Sa culture associative y est sans doute pour quelque chose : le maire de Blanzat veut maximiser l’implication des habitants et de la société civile dans tous ses projets.
Les intitulés dans un rectangle noir sont des blocs déroulants : cliquez dessus pour accéder à leur contenu.
De même, cliquez sur chaque photo ou visuel pour l’afficher en grand format.
Mon ressenti
Le tour de Clermont Métropole continue avec Blanzat, petite ville du nord du territoire, Relativement isolée, avec des moyens financiers peu importants, elle est finalement soumise aux contraintes de l’innovation : comment faire mieux avec moins ?
Son maire, Richard Bert, n’a pas souhaité me parler d’un axe de transition écologique en priorité. A part quelques projets ou “sujets” bien identifiés, comme la pose de nichoirs, le photovoltaïque sur le toit de l’école ou la polémique sur la centrale solaire des Côtes de Clermont, il insiste sur la méthodologie transversale : celle de l’implication des habitants.
Nous verrons ainsi comment un élu, issu du monde associatif, au caractère engagé voire militant bien assumé, met en place cette approche dans le fonctionnement de sa petite ville, que ce soit au niveau des élus, des agents, de la relation avec les associations ou la population. Sans oublier le “méta” : villes voisines et Métropole.
Damien
Les principaux points à retenir
- La priorité de Richard Bert ne repose pas sur un sujet spécifique de transition écologique – même s’il reconnaît l’urgence environnementale. En revanche, il tient à ce que la population participe au processus à la fois décisionnel et opérationnel. C’est selon lui la clé de l’efficacité des mesures à prendre, et de l’engagement des décideurs politiques élus.
- Plus complexe et plus lente au départ, la méthodologie participative permet, selon le maire de Blanzat, d’aller plus vite en aval, et surtout de mieux connaître les attentes de la population. Selon le principe de “mise en activité”, dérivé de l’éducation populaire qui lui est chère, Richard Bert a donc déployé cette approche dans les commissions thématiques autour de ses élus, et dans l’apport matériel des services techniques.
- Au niveau associatif, la ville de Blanzat est assez riche en initiatives, et la vie associative est animée. La mairie réalise, dans la mesure du possible, des partenariats avec la société civile pour ses projets. Cela permet de faciliter l’implication des habitants, qui peuvent accorder plus de confiance aux associations, tout en apportant une vision différente, un rôle médiateur.
- De petite taille, relativement isolée, sans zone d’activité ni ressources importantes, Blanzat a eu l’habitude d’imaginer des solutions à faible coût pour ses projets, et de tisser des liens d’hyper proximité. Richard Bert loue d’ailleurs ce facteur qui permet d’être plus en phase avec les habitants comme avec le monde associatif, et qui au final rend le participatif plus facile que dans des plus grandes collectivités. En même temps, il reconnaît l’apport indéniable, notamment en termes de financement et d’ingénierie, de la Métropole ou de dispositifs comme ceux du Conseil Départemental.
- Ainsi, les projets phare sur Blanzat – en matière de transition écologique – sont portés par des acteurs individuels ou des associations, et facilités par la mairie : l‘Avalben en est le principal partenaire sur les sujets environnementaux. Aurélien Pico, dans le cadre de la LPO Auvergne, a procédé à l’installation de plusieurs nichoirs. Une mini-forêt urbaine est aussi en développement. Enfin, une école municipale se convertit aux énergies renouvelables et à la renaturalisation de sa cour.
- Reste le cas plus épineux du projet de centrale photovoltaïque au sol sur l’ancienne carrière de Nohanent, au pied du massif des Côtes de Clermont. Blanzat, au même titre que quatre autres communes environnantes, est concernée par ce qui touche à ce massif. Richard Bert souhaite, là aussi, mettre en place une gouvernance horizontale – selon lui objet du classement Espace Naturel Sensible en cours – et une approche participative de la population, avant de prendre toute décision sur une éventuelle centrale énergétique.
L’intervenant : Richard Bert
Maire de Blanzat, conseiller métropolitain délégué à la Participation citoyenne et aux relations avec les usagers
Originaire de Blanzat, Richard Bert a longtemps travaillé dans le milieu associatif, sur sa ville et plus largement sur la métropole clermontoise. Il a notamment collaboré au CEMEA, le Centre d’Entraînement aux Méthodes d’Education Active, où il a développé un véritable intérêt pour les techniques “d’éducation populaire” et d’embarquement des acteurs.
