Le Ciridd embarque les territoires dans l’économie circulaire

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

L'équipe du Ciridd, dans ses locaux à Saint-Etienne
Basé à Saint-Etienne, le Centre international de ressources et d’innovation pour un développement durable et son réseau régional Eclaira font bouger les repères de l’industrie et des collectivités, pour les engager dans la circularité et dans l’économie de la fonctionnalité et de la coopération. Faisons connaissance…

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

En défenseurs des logiques de coopération, il était naturel que nous nous y lancions nous-mêmes. Tikographie s’y essaie avec le bulletin du réseau Eclaira, une publication qui met en avant une vision en résonance avec la nôtre, mais centrée sur les principes de l’économie circulaire. Eclaira est aussi davantage orienté vers le public du monde économique et a une tonalité un peu plus technique ou institutionnelle que nous, mais avec une belle qualité de travail et un libre accès à ses ressources.

Autant dire que nous avons pas mal de convergences et autant de complémentarités. D’où l’idée d’un partenariat, né d’une proposition de Christèle Fierobe, d’une première rencontre lors d’une table ronde à laquelle j’étais invitée à participer, et de quelques échanges fructueux.

L’idée est de nous coordonner pour réaliser, notamment à l’occasion de la parution du bulletin Eclaira environ trois fois par an, des articles complémentaires sur un même thème, et de renvoyer mutuellement aux articles du partenaire, histoire de donner à nos lectorats la possibilité d’accéder à des ressources encore plus larges et diversifiées.

Nous lançons ce partenariat cette fin de semaine avec une thématique sur le bois (petit teaser…).

Mais d’abord, commençons par les présentations…

Marie-Pierre

Trois infos express   [cliquer pour dérouler]

  • Le Centre international de ressources et d’innovation pour un développement durable (Ciridd), né à Saint-Etienne il y a 20 ans, déploie dans les différentes régions de France et à l’étranger des plateformes et réseaux de ressources et d’échanges à l’intention des collectivités, des entreprises et têtes de réseaux, pour les amener à des logiques de fonctionnement en économie circulaire. Ses outils en accès libre regroupent des articles, fiches techniques, retours d’expérience et documents divers et chaque réseau régional anime des accompagnements et rencontres pour déployer les coopérations territoriales. Le Ciridd a également en charge l’animation du réseau en Auvergne-Rhône-Alpes, Eclaira.
  • Basé sur les 7 piliers de l’économie circulaire définis par l’Ademe, le Ciridd s’attache à sensibiliser les moins connus et notamment l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, notion qui s’adresse surtout aux entreprises. Il s’agit de passer du principe de vendre des produits en quantités toujours plus grandes, à celui de proposer un service, correspondant à des besoins réels. Pour que l’offre soit plus ajustée, les entreprises doivent coopérer entre elles sur le territoire, travailler sur la valorisation des savoir-faire, développer la notion de coresponsabilité y compris avec le client utilisateur du service.
  • A l’échelle du Puy-de-Dôme, les animateurs d’Eclaira observent et accompagnent un réseau dynamique, notamment autour de structures intercommunales telles que le SBA, le Valtom, Clermont Métropole ou Riom Limagne et Volcans. Un réseau local initié par ces quatre structures est en train de se créer et a déjà attiré environ 80 structures.

Accès direct aux questions

Tikographie et Eclaira, chacun avec leurs publications, se sont trouvé des communautés de vision et nous testons un partenariat pour faire des liens entre nos parutions et nos ressources. Au moment de commencer ces croisements qu’on espère féconds, il fallait vous présenter ce réseau. Je suis allée rencontrer l’équipe et échanger notamment avec Christèle Fiérobe, responsable du pôle animation territoriale.

Qu’est-ce que le Ciridd ?

Christèle Fierobe : Le Centre international de ressources et d’innovation pour un développement durable ou Ciridd est une association basée à Saint-Etienne, qui a 20 ans d’existence. Nous sommes fiers d’avoir été reconnus d’intérêt général, le but étant de créer du commun et de déployer un modèle de société et de fonctionnement économique différents, prenant en compte les enjeux environnementaux et sociaux. Nous nous adressons à des collectivités, des entreprises, des têtes de réseau pour les accompagner aux transitions.

