A Lempdes, Henri Gisselbrecht porte « un discours d’économie d’énergies »

Le maire de Lempdes a, dès son élection en 2014, embrayé sur la transition énergétique. Avant de s’ouvrir aux sujets connexes, puis de s’occuper du développement économique de la Métropole.


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Pourquoi cet article ?

Comme chaque mois depuis mars, je vous propose un entretien transversal sur la transition écologique et la résilience territoriale vue par un des maires de Clermont Auvergne Métropole.

A Lempdes, Henri Gisselbrecht a la double casquette de maire de sa commune et vice-président de Clermont Métropole en charge du développement économique. Je suis allé échanger avec lui sur ces deux angles, et il a initié la conversation sur le sujet de la transition énergétique – un dossier qui le passionne également, en tant que vice-président de l’Aduhme.

Mais d’autres sujets liés à la transition écologique ont été abordés, principalement sous l’angle du « développement durable » : le compostage, la ceinture maraîchère, les « dents creuses » et la recherche de foncier … il semble que la proximité du Valtom d’une part (de l’autre côté de la colline), du pôle Marmilhat-Vetagrosup d’autre part, facilite les collaborations.

Damien

Les principaux points à retenir

  1. Dès son premier mandat en 2014, Henri Gisselbrecht a initié une politique de rénovation et d’optimisation énergétique des bâtiments municipaux. Cela a inauguré une longue période de collaboration avec l’Aduhme, sur l’accompagnement de la transition énergétique municipale – un service dédié a notamment été créé à la mairie. Des gymnases, écoles, crèches ont progressivement fait l’objet d’améliorations de leur bilan énergétique, permettant d’expérimenter plusieurs techniques – mur canadien, géothermie, isolation extérieure. L’éclairage public est également pris en compte.
  2. L’accompagnement de l’Aduhme se fait aussi au niveau du financement, permettant de combiner fonds européens, nationaux (Ademe), régionaux et métropolitains. Cela permet de pallier en partie la forte baisse des dotations de l’Etat opérée en 2014. Le discours global est celui des économies d’énergie, sous toutes les formes et utilisant tous les leviers – notamment la TVA.
  3. Sur la mobilité, la position intermédiaire de Lempdes la rend très sensible aux flux pendulaires entre Clermont et les villes de l’Est métropolitain comme Cournon ou Pont-du-Château. La solution pour améliorer le cadre de vie des habitants est dans l’aménagement d’axes de mobilité douce, sécurisés. Le Schéma cyclable métropolitain est un levier intéressant mais il reste encore de nombreuses discontinuités à régler. Dans ce cadre, l’infrastructure doit précéder l’usage. Enfin, pour les transports en commun, Henri Gisselbrecht s’est mobilisé, avec succès, pour inclure les lignes desservant sa commune et pour un service assuré le dimanche.
  4. La « nature en ville » est un sujet qui se développe notamment grâce aux partenariats avec Marmilhat et VetAgroSup, toutes proches : de nombreux étudiants et lycéens participent à des actions municipales, dans le cadre de leurs études ou d’associations. Les habitants sont sollicités pour participer à des ateliers citoyens sur l’usage des parcs municipaux ou l’évolution d’espaces verts en forêts urbaines.
  5. Un composteur a notamment été mis en place avec l’aide du Valtom, en centre-ville. C’est un exemple intéressant de sensibilisation des acteurs locaux et de « conviction » des élus, face à des réticences. Le projet a fini par être embrassé par les habitants. Selon Henri Gisselbrecht, la clé est de « tenir bon » face aux critiques éventuelles, qui finissent par disparaître avec l’usage – on le voit en matière de désherbage ou de mobilité douce.
  6. Bien qu’elle soit très proche des terres agricoles de la Limagne, Lempdes n’a pas de politique de production alimentaire très avancée. Mais des échanges sont en cours avec des agriculteurs de la commune, et des actions ont été prises plutôt sur la distribution, avec l’ouverture d’un marché de producteurs locaux en 2020. Sur ce sujet, Henri Gisselbrecht préfère toutefois avancer sans attendre les initiatives plus larges, comme le Projet Alimentaire Territorial.
  7. Proche de Clermont mais avec un « esprit village » qu’il faut préserver, Lempdes attire beaucoup d’habitants de la Métropole. La sociologie des habitants a beaucoup évolué depuis quelques décennies, avec une stabilisation de la population autour de 9000 habitants mais une hausse notable du nombre de logements. En retour, le maire de Lempdes a souhaiter réduire fortement les surfaces constructibles pour protéger les terres agricoles ou espaces naturels. Sa stratégie : optimiser les « dents creuses » qui représentent un potentiel foncier important, dans le cadre du Plan Local d’Urbanisme Intercommunal en cours d’élaboration.
  8. Enfin, Henri Gisselbrecht est aussi vice-président de Clermont Auvergne Métropole en charge du développement économique. Son credo est que les entreprises ont un rôle à jouer dans le développement durable, notamment celles qui sont engagées sur le territoire. Il s’inspire personnellement beaucoup d’histoires d’entrepreneurs locaux. S’il souhaite qu’une vraie politique d’attractivité (incluant la dimension environnementale) émerge au niveau de la Métropole, il regrette qu’il n’y ait pas encore d’indicateurs faciles à demander aux entreprises pour les accompagner dans la transition écologique.

