Pour Emmanuel Bonnet, « le futur doit avant tout être vivable et plausible »

Enseignant-chercheur à l’ESC Clermont, Emmanuel travaille sur les outils méthodologiques pour mieux comprendre les implications de l’anthropocène dans les territoires et les organisations.


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Mon ressenti

On oppose de plus en plus les termes de transition, de redirection, de développement durable … alors qu’il s’agit souvent d’une progression sémantique, dans le sillage d’un historique d’apparition des notions et de prise en compte des effets du dérèglement environnemental.

Certes, je parle souvent de transition (et de résilience) écologique, cela ne veut pas dire pour autant que je ne suis pas d’accord avec le concept de redirection tel que le décrit Emmanuel dans cet entretien. En revanche, je récuse l’assimilation de la transition écologique à la « croissance verte » : transitionner, c’est changer d’état, donc – pour moi – de système de pensée et d’organisation. Alors que la croissance verte souhaite maintenir le système productiviste en le découplant de ses externalités environnementales négatives (principalement, l’émission de gaz à effet de serre).

J’ai donc voulu en savoir un peu plus sur la redirection écologique vue par un de ses principaux porteurs, Emmanuel Bonnet, qui a fait émerger le concept au sein d’un petit groupe d’enseignants-chercheurs « pionniers » à l’ESC Clermont. Ils ont ainsi créé le Master Stratégie et Design de l’Anthropocène, à Lyon, mais aussi publié ensemble un ouvrage intitulé « Héritage et Fermeture » (éditions Divergences).

Damien

Les principaux points à retenir

  1. Emmanuel structure son approche de la redirection écologique par le travail d’enquête. Inspirée du penseur John Dewey, il s’agit de s’intéresser à la description des « situations épineuses » de départ plus que des solutions à apporter. Ce type de situation correspond à des problématiques où un collectif d’acteurs est confronté à la perte d’efficacité des process et schémas de pensée antérieurs, du fait du changement de paradigme (notamment imposé par l’anthropocène).
  2. Les enquêtes consistent à faire émerger des diagnostics écologiques et sociétaux de manière démocratique, en écoutant les apports de chacun. Leur cadre est, globalement, celui des limites planétaires bien plus que celui du développement durable. Il n’y a d’ailleurs pas de notion d’objectifs dans les enquêtes, mais davantage un travail lié au design.
  3. Pour réaliser une enquête, Emmanuel réunit les acteurs concernés dans des « espaces de dialogue » permettant de se confronter au problème sous toutes ses formes. En général, on aborde des sujets qui « font mal », on remet en cause des acquis stratégiques, on questionne les fondamentaux du collectif … le travail global étant celui d’une analyse des dépendances, notamment celle des parties-prenantes invisibles et marginalisées. Il y a donc un travail de définition et de « situation » du problème en questionnant les périmètres.
  4. La réception du monde économique est variable dans la mesure où certains acteurs sont prêts à ce travail de fond, d’autres ne comprennent pas la remise en cause profonde véhiculée par les notions de « désinnovation » ou de « déprojection » (déconstruction du projet entrepreneurial) qu’avance Emmanuel et ses collaborateurs. Plus globalement, il se distingue ainsi de l’approche solutionniste souvent recherchée par les dirigeants d’entreprises.
  5. Des exemples du travail d’enquête tournent notamment autour des enjeux de la moyenne montagne qui fait face au changement climatique. Emmanuel cite la station de Métabief dans le Jura qui a pu effectuer un travail de redéfinition de son problème suivi d’un arbitrage sur la fin, à 10 ans, du ski alpin – et donc une préparation en conséquence plus étalée dans le temps.
  6. Emmanuel travaille lui-même avec des collectifs d’habitants et d’acteurs territoriaux – dont des élus locaux – sur le site de Chastreix-Sancy depuis un an et demi. Il y mène ce travail d’enquête, en provoquant le croisement de ces parties prenantes et en questionnant les futurs « plausibles » (et non forcément « souhaitables ») pour ce territoire. Selon lui, la question de la projection dans le futur doit se démarquer d’une recherche absolue de désirabilité, et au contraire choisir une approche pragmatique et « vivable ».