Durant les dix premières années, nos deux piliers étaient le développement durable et la RSE [responsabilité sociale et environnementale]. Depuis dix ans, nous mettons surtout l’accent sur l’économie circulaire, car nous nous efforçons d’aller sur les sujets les moins travaillés.

Qui sont les membres de cette association ?

C.F. : Le conseil d’administration est surtout composé de représentants d’entreprises, mais d’autres organisations sont représentées, notamment du monde de la recherche et de l’enseignement. Le Ciridd est né de l’effervescence de l’écosystème stéphanois autour de l’École des Mines, avec des partenaires complémentaires, publics ou du monde économique. Il a gardé cet ADN.

Le Ciridd est né dans l'ambiance effervescente d'une ville de Saint-Etienne en reconstruction économique, autour d'institutions comme l'Ecole des Mines, l'Ecole de design, la Métropole... Symbole de cet ADN : l'équipe est installée dans la Cité du design, où entreprises, cowork, incubateur et l'Ecole de design elle-même réoccupe la friche de l'ancienne manufacture
Le Ciridd est né dans l’ambiance effervescente d’une ville de Saint-Etienne en reconstruction économique, autour d’institutions comme l’Ecole des Mines, l’Ecole de design, la Métropole… Symbole de cet ADN : l’équipe est installée dans la Cité du design, où entreprises, médias, cowork, incubateur et l’Ecole de design elle-même réoccupent la friche de l’ancienne Manufacture des armes et cycles.

Quelle est votre vision de l’économie circulaire ?

C.F. : Elle s’appuie sur les sept piliers définis par l’Ademe : l’économie de la fonctionnalité et de la coopération, l’économie industrielle et territoriale, l’éco-conception, les approvisionnements durables, le recyclage, l’allongement de la durée d’usage (réemploi, réparation) et la consommation responsable.

« Nous sommes surtout missionnés pour travailler sur les piliers les moins connus. »

Aujourd’hui on connaît surtout le recyclage, un peu la durée d’usage mais le reste moins. On y entre petit à petit. Nous sommes surtout missionnés pour travailler sur les piliers les moins connus. Les questions qui sont encore à populariser étant la question du modèle économique et des usages, la notion de consommation responsable et de sobriété.

Infographie des 7 piliers de l'économie circulaire
Les sept piliers de l’économie circulaire – Infographie Ademe

Plus concrètement, que fait le Ciridd ?

C.F. : Nous sommes nés sur l’idée du partage des ressources. Nous proposons pour cela des plateformes collaboratives, numériques et humaines, formant un hub de l’économie circulaire. Aujourd’hui ce modèle a des déclinaisons dans presque toutes les régions de France et a aussi essaimé à l’étranger. Celle d’Auvergne-Rhône-Alpes, baptisée Eclaira, a été une des premières développées.

Nous avons pour rôle d’animer Eclaira (qui a été financé jusqu’à cette année par la Région Aura). Par ailleurs nous aidons les autres plateformes régionales à se déployer, sur le même modèle informatique mais adapté à chaque contexte, et animé par des acteurs locaux. Nous sommes financés par l’Ademe pour animer ce réseau qui compte aujourd’hui 13 plateformes et pour aider à embarquer de nouvelles régions.

En quoi consistent ces plateformes ?

C.F. : Chacune est une mutualisation d’un outil numérique et d’une animation de réseau. Les ressources sont constituées d’articles, de retours d’expérience, de partage de bonnes pratiques, à disposition en ligne ou lors d’événements.

Si on prend l’exemple d’Eclaira, nous proposons un agenda des événements, des documents ressources publiés par les uns ou les autres, des articles mettant en avant des expérimentations plus ou moins avancées. Sur des projets plus aboutis, on travaille sous forme de fiches « retour d’expérience », structurées et très complètes, décrivant toute la trajectoire du projet, ses partenaires, ses financeurs, ses difficultés… Le but étant d’être le plus précis possible pour aider d’autres projets à se développer.

« Cela permet d’identifier des circuits, des filières spécifiques dans la région, pour que les gens se connaissent. »

Toutes ces ressources sont en accès libre, mais seuls les membres d’Eclaira peuvent publier et il y a des connexions avec des articles et ressources publiés sur les autres plateformes.

