Opportunités et contraintes de la transition territoriale, vues par le Grand Clermont

Dédié au bassin de vie clermontois, le Grand Clermont tâche de mutualiser les efforts et les moyens de plusieurs communautés de communes sur le foncier, l’agriculture ou encore la participation citoyenne, avec la perspective « zéro artificialisation nette » à 2050


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Ressenti de l’auteur

Le Grand Clermont, pour moi comme pour de nombreux habitants, faisait office d’OVNI dans le paysage des acteurs territoriaux publics. Situé « quelque part » entre les communautés de communes et le département, il regroupe plusieurs de ces EPCI – de Riom au sud de Clermont et jusqu’à Billom. Mais, quand on comprend que sa logique est celle du « bassin de vie » clermontois, cela fait plus sens. Comme le dit son président Dominique Adenot, beaucoup de sujets – celui de la mobilité venant tout de suite à l’esprit – doivent se traiter au-delà d’une simple communauté de communes.

Ce qui me semble intéressant, au-delà du fait de mieux comprendre les tenants et aboutissants de cet acteur peu connu mais important de notre vie locale, est que ses projets paraissent tous engagés dans une forme de transition écologique territoriale, que ce soit le Projet Alimentaire Territorial ou la Via Allier, mais aussi le fameux SCoT – le grand schéma directeur du territoire – surtout dans sa révision en cours.

La loi « Climat et Résilience » impose désormais un objectif de Zéro Artificialisation Nette qui est globalement nécessaire pour protéger la biodiversité, améliorer l’écoulement (et donc le stockage naturel) des eaux, et sanctuariser des terres agricoles. Mais sa prise en compte, et ses méthodes de calcul, semblent poser problème. Ce point fera l’objet d’un sujet spécifique ultérieur, mais cet échange avec les collaborateurs et élus du Grand Clermont nous permet de comprendre que cet impératif est vécu autant comme une nécessité, une opportunité et une épée de Damoclès.

Damien

Les principaux points à retenir

  1. Le Grand Clermont est un établissement public regroupant quatre communautés de communes du bassin de vie clermontois. Son document structurant est le SCoT [Schéma de Cohérence Territoriale], dont la seconde version est en cours de révision. Ce document a une valeur juridique forte puisqu’il peut s’opposer aux Plans Locaux d’Urbanisme [PLU]. Si sa première version était marquée du sceau de l’attractivité « quantitative« , pour relancer la démographie locale, la seconde semble s’orienter davantage sur la question de la résilience territoriale.
  2. Un point capital du SCoT et de la gestion du foncier (permis de construire, pour deux des quatre collectivités concernées) par le Grand Clermont, est celui de l’étalement urbain. La règle du Zéro Artificialisation Nette [ZAN], à appliquer par étapes d’ici 2050, est un enjeu transversal à quasiment tous les dispositifs du Grand Clermont, et bien sûr au nouveau SCoT. Au-delà de l’application, il est nécessaire pour Dominique Adenot, son président, de l’expliquer aux habitants, aux techniciens des communes et d’accompagner les élus, souvent perdus face à cet impératif.
  3. L’avantage du SCoT est sa pérennité à 30 ans, ce qui lui permet de porter une vision de territoire. Bien qu’il fasse l’objet de plusieurs révisions, le document peut ainsi s’articuler avec les PLU intercommunaux sur 10 ans. Sa pertinence doit aussi, en principe, être favorisée par l’existence d’un Conseil de Développement organisé et animé par le Grand Clermont. Comportant jusqu’à 100 membres, ce dispositif citoyen doit permettre la remontée de questions et le traitement de sujets complexes par les habitants, en lien avec les élus locaux signataires d’une charte et s’engageant à y répondre.
  4. Enfin, un des autres projets phare du Grand Clermont est le Projet Alimentaire Territorial [PAT], mené avec le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez. Centré sur la qualité de « l’assiette » des habitants, favorisant les productions locales, les circuits courts et la résilience alimentaire, le PAT sera aussi re-questionné à l’aune de la règle du ZAN qui vise à protéger les terres agricoles. L’importance ici semble être l’inscription dans le temps long.

