Comment les arbres peuvent mourir de soif

Par

Marie-Pierre Demarty

Le

Stéphane Herbette devant la chambre à pression
Visite au labo 2/2 - Après une présentation générale du labo PIAF, on s'intéresse à une de ses équipes, qui travaille sur les sécheresses sévères, capables de faire mourir les arbres. Où l'on répondra aussi à la question : comment cherchent les chercheurs ?

Le pourquoi et le comment   [cliquer pour dérouler]

J’ai conscience que ce deuxième article va paraître un peu ardu à tous ceux qui gardent de mauvais souvenirs de leurs cours de SVT, biologie ou sciences naturelles (rayez les mentions inutiles selon votre âge et votre parcours scolaire).

J’ai essayé de rendre les explications les plus simples et pédagogues possibles, sans les simplifier, comme Stéphane Herbette l’a fait pour moi.

Si tout ne vous paraît pas lumineux, vous retiendrez au moins les grands principes, les questions qui se posent, la façon dont se construisent les connaissances. Et le fait que les arbres peuvent mourir quand ils ne trouvent pas assez d’eau autour de leurs racines : ne comptez pas sur eux pour prendre leur petit seau et se rendre à la rivière pour faire le plein de leur boisson préférée.

D’où l’importance de tout faire pour retenir l’eau dans les sols. Et on dit bien dans les sols, parce que les retenues d’eau en bassines de plastique de plusieurs hectares, les arbres et les forêts, ça leur fait une belle racine.

Vous retiendrez aussi ceci : les forêts en dépérissement, que ce soit par la sécheresse, les scolytes ou autres fléaux, c’est déjà une réalité, y compris en Auvergne.

Allez, j’arrête là ma leçon. Visiter un laboratoire de recherche sur l’arbre, c’est tout simplement fascinant.

Marie-Pierre

Trois infos express   [cliquer pour dérouler]

  • Parmi les quatre équipes qui composent le laboratoire PIAF, celle de Stéphane Herbette s’attache à étudier la façon dont les sécheresses sévères peuvent provoquer la mort des arbres. L’idée est de comprendre les phénomènes de cette mortalité, et d’étudier différentes espèces, de façon très fine, pour savoir lesquelles pourront le mieux s’adapter au dérèglement climatique, dans quelles régions et dans quelles conditions, et comment les y aider.
  • Cette équipe a fortement contribué à montrer que le phénomène en jeu est celui de la cavitation : quand les feuilles transpirent trop et ne trouvent pas assez d’eau dans le sol, la colonne d’eau qui circule des racines vers les feuilles se comporte comme une corde qui casse quand on tire dessus : sous la tension, des molécules d’eau se transforment en gaz, formant des bulles d’air qui rompent la circulation. Elles provoquent ainsi dans le vaisseau une embolie gazeuse.
  • Différents instruments et dispositifs ont été élaborés ici-même pour pouvoir mesurer les effets des sécheresses sévères en un temps beaucoup plus court que s’il fallait provoquer ces sécheresses de façon naturelle. Cela permet de multiplier et d’affiner les recherches, et de créer des modélisations prenant en compte différents facteurs. L’intention est aussi d’échanger de plus en plus avec les autres projets de recherche du PIAF, pour croiser les facteurs de stress et de mortalité, que les arbres dans la nature subissent de façon cumulée.
Lire aussi le premier volet présentant l’Unité de recherche : « Comment le PIAF contribue à l’adaptation des arbres »

Ce sera peut-être une triste nouvelle pour certains, mais pour comprendre comment les arbres meurent, il faut en faire mourir quelques-uns (mais tout de même pas de vénérables chênes centenaires !). En l’occurrence, dans l’équipe qu’encadre Stéphane Herbette, on étudie les mécanismes qui font mourir les arbres par très forte sécheresse.

On ne s’étonnera donc pas de l’entendre décrire, par exemple, le travail d’un de ses doctorants sur le laurier : « Cette espèce a été choisie car elle est déjà bien connue. De plus, c’est une plante méditerranéenne qui résiste bien aux sécheresses ; elle est propice pour comprendre des mécanismes de fonctionnement qui pourront ensuite servir à décrire ce qui se passe pour d’autres espèces. On étudie ces plantes en commençant par les arroser, puis on arrête et on les observe jusqu’à ce qu’elles meurent. Cela permet de tester l’effet de la sécheresse sur la vitesse de mortalité. En laboratoire on provoque des sécheresses flash, très rapidement ; mais on s’est questionné pour savoir si la plante réagissait de la même façon sur une sécheresse plus ‘naturelle’, qui s’installe progressivement. Nous avons constaté que le fonctionnement est le même et on a maintenant une réponse générique là-dessus. »

Les lauriers en pot, utilisés pour l'expérience, commencent à se dessécher
Les lauriers en pot, utilisés pour l’expérience, commencent à se dessécher. Leur observation va contribuer à tester l’effet de la sécheresse sur la vitesse de mortalité.

