Accompagner les acteurs locaux pour préserver la ressource en eau, c’est la mission de l’agence de l’eau Loire-Bretagne. Un de ses principaux représentants sur le Puy-de-Dôme nous alerte sur les perspectives à court-moyen terme.
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Ressenti de l’auteur
Nous touchons presque à la fin de la “semaine de l’eau” sur Tiko, avec un gros dossier sur les projets de bassines à Billom réalisé par Marie-Pierre, cet entretien, et enfin la Rencontre de la Résilience de mardi 17h (à la librairie des Volcans) sur la question générale du stockage de l’eau, animée par Patrick (tous membres éminents et actifs de notre petite association)
Suite à la publication du dossier sur les bassines, j’ai commencé à avoir quelques retours sur la question de la prise de position. Nous avons choisi de rester neutres, dans la mesure du possible, au moins sur la forme : on le voit dans le dossier de Marie-Pierre, différents points de vue sont exprimés. Ce sera la même chose mardi, où les intervenants pourront abonder dans un sens ou dans un autre (il y aura notamment un représentant de la Chambre d’Agriculture pour relayer le point de vue des exploitants).
Cela ne veut pas dire pour autant que nous ne nous sentons pas engagés. Au-delà de nos avis personnels, Tikographie se revendique comme média essayant de favoriser la résilience territoriale, donc la préparation des acteurs locaux aux chocs consécutifs au dérèglement environnemental. L’approche présentée par Cyril Bessey dans cet entretien, avec un “plan de résilience” mettant d’abord en avant la régénération des espaces naturels, puis le travail sur les usages (dans une logique de sobriété), et ensuite seulement les infrastructures de stockage, me semble bien correspondre avec notre point de vue. Ne nous contentons pas de compenser les symptômes, intéressons-nous aux causes du mal et soignons-les – notamment en nous demandant si nos pratiques et nos habitudes de consommation sont les bonnes.
Damien
Les principaux points à retenir
- L’Agence de l’Eau Loire-Bretagne a un territoire très vaste, sur tout le bassin versant de la Loire notamment. Cyril Bessey travaille au sein de la délégation clermontoise, couvrant le sous-bassin “Allier aval”. Le rôle de la structure consiste à accompagner (notamment en termes de financement) les projets locaux pour renforcer ou restaurer la ressource en eau – sa qualité, sa disponibilité, et maintenant sa quantité.
- L’Agence a mis en place un “plan de résilience” pour l’eau en quatre volets. Le premier, qui est prioritaire, est de favoriser la rétention d’eau dans le sol surtout à travers les zones humides. L’objectif est de ralentir le ruissellement. Les actions encouragées consistent notamment à restaurer des secteurs artificialisés.
- Le second volet du plan insiste sur la sobriété. L’Agence accompagne ici des acteurs économiques – industriels – pour que les prélèvements en eau dans leurs process soient réduits. Cyril Bessey estime que la prise de conscience du problème par ces derniers est présente, mais que “franchir le pas” n’est pas évident. Ce travail se fait aussi en transverse à travers les acteurs consulaires.
- Le troisième volet réside dans les usages, avec la notion de “partage de l’eau“. C’est là que la gouvernance de l’Agence est intéressante : au niveau du bassin entier, un “comité de bassin” regroupe 190 membres représentatifs des catégories d’usagers et de l’Etat. Au niveau des sous-bassins, les commissions locales regroupent des usagers du territoire. Ils se basent sur des documents structurants comme le SDAGE [Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux] définissant les grandes orientations. Pour les aider, l’Agence peut financer des études inscrivant la ressource dans la perspective du changement climatique.
- Enfin, le dernier point du plan de résilience porte sur les infrastructures de stockage et, plus globalement, la sécurisation de l’approvisionnement. Là, l’Agence souhaite favoriser la réduction des fuites sur les réseaux d’adduction, et l’interconnexion de ces derniers au niveau des départements. La question de l’ingénierie est capitale pour ce type de projets, surtout concernant des petites communes ou communautés de communes rurales. L’exemple de l’Allier est ainsi mis en avant.
- La qualité de la ressource est variable dans le Puy-de-Dôme selon Cyril Bessey. La Sioule amont et la Dore sont bien préservées, mais les territoires autour de la Limagne (Sioule aval et Allier aval) sont impactés par une pollution diffuse et des captages qui ne sont pas complètement cartographiés – liés à l’usage agricole principalement. La question de l’approvisionnement en eau du territoire, en cas de nouvelle sécheresse grave en 2023, se pose, avec des barrages sur l’Allier qui sont insuffisamment remplis.
