Directeur de l’Agence d’Urbanisme de Clermont Métropole de 2017 à 2021, Charles l’a orientée vers la transition énergétique, optant pour une nouvelle approche territoriale en “nappes”
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Pourquoi cet article ?
Dans presque tous mes échanges avec des collectivités locales puydômoises, je me suis rendu compte que nombreuses sont celles qui font appel au travail de l’Agence d’Urbanisme de Clermont Métropole – que ce soit sur de l’animation, de l’accompagnement de projets, de la réflexion stratégique ou simplement en utilisant ses publications.
Contrairement à son nom, l’Agence d’Urbanisme n’est pas focalisée sur le territoire de la Métropole. Les collectivités membres vont de Clermont à Vichy, de Thiers à Riom, notamment. Mais son désormais ex-directeur, Charles Hazet (qui a quitté ses fonctions fin octobre) a développé, depuis 2017, une stratégie plus “départementale”, cherchant l’équilibre dans les territoires concernés.
Surtout, sa plus grande fierté semble être la prise en compte transversale de la transition énergétique (et, plus largement, écologique à travers les enjeux liés à l’urbanisme, comme la mobilité, l’artificialisation des sols, l’agriculture périurbaine …). A l’occasion de son départ, je lui ai proposé de tirer un bilan de son action sous l ‘angle de la transition écologique et de la résilience territoriale
Damien
Pour compléter cet échange, vous pouvez lire l’entretien que Charles à accordé à mes amies du Connecteur, plus sur un angle “innovation territoriale” mais qui résonne fortement avec cet article.
Les principaux points à retenir
- Charles soutient une vision non pas multipolaire (selon lui inadaptée à la prise en compte de l’environnement) mais une vision “en nappes“, superposant plusieurs couches répondant chacune à un phénomène donné – emploi, consommation, eau potable, approvisionnement alimentaire … Selon lui, c’est cette logique qui est plus à même de prendre en compte la réalité des enjeux de transition écologique, contraints par les limites planétaires.
- Militant d’un vrai changement de modèle, Charles questionne cependant le terme “transition” qu’il trouve relativement flou, et semble séduit par la notion de “redirection“, ou de “renoncement”. La fin inéluctable du “pétrole facile” nous y conduit, selon lui : il est nécessaire de l’anticiper et de prévoir cette frustration énergétique.
- La clé de la résilience territoriale réside alors dans l’équilibre des fonctions, des activités et de la démographie. Cependant, cela n’implique pas un “localisme forcené” et nécessite une ouverture constante vers les autres territoires, notamment dans l’échange d’idées. Là-dessus, Charles insiste sur le rôle de la production (agricole, industrielle) locale, qui génère des emplois et fait vivre les territoires.
- Le rôle de l’Agence d’Urbanisme consiste alors à aider les acteurs territoriaux à prendre conscience de ce nouveau paradigme, et de la finitude des ressources – en particulier le sol, ce qui pousse fortement au “recyclage urbain”.
- Pour ce faire, l’Agence fait beaucoup de sensibilisation à travers ses publications – qui ont augmenté en fréquence et en profondeur – et développe plusieurs projets dans le cadre de nouveaux partenariats, comme celui avec l’Ademe sur un outil national d’évaluation d’impact carbone des projets urbanistiques.
- L’autre axe de travail de l’Agence consiste à accompagner sur le terrain les collectivités souhaitant travailler sur leur “projet de territoire“, un travail qui à commencé avec Thiers, Dore et Montagne, et se poursuit avec d’autres EPCI du territoire. Sans oublier l’accompagnement de projets plus locaux, comme ceux concernant les aménagements publics en ville ou à la campagne.
- Quel territoire pour l’Agence, justement ? Suivant la logique d’équilibre, Charles évoque un axe nord-sud déjà connu, “croissant fertile” de Vichy à Brioude, mais il souhaite aussi rééquilibrer d’Est en Ouest, en incluant les collectivités moins urbanisées du Forez, du Livradois, des Combrailles ou du Sancy. Enfin, il espère que l’Agence développera une approche départementale, peut-être en lien avec le Conseil Départemental qui est également en pointe sur la transition écologique.