L’intervenant: Emmanuel Bonnet

Enseignant-chercheur à l’ESC Clermont, professeur en innovation et entrepreneuriat ; membre du laboratoire Clerma


Entré à l’ESC Clermont en 2013, Emmanuel Bonnet travaille sur de nombreuses « situations d’innovation » en fonction des contextes, notamment ceux liés à l’incertitude et à la contrainte. Autrement dit, les « dynamiques collectives d’apprentissage dans les projets accordant une place importante à l’exploration » (selon le site de l’ESC Clermont).

En 2012, il avait ainsi participé à une simulation d’expérience martienne dans le désert de l’Utah, qu’il a raconté lors d’une intervention au TEDxClermont de 2015. Il est aussi membre de l’Open Lab Exploration Innovation sur ces thématiques.

Emmanuel présente ces différentes expériences comme des enquêtes permettant de mieux délimiter le problème, de manière collective et démocratique, sans se diriger de prime abord vers la recherche d’une solution.

A l’origine du Master Stratégie et Design de l’Anthropocène à Lyon, avec ses collègues Diego Landivar et Alexandre Monnin, Emmanuel a co-autoré plusieurs écrits dont l’ouvrage Héritage et Fermeture, paru aux éditions Divergences. Il a effectué une recherche post-doctorale à l’INRA, portant que les nouvelles formes d’apprentissage dans les collectifs agroécologiques. A l’ESC Clermont, il est responsable de la filière innovation et entrepreneuriat, et co-responsable de la spécialisation Culture Start-up et Entrepreneuriat.

Contacter Emmanuel par e-mail : emmanuel.bonnet [chez] esc-clermont.fr

Crédit photo : Emmanuel Bonnet (DR)

La structure : ESC Clermont

Grande école de commerce, gestion et management


L’ESC [Ecole Supérieure de Commerce] de Clermont-Ferrand a été fondée en 1919. Elle compte aujourd’hui 13000 anciens élèves, 15 filières de spécialisation et 220 entreprises partenaires. Membre de la Conférence des Grandes Eccoles, elle est orientée sur la notion de « valeur durable dans la société », qu’elle met en avant sur son site.

Ainsi, elle propose des programmes généralistes notamment sur le management international ou la communication digitale, comme des programmes spécialisés et des formations professionnelles – en complément du Master Grande Ecole. Elle articule son offre autour de 7 filières métiers et 3 filières sectorielles.

Voir le site web de l’ESC Clermont


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Tu mets en avant la notion d’enquête, clé de voûte de ton approche en tant que chercheur. De quoi s’agit-il ?

C’est en effet la figure de l’enquêteur qui me convient le mieux. Le concept de « redirection écologique » sur lequel je travaille [avec Alexandre Monnin et Diego Landivar, NDLR] ne cherche pas à apporter des solutions mais plutôt à progresser dans des situations épineuses.

Par cette expression, je me réfère à l’approche pragmatiste de John Dewey : selon lui, l’enquête est le « schème commun » à la science – la recherche académique – et le le sens commun. Il s’agit de toutes les situations d’enquête de la vie ordinaire auxquelles nous sommes amenés à participer lorsqu’une habitude ou une routine n’est plus opératoire. 

La « situation indéterminée » que Dewey décrit, c’est le problème qui résiste, qui débouche sur dix nouvelles questions quand tu penses lui apporter une réponse. Et la période de l’anthropocène, que nous vivons, induit de nombreuses situations épineuses de ce type. Elles nous demandent d’enquêter depuis les situations et non depuis un modèle ou d’une projection …

Lire l’entretien avec Diego Landivar: “La résilience doit modifier en profondeur les politiques publiques.”

Qu’apporte le mécanisme de l’enquête face à ces problématiques ?

L’enquête, c’est surtout la manière pour des acteurs de se confronter à ces situations, de les identifier, et de tenir compte des différentes perceptions pour mieux appréhender la densité et l’hétérogénéité d’un problème. Ce n’est en aucun cas une boîte à outils de consultant ou de manager !

Au contraire, l’enquête fait émerger des diagnostics écologiques, sociétaux, qu’on essaye de caractériser et d’instituer collectivement et démocratiquement. Ainsi, elle prend le contrepied de la commande solutionniste et généralement descendante, qui consiste à fournir un état des lieux de départ et un objectif à atteindre – par exemple lié aux Objectifs du Développement Durable [ODD]. 

