Valtom 2/2 : « Tout le monde n’est pas encore convaincu par la nécessité de trier »

La visite au pôle Vernéa donne un aperçu des multiples possibilités de valoriser nos déchets. Encore faut-il qu’ils soient correctement triés en amont. Olivier Mezzalira, directeur du Valtom, fait le point sur les bonnes et mauvaises pratiques et comment elles évoluent sur le territoire.


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Le pourquoi et le comment

Difficile de visiter le pôle de Vernéa sans se poser de questions sur ce qui se passe en amont. Avant d’arriver dans le pôle de valorisation, les matières ont fait tout un parcours, passant par la fabrication des produits, leur emballage, leur transport et leur commercialisation, l’achat par les particuliers et l’usage qu’ils en font, puis les poubelles ou ce qui en tient lieu.

Parce que le Valtom a aussi dans ses missions de se préoccuper de ce parcours et de contribuer à le rendre plus vertueux, j’ai profité de ma visite pour interroger Olivier Mezzalira sur cet « amont » de la valorisation.

Où l’on se rend compte que chacun a son rôle à jouer et doit y mettre du sien…

Marie-Pierre


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Lire aussi le volet 1 : « A quoi sert le pôle de valorisation des déchets de Vernéa ? »

Depuis sa création, le Valtom encourage à la réduction des déchets, à l’échelle du Puy-de-Dôme et du nord de la Haute-Loire.  Cette action constante a-t-elle fait baisser le volume des collectes ?

Olivier Mezzalira : Le volume total n’a pas baissé, mais il s’est stabilisé. Il était de 547 kg par habitant et par an en 2010 et il est aujourd’hui à 528 kg. La seule année où ce chiffre a baissé significativement a été celle du covid, où le chiffre est descendu à 497 kg.

Nous essayons de travailler à la prévention dans ce domaine, mais nous ne maîtrisons pas la chaîne des produits consommés. La production de déchets dépend grandement des produits commercialisés : de leur recyclabilité, de leur réparabilité, de leur durée de vie, du packaging.

Nous essayons de faire prendre conscience aux gens de la possibilité de consommer autrement. Mais même en ayant conscience de cette nécessité, cela dépend aussi en partie des moyens de chacun. Par exemple, consommer du vrac est possible sur des produits qui sont plus chers. Cependant, sur d’autres gestes, réduire ses déchets va dans le sens de dépenses moindres, par exemple en buvant l’eau du robinet plutôt que de l’eau en bouteille.

Lire aussi le reportage : « A Cébazat, la sensibilisation au zéro déchet dans la joie et la difficulté à se faire entendre »

Le tri est une autre façon de réduire l’impact des déchets collectés. Son développement n’a-t-il pas d’incidence ?

O.M. : On peut percevoir son incidence dans la diminution constante des déchets résiduels : ceux de la poubelle grise. Ils s’élevaient à 242 kg par habitant en 2010, à 196 kg en 2022 et cela a encore baissé en 2023.

« Les erreurs de tri sont encore fréquentes et elles nous coûtent cher. »

Cependant les erreurs de tri sont encore fréquentes et elles nous coûtent cher, car il n’y a pas de système de réorientation d’un déchet mal trié vers sa filière. Si on jette une bouteille dans la poubelle jaune, il n’est pas possible de la rediriger vers le recyclage du verre depuis le centre de tri. Ce sera un refus de tri et elle sera envoyée avec les autres « erreurs » vers l’incinérateur.

En 2018, le volume de cartons restait plus important dans les poubelles grises que dans les jaunes !

Le tri s’améliore tout de même depuis que nous avons simplifié les consignes de tri en 2021. Mais les « refus de tri » dans la poubelle jaune, qu’on doit réorienter vers le pôle Vernéa, représentent encore 23% du contenu de cette poubelle (en 2022) et sont même en augmentation ces dernières années.

Les déchets de la poubelle grise exposés à Vernéa
Dans les locaux où sont accueillies les visites du pôle de Vernéa, on peut contempler cette « déco », qui reconstitue tout ce qu’on jette dans les poubelles grises à destination de l’incinérateur… y compris les trop nombreuses « erreurs de tri », qui pourraient utilement être recyclées.