L’intervenant : Charles Hazet
Directeur de l’Agence d’Urbanisme Clermont Métropole de 2017 à 2021 ; collaborateur au Ministère de la Transition Ecologique au sein de la direction des Politiques de l’Eau
De formation ingénieur (corps des Ponts et Forêts), Charles a travaillé sur les enjeux territoriaux et urbanistiques dans le Poitou puis à Clermont, en tant que directeur de l’Agence d’Urbanisme de 2017 à 2021. Il s’intéresse particulièrement aux questions d’enracinement : “comment un territoire peut-il aider à s’ancrer, et à créer du lien” résume-t-il.
Il est particulièrement sensible à l’apport des autres cultures et des autres langues. “Lire entre les lignes, voir la continuité de l’humanité”. Sur les questions de transition, il détaille : “Les Grecs anciens avaient conscience de la finitude. On retrouve cette notion aujourd’hui, mais cette fois-ci c’est la Terre qui nous limite et non plus les dieux.” Le modèle de la “boucle” incarné dans l’Odyssée est, selon lui, une allégorie de notre ancrage territorial, du “retour à la source”
En novembre 2021, Charles déménage à Paris pour rejoindre le ministère de la Transition Ecologique, au sein de la Direction des Politiques de l’eau.
Contacter Charles par courrier électronique : charles.hazet [chez] developpement-durable.gouv.fr |
Crédit photo : agence d’Urbanisme Clermont Métropole (DR)
La structure : l’Agence d’Urbanisme Clermont Métropole
Association basée à Clermont et accompagnant les acteurs territoriaux sur les enjeux d’urbanisme, d’aménagement du territoire et de transition écologique.
Association créée en 1998 à Clermont-Ferrand, l’Agence d’Urbanisme Clermont-Massif Central [AUCM] est d’abord focalisée sur le territoire clermontois, avant de s’ouvrir en 2022 aux collectivités et acteurs du Massif Central. Son travail consiste à réaliser des travaux d’observation, de prospective, d’études et de production de contenus – mais aussi d’accompagnement d’acteurs locaux (collectivités, institutionnels) et d’ingénierie territoriale.
Elle cherche ainsi à faire dialoguer une variété de structures du territoires, incluant celles de la recherche, dans le cadre d’une “réorientation écologique” et d’une prise en compte transversale de l’impact de l’anthropocène sur les territoires.
Dirigée depuis 2022 par Stéphane Cordobes, l’AUCM compte 25 collaborateurs. Elle est présidée par Grégory Bernard.
En novembre 2023, elle accueillera la rencontre nationale des agences d’urbanisme à Clermont, et mettra l’accent sur les questions culturelles. Cet axe de travail est prioritaire dans la nouvelle stratégie de l’Agence (en cours d’élaboration), la faisant prendre partie au sein de la candidature Clermont Capitale Culturelle Européenne 2028.
Accès direct aux questions
- Une approche du travail urbanistique sur un territoire peut être résumée par le principe du “multi-polaire”. Est-ce ta manière de voir les choses ?
- Comment peut-on dépasser ces limites ?
- Cette vision par “nappes” est-elle une approche de transition écologique ?
- Toi qui as une vision assez large du territoire puydômois, que lui faut-il pour se mettre réellement en transition ?
- L’agence d’urbanisme applique-t-elle cette logique dans l’accompagnement des territoires membres ?
- Comment se traduit ce travail sur le terrain ?
- Quelles autres avancées de l’Agence d’Urbanisme sont-elles à mettre en avant ?
- As-tu un exemple en tête de travail sur un tel projet de territoire ?
- Justement, quel est le périmètre territorial auquel s’adresse l’Agence ? Est-il lui aussi en évolution ?
- L’Agence s’adresse aux élus, à partir des communautés de communes. Quel est le profil idéal de l’élu dans le cadre de la transition écologique ?
- Comment résumerais-tu l’offre de l’Agence d’Urbanisme à ces élus ?
- Peux-tu nous donner une illustration d’un projet de transition, à ton sens, réussi – ou en passe de l’être ?
- Et quels sont les points-clé à tirer de cet exemple ?
Retour sur quatre acteurs locaux engagés, point sur Tikographie, sortie du recueil “l’année tiko 2024”, message de notre ennemi juré, buffet végé…
Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?
Une approche du travail urbanistique sur un territoire peut être résumée par le principe du “multi-polaire”. Est-ce ta manière de voir les choses ?