Il a notamment appliqué cette approche dans les quartiers Nord de Clermont, auprès de publics migrants, dans le domaine socio-culturel. “J’ai toujours été dans l’éducation populaire”, résume Richard Bert. “Je me suis construit comme ça”. Il cite notamment les colonies de vacances Michelin gérées selon cette approche, selon lui complémentaire de l’école publique.
Aujourd’hui maire de Blanzat depuis 2020, étiqueté “groupe Communiste et Citoyen”, Richard Bert travaille par ailleurs à la Carsat de Clermont, organisme de sécurité sociale. Il y est en tant que chargé de mission pour le développement d’actions collectives en direction des publics retraités. A la Métropole, il est Conseiller métropolitain délégué à la Participation citoyenne et aux Relations aux usagers.
Contacter Richard Bert par courrier électronique : r.bert [chez] ville-blanzat.fr |
Crédit photo : ville de Blanzat (DR)
Accès direct aux questions
- Quelle est votre priorité en matière de transition écologique?
- Quels sont, selon vous, les avantages de cette dimension participative?
- Comment vous y prenez-vous pour susciter l’adhésion des populations locales en matière de transition?
- Quel est le degré d’interaction avec la société civile?
- Le monde associatif est-il réceptif à votre approche?
- Pouvez-vous nous présenter quelques projets phares portés par ou avec la société civile?
- Quel est l’apport concret de la mairie pour ces projets de transition portés par des tiers?
- Et les élus sont-ils concernés?
- Une initiative semble, en revanche, plus délicate à aborder: le projet de centrale photovoltaïque sur la carrière de Nohanent …
- Mais pensez-vous qu’il soit possible d’aboutir à un accord des habitants pour des initiatives de ce genre?
Retour sur quatre acteurs locaux engagés, point sur Tikographie, sortie du recueil “l’année tiko 2024”, message de notre ennemi juré, buffet végé…
Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?
Quelle est votre priorité en matière de transition écologique?
Je n’en mettrais pas! Pour moi, à l’heure actuelle, tout est urgent. D’autant plus que je ne suis pas un expert, et que ce sont des sujets complexes. En fait, ma préoccupation est plus transverse: il s’agit de faire adhérer la population à ces enjeux, que ce soit par les «petits gestes» ou par les engagements plus conséquents.
Il faudrait redéfinir la façon dont on présente l’enjeu de la transition écologique aux habitants. On est trop dans un message anxiogène, qui ne donne pas assez de clés d’action. De même, il faut éviter de trop «matraquer», même si les intentions de départ sont bonnes.
Il faudrait redéfinir la façon dont on présente l’enjeu de la transition écologique aux habitants.
N’oublions pas que le décideur politique ne s’engagera dans la transition, ou dans tout changement, uniquement si la population qui l’a élu le souhaite. Dans ce cas, il n’a plus le choix! A l’inverse, s’il y a une incertitude ou une inquiétude, il ne fera rien, ou le minimum …
Quels sont, selon vous, les avantages de cette dimension participative?
J’essaye de rendre les gens petit à petit acteurs de la vie locale. Cela prend du temps, mais au final cela permet d’avancer plus vite sur de nombreux sujets. Et je le conçois ainsi pour toutes les politiques locales, qu’elles soient liées à la transition ou non.
J’essaye de rendre les gens petit à petit acteurs de la vie locale.
Cette implication des habitants permet aussi bien de mieux en connaître les attentes, que les rendre actifs dans la réalisation du projet. Il faut donc l’appliquer sur tous les maillons de la chaîne, de l’amont à l’aval. Parfois, c’est difficilement réalisable, ou compliqué à maintenir (sur des projets qui s’étalent dans le temps, par exemple); mais je cherche toujours à appliquer ce principe.
Comment vous y prenez-vous pour susciter l’adhésion des populations locales en matière de transition?
Il y a déjà le volet sensibilisation: on répète des messages liés aux comportements, à la vigilance, notamment sur les déchets ou le gaspillage. Mais, s’il n’y a pas d’implication active, ça ne sera pas assez efficient. Je travaille dans la prévention santé, et je vois bien la portée des messages qui se limitent à recommander un changement de comportement. Pour moi, il y a un principe éducatif de «mise en activité».
