Avec Stéphane Cordobes, l’Agence d’Urbanisme s’oriente vers l’écologie et la culture

Le directeur général de l’Agence d’Urbanisme – désormais « Clermont Massif Central » – revient sur la nécessite d’engager les territoires dans une « réorientation écologique ». Selon lui, la dimension culturelle est un levier essentiel.


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Le ressenti de l’auteur

L’Agence d’Urbanisme a toujours été, sur Clermont, un acteur capital de l’accompagnement des territoires à la transition écologique. J’étais souvent en contact avec elle au sujet des contenus qu’ils produisaient et des données qu’ils faisaient remonter du terrain – par exemple dans le cadre de l’observatoire des mobilités. Elle permet ainsi d’étayer de nombreuses politiques publiques locales et de justifier certains aménagements et travaux d’urbanisme.

Les premières années de Tikographie m’avaient ainsi fait interviewer les deux précédents directeurs de l’Agence : Rachid Kander, puis Charles Hazet. Vous trouverez les liens des entretiens ci-dessous. Il est intéressant de voir comment les stratégies et même les « valeurs » centrales évoluent, d’une personne à une autre mais aussi d’une époque à une autre.

Aujourd’hui, Stéphane Cordobes s’engage résolument sur l’adaptation des territoires à l’anthropocène avec la notion de « réorientation écologique », mais aussi l’extension du périmètre géographique, le travail sur l’ingénierie territoriale ou encore la mise en avant de la dimension culturelle au sens large. On sent que les choses bougent et que les acteurs locaux se positionnent autour de cette question, même si les rôles de chacun ne sont pas encore bien clairs – je pense aux structures d’accompagnement du monde de la recherche, très sollicitées dans ce cadre.

Damien

Lire l’entretien (2020) : Pour Rachid Kander, « l’idéal, c’est la Métropole multi-polaire »
Lire l’entretien (2021) : Charles Hazet, ou l’urbanisme à l’heure des limites planétaires

Les principaux points à retenir

  1. En tant que philosophe de formation, Stéphane accorde une grande importance aux mots et à ce qu’ils véhiculent. C’est pourquoi il milite pour la notion de « réorientation écologique » qui fait écho, positivement, à la « désorientation » que l’anthropocène produit sur nos cadres de vie et de pensée. Il compare ainsi le moment présent à la Renaissance, quand la place occupée par l’humanité fut fondamentalement reconsidérée.
  2. De même, il constate l’effet de sidération du dérèglement climatique sur les acteurs des territoires. Actant l’étiolement du mythe du progrès et de l’Etat protecteur, il encourage à reconnaître la vulnérabilité intrinsèque des territoires, dont les différentes composantes – urbanistiques ou plus naturelles – deviendront un axe de travail pour l’Agence d’Urbanisme qu’il dirige. C’est ce qui, selon lui, justifie une extension du champ d’action de l’Agence.
  3. En tant qu’enseignant-chercheur et prospectiviste, Stéphane souhaite un rapprochement avec les acteurs du monde de la recherche. La question de la production de savoirs est fondamentale dans la réorientation écologique, et de nombreuses expertises sont nécessaires. Pour autant, il ne s’agit pas de les internaliser dans l’Agence, qui se positionne plus comme un « traducteur« . D’où les partenariats noués avec de nombreuses structures locales dans différents domaines, et l’obtention d’un financement national pour monter une plateforme « POPSU »
  4. La réorganisation de l’Agence s’est aussi opérée en interne, avec quatre axes de travail incluant désormais la prospective, la médiation scientifique et l’animation du débat public. Stéphane insiste pour voir l’agence comme un lieu d’échanges et de débat au-delà de la production de contenus et de l’accompagnement. La réorientation écologique prend ainsi une place croissante dans la programmation événementielle et dans les publications.
  5. Autre modification structurelle : l’extension à l’échelle du Massif Central. Il s’agit, dans ce cas, d’apporter des ressources de sensibilisation et d’animation de groupe, ou de l’accompagnement court – car le travail en ingénierie de projet n’est pas réalisable à l’échelle du massif entier. Un rapprochement avec le commissariat de massif est en cours à ce sujet.
  6. Enfin, Stéphane souhaite travailler sur la notion de culture – au sens large, dans le sens de notre manière d’habiter les territoires – qui a, selon lui, un rôle capital dans la réorientation écologique. Il a ainsi programmé la rencontre nationale des agences d’urbanisme à Clermont, sur ce thème, en novembre 2023. Il collabore également à la candidature Clermont Capitale Culturelle Européenne 2028, en souhaitant que celle-ci soit un moyen de répondre au « défi anthropocène ». Il opère aussi un rapprochement avec les acteurs du monde culturel et artistique, et souhaite les faire participer à un travail de fond sur les imaginaires.

