Piste cyclable des boulevards sud : pourquoi c’est si long ?

Depuis le premier confinement, une piste cyclable provisoire court le long de la portion sud des boulevards circulaires de Clermont. Les travaux vont enfin démarrer pour la viabiliser. Un chantier plus complexe qu’il n’y paraît.


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Mon ressenti

Dans le temps, on appelait ça un « remède de cheval ». Ça fait très mal sur le moment mais ça guérit efficacement, durablement, et on apprécie d’autant plus de retrouver la santé. C’est ce que va subir la métropole clermontoise pendant trois ans : un remède de cheval. Trois ans e chaos, de travaux à tous les coins de rue, avec leur lot de camions, de poussières, de bruit, de routes barrées, de pollution… Mais si les choses ont été bien pensées, dans trois ans, on va apprécier la capitale auvergnate comme jamais, encore plus qu’après les travaux du tram où on avait découvert un hyper-centre convivial, calme et piétonnier. Vous vous souvenez ?

Il y a donc aujourd’hui deux attitudes possibles : soit on se braque, on râle et on s’obstine à nettoyer tous les soirs son SUV empoussiéré ; soit on prend son mal en patience et on en profite pour (re)prendre des habitudes de marcher à pied, de circuler à vélo, de prendre son temps, de bouquiner dans les transports en commun.

Il faut aussi se dire que si le remède de cheval est nécessaire, c’est que le mal est profond. Car systémique : la ville s’est développée sur un mode « tout voiture » qui implique l’ensemble de nos habitudes de vie : où on habite, où on travaille, où on va faire ses courses, où on peut se garer… Tout cela fait partie de l’équation, ce qui rend très complexe la mutation vers une décarbonation de notre quotidien.

Cela implique que ça ne sert pas à grand chose de déplacer juste un pion ; il faut modifier l’ensemble des positions sur l’échiquier. En ajoutant un bout de piste cyclable par-ci, par-là, on n’encourage pas les gens qui ont peur de faire passer leur vélo au ras des voitures. En allant trop vite pour modifier une piste cyclable sur une artère où il faudra aussi faire passer un bus à haut niveau de service, on s’oblige à faire deux chantiers au même endroit. Et pour peu qu’entre les deux, un opérateur du gaz ou un réseau d’eau ait besoin, sous le même carrefour, de changer un tuyau entretemps, vous voyez le tableau… Vous l’avez peut-être même déjà vécu ! Est-ce qu’il ne vaut pas mieux prendre le temps de bien penser le tout une fois pour toutes ?

L’exemple de cette « coronapiste » est assez symbolique à cet égard. Ceux qui ont l’habitude de l’emprunter la trouvent plutôt fonctionnelle, alors on ne voit pas bien pourquoi on continue à y voir ces panneaux provisoires posés à même le sol sur la chaussée. D’où l’importance d’avoir une vue d’ensemble – systémique donc.

Et une bonne dose de patience…

Marie-Pierre

De la banque de France jusqu’à l’avenue Léon-Blum, une grande enfilade de boulevards (Aristide-Briand, Jean-Jaurès et Côte-Blatin) contourne le centre de Clermont par le sud, en sens unique sur trois voies. Depuis le premier confinement au printemps 2020, une de ces voies a été neutralisée pour les voitures et réservée aux vélos. Un long alignement de plots en plastique qui se dégradent peu à peu mais tiennent bon contre vents et pare-chocs.

Alors que d’autres « vrais » aménagements cyclables fleurissent aux quatre coins de la capitale auvergnate, cette « coronapiste » provisoire balisée à la hâte perdure. Ne suffirait-il pas de remplacer ces plots par des éléments « en dur » et d’ajouter quelques coups de peinture pour lui donner une allure pérenne ? Pas si simple…

Une « coronapiste » provisoire perdure depuis trois ans sur la ceinture des boulevards sud. – Photo Marie-Pierre Demarty

« C’est long parce que cela représente un énorme chantier, très complexe, avec une trentaine d’intersections qu’il faut sécuriser, un changement de côté de la voie cyclable. On doit aussi tenir compte des contraintes pour le ramassage des ordures ménagères. De plus nous avons souhaité accompagner ce chantier d’autres aménagements pour rendre ces boulevards plus agréables, avec de la végétalisation, des places réaménagées… », explique Thomas Weibel, conseiller municipal délégué à la nature en ville, au développement de l’usage et de la culture du vélo, de la marche et autres mobilités actives.

Une artère plus agréable

Le chantier, qui va démarrer fin juillet, est estimé à un coût total de 6 millions d’euros. Au sortir de cette période, l’environnement de cette artère aura totalement changé de physionomie.