Nous éditons aussi un bulletin, imprimé et accessible en ligne, environ trois fois par an. Chaque édition traite d’une thématique de l’économie circulaire. Ils sont composés d’un regard d’expert sur la thématique et d’articles sur des expériences locales. Cela permet d’identifier des circuits, des filières spécifiques dans la région, pour que les gens se connaissent et voient qu’il se passe des choses près de chez eux. Nous avons par exemple traité de la construction, de la sobriété numérique, de la mesure d’impact…

Ces bulletins sont destinés à la sensibilisation. Nous éditons par ailleurs des fiches techniques plus pointues, documents techniques plus institutionnels coconstruits avec des partenaires, comme des animateurs de filières ou experts d’un sujet.

Vue de plusieurs numéros du bulletin Eclaira
Chaque numéro du bulletin Eclaira traite d’une thématique, avec à chaque fois une double page d’entretien avec un expert, suivi du retour d’expérience de deux ou trois acteurs de la région.

Comment lisez-vous Tikographie ?

Lectrice/lecteur assidu(e) ou occasionnel(le), nous sommes intéressés pour mieux connaître vos habitudes de lecture de notre média. Voici un petit sondage courant jusqu’à début juillet, merci pour votre temps !

Quelle est la dimension et le profil du réseau Eclaira ?

C.F. : Nous comptons environ 2170 personnes membres et un annuaire d’environ 1500 organisations, dont environ 40 % d’entreprises, 20 % d’associations et 20 % de collectivités, établissements et services publics.

Quelle est la motivation des collectivités à rejoindre le réseau Eclaira ?

C.F. : C’est notre volet animation territoriale. Ma fonction est précisément d’animer le réseau des collectivités engagées en économie circulaire, ce pour quoi nous sommes missionnés par l’Ademe et la Région, avec cofinancement par le Ciridd. Ce réseau s’est mis en place à partir de 2020 et nous sommes aujourd’hui à plus de 50 territoires engagés, couvrant plus de 70 % de la population de la région. Ces territoires sont les intercommunalités, le sujet de l’économie circulaire étant lié à leurs compétences.

« Il y a un vrai échange entre les plus avancés et ceux qui le sont moins, les territoires urbains et ruraux… »

Dans ce réseau, les collectivités montent en compétence. Notamment les agents qui sont seuls sur le sujet dans leur collectivité trouvent dans nos ressources l’opportunité de se former, de trouver des exemples et retours d’expérience. Nous avons organisé le 5 juin la deuxième rencontre de ces territoires engagés. Il y a un vrai échange entre les plus avancés et ceux qui le sont moins, les territoires urbains et ruraux… Ce sont des lieux d’interconnaissance et de soutien.

L’enjeu est de créer une transversalité, de sortir du travail en silo pour connecter le sujet du développement économique et du traitement des déchets.

Christèle Fierobe
Christèle Fierobe a plus particulièrement en charge l’animation des collectivités regroupées dans le réseau des territoires engagés en économie circulaire, à l’échelle de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

Une fois inclus dans le réseau des territoires engagés, il est possible de s’orienter vers la labellisation TETE (Territoire engagé transition écologique) de l’Ademe. Plusieurs territoires du Puy-de-Dôme sont ainsi labellisés à différents niveaux, dont le Syndicat du Bois de l’Aumône, qui a atteint le niveau rare des 4 étoiles, et le Valtom, qui a 3 étoiles, ce qui représente un vaste territoire.

Une de nos missions, en tant que partenaire de l’Ademe, est d’accompagner les territoires dans leur démarche de labellisation. Nous étions à l’origine du déploiement de ce label dont nous avons testé le référentiel avec Saint-Étienne Métropole. Nous avons cette vocation d’expérimentation.

Mais bien sûr, ce réseau des territoires engagés est intégré au réseau Eclaira, car l’idée est de faire du lien entre les différents acteurs pour que les projets sortent de terre.

Justement, qu’en est-il des entreprises ? Comment entrent-elles dans le réseau ?

C.F. : Avec les entreprises, nous travaillons sur l’économie de la fonctionnalité et de la coopération ou EFC. C’est le travail de Nicolas Frango d’animer ce volet. Le « Club Clé » est le pendant de celui des territoires engagés, côté entreprises.