L’intervenant : Stéphane Cordobes

Directeur général de l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif Central ; prospectiviste ; photographe

Philosophe et géographe de formation, Stéphane Cordobes a travaillé très tôt sur les questions d’aménagement du territoire. Sur les vingt dernières années, il a concilié un travail en cabinet de conseil, auprès de l’Agence nationale de la Cohésion des Territoires puis en agence d’urbanisme sur le terrain. Il a également dirigé plusieurs travaux de prospective, dont Territoires 2040 pour la DATAR.

En parallèle, Stéphane a poursuivi une activité de recherche et d’enseignement, notamment à l’école urbaine de Lyon. « J’ai une vraie appétence pour la recherche », concède-t-il, insistant sur la question des savoirs dans la réorientation écologique. Plus globalement, il oriente ses travaux de recherche sur la manière dont l’anthropocène oblige à repenser les politiques territoriales.

En 2022, Stéphane prend la direction générale de l’Agence d’Urbanisme Clermont-Métropole, qu’il rebaptise « Clermont Massif Central » en étendant son périmètre. Il l’oriente également vers les sujets de l’écologie (à travers la notion de réorientation, qu’il défend) et de culture (Stéphane est par ailleurs photographe)

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La structure : Agence d’Urbanisme Clermont Massif Central

Association basée à Clermont et accompagnant les acteurs territoriaux sur les enjeux d’urbanisme, d’aménagement du territoire et de transition écologique.


Association créée en 1998 à Clermont-Ferrand, l’Agence d’Urbanisme Clermont-Massif Central [AUCM] est d’abord focalisée sur le territoire clermontois, avant de s’ouvrir en 2022 aux collectivités et acteurs du Massif Central. Son travail consiste à réaliser des travaux d’observation, de prospective, d’études et de production de contenus – mais aussi d’accompagnement d’acteurs locaux (collectivités, institutionnels) et d’ingénierie territoriale.

Elle cherche ainsi à faire dialoguer une variété de structures du territoires, incluant celles de la recherche, dans le cadre d’une « réorientation écologique » et d’une prise en compte transversale de l’impact de l’anthropocène sur les territoires.

Dirigée depuis 2022 par Stéphane Cordobes, l’AUCM compte 25 collaborateurs. Elle est présidée par Grégory Bernard.

En novembre 2023, elle accueillera la rencontre nationale des agences d’urbanisme à Clermont, et mettra l’accent sur les questions culturelles. Cet axe de travail est prioritaire dans la nouvelle stratégie de l’Agence (en cours d’élaboration), la faisant prendre partie au sein de la candidature Clermont Capitale Culturelle Européenne 2028.

    Voir le site web de l’Agence d’Urbanisme Clermont Massif Central


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    Tu préfères parler de “réorientation” écologique plutôt que de transition ou de résilience, pourquoi ?

    Ces mots “transition” et “résilience” me déplaisent, même si je préfère qu’on les utilise à défaut de rien. Mais il faut prendre garde au sens véhiculé par ces termes. Ma formation première est la philosophie et  je suis sensible au fait que les mots renvoient à des idéologies spécifiques.