La structure : le Grand Clermont

Syndicat mixte public de type PETR [Pôle d’Equilibre Territorial et Rural] regroupant quatre communautés de communes du bassin de vie clermontois

Né à l’occasion de la transformation des anciens « schémas directeurs » territoriaux en un Schéma de Cohérence Territoriale [SCoT] unifié, le Grand Clermont est issu de la volonté de l’ancien président du Conseil Général du Puy-de-Dôme, Pierre-Joël Bonté, de réfléchir à l’échelle du bassin de vie clermontois.

Aujourd’hui, ce syndicat mixte regroupe Clermont Auvergne Métropole, Riom Limagne et Volcans, Mond’Arverne Communauté et Billom Communauté. Le Grand Clermont a permis de mutualiser plusieurs services et moyens, comme pour le traitement des demandes de permis de construire (pour Mond’Arverne et Billom Communauté), ou encore le Conseil de Développement (pour Clermont Auvergne Métropole et Riom, Limagne et Volcans).

Le portage et l’adaptation du SCoT aux enjeux contemporains – concernant de nombreux sujets, dont ceux du foncier et de l’attractivité – sont au coeur de la mission du Grand Clermont. Une révision du SCoT est d’ailleurs en marche depuis 2022, aidée en cela par le nouveau Conseil de Développement et les partenaires du Grand Clermont. D’après son président, Dominique Adenot, il est capital d’adapter le futur SCoT (qui portera sur les 30 ans à venir) aux enjeux de la résilience territoriale.

Le Grand Clermont anime également plusieurs projets de grande ampleur, le principal étant le Projet Alimentaire Territorial partagé avec le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez. Ce PAT vise à atteindre une forme de résilience alimentaire sur le territoire, tout en réduisant l’impact environnemental des productions agricoles sans obérer la qualité et l’apport nutritifs dans nos assiettes. Il représente la première déclinaison locale en France du scénario prospectif Afterres 2050.

Voir le site web du Grand Clermont

Information sur notre prochain événement

Les intervenants du Grand Clermont qui ont participé à cet entretien :

  • Dominique Adenot, président du Grand Clermont
  • Bruno Valadier, vice-président en charge du SCoT
  • Régis Roquefeuil, directeur du Grand Clermont
  • Corinne Portal, directrice adjointe à l’urbanisme
  • Céline Oberlé, chargée de mission pour le Conseil de Développement
  • Moïra Ango, chargée de mission pour le Projet Alimentaire Territorial

Dans quel contexte institutionnel a émergé le premier SCoT [Schéma de Cohérence Territoriale] à Clermont ?

Dominique Adenot : le SCoT est né avec le Grand Clermont. Ce dernier n’est pas une collectivité mais un syndicat mixte de quatre EPCI [Etablissements Publics de Coopération Intercommunale – Billom Communauté, Clermont Auvergne Métropole, Mond’Arverne Communauté, Riom Limagne et Volcans ,NDLR] représentant 104 communes. Il s’agit de l’échelle du “bassin de vie” autour de Clermont.

Vers la fin des années 1990, Pierre-Joël Bonté, alors président du département du Puy-de-Dôme, nous avait demandé de réfléchir au niveau de ces bassins de vie. Il avait l’intuition que les politiques départementales ne pouvaient plus s’adresser uniquement aux communes, mais qu’il fallait un acteur intermédiaire.

C’était l’époque de la création des intercommunalités, mais Pierre-Joël Bonté a souhaité aller plus loin. D’autant plus que les anciens “schémas directeurs”, qui étaient des réflexions locales sur le devenir des territoires, se limitaient à une vision prospective non contraignante.

Qu’est-ce qui a changé avec la naissance des SCoT, en 2000 ?

DA : ce sont, en effet, les schémas directeurs qui ont été transformés en SCoT. Pour le porter et l’animer, le Grand Clermont a été créé… et a perduré ! Mais la grande nouveauté était que le SCoT devenait opposable aux PLU [Plans Locaux d’Urbanisme, à l’époque des Plans d’Occupation des Sols]. Cela voulait dire que ce qu’on déciderait collectivement allait s’imposer aux communes qui avaient encore la compétence urbanisme.