Ici, Christèle fait appel à Nicolas pour un témoignage plus précis sur l’animation du réseau des entreprises.

Comment définir l’économie de la fonctionnalité et de la coopération ?

Nicolas Frango : C’est un changement de modèle économique, qui consiste à vendre non plus un produit mais un usage, non plus une quantité mais une qualité, avec une offre de service globale.

C.F. : Chez vous à Clermont, vous en avez un pionnier avec Michelin, qui se positionne comme vendeur de kilomètres parcourus et non plus de pneus. Au Ciridd nous sommes aussi des pionniers de l’EFC, car nous avons pris ce sujet à bras le corps au démarrage. Nous proposons notamment un programme intitulé Relief, qui accompagne une dizaine d’entreprises, individuellement et collectivement. Il en est à sa quatrième édition. Cela nous sert aussi à capitaliser des méthodologies qu’on va ensuite mettre à disposition sur Eclaira et à l’échelle du réseau national, voire international. Car chaque région a des animateurs EFC, constitués en réseau.

« C’est un changement de modèle économique, qui consiste à vendre non plus un produit mais un usage, non plus une quantité mais une qualité. »

N. F. : L’enjeu de l’EFC est de sortir d’une logique de volume, où je suis obligé de toujours vendre plus pour alimenter mon chiffre d’affaires, pour se concentrer sur les usages, mais aussi une attention particulière à limiter les externalités négatives et à optimiser les co-bénéfices. qu’ils soient environnementaux, économiques, sociétaux.

Tout cela avec plusieurs échelles d’application : à l’échelle de l’entreprise, puis sur des dimensions de coopération territoriale. On peut retrouver cette notion dans les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), où on vient regrouper différents types d’acteurs qui coopèrent à travers une thématique ou un enjeu du territoire.

Journée régionale de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC), le 19 juin 2025 à l’IAE de Grenoble
Journée régionale de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération organisée par le Ciridd le 19 juin dernier à l’IAE de Grenoble. – Photo Arthur Bonglet Ciridd

En quoi consistent ces coopérations ?

N.F. : Dans un atelier que j’ai animé, une personne a proposé une image pour illustrer ce qu’est ou n’est pas la coopération : c’est la différence entre une colocation et un couple. La colocation correspondrait plutôt à la notion de partenariat : on vit ensemble, on peut avoir des choses en commun mais des projets de vie différents. Dans un couple – ou une coopération – on est sur un partage de vision et de projet : il s’agit de coopérer pour réaliser cette vision, en prenant en compte les contraintes de chacun.

Appliqué aux entreprises, ce sont les deux éléments que nous mettons en avant : le partage d’une vision commune et la prise en compte des contraintes de chacun.

Comment cela se traduit-il ?

N.F. : L’idée peut être de travailler ensemble, de changer de posture vis-à-vis de ses fournisseurs et de ses clients. Aujourd’hui, le modèle économique dominant nous pose dans des postures de rapport de force : l’enjeu de l’entreprise est de vendre le plus possible, avec le plus de marge possible, au prix le plus élevé possible, et pour le client c’est l’inverse. Ces enjeux divergents instaurent un rapport de force.

« Il s’agit de coopérer pour réaliser cette vision, en prenant en compte les contraintes de chacun. »

Dans une logique de la fonctionnalité et de la coopération, on se concentre sur les usages et le besoin réel, ce qui instaure une posture de compréhension de son client, d’aller au-delà du besoin exprimé pour se concentrer sur le besoin réel.

Nous avons eu récemment le témoignage d’une entreprise qui vend des chaudières, qui a cette posture de vendre du confort thermique. Plutôt que donner le choix entre des chaudières rouges, bleues ou vertes, l’idée est de discuter sur la nécessité de juste changer la chaudière ; peut-être est-il nécessaire d’agir sur l’enveloppe du bâtiment, sur l’isolation. De là sont nées des coopérations avec d’autres entrepreneurs pour avoir une offre globale de confort thermique.

Pour une autre approche (complémentaire) de la sensibilisation des entreprises à un changement de posture, lire aussi le reportage : « Quand les entreprises s’emballent pour le climat »

« La méthanisation est-elle une bonne solution pour la transition écologique ?« 

Nous testons un nouveau format d’événement, la « controverse », où un débat est organisé pour faciliter les changements d’opinions et la prise de conscience de la complexité des enjeux. Vous êtes les bienvenu.e.s !