L’intervenant : Henri Gisselbrecht

Crédit photo : éditeur

Maire de Lempdes depuis 2014 ; vice-président à Clermont Métropole en charge du développement économique ; vice-président de l’Aduhme


Vétérinaire de profession, Henri Gisselbrecht est élu en 2014 à la tête de la ville de Lempdes. Il s’engage très vite dans une politique de transition énergétique en étant accompagné par l’Aduhme, dont il devient vice-président. Il diversifie par la suite son approche du développement durable en traitant des sujets comme la nature en ville (en partenariat avec Marmilhat et VetAgroSup notamment), l’agriculture, et la mobilité.

En 2020, il devient vice-président de Clermont Auvergne Métropole en charge du développement économique.

Contacter Henri Gisselbrecht par mail : henri.gisselbrecht [chez] laposte.net

Crédit photo : éditeur

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Comment voyez-vous l’enjeu écologique à Lempdes, d’une manière générale ?

Ici, la population est très attachée à l’écologie et au développement durable. Et ce depuis longtemps ! C’est notamment lié à la proximité de la nature et des collines qui nous surplombent. A titre personnel, j’ai observé cet attachement en tant que vétérinaire, dans les façons de parler comme dans les comportements.

Votre priorité, après avoir accédé à la mairie de Lempdes en 2014, a été la transition énergétique …

Oui, et nous avons commencé par adhérer à l’Aduhme afin de mener au mieux le premier projet d’envergure : la réfection (et l’extension) de la salle de sport du collège, un vieux bâtiment “Pailleron” des années 70. Grâce à l’accompagnement de l’Aduhme, nous avons pu intégrer les sujets énergétiques dans le cahier des charges de ce chantier.

Ici, la population est très attachée à l’écologie et au développement durable.

Résultat : la construction d’un “mur solaire” où le soleil chauffe l’air pris entre deux plaques de tôle, ce qui active une circulation naturelle dans le bâtiment. Nous étions alors une des premières municipalités à le mettre en œuvre ! Et cela s’est accompagné d’un diagnostic énergétique global du bâtiment afin de réaliser des économies de chauffage ou une programmation de l’éclairage.

Cet exemple de « mur canadien » sur le bâtiment de la salle de gym du COSEC à Lempdes est une des premières initiatives de la transition énergétique voulue par la mairie, dès 2014, et accompagnée par l’Aduhme : le soleil chauffe la double paroi en métal, ce qui permet une circulation d’air dans le bâtiment / Crédit photo : éditeur

Comment poursuivez-vous votre collaboration avec l’Aduhme ?

Ce projet a lancé une série de travaux en commun. En 2016, j’ai créé un service dédié “transition énergétique, économies d’énergie” au sein de la mairie. Et nous avons continué avec d’autres bâtiments emblématiques comme le groupe scolaire du Bourgnon, une vraie passoire thermique à l’époque. La mutualisation des investissements nous a permis d’ éviter le chauffage électrique ruineux de l’école de musique voisine – 10 000 € par an ! 