« Les politiques départementales ne pouvaient plus s’adresser uniquement aux communes, (…) il fallait un acteur intermédiaire »

Dominique Adenot

Mais, au-delà, il y avait une ambition de redressement territorial. Nous avions perdu 25 000 habitants en vingt ans, c’était une véritable saignée. Cinq plans sociaux de Michelin avaient divisé les effectifs par deux, sur Clermont. Pour y répondre, [les précédentes initiatives] se contentaient de bricoler, sans ambition forte.

Pour moi, l’engagement dans le SCoT marquait la volonté de redresser la barre et de rejoindre le club des métropoles françaises.

100 hectares d’artificialisation en habitat sur le Grand Clermont depuis 3 ans, et encore davantage pour le commerce et l’industrie : comment inverser la tendance pour respecter la loi Climat et Résilience ? / Crédit visuel : Damien Caillard, Tikographie

Quel intérêt d’agir à l’échelle du bassin de vie plutôt que de l’EPCI ?

DA : rien ne se fait dans ce pays sans les maires. Même les grandes politiques européennes ou nationales ! Voyez avec le Grand Paris, par exemple : ce sont les maires qui se sont exprimés pour donner leur accord. Pour le Grand Clermont, les élus locaux ont adhéré en masse, et cela s’est fait sans heurts parce qu’il y avait un sentiment naturel d’appartenance au bassin de vie clermontois.

« L’engagement dans le SCoT marquait la volonté (…) de rejoindre le club des métropoles françaises. »

Dominique Adenot

Régis Roquefeuil : en outre, tous les rapports qui sortent actuellement – issus de l’ADEME ou du Shift Project, par exemple – mettent en avant la question de la coopération entre territoires. Sur tous les grands enjeux, un EPCI seul n’est assez fort pour changer le territoire.

DA : prenons la mobilité. On ne peut plus continuer à multiplier les voitures individuelles dont 90% ne transportent qu’une seule personne, c’est un non-sens écologique et un vrai problème économique. Mais, sur Clermont, plus de la moitié des véhicules qui y circulent viennent de sa périphérie. Cette question est donc à traiter à l’échelle du bassin de vie ! Il faudrait une autorité unique de mobilité, du nord de Riom aux Martres de Veyre, de Billom à Aydat. 

Lire l’entretien (2021) : Pour Diane Deboaisne, « l’urbanisme doit faire la synthèse de beaucoup d’enjeux »

Le premier SCoT était donc assez focalisé sur la notion d’attractivité…

DA : c’était d’ailleurs la seule question. L’Auvergne – et le Puy-de-Dôme n’y échappe pas – a un taux de natalité inférieur à la moyenne nationale. La population n’est donc pas naturellement remplacée. Il fallait compenser cela par une arrivée de nouveaux “Grands Clermontois”, et si possible des jeunes.

Bruno Valladier : mais attention, car la notion d’attractivité a changé entre 2000 et 2023. Aujourd’hui, on parle plus de qualité de vie, de mobilité, d’emploi, d’enjeux de formation, de développement durable ou de transition énergétique. En 2000, la logique était davantage quantitative que qualitative.

Et cette attractivité impliquait de maîtriser “l’étalement urbain”. Comment y êtes-vous parvenu ?

Corinne Portal : en effet, le premier SCoT a concrétisé le travail sur la notion de “renouvellement urbain”, qui a émergé à cette époque. Il fallait commencer à maîtriser cet étalement, c’était une des conditions de l’attractivité.

« Sur tous les grands enjeux, un EPCI seul n’est assez fort pour changer le territoire. »

Régis Roquefeuil

DA : je dirais qu’on n’a pas commis les erreurs qui ont été faites dans d’autres métropoles. Bordeaux a fait un développement, selon moi, totalement délirant. Nantes, Toulouse, Marseille se sont déséquilibrées. Il n’y a guère que Rennes qui a su maîtriser sa métropolisation.