    La “transition”, par exemple, est devenue la “politique de transition”, souvent sectorielle – transition énergétique, transition de l’habitat… Il n’y a pas un secteur qui ne mette en œuvre sa propre transition. Avec cette logique sectorielle, on risque de passer à côté de la dimension globale du changement auquel nous devons faire face ! On ne résoudra pas le problème uniquement à travers des approches technico-politiques et segmentées.

    La “résilience”, de son côté, donne l’impression que le changement s’opère autour d’une crise passagère. Et que le but est de retrouver un équilibre antérieur. Or, le dérèglement environnemental que l’on vit n’est pas passager ! Il conduit à nous interroger fondamentalement sur la place que l’on occupe dans le système-Terre et sur les régimes d’habitation de l’homme sur la planète. 

    Lire l’entretien : Pour Emmanuel Bonnet, « le futur doit avant tout être vivable et plausible »

    Quelle valeur places-tu dans le terme “réorientation” ?

    On entre dans un processus d’adaptation et de réinvention qui va prendre de nombreuses années. On peut faire référence à Kant quand il parlait de révolution copernicienne. Une telle révolution chamboule la place de l’homme dans l’univers : elle désoriente, car les cadres de pensée ne sont soudainement plus adaptés à la réalité. C’est aujourd’hui le cas avec l’anthropocène.

    L’humanité a déjà traversé des moments forts, des époques de bouleversements, au cours desquelles elle a adopté de nouvelles représentations de la réalité. C’était le cas à la Renaissance, par exemple. A chacune de ces désorientations initiales doivent répondre des processus de réorientation :  ce qui rassure par rapport au trouble actuel c’est que l’espèce humaine est en général très inventive pour se donner de nouveaux cadres.

    « Avec cette logique sectorielle [de la transition], on risque de passer à côté de la dimension globale du changement auquel nous devons faire face « 

    Avec l’anthropocène, ma conviction est que nous vivons un tel moment de transformations profondes et que nous nous engageons, bon gré mal gré, dans une réorientation écologique. Aujourd’hui, on est encore dans la désorientation, et on n’aperçoit pas encore les nouveaux mondes qui restent à inventer. Le retour des vulnérabilités et les menaces sur l’habitabilité-même de la planète sont vertigineux. 

    Sans être adepte des théories de l’effondrement du monde – la fin de notre espèce – on ne peut nier la sidération que provoque la situation actuelle. Le risque serait de rester figé et de ne pas agir. Dans les territoires, tous les élus avec lesquels j’échange, maintenant convaincus de l’urgence, se demandent “comment on va faire ?”.

    Lire le reportage : A la conférence d’Arthur Keller, des coups de massue, des leviers locaux et une lueur d’espoir

    Les territoires sont-ils vulnérables, d’une manière générale ?

    Disons que la modernité portait une promesse de progrès scientifique et technique qui devait répondre à tous nos soucis. Ce, en mettant la nature à distance, y compris la mort ! La lecture d’Hannah Arendt, par exemple, nous rappelle que cette vulnérabilité est fondamentale et qu’on ne peut y échapper. Avec le dérèglement climatique (…), on ne peut plus faire semblant de l’ignorer.

    « La vulnérabilité (…) s’accompagne d’un étiolement de la croyance aveugle au progrès, ou plutôt de son mythe »

    La vulnérabilité est de nouveau prégnante et s’accompagne d’un étiolement de la croyance aveugle au progrès, ou plutôt de son mythe. Comme le dit Bruno Latour, sans nier les nombreuses avancées techniques et scientifiques dont nous profitons, la modernité est avant tout un projet dont on voit aujourd’hui les limites. Conséquence : les mécanismes de responsabilité supra ne fonctionnent plus. L’Etat, par exemple, ne peut plus nous dire “on est responsable, on s’occupe de tout”.

