Trois-Rivières 2/2 : comment évolue l’assainissement à Clermont ?

L’assainissement dans la Métropole clermontoise connaît une nouvelle phase de travaux importants, sur le réseau et dans la station d’épuration des Trois Rivières. Décryptage…


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Le pourquoi et le comment

Allez, un dernier effort pour faire vraiment le tour de la question sur les gros équipements qui s’efforcent de rendre moins nocive notre propension à laisser derrière nous des déchets et souillures en tous genres. Enfin, façon de parler, parce qu’on n’aura jamais fait le tour de la question tellement elle est vaste.

Mais en attendant de revenir sur le sujet, cela vaut déjà la peine de comprendre la logique de la façon dont on traite ces problématiques… et les rejets en question. Et comment cela évolue dans le temps.

Promis, après cet article, on retourne dans les prés, dans les jardins, dans les cours d’école… Bref, on va retrouver un peu de fraîcheur.

Marie-Pierre


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Lire le premier article : « Comment fonctionne la station d’épuration de la Métropole ? »

Au commencement, il n’y avait rien. Le tout-à-l’égout se résumait grosso modo à un « tout à la rivière ». A Clermont, ça a duré jusqu’en 1980, date de la mise en service de la première station d’épuration. Et on comprend pourquoi on l’a appelée « Station des Trois-Rivières » : elle venait se substituer dans la fonction d’assainissement à l’Artière, à la Tiretaine et au Bédat. Déjà un progrès sensible…

Depuis, les choses ont beaucoup évolué, avec l’accroissement de la population, mais aussi avec le développement des normes environnementales, l’évolution de nos pratiques, le contexte climatique…

Causes multiples

Dans les années 2000, une station entièrement nouvelle a été construite à côté de l’ancienne pour y répondre : c’est celle que nous avons visitée dans le précédent article. En 2011, une nouvelle programmation de travaux a été votée par Clermont Auvergne Métropole.

« Les flux sont en diminution […], sans qu’on puisse déterminer si cette évolution provient des particuliers ou des entreprises. »

Alexandre Moussy

Non pas parce que les flux d’eaux usées augmentent. Au contraire : « Ils sont en diminution depuis environ cinq ans, sans qu’on puisse déterminer si cette évolution provient des particuliers ou des entreprises », constate Alexandre Moussy, responsable de l’exploitation de la station. Hypothèses d’explications : l’impact des campagnes de sensibilisation nationales autant que locales, y compris à l’initiative de la Métropole ; l’encouragement aux « bons gestes », devenus classiques, comme le fait de fermer le robinet quand on se brosse les dents ou de préférer une douche à un bain ; la meilleure performance des appareils électro-ménagers ; mais aussi, côté entreprises, la recherche accélérée de diminution des coûts économiques et des impacts environnementaux…

Mais alors, pourquoi développer encore l’infrastructure de traitement des eaux usées, dans un chantier d’envergure entamé en 2021 et courant encore sur au moins un an ?

Absorber les eaux de pluie

« Le souci, c’est que par temps de pluie, dans la mesure où une partie significative du réseau ne sépare pas les eaux pluviales des eaux usées, le surplus déborde et est rejeté vers les rivières, explique Muriel Burguière, directrice du Cycle de l’eau à Clermont Auvergne Métropole. Les travaux ont pour but d’éviter ces rejets et de pouvoir traiter ces eaux supplémentaires par la station d’épuration, dans l’objectif de respecter les normes de la Directive cadre européenne sur la qualité des eaux de rivières. »

Alexandre Moussy, responsable de la station, et Muriel Burguière, directrice du Cycle de l'eau
Alexandre Moussy, responsable de la station, et Muriel Burguière, directrice du Cycle de l’eau, expliquent les évolutions et travaux, dans la station d’épuration des Trois-Rivières.

Précisément, il s’agit d’éviter le rejet dans le milieu naturel de 2 millions de m3 d’eaux usées par an. Soit 10% de matière à traiter en plus pour la station des Trois-Rivières, qui en assainit aujourd’hui 20 millions de m3. Encore plus concrètement, les travaux en cours se répartissent en différents chantiers.

Le premier consiste à adapter les canalisations et plus particulièrement ses branches maîtresses, les plus gros tuyaux vers lesquels convergent les ramifications du réseau. Des gros tuyaux qui vont donc devenir encore plus gros. « Nous restructurons les conduites en partant du point d’arrivée, sur les deux branches qui viennent l’une de Ceyrat et l’autre de Durtol. Une grande partie est déjà réalisée », précise Muriel Burguière.

Le vrai rôle des bassins

Parallèlement, il est prévu la construction de six bassins de stockage-restitution dans l’agglomération. A ne pas confondre, comme le font beaucoup d’habitants, avec des bassins d’orage dont la fonction serait de retenir les eaux de pluie excédentaires pour éviter des inondations. Dans le cas présent, ils sont destinés à stocker le mélange eaux de pluie-eaux usées que la station n’a pas la capacité de traiter dans l’instant, pour pouvoir le faire progressivement, une fois les cieux calmés.