- Enfin, l’Agence n’a pas été sollicitée pour les projets de bassines près de Billom. Elle n’aurait de toute façon pas apporté de financement, car pour elle il ne s’agit pas de faire un gain environnemental mais de développer de l’irrigation. Cyril Bessey insiste sur la grande fragilité de ces dispositifs de retenues dans le cadre du dérèglement climatique, avec de moins en moins d’eau pour les alimenter. Il invite plutôt à se poser la question de notre modèle alimentaire et agricole, à condition de le faire de manière collective.
L’intervenant : Cyril Bessey
Chef de service politique territoriale délégation Allier Loire amont à l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne
Né en 1972, Cyril Bessey est originaire de la plaine du Forez, non loin de Saint-Etienne. Il suit une formation universitaire en biologie, avant un master “espaces et milieux” à Paris, “au croisement entre la géographie et les sciences de la vie”, précise-t-il.
Initialement professeur en sciences de la vie et de la terre, il entre à l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne où il fait la majorité de sa carrière – d’abord au siège à Orléans puis, à partir de 2016, en tant que chef de service à Clermont.
Contacter Cyril Bessey par mail : cyril.bessey [chez] eau-loire-bretagne.fr |
La structure : l’agence de l’eau Loire-Bretagne – délégation Allier Loire amont
Etablissement public lié au Ministère de la Transition Ecologique et dédié à la protection de la ressource en eau sur le bassin de la Loire et en Bretagne – délégation sur le territoire en amont du bec d’Allier
Créée en 1964 à l’occasion de la première loi sur l’eau en France, l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne regroupe six bassins dépendant de la Loire, de ses affluents, et des cours d’eau en Bretagne. C’est la plus grande agence de l’eau en France avec 155 000 km2. Son siège est à Orléans, et ses délégations sont au nombre de 5 car elles sont calquées sur les régions administratives pour des questions de fonds européens.
La délégation “Allier Loire amont” regroupe les sous-bassins et affluents en amont du bec d’Allier, à Nevers. Cela représente 12 départements, 36 000 km2, et au total 35 000 km de cours d’eau, affluents de la Loire et de l’Allier. Elle regroupe 23 collaborateurs dans son siège à Lempdes, près de Clermont.
L’Agence, et ses délégations, n’ont pas de portée réglementaire mais accompagnent les acteurs locaux dans leur action de préservation de la ressource (financement, études, mise en place). Elle a mis en place un “plan de résilience” favorisant, dans l’ordre, la rétention de l’eau dans le sol par les solutions naturelles (notamment les zones humides) ; la réduction des prélèvements par la sobriété ; la concertation dans le partage de l’eau et les usages ; le travail sur les infrastructures de stockage et les réseaux d’adduction.
La gouvernance de l’Agence se fait principalement par un Comité de Bassin, au niveau de tout son territoire, qui regroupe 190 représentants des principaux usagers ainsi que les services de l’Etat. Ce comité réalise le schéma directeur SDAGE, décliné en SAGE [Schémas d’Aménagement et de Gestion de l’Eau] au niveau des sous-bassins – qui fixent les grandes orientations sur la gestion de la ressource. Des comités de gestion locaux, regroupant des utilisateurs des territoires, sont aussi animés par les délégations de l’Agence.
Enfin, des études sont financées. Sur l’Allier, l’étude HMUC (Hydrologie, Milieux, Usages et Climat] vise à projeter la ressource en eau à 20 et à 50 ans, dans le cadre du dérèglement climatique.
L’Agence organise également des Trophées de l’Eau tous les deux ans pour valoriser les actions de préservation de la ressource.
Accès direct aux questions
- Comment résumer l’action des Agences de l’Eau sur le territoire ?
- L’Agence de l’Eau Loire-Bretagne déploie un “plan de résilience” pour la ressource en eau. De quoi s’agit-il ?
- Vous n’agissez donc pas directement sur le terrain ?
- Le second volet du plan résilience insiste sur la sobriété…
- Les partenaires de vos actions sont-ils sensibilisés au sujet de l’eau ?
- Qu’en est-il des usages de l’eau dans le plan de résilience ?
- Cela peut-il aboutir à une logique de sécurisation de la ressource en eau ?
- L’interconnexion des réseaux est une réalité dans l’Allier…
- Quelle est la réalité de la ressource en eau dans le Puy-de-Dôme ?