L’obligation pour les communes, depuis le 1er janvier 2024, de proposer aux habitants des solutions pour le tri des biodéchets peut-elle avoir un impact significatif ?

O.M. : Pas dans l’immédiat, parce que nous sommes ici plutôt en avance sur ce sujet, dont nous nous sommes emparés il y a longtemps. En 2018, nos adhérents ont validé un schéma de gestion des déchets organiques avec l’objectif de détourner des déchets résiduels 50% de cette catégorie à l’échéance de 2025-2026… et nous sommes dans la trajectoire pour y parvenir.

Comment avez-vous procédé ?

O.M. : Les obligations portent sur les communes, qui doivent proposer des solutions aux habitants. Nous avons fourni un catalogue d’actions possibles, pour réduire le gisement de ces déchets, pour développer et optimiser les outils de compostage ou de valorisation. Chaque collectivité a choisi dans ce catalogue les outils qu’elle souhaitait.

« Sur notre territoire le taux de couverture est de 40%, alors qu’il est de 20% nationalement. »

C’est un aspect complexe du tri car il n’y a pas de solution unique. On peut opter pour la collecte au porte-à-porte, les points d’apport volontaire, le compostage individuel, à l’échelle d’un quartier ou d’un immeuble, ou encore à l’échelle de la collectivité. Cela nécessite du temps pour déployer ces solutions.

Mais sur notre territoire le taux de couverture est de 40%, alors qu’il est de 20% nationalement.

Bien sûr, il y a encore des progrès à faire. Dans la Métropole notamment : il faudrait qu’ils accélèrent sur le déploiement des points d’apport volontaire.

Chaque collectivité est décisionnaire ; nous avons surtout un rôle de coordinateur, de centrale d’achats pour les équipements de nos adhérents et de mutualisation, par exemple pour des campagnes de communication à l’échelle de l’ensemble du territoire. Nous venons d’en lancer une sur le thème « Nos déchets alimentaires sont une ressource, compostons-les ».

Stockage du compost sur le site de Vernéa
Les biodéchets peuvent être transformés en compost à l’échelle individuelle, dans les composteurs de quartier, mais aussi, comme on le voit ici, au centre de valorisation de Vernéa, lorsqu’ils sont collectés via la poubelle verte des habitants. – Photo Suez

Mais le Valtom n’agit-t-il pas aussi directement auprès des habitants ?

O.M. : Nous avons effectivement encouragé le compostage individuel en distribuant sans facturation des composteurs de jardin aux particuliers, qui peuvent les commander au Valtom sous réserve de se former. C’est une action importante : tous les quatre ans environ, nous effectuons un sondage sur les niveaux de pratiques ; il montre que 50 à 60% des particuliers qui en ont la possibilité pratiquent le compostage à domicile.

« Un composteur n’est pas si simple à gérer. »

Nous distribuons aussi les composteurs partagés, et nous avons une équipe de guides composteurs et maîtres composteurs pour les animer et conseiller les habitants.

Car il est important de faire un suivi. Un composteur n’est pas si simple à gérer et il ne s’agit pas seulement de déverser ses épluchures : il faut l’alimenter aussi en matière sèche, le retourner de temps en temps, vérifier son état… Dans la durée, les bons gestes ne sont pas toujours respectés.

Lire aussi le portrait : « Pierre Feltz, maître jardinier-composteur »

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Finalement, quels sont les freins les plus importants ?