Par la suite, nous avons travaillé sur la création d’une nouvelle crèche publique équipée de forages à 180 mètres de profondeur couplés à une pompe à chaleur. Elle est opérationnelle depuis 2018 suite à des études menées avec l’ADEME, et avec une forte exigence énergétique, notamment sur l’étanchéité. Je suis fier de dire que c’est un bâtiment 20% plus économe que la norme RT2012. Sans parler des candélabres photovoltaïques sur le parking.

La crèche construite à côté de l’école du Bourgnon bénéficie de forages à 180 mètres pour optimiser les échanges thermiques, et de lampadaires autonomes alimentés en solaire / Crédit photo : éditeur

Aujourd’hui, nous poursuivons avec l’Aduhme qui nous accompagne dans les projets et leur montage financier. Un diagnostic de nos 38 bâtiments municipaux est en cours et permettra de déterminer une stratégie de transition énergétique pour les années à venir. Avec un niveau de précision très fin, portant notamment sur l’usage par le public ou les associations, les pièces à chauffer, le bon calendrier …

Lire l’entretien : sobriété, performance et diversification énergétique, la recette de Sébastien Contamine

Quel est le bon modèle économique pour la rénovation énergétique du bâti public ?

Globalement, nous mêlons des fonds ADEME – nationaux – et Métropole pour les études, puis du financement du FEDER, de la Région et du Département pour la réalisation. Nous pouvons monter à 75 ou 80 % de taux de subventions sur certains projets.

Et c’est vraiment important car, sans ces subventions, nous mettrions 35 à 40 ans pour amortir un tel investissement, versus 10 à 12 ans … Dans le cadre de la baisse des dotations de l’Etat aux communes qui est intervenue en mars 2014, c’est une différence majeure.

Sans ces subventions, nous mettrions 35 à 40 ans pour amortir un tel investissement [de transition énergétique]

Notre discours global, aujourd’hui, est celui des économies d’énergie. On investit sur l’avenir ! Ces arguments, financiers, portent … d’autant plus qu’il y a d’autres leviers, comme par exemple la TVA réduite (à 5,5%) sur le bois énergie.

En complément : Sébastien Contamine, sur le travail de l’Aduhme avec Lempdes

Sébastien Contamine est directeur de l’Aduhme (dont Henri Gisselbrecht est vice-président)

“Notre mission consiste à accompagner les élus locaux, et leurs services, dans la réduction de manière substantielle de la consommation d’énergie dans l’espace public. Pour ce faire, nous travaillons sur le “profil énergétique” du patrimoine de la collectivité : bâtiments et éclairage public, en traitant aussi bien les volumes de consommation que leur performance énergétique.

Nous pouvons ainsi être en appui dès le début d’un chantier (rénovation, construction) pour rédiger des notes d’enjeu, par exemple afin d’intégrer le projet dans des dossiers de consultation plus larges. Puis pour s’assurer que les personnes retenues – programmistes, maîtres d’œuvre – prendront bien en considération autant les besoins de la commune que les enjeux climatiques locaux, notamment le risque d’îlots de chaleur.

Plus récemment, nous avons commencé à accompagner les élus dans l’ingénierie financière. Le but est de les aider à mobiliser les bonnes subventions, et d’intégrer les attentes et les règles du financeur aux objectifs du projet.

Enfin, j’insiste sur notre accompagnement de l’amont à l’aval, durant la conduite du chantier mais aussi lors de l’exploitation : nous pouvons suivre les évolutions de consommations d’énergie pour attester du niveau de performance énergétique concrètement atteint.

Lempdes est, pour nous, une commune vraiment dans le “haut du panier” en termes de transition énergétique. C’était d’ailleurs, pour nous, un partenariat gagnant-gagnant quand nous avons commencé à travailler avec eux en 2015 : ils avaient besoin de notre expertise, mais nous avions aussi besoin d’avoir un exemple de stratégie locale de transition.

En un mandat, Lempdes a pu lancer de nombreux travaux avec des baisses substantielles de consommations d’énergie – moins 50% sur le Bourgnon – en recourant à des matériaux bio-sourcés et à du bois-énergie.