La vision multipolaire d’un espace constitué de centralités d’où rayonnent des infrastructures est très ancienne, et elle est ancrée dans nos schémas de développement. C’est l’image des cités médiévales bordées de chemins circulaires et reliées entre elles par des voies structurantes. Aujourd’hui cela prend la forme de zones aux fonctions propres (habitat, commerce, activité…) reliées par des « tuyaux à voitures », issues d’un modèle de développement favorable à l’étalement urbain.
Mais cette vision me semble atteindre ses limites, car elle occulte le territoire entre deux pôles urbains en le reléguant au statut de no-man’s land. Quid de notre agriculture ? Quid des habitants des territoires moins denses ? Quid des espaces vécus pour les loisirs de pleine nature (chaîne des puys par exemple) ? Quid de la valeur de nos écosystèmes naturels ?
Autrement dit, la vision multi-polaire est une vision anthropo-centrée, où les ressources (eau, alimentation, énergie…) sont absentes, et fait fi à mon sens de notre environnement.
Comment peut-on dépasser ces limites ?
Il faut désormais inclure les autres espaces pour leur valeur propre : des valeurs productives (agriculture par exemple), et plus largement la question des ressources naturelles qui s’impose à nous à l’heure du changement climatique. En d’autres termes, il faut prendre conscience que tout est lié, et que notre travail urbanistique doit inclure tout l’écosystème de nos villes si nous voulons leur durabilité.
La vision multi-polaire est une vision anthropo-centrée qui fait fi, à mon sens, de notre environnement
La complexité des phénomènes, et la reconnaissance d’une valeurs aux ressources naturelles, me fait parler du principe d’urbanisme « de nappes », d’un urbanisme qui est la superposition de plusieurs couches, chacune d’elle répondant au périmètre d’un phénomène donné. Votre bassin de vie et d’emploi ne sera pas le même que votre bassin de captage d’eau potable, qui ne sera pas le même que votre bassin d’approvisionnement alimentaire…
L’enjeu est à la fois abyssal et passionnant pour tous ceux qui travaillent sur les questions d’aménagement du territoire !
Lire l’entretien (en contre-point) : pour Rachid Kander, “l’idéal, c’est la Métropole multi-polaire” |
Cette vision par “nappes” est-elle une approche de transition écologique ?
Par le prisme de l’étymologie, le mot “transition” signifie “aller au-delà”. Il faut donc dépasser notre état existant … mais pour aller où ? Il y a une vraie tension aujourd’hui sur ce point de la direction à prendre : d’une part, ceux qui se contentent d’améliorer le modèle existant – en minimisant notre empreinte écologique, principalement – et ceux qui souhaitent le remettre en cause en partant du principe que les ressources naturelles constituent un socle de ressources limitées.
Notre travail urbanistique doit inclure tout l’écosystème de nos villes si nous voulons leur durabilité.
Je crois en cette seconde approche. Mais le mot “transition” reste flou. Peut-être que la notion de “renoncement”, même si elle peut paraître abyssale, est plus explicite. Il sera intéressant de faire l’apprentissage d’une frustration liée à la fin de l’énergie facile que le pétrole nous apportait, et qui sera inéluctable à moyen terme.
Toi qui as une vision assez large du territoire puydômois, que lui faut-il pour se mettre réellement en transition ?
Un territoire qui évolue vers la durabilité, vers la résilience, doit être équilibré dans ses activités et sa démographie. C’est un peu comme le fait d’être en bonne santé avec un régime alimentaire varié. Quand on n’est pas hyper-spécialisé, on peut se permettre de perdre une activité lors d’une crise, il en reste d’autres pour continuer à vivre.
Cependant, je ne suis pas partisan d’un localisme forcené. Il faut un niveau d’auto-suffisance pour certains produits – l’eau, le gros de l’alimentation, certaines activités industrielles, la santé … – mais il faut aussi être en ouverture constante vers les autres territoires, notamment dans l’échange d’idées. C’est ce que nous faisons actuellement à l’Agence avec plusieurs universités internationales du réseau des villes Michelin sur la thématique de l’agriculture urbaine : sans cela, nous ne pourrions pas avancer très loin …
Un territoire qui évolue vers la durabilité, vers la résilience, doit être équilibré dans ses activités et sa démographie.