Trois de ces bassins sont déjà créés : l’un aux Vergnes, le deuxième sous le parking Belle-Ombre de Michelin, près des Carmes, le troisième dans la ZAC des Sauzes, sur la zone commerciale d’Aubière. « Un autre est en cours de construction dans la station d’épuration elle-même et deux autres sont encore à venir : à Herbet et dans le quartier Saint-Alyre, mais ce dernier ne doit pas être confondu avec le projet de parc résilient de Fontgiève faisant fonction de bassin d’orage », précise encore la directrice du Cycle de l’eau.

Ces bassins de stockage-restitution sont de grandes fosses complètement enterrées. A eux tous, ils pourront stocker 80 000 m3 d’eau.

Sur le petit cycle de l’eau dans la métropole clermontoise et ses problématiques liées au changement climatique, réécouter le podcast de notre rencontre de février aux Volcans : « Et si l’eau venait à manquer à nos robinets ? »

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De l’énergie à revendre

Encore faut-il que la station d’épuration puisse absorber ce surplus de travail. C’est l’objet de l’autre partie des travaux, qui sont en cours dans la station. Ces travaux s’avèrent nécessaires notamment pour le traitement des boues.

D’où la construction d’un méthaniseur, qui permettra à la fois de réduire de 30% le volume des boues à épandre et de produire du biogaz. Celui-ci sera injecté dans le réseau GRDF, venant abonder les volumes d’énergie renouvelable locale.

« Cela nous amène à traiter différemment ces boues supplémentaires pour les rendre plus méthanogènes. Ce système nous permettra d’être plus souples, plus réactifs et de mieux valoriser les rejets », explique Alexandre Moussy.

L’ensemble de ces travaux, indique Muriel Burguière, a été estimé à 55 millions d’euros, dont 20 millions sont financés par l’Agence de l’eau, 700 000 euros par la Région et 150 000 par l’Ademe. « La revente du gaz produit, évalué à 1,5 millions d’euros par an, contribuera aussi au financement », précise-t-elle.

Le méthaniseur de la station en construction
Le méthaniseur en construction permettra de produire du biogaz à partir des boues issues de l’épuration des eaux.

A ces travaux d’adaptation, qui devraient permettre à terme d’améliorer l’état des trois cours d’eau de l’agglomération clermontoise, il est prévu d’ajouter un dernier équipement : une centrale photovoltaïque répartie entre le parking de la station d’épuration, un tertre présent sur le site, et un des bâtiments abritant l’administration, le laboratoire et l’accueil, qui a également été réaménagé. « L’électricité produite sera utilisée en autoconsommation, car notre activité nécessite beaucoup d’énergie », précise le responsable de la station.

« Aujourd’hui nous sommes adaptés pour traiter ce qu’on nous demande de traiter. »

Muriel Burguière

En résumé, les travaux ne sont pas prévus pour améliorer la qualité de l’épuration, mais pour traiter des eaux souillées qui jusqu’à présent n’étaient pas traitées.

Ce qui pose la question des traitements effectués. Sont-ils suffisants par rapport aux besoins des milieux naturels et la connaissance que nous avons de la qualité des eaux ? « Aujourd’hui nous sommes adaptés pour traiter ce qu’on nous demande de traiter », répond Muriel Burguière.

Sur un autre projet visant à améliorer la qualité des eaux dans le milieu naturel, lire aussi le reportage : « Le lac d’Aydat arbore pavillon bleu : remerciez la zone humide et le SMVVA »

D’autres polluants

On comprend bien que la station n’est pas équipée pour éliminer des rejets industriels tels que les hydrocarbures, métaux lourds et autres substances qu’on ne trouve pas, en principe, dans les eaux usées domestiques. Mais elle n’est pas complètement à l’abri de voir affluer des pollutions industrielles accidentelles, plus ou moins importantes. « Cela peut arriver. Nous avons eu une fois une grosse pollution, il y a cinq ans environ. Dans ces cas on ne peut qu’essayer de remonter le flux pour espérer retrouver l’origine du rejet. Mais c’est souvent difficile, sauf si la pollution dure ou est récurrente », précise Alexandre Moussy.

canal de sortie des eaux de la station d'épuration
Le canal de sortie de l’eau de la station d’épuration. Lorsqu’elle rejoint l’Artière, elle n’est pas potable mais de qualité conforme aux directives.

On imagine cependant que d’autres substances sont plus logiquement présentes dans les eaux domestiques et mériteraient d’être contrôlées et nettoyées : microplastiques, résidus de médicaments… « On saurait à peu près tout faire mais cela a un coût, qui peut s’avérer important. Ce serait mieux de détourner ces polluants à la source, par exemple en prévoyant des systèmes d’élimination des plastiques sur les machines à laver », relève Muriel Burguière.

Ce qui de toute façon n’empêcherait pas l’autre source encore colossale de dégradation des cours d’eau : les intrants chimiques de l’agriculture. Même si les poissons commencent à revenir dans l’Artière, ils n’ont pas fini de se faire du mouron…

Consulter la page du site de Clermont Auvergne Métropole consacrée à ces travaux

Reportage Marie-Pierre Demarty, réalisé le 22 avril 2024. Photos Marie-Pierre Demarty. A la une : Le chantier de l’unité de méthanisation dans la station d’épuration des Trois Rivières.

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