Concernant Clermont, nous n’avons pas eu autant de nouvelles populations bien sûr. Notre sujet était de limiter le foncier au niveau des maisons individuelles. C’était une vraie difficulté politique avec des réunions publiques houleuses. Sur ce sujet, chacun venait avec sa problématique personnelle, et non pas l’envie de contribuer à un mieux collectif.

CP : on a néanmoins pu démontrer qu’en réduisant les superficies urbanisables, on continuait à accueillir de nouvelles populations. A l’inverse, d’autres territoires ont urbanisé à tout crin et ont perdu des habitants. Ce changement de paradigme a heureusement été compris par les lotisseurs et les élus locaux.

DA : un des grands atouts du SCoT a été la mise en compatibilité des documents fonciers des différents EPCI. Et c’est de mieux en mieux accepté par les populations. Cela dit, c’est à nous d’expliquer que c’est la règle désormais, et qu’il y a des avantages à la suivre. La transition écologique ne se fera pas sans douleur, mais elle se fera.

Entretien complémentaire avec Corinne Portal sur le SCoT et les mutations du foncier

Corinne Portal est directrice adjointe à l’urbanisme, au sein du Grand Clermont

Comment s’organise la révision du SCoT, engagée fin 2022 ?

C’est un très gros travail, que nous pilotons avec un accompagnement de l’Agence d’Urbanisme et d’un prestataire en charge du volet environnemental. Il se déroule dans le double contexte de l’adaptation aux conséquences du changement climatique, et de la loi ZAN [Zéro Artificialisation Nette, issue de la loi Climat et Résilience, qui s’appliquera d’ici 2050 – NDLR]. L’approche doit être concertée et itérative, mêlant élus, partenaires et société civile.

Les axes principaux de cette révision sont les besoins concrets des habitants (logement, services, mobilité…), la logique d’une économie en transversalité (dont l’aménagement commercial, l’agriculture, les forêts), et les transitions nécessaires (énergie, climat, biodiversité…). Avec, en fil rouge, une logique d’économie du foncier pour respecter la loi ZAN.

Vous évoquez la loi ZAN : comment est-elle vue par les élus locaux ?

Déjà, les délais sont très contraints. La loi Climat et Résilience impose d’intégrer les objectifs du ZAN en août 2026… et les traduire dans les PLUI un an plus tard !

Ensuite, il est vrai que les élus locaux ont été déstabilisés par cette loi. Cela interroge le modèle de développement de nombreuses communes, mais par un biais quantitatif. Concrètement, il faut réduire les consommations d’espaces naturels, agricoles, forestiers, de 50% en dix ans … puis de réduire l’artificialisation [nette, à nouveau] de 50% tous les 10 ans, jusqu’à une artificialisation nette nulle en 2050.

C’est une logique très comptable, par territoire, qui détourne un peu de l’objectif plus qualitatif comme la préservation générale des terres et des paysages. Mais les élus ont conscience qu’ils devront œuvrer dans ce sens, malgré tout. [En faisant avec] des habitants confrontés, mécaniquement, à des espaces urbanisables plus rares donc plus chers.

Enfin, certaines communes rurales ont peur qu’il ne leur reste plus aucune possibilité de développement, qu’elles se retrouvent “figées” dans le temps. 

Qu’est-ce que l’organisation “en archipels”, propre à l’agglomération clermontoise ?

Le principe de base est une organisation qui doit permettre de renforcer la proximité et la mixité entre des lieux d’habitat, d’emplois, de services, d’équipements, de commerces et de loisirs.

L’organisation en archipels est réalisée au niveau du Grand Clermont. Elle se fait autour d’un “cœur” métropolitain et sept “pôles” de vie, qui prennent le relais et doivent répondre aux attentes des habitants avec toutes les fonctions nécessaires et des communes périurbaines.

Le but est de minimiser les déplacements vers Clermont, et de faire en sorte que chaque habitant ait une distance maximum à parcourir pour accéder à la majorité des services. N’oublions pas que, quand les gens s’installent quelque part, ils réfléchissent notamment en termes de temps de transport.