Un point essentiel est la place de la production, agricole comme industrielle, sur nos territoires. La production permet de mailler le territoire par de l’activité et de l’emploi, et de faire vivre des filières et, par ricochet, de maintenir ou d’attirer de la population sur place, et ainsi de développer une économie résidentielle. On le voit particulièrement sur notre territoire, ou Clermont, Vichy ou Issoire entre autres ont toutes leur bassin industriel propre. Il faut que tous les territoires puissent vivre de leurs ressources et leurs activités, en connexion avec un écosystème métropolitain plus large.
En complément : Alexandre Gorse, sur les groupes de travail thématiques et le binôme avec Charles
Alexandre Gorse est chargé de développement international à la Ville de Clermont-Ferrand
“Dans le cadre du Réseau International des Villes Michelin, un groupe de travail sur le thème des aménagements urbains constitué collectif d’acteurs publics et para-publics locaux* se réunit régulièrement afin de favoriser le développement de projets collaboratifs multilatéraux.
Ont ainsi émergé plusieurs axes de travail, dont un sur l’agriculture urbaine et péri-urbaine. Cet axe va faire l’objet d’un premier événement organisé du 27 août au 3 septembre : une summer school à Clermont, réunissant une trentaine d’étudiants de Masters, dont 15 issus du réseau international des Villes Michelin.
L’idée est de travailler sur deux espaces pilote en agriculture péri-urbaine : la plaine du Bédat et la plaine de Sarliève. Pour cela, nous cherchons à faire participer des profils les plus variés possibles, comme des architectes, des géographes, des agronomes, des urbanistes, des paysagistes …
L’agence d’Urbanisme nous accompagne en tant qu’expert – dans le cadre d’un binôme collectivité/expert. Pour ma part, c’est Charles Hazet qui a été mon binôme, sur la thématique des aménagements urbains. Dans ce domaine, il dispose d’une véritable expertise, et il m’a accompagné dans l’organisation des réunions, la rédaction des compte-rendus, et l’appui transversal au groupe thématique/projets.”
*Ville de Clermont-Fd, Clermont Auvergne Métropole, Grand Clermont, Agence d’Urbanisme, Conseil Architecture Urbanisme Environnement (CAUE), AgroParisTech, Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Clermont-Fd (ENSACF), Institut d’Auvergne du Développement des Territoires (IADT) et VetAgroSup
Entretien téléphonique du 3 novembre 2021
L’agence d’urbanisme applique-t-elle cette logique dans l’accompagnement des territoires membres ?
Oui, et elle le fait dans une logique de transition, en aidant à prendre conscience des ressources finies de notre monde et à changer de modèle. C’est un travail que nous avons mené notamment auprès des services d’aménagement, en poussant au “recyclage urbain”.
En ville, la principale ressource, c’est le sol !
Car, en ville, la principale ressource, c’est le sol ! Et la loi Climat et Résilience votée cette année nous force à viser le “zéro artificialisation nette” pour 2050. Ce qui ne sera pas facile, bien sûr : sur le territoire du Grand Clermont, ont été artificialisés ces trois dernières années 100 hectares pour l’habitat et 140 hectares pour le commerce et l’industrie. C’est moins qu’auparavant, mais il faudra de toute façon un vrai changement de paradigme pour atteindre l’objectif national du zéro !
Comment se traduit ce travail sur le terrain ?
Un des principaux outils que nous développons concerne la revalorisation des friches urbaines – je parle ici de tous les “délaissés”, qu’ils soient construits ou non. Pour ce faire, nous avons développé un outil à vocation nationale sur demande de l’Ademe : “Trajectoire Deux Degrés” [nom transitoire], en référence aux scenari du GIEC.
Le but est d’incorporer un jeu de données spécifiques aux terrains étudiés pour simuler des bilans carbone selon les usages futurs, par exemple des logements, des bureaux, de la renaturation, de la géothermie, un équipement public … Cet outil doit être une aide à la décision pour les collectivités, mais aussi un moyen de mieux flécher les financements de l’Ademe.
Je suis personnellement très fier de ce tournant de l’Agence d’urbanisme en faveur des politiques énergétiques, car j’y tenais beaucoup. Nous avons également, dans ce cadre, accompagné la Métropole sur le volet mobilité du programme européen Urb-en Pact (faire de notre territoire un écosystème à énergie positive en 2050)
Quelles autres avancées de l’Agence d’Urbanisme sont-elles à mettre en avant ?