- Etes-vous inquiet pour l’été 2023 ?
- Des projets de bassines peuvent voir le jour près de Billom. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Retour sur quatre acteurs locaux engagés, point sur Tikographie, sortie du recueil “l’année tiko 2024”, message de notre ennemi juré, buffet végé…
Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?
Comment résumer l’action des Agences de l’Eau sur le territoire ?
Notre action consiste à accompagner les acteurs locaux pour la mise en place d’actions en faveur de la qualité des milieux aquatiques.
Plus largement, il s’agit d’améliorer ou de restaurer la qualité de la ressource en eau – tous milieux confondus, dont les eaux souterraines, et ce en fonction des usages et des besoins locaux. Mais ce travail sur la qualité – notamment via l’assainissement – est de plus en plus impacté par la question de la quantité. D’autant plus que, moins il y a d’eau, plus sa qualité est détériorée – les polluants étant moins dilués.
“Moins il y a d’eau, plus sa qualité est détériorée”
Il est important aussi de noter que l’agence n’a pas de de portée réglementaire – dans le sens où ce sont la préfecture et la Direction Départementale des Territoires qui peuvent faire appliquer les règlements.
L’Agence de l’Eau Loire-Bretagne déploie un “plan de résilience” pour la ressource en eau. De quoi s’agit-il ?
C’est un plan en quatre volets principaux pour faire face à la raréfaction de la ressource sur les territoires. Le premier volet, qui est le plus important pour nous, consiste à favoriser la rétention de l’eau dans le sol, notamment via les zones humides. Ces zones [méandres, marécages, tourbières – NDLR] permettent un stockage naturel de l’eau dans le sol, en surface ou dans le sous-sol. Cela a pour effet de ralentir le ruissellement et le “transfert” de l’eau de l’amont vers l’aval.
Pour favoriser les zones humides, il faut bien souvent les restaurer. Cela revient à désartificialiser les sols, et il y a des outils pour cela ! Notre objectif est donc bien de restaurer, et pas juste éviter de dégrader. Il est absolument nécessaire d’aller plus loin, et nous apportons des aides en ce sens pour les acteurs locaux.
Vous n’agissez donc pas directement sur le terrain ?
Non, mais nous faisons faire – ou, a minima, nous finançons. Cela concerne le monde public comme les entreprises ou les consulaires, même si nous travaillons en majorité avec des collectivités dans le cadre de la loi GEMAPI [qui attribue aux communes la gestion des milieux aquatiques, NDLR]. Ces acteurs publics ont notamment la compétence de gestion du foncier comme les bords de cours d’eau, même si les terrains appartiennent à des privés.
“Notre objectif est donc bien de restaurer [les zones humides], et pas juste éviter de dégrader.”
Nous agissons donc sur un large spectre, y compris avec des fonds publics sur des parcelles privées – via des déclarations d’intérêt général, par exemple. Cela permet de faire du reméandrage, de la restauration de zone humide, ou simplement éviter que le bétail ne piétine trop en dégradant les sols.
A titre d’exemple, pour l’année 2022, l’agence de l’eau Loire Bretagne a attribué près de 1,7 millions d’euros d’aides pour des travaux ciblant directement les milieux aquatiques engagés sur le département du Puy-de-Dôme. Ces montants sont assez significatifs puisqu’ils représentent 21 % de l’ensemble des subventions attribuées par l’agence – qui étaient d’un peu plus de 8 millions d’euros – pour accompagner les actions en faveur de la qualité de l’eau sur le département du Puy de Dôme.
Le second volet du plan résilience insiste sur la sobriété…
Oui, dans le sens où il faut faire des économies d’eau. Là, nous accompagnons plusieurs grands acteurs industriels locaux dont la consommation est importante en volume : Michelin, Candia, Constellium… concrètement, ils prélèveront de moins en moins d’eau, et donc en laisseront davantage dans l’environnement. J’insiste là-dessus : nous privilégions la rétention d’eau dans les milieux naturels, puis la question des usages.
Les partenaires de vos actions sont-ils sensibilisés au sujet de l’eau ?
Depuis les “années sèches” de 2020 et 2022, ils le sont de plus en plus. Mais franchir le pas entre la prise de conscience et l’action concrète n’est pas toujours évident, même s’il y a de vraies économies – financières – à la clé ! Les grandes entreprises industrielles peuvent investir dans l’évolution de leur outil de production. C’est plus difficile pour les PME, avec lesquelles nous avons d’ailleurs moins de contacts.