Nous continuons à travailler sur l’ensemble de leur patrimoine bâti avec eux, mais aussi en explorant de nouvelles pistes – comme avec le programme Solaire Dômes que nous portons, et qui consiste à équiper les toitures de bâtiments publics en photovoltaïque.”

Entretien téléphonique du 21 octobre 2021

La transition énergétique porte-t-elle sur autre chose que l’efficacité thermique ?

Oui, par exemple sur le plan de modernisation de notre éclairage public. En 2014, la technologie LED n’était pas suffisamment au point selon moi, donc nous avons engagé un plan long, sur 6 ans. C’est un changement progressif aussi bien dans le renouvellement de 40% de vieux candélabres, que sur la modulation de l’éclairage (-30% à 22 heures, -60% à minuit).

Le groupe scolaire du Bourgnon a bénéficié d’une importante opération de rénovation et d’optimisation thermique, par un réseau de chaleur attenant mais aussi par une isolation extérieure de sa façade / Crédit photo : éditeur

Sur la mobilité, quelle est votre stratégie de transition ?

Il y a beaucoup de flux pendulaires sur Lempdes : avec 5000 actifs sur la commune, mais seulement 20% de la population qui y travaille, cela multiplie les trajets principalement en voiture pour rejoindre Cournon ou Clermont. Sans parler des Cournonnais qui rejoignent le Brézet en passant par le centre de Lempdes.

Il y a beaucoup de flux pendulaires sur Lempdes.

Ces nuisances sont ressenties par les habitants. Et souvent sur des sujets très concrets : par exemple, les familles vivant sur Lempdes ont réalisé que leurs enfants ne pouvaient pas aller du centre-ville à la piscine municipale de manière sécurisée, et autonome. Nous avons alors engagé un projet de cheminement doux, arboré, via une chaussée séparée. Ce sera un axe structurant, nord-sud, pour la ville, d’ici 2023 – maintenant qu’un achat foncier a levé les derniers points de blocage.

Cela s’inscrit-il dans un plan de mobilité au niveau de la Métropole ?

Dans le cadre du schéma cyclable, oui : il a permis la construction d’une piste double-sens le long de l’avenue de l’Europe, qui se rend à Marmilhat puis au Brézet. Elle doit être étendue jusqu’à Pont-du-Château, en parallèle de la sécurisation de la voie le long de l’aéroport d’Aulnat.

Mais il restera des problèmes : la jonction avec le Brézet ne sera pas continue, il y aura des “trous dans la raquette”. De plus, je dois batailler avec certains de mes adjoints qui voient des pistes cyclables avec peu ou pas de cyclistes dessus … Cela dit, il y en a beaucoup plus qu’il y a cinq ans ! Et, dans ce domaine, l’infrastructure doit précéder l’usage. Sinon on ne réduira jamais le risque pour nos enfants qui veulent se rendre seuls à l’école ou à la piscine.

Le long de l’avenue de l’Europe, ou du moins en partie, se trouve une toute belle piste vélo. Problème: elle s’arrête à un rond-point proche de Marmilhat, se transforme en une bande cyclable le long de la chaussée, puis disparaît dans le Brézet. Le schéma cyclable doit encore combler ces discontinuités / Crédit photo : éditeur

Et du côté des transports en commun, peut-on optimiser les liaisons avec les autres pôles urbains ?

Dans le cadre du projet Inspire porté par le SMTC, notre ligne de bus [Clermont-Pont-du-Château] n’était initialement pas concernée ! Nous avons dû monter au créneau, avec plusieurs élus, pour être pris en compte. Maintenant, le principe est qu’aucun habitant de la Métropole ne soit à moins de 30 minutes d’un grand centre urbain … je suis sûr que notre mobilisation y a contribué.

En outre, nous avons fait des progrès concrets depuis la rentrée de septembre : l’ouverture des 27 km de la Voie Verte le long de l’Allier, la mise en place d’un bus le dimanche dans lequel on peut monter avec son vélo … ce sont des évolutions très positives, qui remettent de l’équité territoriale.

Lempdes, vous le disiez, est proche de la nature. Néanmoins, quelle doit être la place de la “nature en ville” selon vous ?