    D’où cette vulnérabilité intrinsèque des territoires, même si elle est variable selon leurs caractéristiques. Je préfère d’ailleurs parler de vulnérabilités, au pluriel. A l’Agence d’Urbanisme, nous travaillons ainsi sur plusieurs types de vulnérabilités urbaines, notamment celles liées à la mobilité ou à l’habitat, tout autant que celles liées à l’eau ou à la biodiversité. Et il y a de grandes chances que, dans les prochaines années, cela constitue un axe transversal fort de nos travaux.

    Quel est aujourd’hui le rôle d’une Agence d’Urbanisme sur un territoire comme celui de la métropole clermontoise, et de son aire d’influence ?

    C’est un acteur important pour “fabriquer et concevoir” les territoires, à l’aune de l’anthropocène. Celui-ci interroge fondamentalement la manière dont on cohabite dans des espaces donnés, mais aussi comment on produit, on consomme, on se déplace, on habite, etc. Pour assurer cette mission, nous produisons des savoirs, nous organisons des échanges, nous accompagnons des projets avec les collectivités et les acteurs territoriaux en général, comme ceux de la recherche.

    Au-delà du “vieux” cœur de métier des agences d’urbanisme – planification, projet urbain, coopération inter territoriale – l’Agence d’urbanisme de Clermont Massif Central se positionne de plus en plus sur ces questions de réorientation écologique. En travaillant sur la sobriété foncière dans le cadre du ZAN [Zéro Artificialisation Nette] par exemple, en menant des actions de sensibilisation à la question anthropocène, ou encore, plus originalement en se positionnant sur la dimension culturelle, fondamentale, de cette réorientation. 

    Tu évoquais le monde de la recherche. Quel est l’engagement de l’Agence d’Urbanisme dans ce domaine ?

    La question de la production de nouveaux savoirs est fondamentale pour mener cette réorientation. Pas simplement des savoirs universitaires et abstraits, mais des savoirs en situations, en proximité des acteurs et des territoires. Autrement dit, des savoirs pour comprendre mais aussi pour agir, actionnables. 

    Aux approches classiques de l’urbanisme et de l’aménagement, il va donc falloir adjoindre des expertises en géographie, en physique, en écologie, en anthropologie… Il faudra de même convoquer les savoirs sensibles et artistiques, parce que l’anthropocène nous confronte aussi à une crise de la sensibilité. 

    « [L’Agence d’Urbanisme] interroge fondamentalement la manière dont on cohabite dans des espaces donnés, mais aussi comment on produit, on consomme, on se déplace, on habite, etc »

    L’Agence doit donc se rapprocher des acteurs qui produisent ces savoirs, sur nos territoires. Mais elle doit aussi, parce qu’elle-même produit des savoirs, assumer cette posture, accepter de faire de la recherche action avec nos partenaires, collectivités d’un côté ou laboratoires de l’autre. C’est ce que nous faisons d’ailleurs avec la métropole, AgroParisTech et les nouveaux programmes POPSU [Plateforme d’Observation des Projets et Stratégies Urbaines, dispositif de convergence scientifique financé par l’Etat] territoires et transitions. Mais nous travaillons également avec l’ENSACF [École Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Ferrand], l’ESACM [Ecole Supérieure d’Art de Clermont Métropole], l’UMR territoires de l’Université Clermont Auvergne, l’IADT [Institut d’Auvergne du Développement des Territoires]

    On ne pourra cependant pas internaliser toutes les expertises nécessaires, parce que l’appréhension de ce “moment anthropocène” oblige à élargir considérablement les champs à considérer. Mais on doit à minima être en capacité de veille, d’intermédiation, de traduction, pour mettre en relation les mondes de la recherche, de l’enseignement supérieur et celui des collectivités. Ces types d’acteurs se côtoient avec courtoisie mais travaillent, de fait, insuffisamment ensemble.

    Lire l’entretien : Pour Geoffrey Volat, le CISCA souhaite « faire bénéficier à ses membres de la connaissance produite » sur la résilience territoriale

    Quelle réorganisation interne as-tu engagée en parallèle de ce rapprochement avec le monde de la recherche ?

