Le pourquoi et le comment [cliquer pour dérouler]
Si vous avez suivi mes dernières publications d’avant la coupure de l’été, y compris ce petit encadré du Pourquoi et du Comment, vous savez que je me suis « offert » en juillet deux yeux neufs pour mieux vous raconter ce que je vais observer sur le terrain.
J’ai donc passé l’été dans une très tranquille convalescence à domicile, pendant que vous jouiez à l’extérieur dans les vagues de l’océan en surchauffe ou dans la montagne en surfréquentation. Et j’ai suivi pour vous les nouvelles locales, avec quelques énervements et quelques émerveillements que j’avais envie de vous livrer.
Histoire de reprendre en douceur par une série de petites nouvelles brèves, plutôt qu’un lourd article de fond comme vous les aimez tant.
Bonne reprise !
Marie-Pierre
Si vous avez profité de l’été pour partir aux Seychelles en pédalo, faire une retraite silencieuse dans un monastère, vivre une expérience de déconnexion totale au fond d’une grotte ou naviguer en solitaire vers la Terre-Adélie, il vous manque peut-être une info ou deux sur les événements de la période estivale. Gageons que vos amis vous auront déjà raconté le feuilleton de la loi Duplomb et de la pétition aux 2 millions de signatures. Sans doute aussi le gigantesque incendie dans l’Aude qui a battu tous les records et mis à terre notamment une bonne part du vignoble des Corbières.
Mais dans notre territoire, il s’est passé aussi deux ou trois choses, peut-être moins spectaculaires, qui méritent aussi l’attention des éco-sensibles que vous êtes. Séance de rattrapage, en compagnie d’une panthère, d’un scorpion et de quelques loups.
L’eau, la chaleur, le feu
Conflits dans l’impluvium
Le 5 août avait lieu une audience de référé au Tribunal administratif de Clermont-Ferrand, à la suite d’une demande de recours des associations PREVA, FNE Puy-de-Dôme et FRANE. Elles contestaient un arrêté préfectoral du 28 avril abaissant de 5% le maximum de prélèvement autorisé des eaux de Volvic : baisse jugée insuffisante par ces associations, au regard de l’assèchement des cours d’eau dans le périmètre de l’impluvium. Le jugement était annoncé deux jours plus tard : les associations sont déboutées et l’arrêté préfectoral est confirmé.
Un mois plus tôt, c’est le propriétaire de la pisciculture de Saint-Genest-L’Enfant, Edouard de Féligonde, qui était en audience du même tribunal administratif, pour une requête contre l’État au motif que les autorisations de prélèvement de l’usine d’embouteillage ont asséché les sources alimentant la pisciculture. Débouté également.

Canicule…
Au cas où vous en douteriez, notre territoire du Puy-de-Dôme n’a pas échappé à la canicule qui a assailli la France durant 11 jours, entre le 8 et le 18 août. Le pic de chaleur a été atteint le 13 août, où le thermomètre a atteint 39,4°C à Clermont.
L’alerte canicule pour le Puy-de-Dôme a été activée le 9 août par la préfecture, avec son cortège de mesures et de recommandations. La préfecture a également pris des mesures, auxquelles on commence à s’habituer, de restriction de l’usage de l’eau : un premier arrêté le 17 juillet, puis un renforcement le 6 août et à nouveau le 20. Même s’il n’est quasiment pas tombé une goutte d’eau entre le 19 juillet et le 19 août (à quelques orages près fin juillet), l’approvisionnement en eau potable n’a pas posé trop de souci car le réservoir de Naussac avait abordé l’été à son maximum du maximum. Il reste aujourd’hui rempli quasi aux trois quarts et a bien joué son rôle de soutien d’étiage de l’Allier. On est loin de la situation de 2023. C’est déjà ça.
… Et conséquences

Les conséquences de la canicule (tout de même la deuxième de l’année après l’incroyable mois de juin et début juillet) sont encore très visibles sur les arbres et les forêts, qui ont pris par endroits d’inquiétantes couleurs automnales.
Elles ont été manifestes aussi sur la circulation des trains, affectant notamment la (décidément maudite) ligne Paris-Clermont, avec à nouveau des trains supprimés en milieu de journée, du 8 au 17 août. La raison invoquée : éviter les pannes de climatisation dans les vieilles rames circulant sur la ligne.
Ajoutons que du 21 au 25 août, le plan d’eau de Cournon a été interdit à la baignade en raison de la présence de cyanobactéries, dues aussi à l’excès de chaleur.