Sur la commune de Blanzat, on essaye de travailler avec tous les acteurs locaux, habitants comme tissu associatif. Les commissions thématiques, composées d’élus, doivent prendre en compte le principe de participation citoyenne.
Concrètement, sur un projet donné, la commission peut donc choisir de travailler avec une institution, un ou plusieurs acteurs de la société civile, ou le grand public. Et, ainsi, de constituer un groupe projet participatif.
Quel est le degré d’interaction avec la société civile?
On essaye de créer des partenariats, de responsabiliser les acteurs engagés dès l’amont des projets. La principale association sur l’environnement à Blanzat est l’Avalben: ce sont des «fidèles» du sujet, d’ailleurs leur président est un ancien adjoint à l’environnement.
On essaye de travailler avec tous les acteurs locaux, habitants comme tissu associatif.
Le fait de les rendre acteurs très tôt a créé un vrai partenariat. Aujourd’hui, l’Avalben a ses propres actions, mais on peut porter des sujets en commun. Du coup, elle est devenue un véritable acteur intermédiaire vis-à-vis du grand public. Et elle n’a pas la même approche que nous, mairie : cela permet de toucher plus facilement les gens.
Je dirais d’ailleurs que, en retour, les habitants sont plus enclins à participer à un projet municipal s’il se fait via un partenariat. Cela valorise l’action, la rend plus neutre, moins soumise à un choix politique. Au final, une association partenaire, c’est un levier d’action et surtout de facilitation pour une collectivité.
Le monde associatif est-il réceptif à votre approche?
Blanzat bénéficie d’un bon tissu d’associations, avec une «vie» assez dense – j’en veux pour preuve des temps forts comme les 150 ans des pompiers, les 50 ans du club de rugby … cela s’explique par une géographie un peu excentrée de la ville: traditionnellement, on devait «se débrouiller». On a même connu un temps sans transport en commun! J’ai d’ailleurs pour objet de mon mandat de renforcer cette relation spéciale ville-associations locales.
Ici, les acteurs sont peu nombreux mais engagés et clairement identifiés. C’est beaucoup plus simple!
L’avantage, également, est que les chaînes de communication sont courtes. Pas comme sur la Métropole, ou même à Clermont. Souvent, les grandes collectivités se contentent de «faux participatif», ou se limitent à de la consultation en amont, parce qu’il y a trop d’associations et qu’elles ne souhaitent pas privilégier l’une par rapport à l’autre. Ici, les acteurs sont peu nombreux mais engagés et clairement identifiés. C’est beaucoup plus simple!
Pouvez-vous nous présenter quelques projets phares portés par ou avec la société civile?
Outre ce que fait l’Avalben, je pense à l’initiative d’Aurélien Pico: c’est un porteur de projet citoyen, orhithologue, qui avait déjà installé des nichoirs et mangeoirs pour oiseaux dans la ville. Il a pour projet, désormais, de mettre en place une «tour à hirondelles». Il développe son action avec la population, mais aussi des structures collectives comme des écoles ou des crèches. Et il sait animer via des balades et des temps d’observation de la faune.
Ce projet est intéressant pour nous à plusieurs titres: Aurélien est financé par le Budget Eco-Citoyen du Conseil Départemental [BEC], dont il a été lauréat en 2021. En outre, il est membre du bureau de la LPO Auvergne qui le soutient dans son projet. Et il a un lien familial avec Blanzat. De notre côté, cela permet de renforcer les liens avec les écoles et les enseignants, les familles parties prenantes, et d’améliorer notre connaissance de la biodiversité locale – notamment en recensant des habitations qui disposent d’un nid d’hirondelles.
D’autres projets sont également en cours à Blanzat comme cette «mini-forêt» urbaine plantée par une association. Egalement, l’accompagnement d’une école sur l’installation de panneaux photovoltaïques (avec Combrailles Durables), la pose d’une chaudière à granulés, la végétalisation de la cour… cet établissement souhaite obtenir un label environnemental de l’Education Nationale, et nous les aidons dans ce sens.
Quel est l’apport concret de la mairie pour ces projets de transition portés par des tiers?
Généralement, il n’est pas financier. La ville de Blanzat a très peu de ressources économiques, nous n’avons pas de zone d’activités, et peu d’entreprises. C’est pourquoi les soutiens de la Métropole, ou de dispositifs comme le BEC, sont capitaux. Sans quoi on ne pourrait pas multiplier ce type de projets.