Stéphane Herbette, enseignant-chercheur à l’Université Clermont Auvergne, est directeur adjoint du PIAF, une Unité mixte de recherche (UMR) rattachée conjointement à l’Université et à l’Inrae, dédiée à la connaissance des arbres et de leur comportement dans le contexte des bouleversements du climat. Dans l’article précédent, nous avons fait connaissance avec le PIAF dans sa globalité. Puisque j’avais sous la main le responsable d’une des quatre équipes de ce laboratoire, il m’a détaillé davantage le projet scientifique de cette équipe, nommée SurEau.

Son projet, rappelons-le, est de travailler sur les sécheresses sévères pouvant provoquer le dépérissement des arbres. « Nous travaillons sur les problèmes de mortalité et pour cela, on regarde comment l’eau circule dans l’arbre. »

Sapins sous surveillance

Déjà à l’extérieur du bâtiment, on peut se faire une première idée de la façon dont la question est abordée. Que ce soit avec la rangée de pots de laurier-sauce déjà évoquée, ou avec le dispositif impressionnant installé tout à côté. Il ressemble à une grande serre vitrée, mais on se doute bien qu’il s’agit d’autre chose, car elle est complètement ouverte sur les côtés, et certaines parois apparaissent coulissantes.

Les sapins sous le système d'exclusion de pluie
Placés chacun sur sa balance, les sapins sont mis à l’abri de la pluie pour étudier leur situation en condition de sécheresse.

« C’est un système d’exclusion de pluie, qui permet d’étudier les effets du changement climatique en isolant un seul facteur, explique Stéphane Herbette face à la dizaine de grands sapins en pot partiellement abrités sous le système en question. Ils sont dans les mêmes conditions que les sapins placés à l’extérieur, sauf qu’on les abrite de la pluie. Ça permet de comparer leur comportement au regard de l’unique facteur pluie. »

« On leur met des capteurs partout et on suit leur évolution. »

Le dispositif est complété par des balances : chaque arbre est installé sur sa propre petite bascule, qui permet de suivre sa consommation d’eau à travers l’évolution de son poids. L’opportunité d’un financement de la filière bois a permis de lancer une thèse sur le sujet, dont il me brosse le principe : « On place les sapins en condition de sécheresse sévère, on leur met des capteurs partout et on suit leur évolution. On peut aussi faire des prélèvements à différents stades… »

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Tension-cohésion

Observer les arbres sur pied est une chose. Comprendre précisément les mécanismes à l’œuvre à l’intérieur du bois dans des conditions hydriques variées requiert cependant qu’on observe les choses d’un peu plus près. Ce travail-là se pratique à l’intérieur du bâtiment, dans un laboratoire équipé de différents instruments dont certains ont été conçus et créés sur place. « On identifie une question qui déclenche la conception d’un outil. C’est notre force d’avoir des gens qui sont capables de les créer ; cela nous permet de lever des verrous sur des questions où on n’arrivait pas à avancer », explique le chercheur au fur et à mesure qu’il me présente ces instruments.

Mais avant d’entrer dans le détail de ce que permet d’observer et mesurer chaque appareil, il me faut comprendre les principes de base : ceux de la transpiration de l’arbre, de la circulation de la sève, des conséquences d’un stress hydrique. Pour cela, Stéphane s’appuie sur un croquis sommaire qu’il dessine au tableau, sur quelques documents affichés dans le labo et sur une éponge.

Stéphane Herbette dessinant au tableau
Petit croquis dans un coin du tableau pour m’expliquer comment l’eau circule dans l’arbre : puisée dans le sol par les racines, puis tirée vers le haut quand l’arbre transpire par ses feuilles.

Les racines de l’arbre puisent l’eau dans le sol, m’explique-t-il. Cette eau – la sève – est envoyée via les vaisseaux du tronc et des branches vers les feuilles, où elle est évacuée sous forme de transpiration : les feuilles contiennent de petits orifices, les stomates, par lesquels l’eau s’évapore dans la journée ; la nuit, la plante ferme ces stomates et en quelque sorte, arrête de respirer.