O.M. : La difficulté qu’on n’a pas encore résolue, c’est de convaincre tout le monde de la nécessité de trier. Les gens trouvent ça compliqué. Quand ils ne s’en moquent pas complètement. Il y a des gardiens d’immeubles qui nous disent : « Si déjà je pouvais convaincre les locataires de ne pas jeter leurs déchets par les fenêtres ! » Ou alors, les gens vont déposer leurs sacs dans le local à poubelles, sans se poser de questions, dans le bac le plus proche de l’entrée…

« Beaucoup de gens pratiquent le tri chez eux mais oublient qu’ils peuvent le faire aussi à l’extérieur. »

Un autre aspect est la difficulté pour les gens à conserver les gestes de tri hors du domicile. Beaucoup de gens pratiquent le tri chez eux mais oublient qu’ils peuvent le faire aussi à l’extérieur : au bureau, au sport, dans l’espace public, en vacances… On s’en rend compte par exemple à la gare : il y a des poubelles de tri, mais on y jette les déchets n’importe comment. C’est un mécanisme qu’on n’arrive pas à activer

Point d'apport volontaire
Un point d’apport volontaire du Syndicat du Bois de l’Aumône. Le SBA, qui collecte les ordures ménagères sur six intercommunalités, principalement en Limagne, pratique une tarification incitative qui encourage le tri.

Quels seraient les arguments pour convaincre les habitants d’être plus respectueux des consignes de tri ?

O.M. : L’argument économique ne fonctionne pas, sauf dans les collectivités qui pratiquent la tarification incitative. C’est le cas au Syndicat du Bois de l’Aumône qui a une part variable en fonction des apports, avec des tarifs différents sur la poubelle grise et sur la poubelle jaune. Même si la différence n’est pas énorme, c’est suffisant pour que le SBA améliore ses résultats sur les erreurs de tri.

Cependant ce type de tarification est difficilement applicable dans les zones d’immeubles collectifs. Le Sydem Dômes et Combrailles a adopté un autre système incitatif : la part variable est fonction du nombre de personnes par foyer.

Il y a pourtant un intérêt économique à réduire et à mieux trier, même sans tarification incitative, car les erreurs de tri ont un coût qui est répercuté sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Mais c’est une économie invisible pour les particuliers.

« L’argument économique ne fonctionne pas, sauf dans les collectivités qui pratiquent la tarification incitative. »

L’argument le plus évident est la vertu environnementale de la réduction des déchets, du tri, de l’économie circulaire. Les déchets évités permettent d’avoir un impact moindre ; les déchets triés évitent d’utiliser de la matière vierge…

On peut aussi ajouter la valorisation en énergie, sur laquelle nous misons beaucoup au Valtom, avec la production d’électricité, de gaz, de chaleur. C’est une énergie locale et renouvelable, qui contribue à sécuriser l’approvisionnement et qui fait diminuer l’enfouissement. La mise en place du réseau de chaleur garantit aussi un prix inférieur à la moyenne et stable, car nous avons signé une convention sur 25 ans, ce qui met les personnes et bâtiments qui en bénéficient à l’abri des fluctuations des cours de l’énergie.

Une affiche 4 par 3 de la campagne "Nos déchets sont des ressources"
La campagne en cours du Valtom pour encourager au tri des déchets alimentaires compostables.

En conclusion, la dimension départementale du Valtom s’avère un bon positionnement pour engager le territoire sur la question des déchets…

O.M. : C’est une fierté, car il existe peu de syndicats dédiés uniquement au traitement des déchets, et la dimension départementale nous permet de développer des partenariats cohérents, avec des acteurs importants pour qui ce serait plus compliqué de contractualiser avec nos neuf adhérents. Par exemple, nous sommes en relation avec l’Académie de Clermont ; et nous soutenons de nombreux projets à travers notre partenariat avec l’incubateur d’entreprises sociales CoCoShaker

La valorisation des déchets, c’est un sujet qui touche à plein de domaines et il y a beaucoup d’initiatives sur le territoire. Les choses avancent, même si elles ne vont pas aussi vite qu’on le souhaiterait. C’est un effort partagé où chacun a son rôle à jouer : les particuliers, les entreprises, les collectivités…

Consulter le site internet du Valtom

Propos recueillis par Marie-Pierre Demarty, le 17 avril 2024. Photos Marie-Pierre Demarty, sauf indication contraire. A la une : Olivier Mezzalira, présentant la chaîne de collecte et de valorisation des déchets, sur le site de Vernéa.

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