« Nous avons souhaité accompagner ce chantier d’autres aménagements pour rendre ces boulevards plus agréables, avec de la végétalisation, des places réaménagées… »

« Cette portion fait partie du schéma directeur cyclable, compétence de la Métropole. Ce sera donc un axe structurant, avec une signalisation très visible, des feux tricolores spécifiques pour les vélos – ce qui n’existe pas encore à Clermont, poursuit l’élu municipal, également conseiller métropolitain. Le boulevard sera mis en double sens aussi bien pour les voitures que pour les deux-roues, pour à terme former un « ring » cohérent sur le tour complet du centre-ville. Et aux aménagements financés par la Métropole, la Ville a souhaité ajouter les aménagements qui permettront d’apaiser cet axe. De sorte que de très nombreux métiers et entreprises doivent intervenir. Cela demande une coordination complexe. Le maire souhaitait que ce chantier aille le plus vite possible mais quoi qu’on fasse, un projet aussi important prend du temps. »

Deux petites places, dont (ici) la place Littré, seront aménagées pour les rendre plus agréables et favoriser la vie de quartier. – Photo Marie-Pierre Demarty

Dans le détail, qu’est-ce qui se prépare ? Dans l’immédiat, certainement des mois difficiles pour les riverains, les automobilistes et même les deux-roues : le chantier doit démarrer simultanément en quatre points différents et progressera à partir de ces quatre points, jusqu’à ce qu’ils se rejoignent. De sorte qu’aucune portion ne sera utilisable avant la fin des travaux.

De plus, ils se feront en partie de nuit car il sera nécessaire de couper complètement la circulation à certains moments.

« De très nombreux métiers et entreprises doivent intervenir. Cela demande une coordination complexe. »

A terme, l’idée générale est de faire de cette vaste artère très agréable pour les voitures une traversée du quartier étudiant très agréable pour les piétons, promeneurs, ou utilisateurs de modes de déplacement doux.

« Les pistes cyclables ne seront pas au maximum de largeur possible, compte tenu de l’espace à laisser aux piétons, aux arbres… », continue Thomas Weibel, qui évoque la végétalisation des trottoirs, la réduction du nombre de places de stationnement et la réfection de deux placettes le long du parcours, pour les rendre plus accueillante à la vie de quartier : la place Littré, près de l’église Jeanne-d’Arc, et le petit terre-plein contigu au viaduc Saint-Jacques, avec notamment des pavés enherbés permettant l’infiltration de l’eau.

Davantage de végétalisation, une piste cyclable à double sens et sécurisée, une circulation plus apaisée… Le « ring » de Clermont va totalement changer de physionomie. – Photo Marie-Pierre Demarty
Lire aussi : « Schéma cyclable et système vélo : quelles perspectives sur Clermont Métropole ? »

Un centre-ville apaisé

En dézoomant, ce remodelage en profondeur s’inscrit dans une vision plus large de la physionomie de la ville et de ses axes de circulation : les mêmes changements émergeront peu à peu sur l’ensemble du « ring », continuant par l’avenue d’Italie, les boulevards Jean-Baptiste-Dumas, Lavoisier, Berthelot et Duclaux, pour aboutir à un ensemble cohérent, avec double sens pour les voitures et pour les cycles, et une piste cyclable continue, du même côté intérieur. C’est cette nécessaire cohérence qui explique la nécessité de modifier l’emplacement de cette piste sur les boulevards sud.

Ces transformations sont en cours sur Jean-Baptiste-Dumas. Mais ce sera un peu plus long sur l’avenue d’Italie en raison de la nécessaire coordination avec le chantier du projet InspiRe. Il faudra aussi être patient côté ouest, car la Ville de Chamalières, qui conserve un droit de regard sur les voies de son territoire, se montre réticente.

Une signalisation spécifique pour les vélos se met en place peu à peu, comme ici avenue d’Italie. Sur les boulevards sud, on verra apparaître les premiers feux de signalisation à l’intention des deux-roues. – Photo Marie-Pierre Demarty

Ce plan de développement du schéma cyclable s’inscrit dans une intention générale de rendre plus apaisé et plus agréable à la circulation piétonne ou vélo un périmètre plus large, jusqu’à ces boulevards et y compris le cheminement de la gare au centre-ville. Il se veut complémentaire au développement des transports en commun à travers le projet Inspire.

C’est pourquoi tous ces travaux arrivent plus ou moins en même temps et vont provoquer un peu de chaos dans la métropole auvergnate dans les années qui viennent.

C’est le moment ou jamais d’investir dans une bonne paire de chaussures de marche ou un VTT, de réclamer (encore plus) haut et fort à la Région et à l’État une politique ferroviaire plus ambitieuse. Et de réfléchir, individuellement et collectivement, à une autre organisation du quotidien.

Photo de Une Marie-Pierre Demarty


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