Mais nous travaillons en transversal pour sensibiliser un maximum d’acteurs économiques. Nous menons ainsi des actions avec la Chambre de Commerce et d’Industrie, avec la Chambre des Métiers et de l’Artisanat, ou via les grandes collectivités locales, en direction des entreprises. Il faut savoir que l’on peut trouver des solutions aux problèmes rencontrés, et les financer !
Qu’en est-il des usages de l’eau dans le plan de résilience ?
C’est la question du partage de l’eau entre les différents besoins. Nous avons notamment pour mission d’accompagner les acteurs locaux dans cette réflexion
La gouvernance des agences de l’eau est basée sur la concertation entre tous les acteurs. Ainsi le Comité de Bassin, qui est composé de 190 membres au niveau de tout le territoire du bassin Loire-Bretagne, approuve collégialement le SDAGE [Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux] qui définit les grandes orientations du bassin. Ce comité est composé à 40% de représentants de collectivités, à 20% d’acteurs économiques, à 20% de membres de la société civile “non économiques” et à 20% de représentants de services de l’Etat.
“Il faut savoir que l’on peut trouver des solutions aux problèmes rencontrés, et les financer !”
Le SDAGE est ensuite décliné par sous-bassins versants en SAGE [Schéma d’Aménagement et de Gestion de l’Eau]. Le Département du Puy-de-Dôme est majoritairement concerné par trois SAGE : Allier aval, Dore et Sioule.
Chaque SAGE a sa propre commission locale de l’eau, avec des usagers de proximité. C’est là que l’on peut aborder les problématiques de terrain, et se demander comment partager collectivement la ressource. Pour toutes ces instances, l’Agence de l’Eau finance l’animation mais aussi des études comme l’étude HMUC [Hydrologie, Milieux, Usages, Climat] qui est un état des lieux des besoins et des ressources projetées à 20 et à 50 ans, dans le cadre du dérèglement climatique. Il faut donc définir aujourd’hui les actions pour préserver la ressource de demain.
Cela peut-il aboutir à une logique de sécurisation de la ressource en eau ?
C’est l’objet de notre quatrième point, toujours dans un ordre de priorité décroissante : comment sécuriser l’approvisionnement en eau potable ? Le SDAGE identifie des zones en déficit, notamment dans l’ouest du pays. Là, on peut aller jusqu’à financer des retenues de substitution. Je précise ce dont il s’agit : substituer un prélèvement dans les cours d’eau au moment de l’étiage [en été, NDLR] par un prélèvement en hiver, moins impactant et sous condition d’une certaine hauteur d’eau atteinte dans les rivières.
Pour l’eau potable, nous préconisons l’interconnexion et la rénovation des réseaux d’adduction. Nous pouvons ainsi financer en partie des études sur le réseau des collectivités, afin d’identifier les fuites principales. Pour rappel, le “taux de rendement” des réseaux est de 80% en moyenne sur le bassin Loire-Bretagne, mais seulement de 70% sur le Puy-de-Dôme [soit 3 litres sur 10 perdus dans les fuites, NDLR]. Il y a encore des efforts à faire !
“Pour l’eau potable, nous préconisons l’interconnexion et la rénovation des réseaux d’adduction.”
Cette question de la résorption des fuites me semble très importante, d’autant que beaucoup de communes rurales et isolées gèrent seules leur réseau. Le rendement y est mauvais parce que la charge financière est trop lourde, et l’ingénierie manque. Or, nous pouvons financer la formation et l’accompagnement de techniciens. Cette ingénierie est un point clé pour mettre en place les bonnes compétences et s’approprier le sujet, notre but étant de n’intervenir qu’une fois, en amont.
L’interconnexion des réseaux est une réalité dans l’Allier…
Dans ce département, c’est un syndicat mixte assez ancien, porté par le Conseil Départemental, qui a mené à bien ce projet. Le principe était d’apporter l’eau depuis la vallée de la Loire et de l’Allier vers celle du Cher, plus déficitaire à cause de son socle géologique cristallin. D’ailleurs, en 2022, nous avons financé l’interconnexion du réseau de l’Allier vers celui de la Creuse.
Ces interconnexions de réseaux sont inscrites dans des programmes d’interventions pluriannuelles, qui durent en général cinq ans et sont réévalués à mi parcours.
Quelle est la réalité de la ressource en eau dans le Puy-de-Dôme ?