L’Agence a aussi davantage pris pied dans le “faire”. Elle garde sa posture d’observation et de conseil. Mais, depuis quelques années, plusieurs collectivités se sont renforcées – fusion de communes, constitution d’EPCI ou de Métropoles, fusion des régions, nouvelles compétences … et elles ont désormais besoin d’un accompagnement renouvelé.
Je suis personnellement très fier de ce tournant de l’Agence d’urbanisme en faveur des politiques énergétiques.
Nous avons donc commencé par densifier le travail des observatoires thématiques. Le nombre de publications a été multiplié par quatre, avec une approche davantage liée à l’actualité comme l’impact du Covid sur l’habitat, les loyers, le tourisme … Au-delà d’une belle émulation entre les observatoires de l’Agence, cela nourrit la réflexion des élus en leur proposant un état des lieux dynamique, et un croisement des phénomènes pour une analyse plus pointue de l’évolution du territoire et d’orientation à donner en conséquence aux politiques publiques locales.
En complément : Sylvie Lavigne, un regard interne à l’Agence sur les apports de Charles Hazet
Sylvie Lavigne est chef de projet de l’Observatoire des Stratégies Economiques au sein de l’Agence d’urbanisme
“L’apport de Charles a principalement consisté dans une orientation très sensible vers la transition énergétique et environnementale. Grâce à lui, ces sujets sont devenus transverses dans tous nos domaines d’étude – social, économique, mobilité, urbanisme … – et tous les collaborateurs de l’agence travaillent désormais avec ce “prisme”.
L’impulsion de Charles nous a aussi donné envie de creuser des sujets que nous n’aurions pas forcément abordés. En ce sens, nous avons développé et proposé à nos partenaires davantage de thématiques innovantes. Nous avons, par exemple, proposé l’idée d’une “toile énergétique” (véritable outil d’animation territoriale consistant à identifier sur un territoire tous les flux d’énergie, les imports/exports, les niveaux de consommation, de production …). Nous travaillons activement avec la Métropole et les partenaires sur ce sujet.
Nous avons aussi fait évoluer notre communication et la valorisation de nos productions. nos documents, notre site web, nos pages de réseaux sociaux sont sorties d’une approche plus confidentielle, très peu grand public que nous avions auparavant. S’il y a encore des progrès à faire, ce changement est notable. Et nous publions beaucoup plus qu’avant !
Je suis convaincue que la transition énergétique est devenue une “envie” pour les acteurs du territoire, publics ou privés. Plus une contrainte, ni même une opportunité : ils ont désormais conscience des bienfaits qu’elle peut apporter sur l’environnement, les salariés, les process …
La crise sanitaire a pu donner du sens à cette évolution de fond, mais notre travail de sensibilisation auprès de nos membres et partenaires a forcément joué. L’agence d’urbanisme est un vrai centre de ressources, et nous sommes capables de vulgariser ces notions pour impacter le territoire. Je pense que c’est un véritable acquis pour l’avenir.”
Entretien téléphonique du 4 novembre 2021
Cela constitue alors une bonne base de départ pour le travail de construction collective que nous pouvons accompagner. Je peux citer ici les “projets de territoire” dans lesquels les élus sont amenés à imaginer le territoire résilient et désirable qu’il souhaite construire de demain.
As-tu un exemple en tête de travail sur un tel projet de territoire ?
La référence est l’étude menée avec la communauté de communes Thiers, Dore et Montagne [TDM] qui a adhéré à l’Agence en 2018 : la collectivité nous a alors demandé d’écrire son projet de mandat, de l’aider à déterminer sa trajectoire commune. Nous avons alors déterminer une méthode de travail avec la collectivité, et animé de nombreux ateliers avec les élus, en incluant les apports des autres acteurs du territoire.
Puis nous avons pu décliner ce travail, en l’adaptant, sur nos autres territoires adhérents : Vichy Communauté, Riom Limagne et Volcans, et le Grand Clermont. Nous avons fait le même processus de déclinaison d’une offre de valeur Agence sur plusieurs territoires sur la thématique de la revalorisation des centres-villes, ou encore sur le recyclage des friches. Cela vient parfaitement illustrer la nécessité pour l’Agence d’être dans la production, dans le « faire » pour gagner en légitimité, compétences et impact de ses missions.