Du fait de la proximité de pôles majeurs d’enseignement et de recherche sur l’agronomie (Vetagrosup, Marmilhat), nous avons des synergies depuis longtemps avec les acteurs de ce secteur. Le lycée agricole de Marmilhat, par exemple, a participé à la réfection de l’avenue de l’Europe que j’évoquais tout à l’heure. Le 25 septembre, ils ont ramassé des déchets sur les collines. Et leurs stagiaires participent aux projets de signalétique locale sur la biodiversité.

Plus largement, nous avons initié des concertations citoyennes sur la place de la nature en ville, comme lors de la définition des “nouveaux usages” du parc de la mairie – à travers des ateliers citoyens. Là aussi, des étudiants de Marmilhat ont participé au choix des arbres. 

Les forêts urbaines sont une thématique intéressante : à chaque naissance, nous plantons un arbre à Lempdes (soit 80 par an environ). Les habitants sont appelés à se prononcer sur l’évolution d’espaces verts, ou de terrains de foot inutilisés, en forêts urbaines. 

Lire l’entretien : Pour le collectif Arbres Citoyens, « l’arbre en ville est tout bonus ! »

Ce sont des évolutions potentiellement majeures dans l’environnement urbain. Comment arrivez-vous à convaincre les parties prenantes ?

En effet, ces projets peuvent être compliqués : en 2014, je m’étais opposé fortement à des habitants qui, n’aimant pas les feuilles mortes, voulaient couper les arbres ! Idem pour la nouvelle politique quant à l’entretien de la voirie : dès 2014, fin des pesticides et mise en place progressive de la “fauche tardive”. Conséquence : 20 centimètres d’herbes sur les bords de route … que beaucoup d’habitants ne supportent pas.

Quand on fait face à des élus réticents, il vaut mieux montrer comment cela se passe chez nos voisins.

Mais il faut tenir bon et ne pas céder aux premières critiques, inévitables. Cela a pris trois ans avec beaucoup de sensibilisation, mais cette nouvelle pratique est désormais acceptée.

Quand on fait face à des élus réticents – comme pour le composteur [ci-dessous], l’approche est un peu différente : il vaut mieux montrer comment cela se passe chez nos voisins – nous nous sommes inspirés d’un composteur fonctionnel depuis plusieurs années à Beauregard-l’Eveque, par exemple, ou encore d’une chaufferie bois à Mézel [aujourd’hui Mur-sur-Allier] Également, ne pas hésiter à faire venir des professionnels “tiers”, comme avec les Jardiniers du Pays d’Auvergne qui nous ont spontanément aidés.

Sur la sensibilisation et le participatif, un exemple intéressant est celui du composteur en centre-ville …

Le Valtom n’est pas loin, de l’autre côté des collines. Nous avons pu travailler avec eux dans le cadre du programme Organicité pour mettre en place le premier composteur partagé de Clermont Métropole.

J’ajouterais : heureusement que le Valtom avait anticipé les objections ! Je me suis fortement opposé à des personnes, même dans ma propre équipe, sur la crainte d’odeurs, de rats … Nous avons finalement procédé via des réunions publiques pour encourager des familles volontaires vivant en centre-ville, dont les rues sont souvent trop étroites pour le camion-benne.

Résultat : il fallait 15 familles volontaires pour démarrer le projet … et nous en avons eu 30 ! Aujourd’hui, le composteur tourne très bien, et demande peu d’entretien – principalement des recharges de copeaux en bois.

Le composteur installé dans le centre-ville de Lempdes permettrait de répondre à des problématiques liées à certaines rues trop étroites pour évacuer correctement les déchets ménagers / Crédit photo : éditeur

Les collines sont proches de Lempdes, mais également la Limagne. Avez-vous une stratégie spécifique sur la production agricole de proximité ?

Pour ces aspects, il est absolument nécessaire de réfléchir de concert avec les exploitants agricoles. Par exemple, je travaille avec deux agriculteurs de Lempdes sur des projets de maraîchage, plus en raisonné qu’en bio. Mais il faut bien se mettre d’accord sur les conditions et les débouchés – en y associant les cantines municipales, par exemple. C’est, je pense, une question de génération pour les exploitants. 