Cela dépend des cours d’eau. Sur la Dore, la ressource est globalement préservée, avec un petit impact industriel et des enjeux quantitatifs à l’amont mais également sur Thiers. Sur la Sioule, l’amont est préservé malgré une vigilance à avoir sur les impacts de l’élevage. L’aval, proche de la Limagne, est plus fortement prélevé en quantité et plus fortement impacté par des pollutions d’origine anthropique.
Enfin, il y a toute la zone dépendante de l’Allier. En Limagne, il y a un enjeu de qualité et notamment de “pollution diffuse” d’origine agricole. En effet, une grande partie des captages d’alimentation en eau potable est située le long de l’axe Allier.,. Il y a également bien entendu l’enjeu quantité qui peut être plus difficile à suivre. Je veux dire par là que – au-delà des collectivités – on connaît les gros préleveurs privés [à usage agricole, NDLR], mais pas forcément tous les “petits”… sans compter les particuliers, non professionnels !
Et il y a la question des volumes prélevés, et de la temporalité – les agriculteurs prélevant majoritairement en plein été quand la consommation des particuliers ou des industriels est plus lissée. Enfin, que devient l’eau prélevée une fois “consommée” ? Pour un particulier, on peut dire que 60 à 70% revient au cours d’eau une fois assainie. Pour un agriculteur, c’est souvent beaucoup moins.
Etes-vous inquiet pour l’été 2023 ?
C’est vrai qu’il y a une vraie incertitude sur le fait d’avoir assez d’eau au robinet. Cela dépend des données de 2022, grande année de sécheresse : était-ce une période exceptionnelle, ou au contraire un indicateur fiable des années à venir ? Mais, dans tous les cas, on constate une accumulation des sécheresses et un impact de plus en plus marqué.
Par exemple, le débit de l’Allier est assuré par le barrage de Naussac [près de Langogne, au sud du Puy, NDLR]. C’est un barrage dont la capacité est de 190 millions de mètre cubes d’eau. En 2022, 100 millions ont été consommés. Il est actuellement plein à 40% [à mi avril, NDLR]. Cela dit, une agglomération comme celle de Clermont est alimentée à moitié depuis l’Allier et à moitié depuis des captages dans la chaîne des Puys. Connaître les nappes souterraines, leur capacité et leur niveau de remplissage est complexe, et nous finançons des études sur les sous-sols volcaniques pour en savoir plus.
Des projets de bassines peuvent voir le jour près de Billom. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
C’est simple : nous n’avons pas été sollicités. Et, de toute façon, nous n’en aurions pas financé le développement, car ces retenues ne portent pas sur un gain environnemental [de sécurisation de la ressource en eau, NDLR] mais sur un développement de l’irrigation.
Plus généralement, les retenues artificielles sont très impactées par le dérèglement climatique. Pour l’agence, elles peuvent être des solutions… juste pour une période de transition, uniquement dans des zones de tension et sous condition de réaliser effectivement des économies de prélèvements. Par ailleurs, il y a une forte probabilité que la situation de l’eau se durcisse dans les 10-20 ans à venir et il risque de se poser la question de la capacité de remplissage de ces retenues.
Mais ce sujet est compliqué, car cela revient aussi à se poser la question de la résilience alimentaire : qu’est-ce qu’on produit et pour quel usage ?
L’Agence de l’Eau vise un vrai changement de pratique, et la solution sera de toute façon collective. Notre rôle est d’éclairer la concertation que doivent organiser les acteurs politiques locaux. Et notre message principal, je le redis, est qu’il y aura moins d’eau disponible et que l’on sera forcé de s’y adapter. L’eau doit être considérée comme un bien commun, qui n’appartient à personne et donc appartient à tout le monde.
Ressources complémentaires proposées par Cyril Bessey : Comprendre – Un exemple de reméandrage particulièrement intéressant réalisé par le Syndicat Mixte de la Vallée de la Veyre et de l’Auzon ; de même, une vidéo sur l’effacement du plan d’eau de Vollore-Montagne, avec le PNR du Livradois-Forez, “qui a permis de redonner de la liberté au cours d’eau” selon Cyril Agir – Si vous avez réalisé un projet de préservation de la ressource en eau, candidatez aux Trophées de l’eau de l’Agence, tous les deux ans. “Il apporte une valorisation financière et en visibilité pour les actions réalisées” précise Cyril. La présélection se fait au niveau de l’Agence. |
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Propos recueillis le 13 avril 2023, mis en forme pour plus de clarté et relus et corrigés par Cyril Bessey. Merci à Etienne Bouju. Crédit photo de Une : Damien Caillard, Tikographie