En complément : Frédérique Gomez et l’accompagnement de l’Agence sur le projet de territoire de RLV
Frédérique Gomez est Directrice du Pôle Aménagement et Développement Durable du Territoire au sein de la communauté de communes Riom, Limagne et Volcans.
“Nous sommes justement en train de travailler sur le “projet de territoire” pour Riom, Limagne et Volcans. Nous finalisons le projet que nous présenterons d’ici la fin de l’année aux élus de l’agglomération.
Dans ce cadre, l’accompagnement de l’Agence d’Urbanisme est très important : il nous permet d’avancer rapidement et efficacement – sachant que le délai pour conduire les travaux de ce projet de territoire était contraint (une année).
Mais l’agence bénéficie d’une expérience avec deux territoires plus avancés que nous dans ce processus : Vichy Communauté et Thiers-Dore-Montagne. En d’autres termes, la méthodologie est déjà expérimentée, même si chaque projet de territoire est unique.
Comment travaille-t-on avec l’aide de l’Agence d’Urbanisme ? Nous avons mis en place d’abord un comité de pilotage constitué de dix élus du bureau communautaire de Riom, Limagne et Volcans, de six représentants des services de l’agglomération, d’1 stagiaire et de l’agence d’urbanisme.
L’élaboration du projet de territoire s’est appuyé sur des séminaires et ateliers participatifs animés par l’agence mais aussi des questionnaires aux élus communautaires, communaux, aux services et à la population. Ce n’était pas évident en “sortie” de Covid, mais nous avons pu organiser plusieurs temps forts et collaboratifs !
Le livrable attendu par les élus d’ici la fin de l’année sera un document de synthèse, sans doute d’une cinquantaine de pages. Il sera basé sur les ambitions exprimées par les élus, déclinées en “stratégie opérationnelle” – sans forcément la déployer par une liste d’action à ce stade.
Le projet de territoire s’inscrit dans des stratégies existantes, elles-mêmes inscrites dans des documents déjà existants au sein de Riom, Limagne et Volcans, comme le PCAET [Plan Climat Air Energie Territoire], le PLUI [Plan Local d’Urbanisme Intercommunal], le PADD [Projet d’Aménagement et de Développement Durable] … ainsi, on ne part pas de zéro, il y a une cohérence.
Dans cette démarche, l’Agence d’Urbanisme nous accompagne à chaque étape : elle anime les séminaires, elle nous aide à réaliser les documents intermédiaires et finaux … c’est vraiment une collaboration très serrée, ils nous écoutent et savent mettre en musique nos attentes.”
Entretien téléphonique du 3 novembre 2021
Justement, quel est le périmètre territorial auquel s’adresse l’Agence ? Est-il lui aussi en évolution ?
Notre périmètre historique reste inchangé, même s’il ne correspond pas forcément à une limite administrative précise : c’est ce que j’appelle le “croissant fertile de l’Auvergne”, en gros un axe de Vichy à Brioude en passant bien sûr par Clermont, mais qui couvre la Limagne, jusqu’à Thiers. C’est là que le modèle multi-polaire peut le mieux s’appliquer car c’est un territoire maillé de villes-centres et à la démographie dynamique. Il faudrait le compléter en faisant en sorte que les territoires du sud du département soient adhérents à l’Agence.
Un autre potentiel de développement territorial de l’Agence est de décliner les stratégies du département du Puy-de-Dôme, sur les territoires moins pourvus en ingénierie. L’Agence possède une forte expertise en matière de politiques sociales, et accompagne le département en la matière. Des interventions sur des intercommunalités moins denses en population sont prévues en 2021. Un axe de développement pour l’avenir peut-être ? Une manière de faire de l’Agence un outil d’ingénierie local solidaire avec les territoires qui ont besoin de sa matière grise ?
L’Agence s’adresse aux élus, à partir des communautés de communes. Quel est le profil idéal de l’élu dans le cadre de la transition écologique ?
Les élus qui s’investissent dans les travaux de l’Agence ont l’appétence pour développer une vision multi-échelles. Ils perçoivent les enjeux du développement urbain, au sens large : construire un territoire de proximité (quartier, ville …) équilibré et avec sa logique propre, mais inclus dans un ensemble plus large, ce qu’on pourrait qualifier de grand territoire de vie où l’on observe la plupart des flux (mobilités, emplois, services …)
Les élus qui s’investissent dans les travaux de l’Agence ont l’appétence pour développer une vision multi-échelles.