Lire l’entretien : pour Jean-Pierre Buche, « le PAT veut montrer que la transition est possible »

Aujourd’hui, seul l’hypermarché Cora a mis en place, spontanément, un vrai espace de maraîchage, en embauchant deux agriculteurs dédiés. Quant à la municipalité, elle a déployé un marché de producteurs du département depuis 2020, qui a très bien marché. Nous sommes en lien avec une association de producteurs de Marmilhat pour cela.

Au final, j’avance “seul” – en tant que collectivité – sur ce point. J’aimerais adhérer au Projet Alimentaire Territorial, mais je crains que ce ne soit une usine à gaz, et que l’on perde en efficacité.

Une grande parcelle bordant l’hypermarché Cora a été dédiée par l’enseigne à du maraîchage « sans traitements chimiques », principalement pour de la commercialisation in situ / Crédit photo : éditeur

L’agriculture, et la biodiversité, impliquent aussi la limitation de l’habitat … pas forcément évident pour une commune “péri-urbaine” comme Lempdes !

C’est vrai que nous avons connu une forte croissance de la population à Lempdes, avant une sorte de tassement. De 9000 habitants en 1990, nous allons atteindre peu à peu les 8000 habitants, même si cela remonte un peu. C’est lié à l’évolution sociétale qui entraîne la diminution du nombre d’habitants par logements – les foyers comptent plus 1 ou 2 personnes que 3 ou 4 comme auparavant.

On n’ira pas à marche forcée vers les 10 000 habitants.

On voit surtout la croissance dans l’évolution du nombre de logements : de 3000 il y a trente ans, nous sommes à 4200 actuellement ! Avec beaucoup de lotissements qui se déploient au pied des collines. 

Néanmoins, j’insiste : on n’ira pas à marche forcée vers les 10 000 habitants. Il est capital de conserver l’esprit village de Lempdes. Pour cela, nous avions révisé notre PLU entre 2016 et 2019, avant la bascule de compétence à la Métropole : de 90 hectares urbanisables, nous sommes descendus à 30. Et nous travaillons prioritairement sur le potentiel représenté par les “dents creuses”, ces terrains inutilisés au sein du tissu urbain. Au global, nous avons largement de quoi faire 10 ans de développement urbain sans grignoter sur les collines – qui peuvent être laissées libre pour de la vigne AOP Côtes d’Auvergne, par exemple.

En complément : Fabienne Laroudie, sur la méthodologie opérationnelle du développement durable à Lempdes

Fabienne Laroudie est adjointe au maire de Lempdes en charge de l’environnement et du cadre de vie.

“Opérationnellement, c’est en avançant projet par projet depuis le premier mandat [de 2014-2020] que notre approche se construit. Nous avons certes un service dédié sur la transition énergétique, mais ce travail nécessite du temps et des connexions.

C’est pourquoi un des objectifs est de nous insérer dans un réseau d’acteur, et de sensibiliser au sein de la commune les habitants et les associations. Il y a encore non pas de la réticence à avancer, mais beaucoup de méconnaissance des sujets et de l’impact du changement climatique sur la commune.

Cette mise en réseau fonctionne mieux de manière informelle. Elle permet de récupérer des éléments de veille, qui en retour nous aident pour déterminer des exemples inspirants que l’on peut aller voir.

La notion d’environnement et de développement durable est très large et systémique. Elle englobe le “cadre de vie” dont je m’occupe également, qui est beaucoup plus ciblée. Avec l’environnement, on peut beaucoup plus facilement monter des synergies avec les acteurs du territoire.”

Entretien téléphonique du 22 octobre 2021

Au niveau de la Métropole, vous êtes en charge du Développement Economique et de l’accompagnement des entreprises. Dans quelle mesure est-ce compatible avec la transition écologique selon vous ?

Je travaille sur le lien entre développement durable et économie depuis mon arrivée à la Direction de l’Accompagnement des Entreprises en 2020. Et je suis convaincu qu’on peut lier les deux ! 

Je suis convaincu qu’on peut lier développement durable et économie !

Avant cette période, la Métropole ne s’occupait que de quelques zones d’activités, plus certains partenariats spécifiques comme avec la plateforme Initiatives, ou avec France Active Auvergne. Aujourd’hui, nous avons la compétence économique globale – sous couvert de la Région. Les choses sont donc plus claires et nous pouvons mieux avancer.