    Le rapprochement avec la recherche n’est qu’un des aspects de la réorganisation de l’Agence. Nous avons mis en place un nouveau comité de direction avec une organisation plus lisible. Elle est désormais articulée autour de quatre pôles de production en plus de la partie gestion : le premier sur les données, les statistiques et la cartographie ; le second sur la production de savoir en matière d’observation et d’évaluation, le troisième sur les projets urbains, territoriaux et la planification. Enfin, le dernier s’occupe de prospective, de recherche et de médiation scientifique et culturelle sur le territoire, ainsi que d’animation du débat public.

    « Le rapprochement avec la recherche n’est qu’un des aspects de la réorganisation de l’Agence. »

    L’Agence produisait beaucoup de contenu et d’accompagnement technique pour ses adhérents, mais sans grande visibilité ni large diffusion, au contraire de ce qui est attendu par une agence d’urbanisme. Or, nous ne sommes pas un bureau d’études ! Il faut davantage voir une agence d’urbanisme comme un lieu de production et de diffusion de savoirs relatif aux enjeux territoriaux – notamment urbanistiques, climatiques et écologiques. Mais aussi, un lieu de débat, de coopération et d’accompagnement des acteurs territoriaux dans l’élaboration de leurs projets urbains et territoriaux, d’expérimentation et d’ouverture, le tout dans une perspective de réorientation écologique. On le voit dans notre “programmation” 2023 : la réorientation écologique y a pris une place conséquente.

    L’Agence d’Urbanisme continue de produire des publications comme celle-ci, qui met en avant les nouvelles thématiques / Crédit visuel : AUCM (DR)

    L’Agence d’Urbanisme a changé de nom et se nomme désormais “Agence d’urbanisme de Clermont Massif Central”. Pourquoi ce changement ?

    Clermont est la seule grande agglomération au cœur du Massif central a disposé d’une agence d’urbanisme et de capacités d’ingénierie « publique » susceptibles de plus largement profiter aux acteurs intéressés. Le président de l’Agence, Grégory Bernard, le président de la métropole, Olivier Bianchi, et l’État – métropole et État étant nos premiers financeurs – sont soucieux de fournir de l’ingénierie aux territoires qui en ont besoin. 

    Et ils sont nombreux dans le Massif central à avoir cette attente pour faire face au changement global et aux transitions nécessaires ! Cela s’inscrit dans une logique de coopération inter-territoriale et de solidarité auxquels les adhérents de l’Agence, attachés au Massif central, sont sensibles.

    Bien sûr, nous ne pourrons pas assurer la même ingénierie de projets partout dans le Massif Central qu’avec nos territoires de proximité. Mais nous pouvons néanmoins apporter à ces territoires, en particulier ruraux, des ressources via de la sensibilisation, de l’animation de club, de la diffusion de savoir et de savoir-faire, des accompagnements courts, comme nous le faisons déjà sur la sobriété foncière, sur les Petites Villes de Demain, les Opérations de Revitalisation de Territoires… C’est dans ce sens aussi que nous nous rapprochons du Commissariat de Massif [relais local des financements inter-régionaux et européens] par exemple.

    Lire l’entretien : « Aider les élus à se projeter sur le long terme », la mission de Marie Fernandez Madrid dans le Sancy

    Tu évoquais la question culturelle, et l’on pense à la candidature de Capitale Culturelle Européenne…  Dans quelle mesure la culture est-elle une dimension de la réorientation écologique ?

    Les projets de Capitale Culturelle européenne s’inscrivent à l’origine dans des logiques d’excellence, de compétitivité, de développement. Ils font référence à une “culture” de l’aménagement des territoires basée sur l’attractivité et le développement. Cela, c’est l’héritage historique… 

    La question aujourd’hui est plutôt : comment de tels dispositifs qui mobilisent beaucoup de moyens et de personnes sont susceptibles de répondre au défi anthropocène et d’engager la réorientation écologique attendue pour assurer l’habitabilité à long terme de ces espaces. Ce sont des occasions rares de porter des projets à fort pouvoir de restructuration, et aujourd’hui la bifurcation écologique est notre horizon de restructuration.