À l’intérieur de l’arbre, dans chaque vaisseau, les molécules d’eau sont reliées entre elles et forment une colonne solidaire allant des racines jusqu’aux feuilles : c’est le phénomène de cohésion. Pour que l’eau puisse circuler vers le haut, elle est en tension. C’est-à-dire que chaque molécule d’eau transpirée laisse une place aussitôt occupée par la molécule suivante, qui, en se déplaçant vers le haut, tire toute la colonne grâce à la tension.

« Si les racines ne trouvent pas beaucoup d’eau, la tension augmente et l’arbre entre en stress hydrique. »

« L’eau circule dans l’arbre grâce à ce phénomène de tension-cohésion : c’est un système de siphon. C’est le même phénomène que pour cette éponge, précise-t-il en la gorgeant d’eau sous le robinet de l’évier. Si je la tiens sans la presser, l’eau ne s’écoule pas grâce à la force de tension. Il me faut exercer une pression de même force pour faire s’écouler l’eau. Et moins il y a d’eau dans l’éponge, plus je dois presser fort. Car la force de tension, qui s’exprime dans les mêmes unités que la pression mais en négatif, est plus grande. Dans l’arbre, de la même façon, si les racines ne trouvent pas beaucoup d’eau, la tension augmente et l’arbre entre en stress hydrique. »

Stéphane Herbette tient une éponge par deux doigts, sans la presser
Démonstration du phénomène de tension-cohésion : si on ne presse pas l’éponge, l’eau ne s’écoule pas. C’est le même principe qui permet à la sève de monter des racines de l’arbre jusque dans ses feuilles.

À trop tirer sur la corde…

Pour mesurer la tension dont un arbre ou une plante a besoin pour faire circuler sa sève, le laboratoire dispose d’un premier appareil : la chambre à pression. « C’est un outil assez simple : on place une branche dans l’appareil et on envoie de l’air sous pression. Quand une goutte d’eau se forme et sort de l’appareil, donc de la plante, on connaît la pression nécessaire, donc l’état hydrique de la plante. C’est la base », détaille Stéphane Herbette.

Stéphane Herbette place une tige de luzerne dans le cylindre de la chambre à pression
Cette tige de luzerne, fixée à cette pièce de la chambre à pression, va être installée dans la machine où on lui enverra de l’air sous pression.

Au moment de notre passage, Clémentine, une stagiaire du labo voisin du PIAF qui travaille sur les prairies, est venue « emprunter » la machine pour une étude sur des luzernes. « J’ai des échantillons de France et du Maroc, explique-t-elle. Mon but est de comparer leurs écotypes pour identifier une éventuelle différence dans leur résistance à la sécheresse. »

« Des molécules d’eau passent de l’état liquide à l’état gazeux et forment des bulles d’air qui vont rompre la cohésion. »

La base donc, mais ça ne nous explique pas encore comment les arbres peuvent mourir de soif. Pour le comprendre, le chercheur utilise une autre comparaison : « Quand on tire sur une corde, elle tient un bon moment. Mais si la tension devient trop forte, arrive un moment où elle casse. Il en va de même avec la colonne d’eau dans l’arbre », commence-t-il. « Casser », pour cette dernière, cela survient par le phénomène de cavitation : « Des molécules d’eau passent de l’état liquide à l’état gazeux et forment des bulles d’air qui vont rompre la cohésion, cassant la chaîne de circulation de l’eau. On appelle cette rupture le phénomène d’embolie gazeuse. »

Bulles mortelles

Stéphane Herbette souligne la responsabilité de l’équipe du PIAF dans la mise en lumière de ce mécanisme : « Le phénomène a été découvert il y a vingt ans. Il a été établi que dans les sécheresses exceptionnelles, c’est par ce phénomène et uniquement celui-là que les arbres meurent. On a mis longtemps à le faire comprendre, mais il est maintenant pris en compte dans les rapports du GIEC. Cette découverte n’est pas due seulement à nous ; comme toujours il y a eu différentes recherches en parallèle qui ont contribué à l’établir. Mais nous sommes pionniers sur ce sujet, notamment parce que nous avons mis au point des outils pour l’étudier. »

« On a mis longtemps à le faire comprendre, mais il est maintenant pris en compte dans les rapports du GIEC. »

Depuis, l’équipe SurEau s’attache à préciser les choses. Elle a ainsi produit des études établissant, pour un grand nombre d’espèces d’arbres, à quelle valeur de tension l’embolie gazeuse se produit et par conséquent, la capacité de résistance de chacune à la sécheresse.

