon panier hebdomadaire
Dans mon village qui n’a plus de commerce, Xavier, maraîcher aux Martres-de-Veyre, propose chaque semaine un assortiment de légumes sur commande, ainsi que des œufs en dépôt à la miellerie.

La vente directe peut aussi prendre la forme de paniers, de légumes surtout, livrés par certains producteurs dans des points de retrait ou sur place à la ferme. Sur abonnement, à la carte, en ligne… chacun a sa (ou ses) formules. Le plus connu dans l’agglomération clermontoise est le Biau Jardin, maraîcher bio qui est aussi une entreprise d’insertion à Gerzat, livrant ses paniers dans de nombreux lieux, de Riom à Vic-le-Comte, de Billom à La Bourboule.

Son voisin le Pré-du-Puy fonctionne plutôt en format click-and-collect, livre des Amaps et des paniers en entreprises. L’un et l’autre ont aussi, chacun sur place, une boutique-épicerie à la ferme. D’autres maraîchers peuvent vous proposer ce type de services : tendez l’oreille autour de vous pour les connaître (message personnel : merci à Xavier qui dépose chaque semaine ses savoureux paniers à la miellerie de mon village, que je remercie aussi pour cette initiative).

4. La carte et le terroir

Dernière info sur la vente directe : si le bouche-à-oreille ne vous suffit pas pour trouver les bons plans près de chez vous, différentes initiatives les recensent pour vous. Vous y trouverez des adresses en partie communes d’un site à l’autre, mais avec des services, infos et bons plans complémentaires. À vous de choisir celui qui vous convient.

Par exemple, l’association Bio63, branche locale de la fédération des petits producteurs bio, édite une très riche carte de bonnes adresses, disponible en version imprimée ou téléchargeable ici. Producteurs en vente directe, marchés, magasins… trouvez-y des produits frais, des pâtes maisons, des glaces locales, des truites, des champignons, le pain et le fromage du casse-croûte, les biscuits du goûter…

Marchande d'oeufs sur un marché.
Où trouver des œufs produits localement ? Des légumes, du pain, des crèmes glacées…? De nombreuses cartes et annuaires vous guideront.

Le site (national) Locavor fonctionne un peu comme une Amap, avec des points de retrait et des producteurs partenaires en proximité. Son point fort revendiqué est de lutter contre le gaspillage alimentaire en ne livrant que ce qui est commandé. Et il met en évidence – principe du locavorisme – la distance entre le producteur et vous. Dans le Puy-de-Dôme, il recense près de 200 producteurs et une quinzaine de points de distribution.

Le Conseil départemental propose lui aussi un site internet recensant les bonnes adresses de vente directe : De nos fermes vous oriente vers 263 producteurs fermiers et 168 points de vente. C’est dire si on n’a pas nécessairement besoin d’aller se nourrir de tomates de Hollande, de cabillaud hongrois ou de camembert de Tasmanie.

En complément, on pourra aussi se référer à la carte des initiatives Alternatiba 63 qui recense des bonnes adresses de toutes sortes, pas seulement alimentaires, allant dans le sens de modes de vie soutenables dans notre département.

« Livre et environnement, quel rapport ?« 

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5. Poussez la bonne porte

Les producteurs locaux ne sont pas seulement sur leurs fermes ou sur les marchés, ils sont aussi en magasin. Alors que les épiceries de village ou de quartier à l’ancienne se sont raréfiées depuis l’avènement des grandes surfaces, de nouvelles formules sont expérimentées aujourd’hui en proximité, et pas seulement sous l’étiquette des grandes enseignes alimentaires.

Pour rester dans le circuit ultra-court, commençons par mentionner les magasins de producteurs. Le principe est simple : des agriculteurs d’un même secteur géographique se groupent pour ouvrir une boutique où ils vendent la production de leurs exploitations. Il en existe au moins quatre dans le Puy-de-Dôme : Le Local à Ambert, La Paysanne Rit à Issoire, Bio Massif à Besse, La Jonquille à Laqueuille.

L'entrée du magasin de producteurs de Besse
« 100% bio local producteurs » : une valeur sûre pour s’approvisionner, à l’entrée du village de Besse.