Les élus de l’Agence appuient avec constance son travail de dialogue inter-territorial : un travail partenarial avec des acteurs publics, parapublics, universitaires ou privés associés à la carte selon le projet, au juste périmètre géographique. Ces élus de tous les territoires du bassin clermontois sont convaincus des forces de notre croissant fertile de l’Auvergne à l’ère de la métropolisation.
Comment résumerais-tu l’offre de l’Agence d’Urbanisme à ces élus ?
Je dirais que notre rôle commence par de l’étude, de la définition de problématiques, de la fourniture de données et de méthode de travail, de la veille d’exemples inspirants. Qu’il continue par du diagnostic personnalisé. Et qu’il se concrétise dans la réalisation de “démonstrateurs” sur des terrains, des territoires-test.
Ensuite, pour le passage à l’échelle, on remet les clés du camion à la collectivité. Mais cela ne veut pas dire que nous nous retirons complètement : nous accompagnons sur le long terme dans la réalisation de la nouvelle stratégie. En tous cas jusqu’à ce que la dynamique soit réellement lancée au sein du territoire cible.
C’est ici la vision globale de notre offre. Dans les faits, nous devons nous renforcer sur le dialogue territoires/projets locaux, autrement dit entre le macro et le micro. Nous devons veiller à décliner les stratégies par des projets concrets, comme nous l’avons fait récemment sur les logements vacants à Vichy ou sur la requalification d’une friche sur RLV.
Peux-tu nous donner une illustration d’un projet de transition, à ton sens, réussi – ou en passe de l’être ?
Je pense un projet consistant à trouver un terrain pour délocaliser une gare routière pour libérer de l’espace en centre-ville, afin d’en faire un espace vert. La plupart des acteurs consultés étaient en faveur d’une gare en périphérie : approche classique, où l’on prend un terrain “nu” que l’on bétonne en tirant quelques réseaux.
J’étais, je m’en souviens, le seul à lever la main pour proposer une approche différente, à mon sens bien plus axée “transition” (sociale comme écologique) : il s’agissait d’investir un terrain mieux placé car plus proche du centre, en “recyclage” foncier, accessible aux transports en commun. C’est certes plus complexe qu’un terrain vide en périphérie, et cela nécessite une vision en rupture avec ce que les acteurs de l’aménagement ont l’habitude de faire … et qui nous a valu les 240 hectares urbanisés en 3 ans [évoqués plus haut].
Au final, l’approche qui a été choisie maximisera les services rendus, même s’il faut davantage travailler avec les riverains, connecter aux réseaux, ou encore penser architecture. Néanmoins, je suis convaincu que les retombées positives seront fortes : pas de terre agricole utilisée, impacts sur les commerces, le brassage social, la santé par les mobilités douces …
Et quels sont les points-clé à tirer de cet exemple ?
Il montre la bonne manière, selon moi, de réaliser la transition dans l’urbanisme et l’aménagement : repenser l’habitat et les services non pas en étalant nos villes sur la base de la dépendance à la voiture, mais en prenant conscience que nos ressources sont finies : il s’agit de faire mieux en consommant moins d’espace, en développant une ville plus intense à même de favoriser un lien social renforcé.
C’est seulement ainsi, par le développement d’un art de vivre urbain et par des espaces publics de qualité, que l’on acceptera de renoncer au rêve du pavillon péri-urbain avec 1000 m2 de jardin. La tâche est complexe et le rôle de l’ingénierie fondamental.
Pour aller plus loin (liens proposés par Charles) : Comprendre – L’économie désirable de Pierre Veltz sur la nécessité du changement de modèle ainsi que Les origines du Populisme de Yann Algan, Elizabeth Beasley, Daniel Cohen et Martial Foucault pour “refaire la ville sur la ville” Agir – s’engagaer dans des coopératives comme Railcoop, participer à des Fresques du climat, ou rejoindre les Shifteurs |
Retour sur quatre acteurs locaux engagés, point sur Tikographie, sortie du recueil “l’année tiko 2024”, message de notre ennemi juré, buffet végé…
Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?
Propos recueillis le 18 octobre 2021, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigé par Charles. Merci à Caroline Mérien pour son aide. Crédit photo de Une : éditeur.