Graphiques et schémas affichés au tableau expliquent le phénomène de l'embolie gazeuse
Les graphiques et schémas affichés dans le labo expliquent les phénomènes de cavitation et d’embolie gazeuse. En haut à droite, la photo au microscope montre (trait gris foncé) une bulle d’air qui s’est formée sous l’effet d’une trop forte tension.

Un graphique affiché dans le laboratoire classe ainsi une vingtaine d’espèces qui ont été les premières étudiées : sans trop de surprise, mais avec bien plus de précision que les connaissances empiriques, ce classement va du moins résistant qui s’avère être le peuplier (arbre qu’on trouve souvent à proximité des rivières, sources et autres points d’eau) jusqu’au buis beaucoup moins sensible aux effets de la sécheresse. « Nous étudions les différentes variétés les unes par rapport aux autres, pour comprendre lesquelles sont les mieux adaptées à telles conditions, et nous l’établissons par la mesure de la tension. Cela fait gagner beaucoup de temps par rapport à une étude qui doit reconstituer les conditions de sécheresse », explique Stéphane Herbette.

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Gain de temps

Autre exemple d’un outil qui a fait bien avancer les connaissances : le cavitron. Le laboratoire en a trois à sa disposition. Cet appareil élaboré à partir d’une centrifugeuse teste la résistance à l’embolie gazeuse, sur des rameaux d’arbres prélevés dans la nature. « Il a permis d’avancer fortement sur la connaissance de l’embolie, en levant un verrou méthodologique. Car en une heure il peut simuler sur une branche une sécheresse sévère, un truc de force méditerranéenne, alors qu’en 2005 ça nous prenait une semaine. Ça permet d’aller beaucoup plus vite et donc de mener des études sur des panels beaucoup plus grands », m’explique Stéphane.

Un cavitron ouvert
Un des cavitrons étant en cours de maintenance, Stéphane en profite pour me montrer son principe de fonctionnement : « A l’intérieur de la centrifugeuse, on a adapté un plateau où on place une branche d’arbre qu’on fait tourner. La force centrifuge exerce une tension. On fait alors circuler de l’eau d’un côté à l’autre de la branche et on regarde jusqu’où elle parvient à passer. »

Il s’approche du poste où travaille un des techniciens, Jérôme, occupé à effectuer grâce à un de ces appareils des mesures sur des rameaux de cèdres de l’Atlas (cedrus atlantica) provenant de différentes régions de France. « Les rameaux proviennent d’une dizaine de parcelles, à raison de dix arbres par parcelle, explique Jérôme. Il y a d’abord un travail de préparation des rameaux consistant à les couper, enlever l’écorce, les étiqueter… Puis on les passe un par un au cavitron et on simule la sécheresse, en mesurant à intervalles réguliers la montée en tension. En un mois on a étudié toute la cohorte. »

« En une heure il peut simuler sur une branche une sécheresse sévère, un truc de force méditerranéenne. »

Stéphane Herbette ajoute que cette étude est financée par le Centre national de la propriété forestière, qui veut savoir quoi planter dans la perspective du changement climatique. « Le cèdre est une espèce méditerranéenne qui semble intéressante, mais on constate par endroit des mortalités. La question est donc de comprendre dans quelles conditions il résiste à la sécheresse ou pas, et in fine, de savoir s’il reste une espèce pertinente à développer. »

Jérôme et Stéphane autour du poste informatique relié au cavitron
Sur l’écran de l’ordinateur relié au cavitron, Jérôme relève la progression des effets de la sécheresse sur une branche de cèdre. « Quand on a commencé à utiliser cet appareil, on utilisait un microscope directement sur la centrifugeuse et on mesurait le déplacement de l’eau manuellement, mais c’était dangereux et pas très précis. Aujourd’hui les mesures sont transmises à l’ordinateur de façon automatisée », explique Stéphane.

En suspension dans la chaleur

Il explique également qu’une personne dans le labo fait de la modélisation à partir des données d’observation. Il peut intégrer à un modèle différents paramètres pouvant influer sur la résistance à la sécheresse : taille de l’arbre, profondeur des racines, surface de feuilles, etc. « Cela permet une meilleure compréhension des mécanismes, en introduisant différentes variables », souligne-t-il.