    « Comment de tels dispositifs [de Capitales Culturelles Européennes] qui mobilisent beaucoup de moyens et de personnes sont susceptibles de répondre au défi anthropocène [?] »

    Les quatre villes encore candidates ont mis ces questions au cœur de leur projet. Pour contribuer au projet de candidature clermontois avec Clermont Massif Central 2028, l’Agence porte de son côté un programme axé sur « cultures, territoires et réorientations écologiques »

    Dans ce cadre, nous accueillerons pour la première fois dans le Massif Central la rencontre nationale des agences d’urbanisme élaborée avec notre fédération nationale. Cet événement aura lieu du 15 au 17 novembre à Clermont, à la Comédie, haut lieu de de danse et de culture. Son intitulé parle de lui-même : “no culture, no future : pas de réorientation écologique sans recomposition culturelle des territoires”.

    « No Cultures, No Futures » proclame l’affiche de la rencontre nationale des agence d’urbanisme, initiée par Stéphane Cordobes en novembre 2023. La dimension culturelle et territoriale de la réorientation écologique sera au centre des discussions / Crédit visuel : AUCM (DR)

    Mais quel sens donner ici au mot “culture”, selon toi ?

    On dépasse évidemment ici le sens restreint que l’on donne souvent à ce terme : celui des politiques culturelles, avec les musées, les bibliothèques, les pratiques artistiques… Or, fondamentalement, tout ce que l’on fait dans notre manière d’habiter un espace, d’entretenir des relations avec nos milieux, de vivre ensemble, de faire société et territoire, est culturel ! Réorienter écologiquement notre territoire, pour faire face au changement global, en adaptant nos modes de vie, de consommer, de produire, d’habiter : il s’agit d’une démarche fondamentalement culturelle, au sens anthropologique du terme. 

    Et c’est d’ailleurs le plus difficile à faire ! Si la réorientation écologique n’était que technico-politique, elle poserait beaucoup moins de problème. Car – on le disait plus tôt – elle est aussi sensible et concerne autant la planète que nos univers intimes.

    Lire le reportage : Dans le bocage bourbonnais, Polymorphe corp. fait rimer culture et permaculture

    Comment favoriser cette recomposition culturelle des territoires ?

    Il faut écrire de nouveaux récits, travailler les imaginaires, transformer nos sensibilités. Mais aussi créer de nouvelles sociabilités, réinventer notre rapport aux entités non humaines avec lesquels nous cohabitons et dont nous dépendons pour vivre, pour ne pas dire « nature ». Voilà le type de défi auxquels la réorientation écologique nous conduit aussi. 

    « Si la réorientation écologique n’était que technico-politique, elle poserait beaucoup moins de problème »

    Or, de ce point de vue, le monde culturel et artistique a un rôle à jouer. Avec la guerre en Ukraine, tous les acteurs de la culture ont compris maintenant que leur activité était fragile et dépendait des coûts de l’énergie. On sent un véritable engagement pour adapter les politiques et activités culturelles à cette nouvelle donne. Le fait que le Damier [cluster d’entreprises culturelles sur Clermont et l’Auvergne] travaille sur ce sujet et ait récemment adhéré à l’Agence illustre les coopérations qui se nouent autour de cet enjeu commun. 

    Pour un acteur comme l’Agence, travailler avec des acteurs culturels et des artistes, c’est se donner les moyens de travailler aussi ces nouveaux imaginaires, ces nouvelles sensibilités. Ce sont d’autres manières de réfléchir, d’œuvrer, de créer, qui vont s’avérer nécessaires pour accompagner les territoires et leurs acteurs dans leur réorientation écologique.

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    Propos recueillis le 24 mai 2023, mis en forme pour plus de clarté et relus et corrigés par Stéphane Cordobes. Crédit photo de Une : « arpentage photographique dans le cadre de Popsu Transitions » – Stéphane Cordobes (DR)