Les soutiens de la Métropole, ou de dispositifs comme le BEC, sont capitaux.
En revanche, nous pouvons mettre en lien les porteurs d’initiatives avec d’autres acteurs, blanzatois ou plus largement du territoire puydômois. Ainsi, pour la cour d’école à végétaliser, nous avons sollicité le lycée de Marmilhat qui les a accompagnés avec des stagiaires, suivis par un enseignant, et qui ont co-construit le projet avec eux. Tout simplement parce qu’il n’y avait pas d’association locale avec cette compétence.
Au final, nous sommes surtout des facilitateurs, nous faisons en sorte que les projets puissent essaimer, qu’ils aient des ramifications. Ce avec du sens et une vraie cohérence au niveau local.
Et nous pouvons bien sûr mettre à disposition des moyens existants: outils de communication municipaux pour «faire savoir», travail des services techniques … C’est plus facile pour nous d’associer nos agents au démarrage du projet que dans les grandes collectivités. Dans certains cas qui le nécessitent, nous pouvons enfin «pousser» un projet à la Métropole.
Et les élus sont-ils concernés?
Nous n’avons pas de service spécifique à Blanzat pour accompagner les élus sur des sujets comme l’impact environnemental. N’oublions pas que les élus sont la plupart du temps bénévoles et actifs par ailleurs.
Mais nous pouvons aussi nous appuyer sur Clermont Métropole pour cet accompagnement, par thématique. C’est le cas du schéma cyclable métropolitain: il est décidé «en haut» mais appliqué et affiné par chaque commune. Le choix a été fait d’avoir un groupe de travail transverse composé d’élus «cyclables» issus de chaque mairie. C’est un moyen intéressant de mettre des ressources en commun, et d’avancer sur des projets.
Une initiative semble, en revanche, plus délicate à aborder: le projet de centrale photovoltaïque sur la carrière de Nohanent …
Je n’ai pas d’avis technique sur ce projet, en tous cas pas à ce stade. Pour une simple raison: je pense qu’il faut d’abord assurer une gestion cohérente de l’ensemble du site des Côtes par les cinq communes concernées – de Durtol à Cébazat. Je le conçois dans le sens d’une approche partagée, autour d’une perception commune.
On a l’impression que tout le monde veut la transition écologique, à condition qu’elle ne se passe pas près de chez soi!
Le bon outil pour cela est le classement en Espace Naturel Sensible [ENS], assuré par le Conseil Départemental qui en a la gestion. On avance là-dessus avec le Conseil … en principe c’est acté, mais il faut le mettre en place, dans une logique de préservation du massif. C’est dans ce cadre que l’association de différents acteurs prendra tout son sens.
Mais le projet de centrale photovoltaïque présenté aujourd’hui vient percuter cette logique. Je le regrette fortement, d’autant plus que cela donne l’impression d’un fait accompli. Au contraire, n’importe quel projet de ce type doit d’abord commencer par un travail avec la population.
Mais pensez-vous qu’il soit possible d’aboutir à un accord des habitants pour des initiatives de ce genre?
J’ai conscience que le phénomène NIMBY [Not In My Backyard, ou «Pas dans mon jardin», le refus de voir une installation à proximité de chez soi] est omniprésent. Et sur plein de sujets: je me souviens de l’avoir constaté à propos de simples containers à verre. On a l’impression que tout le monde veut la transition écologique, à condition qu’elle ne se passe pas près de chez soi!
Pourtant, il faut dépasser ce blocage. Cela ne peut se faire que par de l’accompagnement préalable. En rendant les projets nécessaires, ou bénéfiques – en termes de perception – pour les habitants. La centrale de Nohanent pose donc cette question: quid si tout projet d’énergie renouvelable est bloqué en amont «par principe»? Il faut bien trouver une façon d’avancer.
Pour aller plus loin (conseils proposés par Richard Bert) : Pour agir – s’orienter vers le milieu associatif, les lieux d’échange, de compréhension, d’apprentissage. Ce sont des préalables nécessaires à l’action. |
Retour sur quatre acteurs locaux engagés, point sur Tikographie, sortie du recueil “l’année tiko 2024”, message de notre ennemi juré, buffet végé…
Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?
Propos recueillis le 4 mai 2022, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigé par Richard Bert. Merci à Aurélien Pico. Crédit photo de Une : ville de Blanzat (DR)