Quand les grands fauves, girafes et takins trouvent refuge en Auvergne

Depuis 2012, le parc animalier d’Ardes-sur-Couze s’est métamorphosé en refuge pour espèces en danger de toute la planète. Il travaille aussi à sensibiliser le public et à réduire son impact. Tout en restant un lieu d’émerveillement.


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Le pourquoi et le comment

Difficile de ne pas être fasciné par les grands fauves de notre planète, les langoureuses girafes et tous ces élégants mammifères exotiques qui ont peuplé depuis longtemps les zoos et les ménageries de cirque de notre enfance. Encore plus impossible de ne pas fondre face à l’adorable bonne bouille poilue d’un panda roux ou d’un paresseux.

Seulement voilà… Ces stars des documentaires animaliers, on peut éprouver quelque réticence à les savoir enfermés dans des cages ou même des enclos, pour le seul plaisir d’émerveiller la galerie. Sans parler de la gêne à se focaliser sur les plus majestueux occupants de la jungle ou de la savane, quand on sait l’incommensurable richesse du vivant et des non moins incommensurables menaces qui pèsent sur toute la biodiversité.

Bonne nouvelle pour nos esprits chagrins : les zoos ne sont plus ce qu’ils étaient… Ils font bien mieux !

Nous avons la chance d’avoir dans le Puy-de-Dôme l’un de ces parcs animaliers hyper-engagés pour la préservation de l’environnement, notamment des espèces en danger d’extinction. Et pas seulement les stars. Cela méritait une petite visite.

Saisissons donc l’occasion de montrer de craquantes photos de panda roux ou d’une somptueuse panthère de l’Amour. Et promettons-nous de parler aussi, plus tard, de petits insectes, de crapauds, d’animaux moches ou méconnus, de vers de terre et de toute cette faune peut-être moins photogénique mais tout aussi précieuse pour les équilibres naturels.

En attendant, ne boudons pas notre plaisir.

Marie-Pierre


Information sur notre prochain événement

Ici vous ne trouverez pas de félins tournant tristement en rond dans une minuscule cage, pas de cacahuètes à lancer aux singes à travers des barreaux, pas le moindre éléphant. Pour observer les lions, les guépards ou les binturongs, il faudra parfois être patient. Comme cette visiteuse qui se désole devant un enclos arboré : « Cela fait trois fois que je viens et je n’ai toujours pas réussi à apercevoir l’écureuil de Prévost ! », nous confiait-elle cet après-midi-là. Mais Marie lui a offert une belle consolation, en lui confirmant que puisqu’elle avait observé trois loutres d’Asie, elle avait eu la chance de rencontrer le bébé qui vient tout juste de naître. De quoi repartir avec des étoiles dans les yeux…

Et si les panthères des neiges, les girafes, les lions ou les pandas roux sont assurément les stars qui attirent le public au parc animalier d’Auvergne, vous aurez l’occasion rare de contempler dans les différents enclos des animaux moins réputés. Citons parmi d’autres les takins, dholes, coendous, markhors, capybaras, ou les binturongs déjà cités…

Binturong
Le binturong ou « chat-ours », petit mammifère cousin de la genette et de la civette originaire d’Asie du Sud-Est, a l’étonnante particularité de dégager une odeur de pop-corn. – Photo Parc animalier d’Auvergne

Rare est bien le mot : 80% des animaux hébergés dans ce petit domaine escarpé, sur les contreforts du Cézallier, appartiennent à des espèces menacées ou en danger, dont il ne reste parfois que quelques centaines de représentants dans la nature. Précisons que les lions et les girafes ne font pas exception. Ce qui justifie leur présence insolite dans le paysage auvergnat.

« Nous aidons des associations qui les protègent sur place, mais cela ne suffit pas. »

« Nous aidons des associations qui les protègent sur place, mais cela ne suffit pas. Même dans les réserves, certaines de ces espèces continuent à être braconnées et menacées. Par exemple les girafes sont recherchées parce qu’une rumeur prétend que leur moelle épinière peut guérir du sida. Certaines sous-espèces comptent moins de 600 individus dans la nature. C’est pourquoi nous les accueillons ici », explique Marie Demoulin, directrice adjointe du parc.