Mercredi 25 juin 18h-20h30 (à Coworkit) – tous publics, gratuit sur inscription

Cette notion d’économie de la fonctionnalité et de la coopération semble une vraie révolution pour le secteur économique…

N.F. : Ça change effectivement beaucoup de repères chez tout le monde car on n’est pas habitués à coopérer. Ça pose plein de sujets de responsabilité, de répartition de la valeur… On parle souvent de coconstruction mais peu de coproduction, notamment sur du service.

« Ça change effectivement beaucoup de repères chez tout le monde car on n’est pas habitués à coopérer. »

Le client ou le bénéficiaire a aussi une part de responsabilité sur la performance du produit ou du service, dans la façon dont il va l’utiliser. Sur l’exemple du confort thermique, on peut avoir un bâtiment très performant d’un point de vue énergétique, mais si on laisse les fenêtres ouvertes en période de chaleur, le produit ne va pas répondre aux exigences attendues en raison d’une mauvaise utilisation. La coopération pose aussi cette question de la coresponsabilité.

Comment se diffusent ces notions dans les entreprises ?

N.F. : Dans notre travail, il y a toujours une première phase de déconstruction, pour faire prendre conscience des limites et des risques qu’une entreprise a de ne pas faire bouger son modèle économique, de ne pas intégrer ces enjeux de soutenabilité, d’ancrage territorial, etc. Il ne s’agit pas de changer pour changer. C’est effectivement un très long chemin de construire de nouveaux repères. On les accompagne sur le début d’une trajectoire, avec l’enjeu de faire en sorte qu’ils s’inscrivent dans une démarche de long terme.

« Il ne s’agit pas de changer pour changer. »

Dans cet accompagnement, on essaie de déterminer les champs d’activité où il y a le moins de feux rouges, de regarder quel est le marché le plus favorable à l’innovation, les clients ou fournisseurs qui sont dans une posture ouverte, avec qui ils ont des relations de confiance, pour avoir un périmètre d’expérimentation le plus favorable possible. À partir de là, on lance des expérimentations sous différentes formes : innovation produit, éco-conception, coopérations territoriales, travail en interne pour créer une vision partagée.

Quel est le profil des entreprises qui s’engagent et quelles sont leurs motivations ?

N.F. : Elles sont de toutes dimensions. Cela va d’une équipe d’une dizaine de personnes jusqu’à des grands groupes et tout le tissu de PME entre les deux, avec des activités et des marchés très différents. C’est aussi notre travail d’aller chercher cette diversité pour créer des liens entre eux.

Mais on se concentre plus sur des activités manufacturières, secteur qui a ses spécificités. Dans l’industrie, on a encore en France une culture bien présente du savoir-faire et de la qualité. La question est d’abord d’identifier la valeur produite et de savoir comment on la valorise sans que ça devienne un coût pour l’entreprise. La notion de ressources immatérielles est importante. D’où l’enjeu de coopération, car c’est compliqué d’être seul à changer.

« Dans l’industrie, on a encore en France une culture bien présente du savoir-faire et de la qualité. »

Christèle Fierobe : On a heureusement des entrepreneurs qui sont convaincus de la nécessité de préserver les ressources. S’y ajoutent les questions de sens au travail, liées à la problématique du recrutement, et de risques liés à l’approvisionnement. Le dernier point étant de se mettre en accord avec la réglementation, éventuellement de la devancer. Ce sont toujours des questions de risque.

Pour découvrir une entreprise pionnière et engagée dans l’économie circulaire, lire aussi le reportage : « Comment MS s’efforce de faire entrer le BTP dans l’ère du circulaire »

Au finale, votre rôle est bien d’accompagner les collectivités, les entreprises et autres organisations, mais aussi de faire le lien entre ces différents acteurs des territoires ?

C.F. : Il est effectivement de mettre autour de la table ces différents partenaires et d’avoir un rôle de tiers de confiance, pour trouver un espace dans lequel ils puissent s’exprimer facilement.

Cette mise en lien peut se faire dans le cadre de projets précis, où nous intervenons en tant que facilitateurs, ou par des événements autour de l’économie circulaire, où on fait se rencontrer les acteurs entre eux. Il s’agit de favoriser l’interconnaissance, de réduire les peurs, de sentir les points communs, pour amener à l’envie d’expérimenter des coopérations.