Votre service instruit beaucoup de demandes de permis de construire…

En 2015, l’Etat a laissé les collectivités s’organiser pour ces instructions. Aujourd’hui, Clermont Auvergne Métropole a un service instructeur pour quasiment toutes ses communes membres, idem pour Riom Limagne et Volcans. Billom Communauté et Mond’Arverne ont mutualisé leurs services au sein du Grand Clermont : c’est une bonne approche pour être efficace et surtout respecter les délais réglementaires. 

Pour nous, cela représente donc une cinquantaine de communes à couvrir. Le service comporte sept  personnes dont six instructrices et instructeurs. Nous essayons d’être au plus près des communes, d’autant plus que c’est le maire qui reste signataire des permis. Nous mettons l’accent sur la qualité de service, avec des réceptions de pétitionnaires sur rendez-vous, et des permanences qui reprendront bientôt.

Désormais, vous revendiquez une orientation différente, celle de la résilience territoriale…

DA : je pense que notre société a pris conscience des risques qu’elle encourt sur ses fonctions primaires. La pandémie, la guerre en Ukraine mettent en avant notre grande interdépendance, et posent des questions quant à notre sécurité alimentaire, énergétique, sanitaire… La solution passera forcément par de la relocalisation.

« Notre société a pris conscience des risques qu’elle encourt sur ses fonctions primaires. »

Dominique Adenot

RR : le SCoT doit correspondre à son époque. La logique d’attractivité continue, mais elle doit évoluer. La bonne question, aujourd’hui, est : dans quelle mesure notre territoire a des capacités de résilience. Et est-il prêt à s’adapter ?

Lire l’entretien : Les limites planétaires du global au local, avec Antoine Giret

DA : nous avons donc lancé la révision du SCoT le 8 décembre 2022. Le Grand Clermont en est le maître d’ouvrage, et on va s’appuyer sur des experts pour faire les bons diagnostics. A fin 2023, nous aurons l’état de la situation, nous verrons ce qui doit être corrigé, et nous proposerons des pistes d’actions conduisant à une révision du SCoT.

Visite de la ferme de Sarliève à Cournon, dans le cadre des temps de sensibilisation et de découverte initiés par le Projet Alimentaire Territorial / Crédit photo : Grand Clermont (DR)

Comment concilier les différentes temporalités des partenaires du SCoT ?

DA : la quasi-totalité des collectivités territoriales, dont l’Etat mais aussi le Département ou encore la Région, sont parties prenantes de la révision du SCoT. Mais, en effet, les temporalités ne sont pas les mêmes. Par exemple, Clermont Auvergne Métropole est en train de finaliser son PLUI [PLU intercommunal] : c’est une vision à horizon 10 ans, et c’est déjà très bien.

BV : mais le SCoT porte une vision à 30 ans ! Il permet de voir plus loin, et d’explorer des voies plus innovantes. Car il devra s’adapter en cours de route. Peut-être que, durant ces trente ans, d’autres chemins s’ouvriront à nous.

« Les contraintes du changement climatique seront prises en compte dans tous les documents. »

Corinne Portal

DA : je pense qu’il faut à la fois une vision à long terme et de l’agilité. Le SCoT connaîtra sans doute une dizaine de modifications. Mais la capacité dont nos sociétés ont fait preuve pour affronter des chocs tels que la guerre en Ukraine et la pandémie, me rassure.

CP : au final, il faut que le SCoT nous aide à “choisir pour ne pas subir”. Même si les contraintes du changement climatique seront prises en compte dans tous les documents.

Lire l’entretien (2022) : Le Schéma de Transition Energétique et Ecologique de Clermont Métropole face au « passage à l’opérationnalité »

Hormis le foncier, quel rôle opérationnel le Grand Clermont a-t-il pour l’application du SCoT ?

RR: sauf exception, le Grand Clermont n’a pas de rôle opérationnel. Mais nous facilitons la discussion pour que les élus et les acteurs publics se mettent autour de la table. Nous les aidons à se saisir des grands sujets impactants et à les faire réfléchir ensemble.