Le concept de « redirection écologique » ne cherche pas à apporter des solutions mais plutôt à progresser dans des situations épineuses.

Or, ça ne suffit pas ! Non pas que les ODD ne soient pas pertinents comme grands défis pour l’humanité, mais parce qu’il s’agit de se départir d’une image globale, d’un point de vue de “nulle part” qui se substitue à ce que vivent et expérimentent les personnes et les collectifs concernés. 

Je préfère travailler sur ce que je peux faire émerger avec elles pour mieux comprendre la situation de départ. Cela vaut pour les limites planétaires qui sont intraduisibles en objectifs mais que l’on devrait incarner dans les situations vécues. Des épreuves plutôt que des objectifs…

Présentation de la démarche « low-tech » aux étudiants de l’ESC Clermont en 2019 par Quentin Mateus du Low-tech Lab, sous l’égide d’Emmanuel Bonnet (à gauche) / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Quel type de problème est pris en compte dans le cadre de l’enquête ?

L’enquête, c’est d’abord une expérience : le plus souvent, celle d’un collectif, une situation où plusieurs acteurs sont « pris » – dans le sens de concernés – par une situation nouvelle, existentielle et indéterminée. Par exemple, quand on dit « j’avais tels modes opératoires, tels outils de gestion, tels modèles de fonctionnement … qui ne sont plus valides. » Cela touche aussi bien des entreprises que d’autres organisations, et même des territoires. Il n’y a pas de problèmes en soi mais des situations problématiques qui cernent et concernent des acteurs. 

L’enquête, c’est d’abord une expérience, celle d’un collectif où plusieurs acteurs sont « pris » par une situation nouvelle, existentielle et indéterminée.

Là-dessus, on cherche à mieux identifier les attributs sociaux et matériels du problème. Puisqu’il y a de l’hétérogénéité de points de vue, il faut pour cela une approche démocratique. Car tout le monde, dans le collectif, ne pense ni ne voit les mêmes choses ! C’est donc une dynamique de progression assez proche d’un accompagnement par le design (participatory ou community-based design). 

Les enquêteurs ne sont pas seulement des observateurs qui essaient de mieux comprendre des problèmes, ils cherchent avant tout à agir sur leurs conditions d’existence pour rendre les territoires habitables. C’est assez visible dans les territoires de moyenne montagne.

Lire l’entretien: Pour Pascal Lièvre, “la question de l’apprentissage est essentielle dans la résilience”

Comment fonctionne alors un processus d’enquête en redirection écologique ?

La première étape est une forme d’immersion. Tu réunis les acteurs, tu crées des espaces de dialogue … et tu cherches à identifier là où cela fait mal. Se confronter à un problème, c’est d’abord se confronter aux troubles. Par exemple, quand nous avons travaillé sur une commande de Michelin, nous sommes d’abord revenus sur la définition du « P Planet » [qui est dans la stratégie du groupe : People, Profit, Planet, NDLR] pour questionner avec les participants ce qui pouvait être par ailleurs tenu pour acquis. 

Emmanuel travaille notamment à la demande de Michelin à un atelier de réflexion sur la redirection écologique – ici une des séances de restitution. / Crédit photo : Emmanuel Bonnet (DR)

En fait, l’enquête se base sur une analyse des dépendances, sur une remise en question et une mise en visibilité de l’existant. On cherche à rendre visible ce qui est invisible dans le contexte de l’organisation.

On cherche à rendre visible ce qui est invisible dans le contexte de l’organisation.

L’autre versant de l’enquête consiste à « situer » le problème. En général, l’organisation se base sur des périmètres fonctionnels et génériques : le « site », le « service », l' »entreprise » … ici, je fais parler la personne en face de moi. C’est une approche incarnée, qui permet de mieux mettre les mots sur le trouble ressenti par les acteurs, et donc de travailler à l’identification du problème.

Ce trouble, il ne faut surtout pas l’évacuer. Au contraire, il faut l’accueillir comme un exercice de réflexivité qui replace les acteurs dans leurs situations. 