Comment se développent ces principes d’économie circulaire en Auvergne-Rhône-Alpes ?

C.F. : C’est difficile de le dire, car notre prisme nous met en relation avec les plus motivés. Mais ça avance. Je le vois avec les collectivités. Des postes dédiés à l’économie circulaire sont créés un peu partout. Mais on est sur du temps long, et avec des obstacles comme les échéances électorales qui impactent fortement sur tous ces projets, ou comme l’évolution des réglementations qui peut aider ou créer des replis.

Deuxième Rencontre des Territoires Engagés en Économie Circulaire en Auvergne-Rhône-Alpes, le 5 juin dernier à la Maison de l’environnement à Lyon. Plus de 50 intercommunalités sont aujourd’hui engagées en Aura. – Photo Arthur Bonglet/Ciridd

Parfois la conjoncture peut même nous impacter dans le bon sens : quand la guerre en Ukraine coupe les entreprises de ressources qui venaient de Russie, ça implique de réfléchir à des relocalisations.

« Bien sûr ça ne va pas assez vite, mais on va dans le bon sens. »

Nous sommes dépendants du contexte qui change tout le temps, y compris pour les financements : on le subit, on doit jongler avec en continu et nous devons avoir une souplesse pour s’y adapter. Bien sûr ça ne va pas assez vite, mais on va dans le bon sens.

Nous ne faisons pas de diagnostic ou d’état des lieux ; nous avons seulement la démarche de mettre en valeur des expériences. Mais nous travaillons, dans le réseau national des animateurs du Ciridd, à mettre en place des indicateurs communs. Donc d’ici à quelques temps, nous serons peut-être en mesure d’évaluer l’évolution globale des pratiques.

Pour une vision locale des coopérations autour de l’économie circulaire, lire aussi l’entretien : « Emmanuelle Pannetier travaille sur l’économie circulaire car « c’est au niveau territorial qu’on aura le moins d’impact »

Et à l’échelle du Puy-de-Dôme, y a-t-il une actualité particulière ?

C.F. : Un réseau local de l’économie circulaire, qui n’a encore pas de nom, est en train de se constituer. Il a regroupé d’entrée 80 entreprises et a tenu trois réunions d’une soixantaine de participants. Il est créé autour de cinq collectivités : Valtom, SBA, Département du Puy-de-Dôme, Clermont Métropole et la communauté d’agglomération Riom Limagne et Volcans.

C’est un essaimage d’initiatives de Savoie et d’Isère. Ce sont des initiatives indépendantes du Ciridd, mais nous en faisons partie, nous mettons en lien et ils s’appuient sur nos ressources, car ce serait inutile de refaire ce dont nous disposons déjà. Leur valeur ajoutée est de créer des événements pour se rencontrer et créer des synergies.

Quels sont vos projets ou ambitions pour l’avenir proche ?

C.F. : Nous parvenons à une phase de fin de projets, que ce soit sur l’accompagnement des entreprises ou l’animation territoriale, mais nous espérons les reconduire. Nous travaillons aussi avec un doctorant sur des sujets qu’on aimerait déployer, sur l’efficacité environnementale, sur une approche plus globale de l’efficacité, pour accompagner les entreprises sur ces sujets. On aimerait aussi accompagner davantage les collectivités au niveau local, au plus près des territoires, sur leur stratégie d’économie circulaire, avec toujours l’idée de partager et diffuser les expérimentations. Mais la thématique de l’économie circulaire va rester centrale.

Pour en savoir plus, consultez les site internet du Ciridd et de la plateforme régionale Eclaira.
Tous les numéros des bulletins, également publiés en format papier, sont accessibles en ligne ici.

Entretien réalisé par Marie-Pierre Demarty, jeudi 12 juin 2025. Photos Marie-Pierre Demarty, sauf indication contraire. À la une : L’équipe du Ciridd dans ses locaux de la Cité du Design, dont Nicolas Frango et Christèle Fierobe, respectivement 4e et 7e à partir de la gauche. Manquent sur la photo quelques personnes absentes ce jour-là, dont le directeur Denis Cocconcelli.

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