Panda roux
Le panda roux est assurément une des stars du parc. Deux jumeaux de cette espèce sont nés à Ardes-sur-Couze tout récemment. – Photo Parc animalier d’Auvergne

Sauver aussi le takin

Depuis sa reprise en 2012 par un nouveau propriétaire, Pascal Damois, le parc animalier d’Auvergne à Ardes-sur-Couze s’est peu à peu métamorphosé, tournant le dos à la catégorie des zoos traditionnels. Il s’affiche comme un projet essentiellement tourné vers la protection de la biodiversité et de l’environnement.

« Nous sommes parmi les plus impliqués en Europe. »

En tout premier lieu, cela consiste à participer à des programmes de conservation et de reproduction d’espèces en danger d’extinction. « La loi impose à tous les parcs zoologiques de participer à ces programmes, mais tous ne le font pas sérieusement, poursuit Marie. Nous sommes parmi les plus impliqués en Europe pour le nombre d’espèces et deux de nos salariés sont chacun responsable d’un programme de reproduction à l’échelle européenne. Nous avons volontairement choisi deux espèces peu emblématiques, moins populaires, qui ont donc davantage besoin d’être soutenues : le takin et le goral, deux capridés de l’Himalaya. »

Logique : on trouvera plus facilement des donateurs ou, comme au parc d’Ardes-sur-Couze, des « parrains » pour les guépards, les pandas roux ou les panthères des neiges que pour ces obscures chèvres, si exotiques soient-elles. « Nous choisissons les animaux que nous accueillons en fonction de leur statut d’espèces menacées, mais il faut aussi que nous puissions répondre à leurs besoins, qu’ils puissent s’adapter à notre climat, que nous ayons la structure pour les accueillir », poursuit Marie.

Un takin doré
Un takin doré. C’est une salariée du parc d’Ardes-sur-Couze qui supervise le programme de reproduction de ce capridé de l’Himalaya. – Photo Parc animalier d’Auvergne

Carnet rose

Concernant la reproduction, le parc s’attache à respecter les consignes des programmes européens, déterminées en fonction de l’état de conservation des espèces.

Avec les naissances d’une loutre d’Asie, d’un binturong et très récemment de deux pandas roux jumeaux, le carnet rose du parc a été bien rempli cet été. Et l’équipe surveille avec attention le couple des panthères de l’Amour, qui doivent leur nom au fleuve de l’Extrême-Orient russe d’où elles sont originaires et non au programme de reproduction dont elles font l’objet.

« A terme, le but est bien de pouvoir réintroduire des animaux dans la nature, mais ce sont des programmes très longs. »

« Mais nous ne forçons rien, car nous portons aussi une grande attention au bien-être animal », souligne Marie. De fait, ce splendide félin dispose à Ardes-sur-Couze du plus grand enclos d’Europe pour cette espèce, qui mérite bien toute cette attention car il n’en reste même pas une centaine dans la nature.

Une panthère de l'Amour
La panthère de l’Amour ne compte plus qu’une centaine d’individus dans son milieu naturel. – Photo Pierrick Boyer

« A terme, détaille mon interlocutrice, le but est bien de pouvoir réintroduire des animaux dans la nature, mais ce sont des programmes très longs. On ne relâche pas des individus qui ont vécu dans des parcs car ils ne sont plus adaptés, mais leurs descendants, qui sont habitués très tôt à leur milieu naturel. De plus il ne sert à rien de réintroduire des espèces si les conditions de leur survie restent défavorables. Pour ce qui nous concerne, nous avons failli participer à la réintroduction d’un caprin… mais ce devait être en Ukraine. On comprend facilement pourquoi ça n’a pas pu se faire ! »

En attendant, chamois et bouquetins d’Europe, tigres et tamarins pinchés, makis et varis, potamochère et hippopotame pygmée, et un total de 350 animaux appartenant à une soixantaine d’espèces s’épanouissent aussi bien que possible dans cet espace naturellement escarpé et arboré, qui s’étage entre 750 et 900 mètres d’altitude.