Les entreprises sont souvent dans une logique « problème / solution » …

C’est un vaste débat. Je ne suis pas solutionniste mais je ne suis pas non anti-solutions, car si on abandonne la perspective d’une solution vue comme une réponse adaptée, pertinente pour la situation, on risque de se maintenir dans une posture contemplative face au réel. 

Le projet doit être décortiqué, déconstruit … non pas pour s’en émanciper mais pour comprendre la situation.

Mais cette approche binaire est très insuffisante, elle réduit la complexité du monde, et elle néglige la situation des acteurs. Ainsi, il n’y a pas de « solution » face au changement climatique. Bien que des réponses soient possibles !

Je dirais que la redirection écologique cherche plutôt une manière d’exister. C’est pourquoi on fait s’exprimer les individus, les situations, que l’on soit dans une TPE ou dans une multinationale. Mon collègue Diego Landivar parle de « micro-écologie », je trouve que ça résume bien cette approche.

La « fresque du renoncement », notamment développée par Diego Landivar, est un jeu pédagogique collaboratif qui permet d’identifier les possibilités de renoncement autour de nos usages et objets du quotidien. / Crédit photo : Fresque du Renoncement (DR)

Vous heurtez-vous à de l’incompréhension dans le monde économique quand vous parlez de « désinnovation » ou de « fermeture » ?

Nous avons en effet quelques notions-clé qui ont eu un premier effet : celui du pavé dans la mare. Par exemple, quand nous avons parlé de « désinnovation », certaines personnes nous disaient qu’on attaquait quelque chose de sacré ! Idem avec la « déprojection », qui peut être confondue avec le fait de ne pas avoir de projet : c’est intolérable pour certains acteurs. 

Pourtant, je dis que le projet doit être décortiqué, déconstruit … non pas pour s’en émanciper mais pour comprendre la situation. Arrêter de chercher la solution, c’est se poser d’abord la question du problème, de nos dépendances, et de comment les remettre en cause. On se demande alors « qu’est-ce que je fais là ? » ou « à quoi dois-je renoncer ? » C’est une façon de sortir des clichés qui nous préexistent. 

Lire l’entretien: L’art de transcender l’existant par les imaginaires, selon Rosalie Lakatos

On trouve un bel exemple avec la représentation répandue d’un modèle économique. Je la compare à une  « photo de famille » : ces modèles sont souvent présentés de façon idéalisée, avec une belle proposition de valeur, des parties prenantes (presque) toutes satisfaites, une ambition partagée… C’est magnifique, mais si tu grattes un peu, il y a le tonton qui n’a pas été invité sur la photo ! 

La redirection, c’est de l’anticipation stratégique se basant sur une série de diagnostics, comme par exemple les limites planétaires.

C’est la notion de fringe stakeholder que j’évoquais : les parties prenantes marginalisées, et souvent invisibilisées, mais qui contribuent tout autant que les parties prenantes classiques à faire exister une organisation. Comme tous ceux qui subissent les impacts des organisations, les laissé-pour-compte, les marginaux, les exploités ou les non-humains. C’est un sujet presque banal en stratégie, mais nous essayons de le remettre en avant.

Peux-tu nous fournir un exemple de redirection écologique dans une organisation ?

La redirection, c’est de l’anticipation stratégique se basant sur une série de diagnostics, comme par exemple les limites planétaires. Je prends souvent l’exemple des stations de ski face au changement climatique : tu as celles qui anticipent, et celles qui ne le font pas, qui continuent à investir « comme si de rien n’était ». Et, dans 10 ans, quand la situation sera irréversible, rien n’aura été anticipé, et tout fermera brutalement. Ce n’est pas ce que nous – Alexandre, Diego et moi-même – appelons “fermeture”. 

Au contraire, l’exemple de la station de Métabief dans le Jura est intéressant. Son directeur, Olivier Erard, a procédé à des enquêtes, convenu que son modèle économique n’était plus pertinent, et convaincu les parties prenantes du territoire que la situation serait catastrophique d’ici 10 ans. Deux solutions : soit on ne fait rien et on accompagne le déclin, soit on « redirige », en actant dès à présent que l’activité « ski alpin » fermera dans 10 ans … et en préparant la transition.