Côté baignade, signalons que le Puy-de-Dôme n’a pas été épargné par la hausse enregistrée nationalement du nombre de noyades en 2025. Notamment, deux accidents tragiques sont survenus le même jour, le 12 août, l’un sur ce même lac de Cournon et l’autre au plan d’eau de Thiers Iloa (qui a entraîné l’interdiction de baignade depuis cette date). Le 7 août, une autre noyade avait lieu à Aydat. Un peu plus loin, un enfant de 7 ans en colonie de vacances près de Moulins disparaissait dans les mêmes circonstances le 15 août. Les fortes chaleurs contribuent, semble-t-il, à pousser les gens vers des points de baignade rafraîchissants, y compris en dehors des lieux et horaires de surveillance. Cela combiné avec le recul de l’apprentissage de la natation, ont dénoncé des professionnels de la natation et de l’éducation.
Le feu ici aussi
Son ampleur a été bien moins grande que pour le spectaculaire incendie de l’Aude, mais le Puy-de-Dôme a aussi connu un important feu de forêt, à Châteldon. Son origine s’est révélée criminelle, mais l’incendiaire a bien choisi son moment : le 15 août, au plus fort de la canicule. Ce qui a favorisé la propagation des flammes. Pas de victimes, mais tout de même 30 hectares de forêt détruite, dans un secteur très escarpé, et d’importants moyens mobilisés : plus de 150 pompiers et d’importants moyens matériels, dont deux hélicoptères bombardiers d’eau.

Lectures d’été : demandez la Biblitikographie !
En 2024, nous avons publié un petit texte numérique (format PDF) rassemblant une liste d’oeuvres livresques ou bédéesques sur l’écologie et les territoires, recommandées par la communauté et la rédaction Tiko. Pour bronzer futé, malin et clever, vous pouvez vous la procurer en payant, ou sans payer, mais de toute façons en nous soutenant (teaser)…
Quand même des bonnes nouvelles
Un peu plus de verdure
La bonne nouvelle dans toute cette chaleur, c’est que les habitants de Clermont ont pu bénéficier d’un supplément de verdure. Après l’ouverture du tout nouveau parc Saint-Jean en juin, un deuxième parc urbain a complété les refuges de fraîcheur de la métropole à partir du 12 juillet avec le parc Champfleuri. Situé le long du boulevard Jean-Baptiste Dumas, derrière la Maison des Sports, ce vaste espace vert faisait partie de la maison de retraite tenue anciennement par les Petites Sœurs des Pauvres. Elles l’ont cédé à la Ville pour l’euro symbolique, début 2025, pour le plus grand bénéfice du quartier et des habitants. Déjà largement arboré, il n’a eu besoin que d’un aménagement des circulations et du mobilier avant son ouverture au public. L’ombre était déjà là… et bienvenue.
Un demi-siècle de protection
Le 2 août, la réserve naturelle des Sagnes à La Godivelle, la plus ancienne en Auvergne, fêtait ses 50 ans. Au cœur du Cézallier, elle protège le lac d’En-Bas, d’origine glaciaire, ainsi que quatre tourbières. On y recense 400 espèces de plantes, 600 d’insectes, 160 oiseaux, 20 mammifères, 5 batraciens. Si vous avez manqué ces festivités, les premiers événements de célébration en juin et les animations de l’été, il vous reste la possibilité de découvrir l’expo photo anniversaire : une exploration de la réserve par le photographe naturaliste et éducateur à l’environnement Vincent Amaridon, à voir jusqu’au 12 septembre à la Maison de la Nature et du Cézallier à La Godivelle. Dépêchez-vous !
Un scorpion inconnu
Tant que nous sommes dans les réserves naturelles, une nouvelle insolite est arrivée en août en provenance de celle de Chastreix. Cyril Courtial, spécialiste des araignées qui a réalisé l’inventaire de celles de la réserve, a repéré entre autres un pseudoscorpion (de la famille des Arachnides) sur le puy de Chabane. Voici comment il a raconté la suite de l’histoire, dans un post sur les réseaux sociaux : « Habitué à l’identification des pseudoscorpions de l’ouest de la France, je reconnais un Neobisidae du genre Neobisium. Néanmoins, sa petite taille, sa coloration très claire et d’autres critères me font pencher vers des espèces pyrénéennes que je ne connais pas. Je décide donc d’envoyer l’unique spécimen, un mâle, à Giulio Gardini, spécialiste italien de ce groupe. Il m’annoncera rapidement qu’il s’agit là d’une espèce non décrite ! (…) Merci à Giulio Gardini de m’avoir dédié cette espèce en espérant que de futures découvertes permettront d’améliorer les connaissances sur ce pseudoscorpion. » La publication savante qui décrit cette nouvelle espèce confirme en effet que l’animal a été baptisé Neobisium (Neobisium) courtiali.