Le SCoT, par exemple, permet d’éviter une logique en “vase clos”. La concertation est obligatoire mais selon des modalités déterminées par les élus. Ces derniers sont de plus en plus intéressés par ce que peut proposer la société civile.

Temps « brise-glace » à la seconde rencontre du Conseil de Développement à la Roche-Noire. Les membres choisis apprennent à se connaître avant de passer aux choses sérieuses / Crédit photo : Grand Clermont (DR)

Et qu’en est-il de la concertation citoyenne, justement ?

Céline Oberlé : elle se déroule pour l’instant en amont de la révision du SCoT. Elle a été lancée le 5 mai 2022 auprès d’un panel de citoyens présents dans le nouveau Conseil de Développement. La question générique qui leur a été soumise était : “en 2050, sur le Grand Clermont, nous souhaitons un territoire sobre avec une belle qualité de vie et la garantie d’une justice sociale. Sur quel chemin nous engageons-nous dès aujourd’hui pour y parvenir ?”

« Les citoyens membres du Conseil de Développement travaillent (…) dans la perspective du Zéro Artificialisation Nette. »

Céline Oberlé

RR : l’objectif est que les citoyens expriment leurs aspirations pour l’avenir. Mais ce ne sera pas contraignant pour le SCoT – pas à la manière initialement envisagée pour la Convention Citoyenne nationale, par exemple. Néanmoins, selon la “charte de partenariat” entre le Conseil de Développement et le Grand Clermont et les EPCI, les élus s’engagent à analyser les propositions du Conseil de développement et à dire dans quelle mesure ils les prendront en compte ou pas – et dans ce cas pourquoi.

CO : les citoyens membres du Conseil se réunissent mensuellement et travaillent sur des sujets qu’ils ont eux-mêmes choisis : l’énergie, l’eau, l’alimentation, la mobilité et la fin de l’artificialisation des sols. Tout cela dans la perspective du ZAN [Zéro Artificialisation Nette] qui s’appliquera en 2050.

Entretien complémentaire avec Céline Oberlé sur le Conseil de Développement

Céline Oberlé est en charge de l’animation du Conseil de Développement du Grand Clermont

Pourquoi avoir (re)créé un Conseil de Développement ?

D’abord parce que c’est une obligation légale ! Les EPCI de plus de 50 000 habitants (donc Clermont Auvergne Métropole et Riom Limagne et Volcans) et les PETR [Pôles d’Equilibre Territorial et Rural, ce qu’est le Grand Clermont – NDLR] doivent disposer d’une telle assemblée. En-dessous de ce seuil, les conseils de développement sont facultatifs. Sur le territoire du Grand Clermont, nous avons mutualisé les efforts. Le Conseil de développement est ainsi porté par le Grand Clermont mais il est également celui de ses quatre EPCI membres. 

En outre, il était nécessaire d’accompagner la révision du SCoT via un dispositif citoyen. Le Conseil de Développement peut donc être saisi par les élus mais aussi par ses propres membres (auto-saisine) des différents sujets portant sur le territoire. Actuellement, le Conseil planche sur des propositions pour septembre 2023. Mais, par la suite, nous attendons un “avis citoyen” tout au long de la vie du nouveau SCoT.

Comment est organisée la vie du Conseil de Développement ?

Le mandat actuel, qui court jusqu’au printemps 2026, est dimensionné pour 100 personnes membres. Nous avons insisté sur la diversité des profils, en âge, en origine géographique et en genre. De même, les modalités de participation sont très différentes du précédent Conseil de Développement [qui a pris fin en 2018 et qui était plus basé sur de la co-optation, NDLR] : les EPCI mais aussi d’autres institutionnels et associations locales ont proposé des membres pour un tiers de l’assemblée. Le reste est composé de tirage au sort sur les listes électorales et d’un appel à volontaires.

Au-delà de la composition, ce nouveau Conseil de Développement bénéficie d’un poste d’animation à temps plein – le mien – et doit appliquer, dans la mesure du possible, une démarche vraiment participative. Il faut innover par de l’intelligence collective et de la participation citoyenne.