Cela lui permet de bénéficier d’une décennie pour trouver le nouveau modèle économique, les financements, et pour en envisager toutes les externalités – dont le fameux effet rebond. Olivier parle alors de « renoncement », mais le plus dur est en fait la réaffectation des personnes sur d’autres activités, avec de la sécurisation professionnelle et de la justice sociale.

Un refuge sur le territoire de la station de Métabief, dans le Haut-Jura. L’ensemble du site est un exemple de redirection écologique volontariste, selon Emmanuel Bonnet. / Crédit photo : Arnaud 25 (Wikimedia Commons – CC BY SA 3.0)

Tu travailles sur la même thématique mais dans le Sancy. Comment cela se passe-t-il ?

Dans le Sancy, je suis un acteur extérieur, je n’ai pas la même légitimité qu’Olivier dans sa propre station. Néanmoins, depuis deux ans, je travaille beaucoup notamment avec la réserve naturelle de Chastreix-Sancy et avec Michel Babut, le maire de Chastreix. Dans le cadre d’une enquête sur les modèles économiques des entités du territoire (dont la station) nous avons monté une série d’ateliers pour faire se rencontrer les agriculteurs, les élus, les responsables des remontées mécaniques, les accompagnants en montagne, des habitants …

Je cherche à « démarketer » cette notion de « futur harmonieux » ou souhaitable.

Lire le reportage (février 2021): Le Master Design de l’Anthropocène questionne le modèle des stations de ski

Tous ces acteurs sont très liés affectivement au territoire, qui est petit mais dense et complexe dans les manières de voir la situation. Ces ateliers ont mis un an et demi à se monter – c’est le temps qu’il faut pour prendre le temps de nouer des relations de confiance. Leur but est de travailler sur des récits plausibles, des futurs habitables pour Chastreix.

L’écologie des dépendances, c’est d’abord celle de chacun à sa propre histoire, le sens de sa vie, son identité.

Ici, les participants traitent bien d’un sujet existentiel. C’est pour cela qu’on peut parler d’affect : l’écologie des dépendances, c’est d’abord celle de chacun à sa propre histoire, le sens de sa vie, son identité. Quand on les identifie en groupe, parfois quand on les remet en question, cela génère un trouble qui n’est pas que négatif. Car il peut rendre manifeste des possibilités présentes mais non réalisées dans les situations présentes.

La réserve naturelle de Chastreix-Sancy est un des territoires spécialement étudiés par Emmanuel Bonnet dans le cadre de ses enquêtes sur la redirection écologique. / Crédit photo : Sucreroux (Wikimedia Commons, CC BY SA 4.0)

Es-tu confiant sur la capacité des acteurs locaux à s’approprier les enjeux de la redirection écologique ?

La redirection cherche à envisager un futur plausible et vivable, mais pas forcément désirable. Je cherche d’ailleurs à « démarketer » cette notion de « futur harmonieux » ou souhaitable, qu’on sollicite trop souvent face aux crises écologiques. Selon moi, le futur doit avant tout être vivable et plausible. Il ne sera jamais totalement désirable. Mais le pire serait d’attendre l’effondrement des territoires si on ne fait aucune anticipation.

Lire l’entretien (juin 2020) : “La prospective, l’art d’imaginer les futurs” selon Mathieu Baudin

J’ai conscience que l’on peut donner l’impression de saper le reste de croyance dans le futur désirable. Mais, comme le dit souvent Diego [Landivar], il faut mettre les mains dans le cambouis ! Et ne pas chercher absolument une posture de promesse. Tous les futurs ne seront pas possibles. C’est l’objet de l’enquête, et en particulier de l’arbitrage, pour la  redirection écologique : tout poser à plat, mettre en visibilité des situations troublées, et les dépendances que l’on cache sous le tapis.

Pour aller plus loin (ressources proposées par Emmanuel) :
Pour agir utiliser les collectifs de terrain au sens large, et notamment les associations, quand il s’agit d’enquêter et de comprendre les situations locales
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Propos recueillis le 8 juillet 2022, mis en forme pour plus de clarté et relu et corrigé par Emmanuel. Crédit photo de Une : Damien Caillard, Tikographie