S’émerveiller… et comprendre

Ils ont à demeure un vétérinaire spécialisé dans la faune sauvage et depuis cet été, une clinique flambant neuve pour les soins, le suivi éthologique, l’adaptation des régimes alimentaires, la participation à des programmes de recherche. Clinique parrainée – s’il vous plaît ! – par la célèbre éthologue Jane Goodall.

Détail intéressant : les couveuses et salles de soin de la clinique s’ouvrent sur des baies vitrées qui permettent au visiteur, s’il passe au bon moment, d’observer ce qui est en cours à l’intérieur.

Lire aussi le reportage : « A Clermont, l’hôpital des oiseaux accueille chaque année près de 3000 patients »
La clinique vétérinaire du parc animalier d'Auvergne
La nouvelle clinique vétérinaire du parc animalier, parrainée par Jane Goodall, est entrée en fonction cet été. – Photo Marie-Pierre Demarty

C’est un des nombreux dispositifs qui font du parc animalier d’Auvergne un zoo pas comme les autres. Ici, on ne ressort pas seulement émerveillé ou attendri par les peluches vivantes ou les répliques géantes de Sophie la Girafe. L’information et la sensibilisation aux problématiques environnementales s’affichent au détour de chaque allée.

« Cela peut aussi donner envie à des personnes ayant des réticences à visiter un zoo de venir nous voir. »

Et même avant : le site internet du parc a été entièrement repensé en ce sens. « Nous l’avons fait contre l’avis de notre agence de communication, car nous souhaitions vraiment nous démarquer sur ce thème. Même si une majorité des visiteurs vient d’abord pour l’attrait des animaux, au moins cela permet de les informer, et peut aussi donner envie à des personnes ayant des réticences à visiter un zoo de venir nous voir », s’enorgueillit Marie.

Durant la visite, le public continue à apprendre et à comprendre. Depuis les premiers panneaux pédagogiques expliquant la biodiversité, jusqu’à ces îlots d’information sur la problématique de l’huile de palme et de la déforestation, sur l’attention au bien-être animal durant les transports, sur les programmes de reproduction et de sauvetage des espèces en danger, sur la sur-fréquentation touristique…

Marie Dumoulin devant un panneau sur la déforestation
Marie Demoulin montre les panneaux de sensibilisation sur la déforestation. « Nous sommes très engagés sur la problématique de l’huile de palme », explique-t-elle. – Photo Marie-Pierre Demarty

Du récit à l’expérience

Dans les allées, on croise aussi des « pédagogues volants » dédiés à l’information du public. Ils commenceront par exemple par vous aider à repérer la panthère des neiges qui se fond magiquement dans le paysage. Et de là, s’ils sentent une oreille attentive, ils vous expliqueront pourquoi l’espèce bénéficie d’un programme de sauvegarde et de reproduction en Europe, puis vous conduiront à mieux appréhender les notions d’écosystème et de biodiversité…

Visiteurs devant l'enclos des binturongs et des écureuils du parc animalier
Il faut parfois être patient pour apercevoir les binturongs et les écureuils de Prévost, grimpeurs agiles de cet enclos. – Photo Marie-Pierre Demarty

Pour aller plus loin, des activités sympathiques vous feront « soigneur d’un jour », vous permettront de nourrir les animaux ou de consacrer un moment d’observation privilégié à une espèce. Plus classique, les visites scolaires et les camps de vacances pour les plus jeunes, les rendez-vous de team building pour les adultes sont autant d’occasions de faire passer des messages.

Voire, de vous engager à agir, grâce à des ONG partenaires, notamment l’association Play For Nature créée en 2013 par Pascal Damois et par l’ancien rugbyman de l’ASM Julien Pierre.