Néanmoins, il faut composer avec des injonctions parfois contradictoires de l’Etat, qui nous dit de réindustrialiser tout en préservant le foncier agricole … et sans pour autant nous donner des moyens financiers.

Une « dent creuse », espace non urbanisé entouré de parcelles bâties, comme il en existe de nombreuses en périphérie de Clermont : c’est un des principaux gisements fonciers pour les années à venir / Crédit photo : éditeur

Mais la notion “classique” d’attractivité ne va-t-elle pas à l’encontre de certains enjeux environnementaux ?

C’est en effet une problématique complexe. L’attractivité, l’image du territoire, est capitale pour faire venir des cadres de grandes entreprises, et plus largement pour que des salariés ou des entrepreneurs s’installent ici avec leurs compagnons ou leurs enfants, et que ces derniers trouvent emplois, écoles, habitat … C’est une notion liée au cadre de vie, et donc à l’environnement.

L’attractivité est une notion liée au cadre de vie, donc à l’environnement.

Or, nous sommes la seule métropole de France sans politique d’attractivité digne de ce nom ! Je pense qu’il faut travailler sur le sujet en lien avec le tourisme, piloté par Serge Pichaud, maire de Gerzat. Selon moi, il faut tout remettre sur la table, et dépasser le seul axe “investissement” de Invest in Clermont. Travaillons sur le pôle étudiant, la ligne aérienne, la couverture numérique … et voyons ce sujet comme une véritable opportunité pour nous.

Comment cette approche se concrétise-t-elle depuis 2020 ?

Au niveau plus opérationnel, nous avons pu combiner développement durable et implantations d’entreprises à travers plusieurs projets. Par exemple, la requalification de vieilles zones d’activité – à Cournon, au Brézet ou à Lempdes – en optimisant les “dents creuses” dans une logique de revégétalisation, de mobilité douce, et de désimperméabilisation des sols. 

Nous avons également fléché des fonds pour la transition écologique des entreprises dans le plan de relance de la Métropole. Et nous rendons les critères d’implantation sur les zones d’activité plus contraignants, sur le social comme sur l’environnement. Aujourd’hui, un dossier sur trois est refusé pour ces raisons !

Nous avons également fléché des fonds pour la transition écologique des entreprises dans le plan de relance de la Métropole.

Le souci est que l’on manque d’indicateurs faciles à demander aux entreprises. Un bilan carbone, c’est 3 ou 4000 euros … et ça n’éclaire pas sur l’impact de proximité des retombées d’une activité économique en matière écologique, sociale ou fiscale …

Qu’est-ce qui vous motive dans ce travail d’accompagnement des entreprises en lien avec le développement durable ?

Ce sont surtout les rencontres que j’ai pu y faire qui m’ont inspiré : elles se sont tenues avec des porteurs de projets de toutes tailles, de tous secteurs. A chaque fois, ce sont des personnes passionnées et très engagées sur le territoire. Elles s’accrochent, vivent un parcours du combattant, mais cela impressionne.

Les chefs d’entreprises ne sont, pour moi, certainement pas les ennemis du développement durable.

Les chefs d’entreprises ne sont, pour moi, certainement pas les ennemis du développement durable. Au contraire, en tant qu’acteurs et partenaires des territoires, ils peuvent tous avoir un rôle à jouer. Cela ne veut pas dire qu’on leur répond toujours “oui” ! Mais je crois profondément à l’action collective, et à la conscience sociale et environnementale que nous pouvons tous avoir, dans le cadre d’un projet commun de territoire.

Pour aller plus loin (références proposées par Henri Gisselbrecht) :
Pour comprendre – des ouvrages sur la vie d’Edouard Michelin. « L’entreprise est la chose la plus démocratique ! On vote pour nous en achetant un pneu », résume Henri
Pour agir – via les structures comme Initiatives ou France Active, « qui aident les entrepreneurs engagés sur le territoire »
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Propos recueillis le 23 septembre 2021, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigé par Henri Gisselbrecht. Crédit photo de Une : éditeur