Et de son côté, Thierry Leroy, conservateur de la réserve naturelle, m’explique que par le fait que des inventaires y sont fréquemment réalisés, « cela arrive relativement souvent que des espèces nouvelles à l’échelle de la région ou du pays y soient découvertes et confirmées par des publications scientifiques, et c’est la quatrième à l’échelle mondiale, après une diatomée, un moucheron et un insecte de l’ordre des trichoptères. »
Zeia déménage

Restons dans le règne animal. Le Parc animalier d’Auvergne a annoncé en août le départ prochain de Zeia, la (si craquante) panthère de l’Amour née à Ardes-sur-Couze il y a un an, le 28 août 2024. En novembre prochain, elle rejoindra le parc Écozonia, situé dans les Pyrénées-Orientales, dans le cadre d’un programme de reproduction d’espèces en danger d’extinction animé par l’Association Européenne des Parcs Zoologiques et Aquarium. Ce programme, explique le Parc animalier, « coordonne les échanges entre parcs pour assurer la diversité génétique et favoriser la reproduction en captivité », la panthère de l’Amour étant « l’une des espèces les plus menacées au monde, classée « en danger critique d’extinction » par l’UICN (Union Internationale pour la Conservation de la Nature). On estime qu’il reste aujourd’hui moins de 50 individus à l’état sauvage. » Zeia va donc rejoindre un jeune mâle né dans ce parc de Cases-de-Pène près de Perpignan. Il vous reste deux mois pour aller lui faire un petit au-revoir.
Chez nos voisins
Reculer pour mieux exploiter
Ça bouge du côté d’Echassières, cette commune de l’Allier limitrophe du Puy-de-Dôme où l’entreprise Imerys a le projet d’ouvrir une mine d’extraction de lithium, sous la carrière existante de kaolin, mais en plein milieu de la forêt des Colettes, une hêtraie de valeur patrimoniale. Une manifestation des opposants a réuni environ 300 personnes sur place le dimanche 27 juillet. À peine trois jours plus tard, Imerys annonçait que la mise en service de l’exploitation, prévue initialement pour 2028, était repoussée à 2030. Pas pour en discuter avec les opposants… mais parce que le cours du lithium a considérablement chuté et ne devrait redevenir favorable que vers la fin de la décennie. L’entreprise a aussi annoncé que le gisement s’avérait bien plus prometteur que prévu, doublant la durée potentielle d’exploitation, aujourd’hui ré-estimée à 50 ans.
Cerise sur la batterie, le ministre de l’Industrie était justement hier sur le site pour soutenir le projet et apporter trois sous au surcroît annoncé du coût du projet, prélevés sur le fonds vert. Voilà qui ne va pas ravir les opposants.
Cochons qui s’en dédie
Depuis l’an dernier, la Creuse, et plus particulièrement le territoire autour du très touristique lac de Vassivière, s’était émue d’un projet de création, par deux frères agriculteurs du coin, d’une ferme de 1200 porcs. Une pétition à ce sujet avait recueilli 65 000 signatures. Ce 17 août, annonce a été faite de l’abandon du projet. Pas par ceux qui en ont eu l’initiative, mais par les Écologistes locaux. La décision de retirer le projet a été confirmée à la presse par la préfète de la Creuse. Il semble que cet abandon ait pour origine la demande par la préfecture d’un complément d’information lié aux installations classées au titre de la protection de l’environnement.
Carnet rose et p’tits loups
Non loin de là en Corrèze, l’été a été illuminé par quatre p’tits loups. Des vrais loups. Le 1er août, la préfecture annonçait leur naissance quelque part sur le plateau de Millevaches, où l’association Carduelis surveillait depuis un certain temps, dans l’espoir de cet événement, trois loups adultes qui s’y étaient installés. Cette naissance est exceptionnelle car il s’avère que le papa et la maman sont issus de deux lignées génétiques différentes : germano-polonaise pour le premier, italo-alpine pour la seconde. Il s’agit d’une première en France, qui peut contribuer à renforcer le patrimoine génétique de cette espèce (encore) considérée comme en danger. La nouvelle a réjoui les naturalistes ; beaucoup moins les agriculteurs locaux, qui étaient environ 300 à manifester, le 7 août, contre ces nouveaux-nés et leur famille.
Texte Marie-Pierre Demarty, réalisé durant l’été 2025. Photos Marie-Pierre Demarty, sauf indication contraire. À la une : les deux canicules successives ont particulièrement fait souffrir les forêts, qui ont pris des couleurs d’automne dès le mois d’août. Ici vers Saint-Babel.
Soutenez Tikographie, média engagé à but non lucratif
Tikographie est un média engagé localement, gratuit et sans publicité. Il est porté par une association dont l’objet social est à vocation d’intérêt général.
Pour continuer à vous proposer de l’information indépendante et de qualité sur les conséquences du dérèglement climatique, nous avons besoin de votre soutien : de l’adhésion à l’association à l’achat d’un recueil d’articles, il y a six façons d’aider à ce média à perdurer :
La Tikolettre : les infos de Tikographie dans votre mail
Envie de recevoir l’essentiel de Tikographie par mail ?
Vous pouvez vous inscrire gratuitement à notre newsletter en cliquant sur le bouton ci-dessous. Résumé des derniers articles publiés, événements à ne pas manquer, brèves exclusives (même pas publiées sur le site !) et aperçu des contenus à venir… la newsletter est une autre manière de lire Tikographie.