Variante de cette formule, parfois c’est un agriculteur unique qui ouvre une boutique mais vend aussi en complément la production d’autres fermiers du coin. Exemples : la Ferme de la Comté à Vic-le-Comte, dont le paysan-boulanger commercialise aussi de savoureux fromages, viandes et autres délices du terroir local, ou les Délices de Limagne à Thuret, qui vend ses propres pâtes, farines et légumes secs, mais pas seulement.

6. Consommateurs-vendeurs

Quand ce n’est pas l’agriculteur lui-même qui vend ses produits locaux, ça peut aussi être le consommateur. « S’il manque dans notre quartier ou dans notre village l’épicerie de nos rêves, créons-là ! », se sont dit un jour des habitants de Sauxillanges (les pionniers), de Loubeyrat, de Saint-Jean-des-Ollières et même de Clermont-Ferrand. C’est ainsi que les uns ont créé L’Alternateur, les autres Loub’épices ou encore la Coop des Dômes, le Cellier de Saint-Jean.

L'épicerie Loub'épices
Le rayon fruits et légumes de l’épicerie associative Loub’épices à Loubeyrat, tenue et gérée entièrement par des bénévoles.

Ces magasins associatifs ont pour point commun d’être gérés par des bénévoles, qui se relaient à la caisse, se partagent les tâches de gestion, de commandes, de recherche de fournisseurs, etc., en donnant chacun quelques heures par mois. L’avantage pour les consommateurs : un commerce de proximité là où ils ont disparu et des produits pas trop chers car ils n’ont ni salaires à payer (ou peu), ni marges à dégager. En général, ils en profitent pour privilégier, à un prix intéressant pour le fournisseur et pour le consommateur, des produits locaux et de qualité.

Lire aussi les reportages sur deux épiceries associatives : « Coop des Dômes : une histoire de solidarité et de résilience » pour la version urbaine et « Épicerie associative de Loubeyrat : le plaisir de faire ses courses au village » pour la version rurale.

7. Super supérettes

Pas d’épicerie associative à l’horizon de votre quartier ou de votre village ? Il vous reste la ressource, plus répandue, des petits magasins et supérettes bio. Le poids lourd du secteur est la chaîne Biocoop, présente dans notre département à Riom, Clermont, Lempdes et Issoire. D’autres enseignes nationales sont présentes aussi, comme Satoriz ou l’Eau Vive. Sans compter les grands ou petits indépendants qui fleurissent un peu partout, au moins dans ou à proximité des villes. Difficile de les citer tous, mais vous en trouverez au moins à Clermont, Thiers, Ambert, Vic-le-Comte, Billom, Riom, Courpière, Pontaumur, Issoire, Peschadoires…

On sort de la vente directe, mais beaucoup font des efforts pour s’approvisionner en proximité. Avantage (partagé avec les épiceries associatives) : vous y trouverez aussi des produits qui viennent de plus loin et qui ne poussent pas ou ne se fabriquent pas chez nous. Soutenir vos voisins agriculteurs ne vous empêche pas de soutenir aussi les agriculteurs d’ailleurs. Pour cela, mieux vaut aussi s’assurer qu’ils soient labellisés équitables. Petite astuce : on commence à trouver dans les rayons du chocolat, du thé ou du café importé par bateau à voile, notamment ceux de la marque pionnière Grains de Sail. Ça reste encore anecdotique, mais c’est à saluer si vous êtes puristes.

Magasin bio à Ambert
En complément du magasin de producteurs Le Local, les Ambertois disposent d’un magasin bio en centre-ville.

Et puis bien sûr, si vous n’avez pas le choix ou si vous êtes accros aux temples de la consommation, il vous reste les grandes surfaces. N’hésitez pas à acheter bio ou à repérer les produits locaux. Elles peuvent toutes en proposer, mais disent généralement le faire (peu) en fonction de la demande des clients. Raison de plus pour le leur demander.

Vous voilà parés pour individuellement manger mieux ET soutenir l’agriculture. Mais ce ne sera peut-être pas suffisant. On peut aller encore plus loin par des engagements collectifs. Parlons-en dans le prochain article.

La suite dans une semaine : « Manger sain, local et… solidaire »

Reportage (texte et photos) Marie-Pierre Demarty, réalisé durant l’été 2025. À la une : Sur le marché d’Issoire, un des nombreux producteurs locaux qu’on peut y trouver.

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