L’ancien Conseil de Développement a pris fin notamment parce que le relais ne se faisait pas avec les élus locaux…

En effet, et c’est bien ce qu’ont exprimé les membres du nouveau Conseil le 5 mai 2022, lors de son lancement : ils tiennent à être considérés par les élus locaux. C’est pourquoi nous avons mis en place une charte de partenariat pour éviter ces écueils. Les élus signataires s’engagent ainsi à fournir une réponse argumentée en six mois, pour chaque proposition ou question du Conseil.

De plus, ce sont plusieurs élus présents au sein du Grand Clermont qui ont mis en place ce nouveau Conseil : ils ont travaillé pendant un an, en amont du lancement, sur ses modalités et sa philosophie. Cela représente une dizaine d’élus locaux actifs, le vice-président en charge du Conseil étant Dominique Guélon, maire d’Orcet. Ce sont aussi des ambassadeurs du Conseil de Développement

Si on développe l’angle de l’alimentation, le Grand Clermont avait depuis plusieurs années porté le PAT [Projet Alimentaire Territorial] avec le Parc Naturel Régional du Livradois-Forez…

RR : le PAT va devenir une partie intégrante du nouveau SCoT. Le travail qui a déjà été réalisé va constituer un apport considérable.

CP : le SCoT était innovant sur le développement et la protection des espaces agricoles. Cette approche a permis une meilleure acceptation de la densité : les gens comprenaient qu’il s’agissait de densifier pour protéger notre agriculture et notre souveraineté alimentaire.

A la plénière du Forum Alimentaire, en 2022, les participants échangeaient sur les multiples thématiques du Projet Alimentaire Territorial / Crédit photo : Grand Clermont (DR)

RR : mais les objectifs du PAT seront re-questionnés avec le nouveau SCoT. Simplement parce que la vision ZAN à 2050 n’existait pas auparavant.

DA : je vois que les principaux acteurs de l’agriculture évoluent dans le bon sens. Même Limagrain change son fusil d’épaule, et reconnaît que la monoculture céréalière ne suffit plus en Limagne. Ils encouragent une forme de diversification, avec du maraîchage et des céréales plus adaptées au réchauffement. Mais cela ne peut se faire que dans le temps long.

Entretien complémentaire avec Moïra Ango sur le Projet Alimentaire Territorial

Moïra Ango est chargée de mission, en charge de l’animation et du développement du Projet Alimentaire Territorial

Comment résumerais-tu la mission du PAT ?

Le PAT vise à accompagner une meilleure autonomie alimentaire sur le territoire du Grand Clermont et du PNR Livradois-Forez. Ce dans une logique plus durable environnementalement et socialement, et avec une rémunération juste pour l’agriculteur. 

Tout ce travail doit se faire de manière partagée, en phase avec les attentes des acteurs locaux et des habitants, et en s’adaptant à nos propres ressources. Il faut d’ailleurs souligner que tous les PAT de France mettent les acteurs locaux autour de la table. Ce sont véritablement des projets bottom-up, qui viennent du terrain.

Est-ce une logique de résilience territoriale ?

Dans le sens où l’on adapte la production aux besoins locaux, où l’on réduit les pertes et les gaspillages, oui. Mais la résilience alimentaire est une équation complexe, et il nous faudra faire des arbitrages en prenant en compte tous les modèles existants. 

De fait, dans notre PAT, on ne fait pas le pari d’une rupture technologique ou sociétale rapide. Au contraire, nous pensons qu’il faut surtout développer ce qu’on sait faire de mieux aujourd’hui en termes de techniques et de pratiques, et déployer largement les comportement vertueux déjà à l’œuvre.

De plus, la notion d’assiette y est centrale. Aujourd’hui, ce que l’on mange est trop carné, pas assez végétal. Nous devons inverser le rapport protéique, et réduire les quantités tout en proposant un apport nutritif suffisant, et bien sûr une vraie valeur en termes de goût.

Comment est né le PAT sur notre territoire ?