Cohérence

A ce stade, on est encore en droit de se demander pourquoi Tikographie, qui s’intéresse à la résilience du territoire auvergnat, est allé lorgner du côté des pudus du Chili, des zèbres de Hartmann, des ours du Tibet, des gibbons à favoris blancs… Aucune espèce en danger locale n’est hébergée ici. Ou alors incidemment, quand il s’agit des chauves-souris qui ont colonisé la ruine d’un sanatorium au milieu du parc, des abeilles d’un petit rucher ou des milans royaux qui tournoient au-dessus de ce réservoir de friandises pour rapaces…

« Nous avons également adapté les horaires des salariés pour favoriser le covoiturage. »

Mais le parc animalier a de bonnes raisons de nous intéresser, car il est aussi une entreprise de 26 salariés qui s’est dotée d’un statut de société à mission. Et qui s’efforce avec constance de mettre ses modes de travail en cohérence avec son objet de préservation de l’environnement.

Lire aussi le reportage : « Les chauves-souris espèces à protéger… y compris des idées reçues »
Panneau chauves-souris
Même si elles sont espèces protégées, l’installation des chauves-souris n’a pas été programmée par le parc. Elles se sont installées toutes seules dans les cavités d’un ancien sanatorium en ruine. – Photo Marie-Pierre Demarty

Marie Demoulin énumère : « Nous recherchons le plus possible des fournisseurs en circuit court, locaux et de qualité pour nos points de restauration ; nous évitons d’abattre des arbres et si nous devons le faire, par exemple pour des raisons de sécurité, nous en replantons deux pour un abattu. Nous avons également adapté les horaires des salariés pour favoriser le covoiturage, car il n’y a pas de transports en commun pour venir. Malheureusement, notre petit train, nos véhicules et même les voiturettes ne peuvent pas être électrifiées, car les pentes sont très fortes et cela nécessiterait des recharges de batterie trop fréquentes. »

Ajoutons que le parc a été une des toutes premières entreprises clientes de la ressourcerie d’Issoire. Et que tous les bénéfices sont réinvestis dans l’amélioration ou le développement des installations, en veillant à travailler avec des entreprises locales, à concevoir les bâtiments de façon à avoir le moins d’impact possible. La gestion des déchets et des espaces verts est également optimisée.

Lire aussi le reportage : « A la ressourcerie d’Issoire, tout ce qu’on veut et tout ce qu’on ne veut plus »

Responsabilité et pitreries

Non contente de ces efforts, l’équipe n’est pas à court de projets pour continuer à améliorer son bilan environnemental. Une réflexion est en cours sur les aspects énergétiques, avec des pistes sur l’isolation des bâtiments ou sur l’installation de panneaux solaires.

Et l’aspect sociétal n’est pas en reste, comme l’explique Marie : « Nous avons accueilli une stagiaire pour travailler sur notre rapport de responsabilité sociale et environnementale, et nous envisageons de mettre en place le congé menstruel… car il y a beaucoup de femmes dans notre personnel. Cela nous paraît déjà intéressant de l’évoquer, pour que tout le monde se sente à l’aise pour en parler. Par ailleurs, nous allons essayer de travailler davantage avec les ESAT, par exemple pour l’entretien des espaces verts. »

Devant l'enclos des macaques
Les cabrioles et pitreries des macaques font la joie des visiteurs. – Photo Marie-Pierre Demarty

Des sujets bien sérieux pour ce qui reste un parc dédié aux loisirs et au tourisme… Mais qu’on ne s’y trompe pas : les visiteurs continuent à écarquiller les yeux devant l’élégance mystérieuse des panthères, ou des guépards nouvellement arrivés. Les pitreries des macaques provoquent invariablement un joyeux attroupement.

Et quand bien même tous les visiteurs ne retiendraient pas les messages et enseignements sur le respect du vivant, au minimum, ils auront versé chacun 1,50 euro au bénéfice d’associations et programmes de conservation de la biodiversité. Car c’est compris dans le billet d’entrée !

Voir le site du Parc animalier d’Auvergne

Reportage réalisé mercredi 30 août 2023. Photo de Une : un markhor, capridé originaire d’Asie centrale chassé pour ses superbes cornes vrillées. Crédit : Parc animalier d’Auvergne

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