C’est aussi le point fort d’un autre appareil dont l’apparence a tout du bricolage maison : la drought box, créée ici en 2022. Ce prototype a pourtant toute la précision nécessaire pour mesurer, en les pesant, la vitesse à laquelle des branches suspendues à des hameçons se déshydratent.

Branches de cèdre dans la draught box
Ces branches de cèdre, suspendues par d’authentiques hameçons de pêche, sont pesées très finement, à intervalle régulier, pour étudier la vitesse à laquelle elles se dessèchent.

« Sur 48 heures, on mesure leur poids toutes les secondes. En contrôlant finement, on arrive à observer que quand les feuilles ont fermé les stomates par lesquelles les feuilles transpirent, elles peuvent continuer à perdre de l’eau, plus ou moins selon les types de feuilles. Par exemple, on peut observer que les plantes adaptées à la chaleur, comme ici le cèdre, perdent moins d’eau que d’autres espèces quand leurs stomates sont fermés. Car les feuilles sont plus dures, épaisses et brillantes. »

« On monte d’un cran dans la connaissance en étudiant les effets de deux causes de stress. »

La drought box peut aller encore plus loin, en ajoutant un autre paramètre, précise Stéphane : « Elle peut simuler des vagues de chaleur en même temps que la sécheresse. On observe alors que les feuilles de ces arbres résistants se ramollissent à la chaleur et peuvent perdre l’effet de résistance à la perte d’eau. Mais là aussi, certains plus que d’autres. On monte d’un cran dans la connaissance en étudiant les effets de deux causes de stress. »

Toujours plus complexe…

Tandis que nous déambulons dans le laboratoire, des techniciens, des chercheurs, des stagiaires vont et viennent, manipulent les appareils, transportent des branches d’arbres. Je découvre encore un scanner qui mesure la formation des bulles d’air lors de la cavitation. D’autres projets en cours. Des collaborations, des usages des machines qui permettent d’aller toujours plus loin sur le « front de science », là où la recherche a encore des choses à comprendre, à discuter, à établir.

Stéphane devant la drought box
Mise au point dans le labo PIAF, la drought box est encore à l’état de prototype, bricolée avec des matériaux du commerce. Mais ses mesures sont d’une grande précision, permettant d’établir les effets combinés de la sécheresse et de la chaleur.

Stéphane Herbette m’apprend également que l’unité de recherche réfléchit à une éventuelle réorganisation pour favoriser encore plus le croisement des recherches et des connaissances. « Car même si on se parle entre équipes, chacune travaille en ‘mono contrainte’ : sécheresse d’un côté, températures d’un autre, ou contrainte mécanique du vent. Or les problématiques deviennent plus complexes : les arbres peuvent être soumis en même temps à différents facteurs de stress », précise-t-il.

Je voudrais encore le faire parler de l’autre volet de son travail : car un chercheur universitaire est aussi un enseignant. Stéphane enseigne la biologie végétale à l’UCA, auprès d’étudiants depuis la première année de licence jusqu’au Master, et même auprès de professionnels de l’environnement sous la forme de stages. Mais surtout, insiste-t-il, « je fais essentiellement de la botanique de terrain, pour apprendre à reconnaître les arbres ou à maîtriser les outils qui permettent d’identifier les espèces. » Et il ajoute qu’une des missions très encouragées au PIAF est de « diffuser nos connaissances auprès du public », ce que pratique activement le chercheur, non seulement en ouvrant son laboratoire aux journalistes, mais aussi à travers des conférences, articles, tables rondes…

« Les problématiques deviennent plus complexes : les arbres peuvent être soumis en même temps à différents facteurs de stress. »

Au moment de prendre congé, je me demande si je ressors de cette visite un peu plus inquiète ou un peu plus rassurée. Inquiète du constat, encore renforcé, des incertitudes liées au dérèglement climatique et de la complexité à y répondre : il serait trop simple de croire qu’on a juste à planter aujourd’hui des essences méditerranéennes pour que la forêt de demain s’adapte comme une fleur. Rassurée tout de même de découvrir la dynamique de la recherche, sa capacité d’invention et d’adaptation face à cette complexité. Et qu’en plus, ça se passe ici, sur notre territoire…

Pour en savoir plus sur l’Unité mixte de recherche PIAF, consulter son site internet.

Reportage Marie-Pierre Demarty, réalisé le mardi 13 mai 2025. Photos Marie-Pierre Demarty. À la une : Stéphane Herbette devant la chambre à pression.

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