La labellisation date de 2017. En fait, notre PAT se base sur le scénario prospectif Afterres 2050, qui explore les questions d’alimentation en France mais aussi l’utilisation des terres agricoles et forestières. Développé par le cabinet toulousain Solagro en 2016, ce scénario national a été décliné en local, pour la première fois en France, sur notre territoire.

Quel est le degré d’interaction avec les acteurs de l’écosystème alimentation/agriculture ?

Il est fondamental, puisque le PAT ne souhaite pas “ajouter une couche” mais bien partir de l’existant. Ici, les réseaux d’acteurs sont déjà bien structurés, avec de nombreuses parties prenantes. Notre position transversale nous permet d’avoir une vision sur l’ensemble des maillons de la chaîne de valeur.

En outre, il y a aujourd’hui trois autres PAT rien que sur le Puy-de-Dôme [dans le Sancy, dans les Combrailles et à Issoire, NDLR]. Ils sont venus après le nôtre, donc nous avons pu les aider à démarrer – notamment lors de la rédaction des projets. Nous avons d’ailleurs mis en place un groupe “interPAT” qui rassemble techniciens et élus concernés.

Quel est ton rôle au sein du PAT du Grand Clermont ?

Je suis chargée de mission, salariée du Grand Clermont, dédiée au PAT depuis 2018. J’accompagne sa mise en œuvre avec d’autres collaborateurs comme Jérôme Prouhèze et Etienne Clair. Ensemble, nous animons la gouvernance du PAT, nous coordonnons les échanges entre les acteurs locaux, et nous réalisons (ou faisons réaliser) les études sur le terrain.

Ma mission est donc plutôt de l’aiguillage. Le Grand Clermont est là pour lancer des pistes, explorer. Aussi, proposer des diagnostics et des cartographies, qui sont mises à disposition des acteurs territoriaux. Le but, encore une fois, n’est pas de remplacer ceux qui “font” mais de créer des espaces de dialogue et de co-construction.

Et quelles réalisations concrètes ont émergé depuis 2018 ?

Tout d’abord nos diagnostics : on a passé du temps à identifier les “trous dans la raquette”, qui empêchaient de bien répondre localement aux besoins du territoire. Cela a notamment donné un chiffre qui a pas mal circulé : si on veut atteindre 50% d’autonomie en fruits et légumes, il manque 4000 hectares en maraîchage. Idem sur les légumineuses et les oléagineux.

Nous avons aussi mis en place plusieurs dispositifs au sein du PAT, comme un collectif de chercheurs associés, un observatoire du système alimentaire territorial et des groupes projets spécifiques. Par exemple, il y a une convention citoyenne sur les légumes locaux, qui restitue ses travaux en mars 2023 ! Elle est basée sur un dialogue entre les grandes et moyennes surfaces, et les citoyens.

Enfin, nous animons un forum alimentaire territorial chaque année. En 2023, il aura lieu du 22 au 26 mai, et réunira tous les acteurs autour du PAT pour faire le point sur l’avancement des projets.

Pour conclure, êtes-vous optimiste sur l’adaptation du territoire du Grand Clermont aux bouleversements issus du dérèglement climatique ?

DA : nos concitoyens sont des gens plutôt heureux, ils n’ont pas encore le sentiment d’une forme d’urgence, ou même que les choses pourraient vraiment se dégrader. Et c’est une vraie difficulté : cet équilibre de vie, qui a un petit siècle, n’est pas éternellement acquis. Il pourrait être grandement impacté par le changement climatique et ses conséquences sociétales.

Ainsi, comment traiter le sujet, ne pas trop inquiéter les citoyens, mais préparer le territoire aux actions et aux choix qui s’imposeront, avec une remise en question des pratiques individuelles ? C’est tout l’art du politique que de trouver le bon chemin pour y parvenir.

Pour aller plus loin :
Comprendre – la page de téléchargement du SCoT du Grand Clermont

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Propos recueillis entre le 26 janvier et le 1er mars 2023, mis en forme pour plus de clarté et relus et corrigés par les différents interlocuteurs. Crédit photo de Une : Damien Caillard, Tikographie