On se doute que la réponse est non. Mais la Rencontre de la Résilience de novembre à la librairie Les Volcans a permis d’approfondir le sujet. Trois invités complémentaires ont apporté (sans jeu de mots) un riche éclairage.
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Au sommaire
- La synthèse écrite de la Rencontre
- L’enregistrement audio intégral
- Les intervenants de la Rencontre
- Les vidéos diffusées
- Document complémentaire : progression de l’éclairage nocturne
- Les crédits
La synthèse de la rencontre
Oiseaux de nuit sous les étoiles
On éclaire les rues depuis Louis XIV, nous apprend Daniel Rousset. Et encore bien plus depuis l’avènement de l’électricité, au point de parvenir en ce XXIe siècle à une consommation nationale équivalente à une centrale nucléaire et demie. Mais depuis une décennie, les illuminations se restreignent. Aujourd’hui, environ treize mille communes éteignent l’éclairage public en milieu de nuit. Dont trois cents dans le Puy-de-Dôme.
Il y a de nombreuses raisons à le faire. Et pas seulement la hausse récente du prix de l’énergie, qui a cependant aidé des villes à prendre cette décision.
Effets divers
Environ 30% de vertébrés et 60% d’invertébrés sont des espèces nocturnes, qui se heurtent à la problématique de l’éclairage public de diverses façons. Magali Germain explique : « certaines espèces subissent la pollution lumineuse de manière directe, comme les chouettes qui vont être aveuglées. Mais cette pollution agit aussi de manière indirecte sur les oiseaux migrateurs qui s’orientent avec les étoiles. La projection de lumière dans l’environnement perturbe d’autres espèces soit en les faisant fuir et en agissant comme des barrières infranchissables, soit en les attirant comme des pièges. »
« Cette pollution agit aussi de manière indirecte sur les oiseaux migrateurs qui s’orientent avec les étoiles. »
Magali Germain
Ce n’est pas tout, égrène-t-elle : les lumières favorisent les prédateurs qui les tolèrent, ont des effets sur le cycle biologique des animaux, sur la photosynthèse des plantes, la pollinisation.

Daniel Rousset ajoute les effets sur les humains : perturbation du cycle circadien et donc du sommeil, car « nous sommes des êtres diurnes ». Il décrit : « On dort moins bien en présence de lumière et cela peut entraîner des pathologies sans qu’on s’en rende compte. » Il cite les dépressions, l’échec scolaire, voire des cancers. Et avance ce chiffre : « un quart de la population en France se plaint de lumière intrusive. »
Il fera finalement allusion à cette autre nuisance qui l’a personnellement poussé à s’engager à l’ANPCEN : la difficulté à observer le ciel pour les passionnés d’astronomie, ajoutant que cela « n’est pas grave parce que les étoiles seront toujours là »… à la différence des insectes dont « la pollution lumineuse est une des grandes causes de disparition », complète Magali Germain.
Nuit orange
Pour localiser la problématique, Eric Grenet indique que l’éclairage public de la Métropole clermontoise est doté de 48 500 points lumineux, dont 24 % en led.
Une bonne nouvelle ? « Les leds ne sont pas recyclables et jusqu’à présent, elles avaient une température de couleur proche du bleu, qui perturbe particulièrement les insectes car ceux-ci ne voient pas comme nous : ils perçoivent surtout les ultraviolets et le bleu. » Préférer, donc, les lampes au sodium orangées, ou les nouvelles leds qui commencent à émerger dans les mêmes tonalités mais « sont peu préconisées », déplore Daniel Rousset.
« Un quart de la population en France se plaint de lumière intrusive. »
Daniel Rousset
La question est aussi celle des impacts financiers pour les communes – donc pour les contribuables – sans parler de l’énergie consommée. Remplacer des lampes classiques par des leds permet de moins consommer, mais coûte plus cher à installer qu’éteindre la lumière une partie de la nuit. Les premières communes à avoir franchi le pas, nous apprend Eric Grenet, l’ont fait « quand la dotation de l’État a commencé à diminuer, en vertu du principe de l’usage du bon denier ».
Motivation renforcée encore lors de l’envolée des coûts de l’énergie en 2022 : « les derniers appels d’offres de fourniture d’énergie ne nous ont pas permis d’obtenir, comme auparavant, un prix fixe sur trois ans. Aujourd’hui, le tarif est conditionné chaque mois au cours des prix de l’énergie. » Le vice-président de la Métropole précise encore que le nombre de communes de l’agglomération à pratiquer l’extinction est alors passé de dix à dix-neuf, permettant d’économiser un million d’euros. Les deux communes restantes que sont Durtol et Gerzat, nous apprend-il, « ont travaillé sur d’autres aspects » comme la réduction des points lumineux ou la modulation de l’intensité.

Sécurité ou ressenti de sécurité ?
Reste la question du sentiment de sécurité qu’apporte l’éclairage public. « C’est plus un ressenti qu’une réalité, parce que nous ne sommes pas faits pour vivre dans le noir donc il nous dérange », souligne Magali Germain. Daniel Rousset indique que les premières études, réalisées par les assureurs, montrent que l’éclairage favorise plutôt les actes délictueux. « Un malandrin a besoin de lumière », explique-t-il, soulignant que les assureurs, qui exigent souvent des dispositifs de sécurité sur les biens, « n’imposent pas d’éclairage ». De même pour la sécurité routière : « Qu’un rond-point soit éclairé ou non ne change rien à la sécurité. A l’Anpcen, nous préconisons plutôt des plots réfléchissants ou des bandes blanches, qui n’ont pas d’impact et ne demandent pas d’entretien. »
« Nous avons eu plutôt des gens qui demandent pourquoi ça n’a pas été fait plus tôt. »
Eric Grenet
Mais voilà : « la lumière rassure », disent nos intervenants. Il y a donc potentiellement un sujet d’acceptabilité de l’extinction. Eric Grenet le relativise en prenant pour exemple sa commune de Pérignat-lès-Sarliève : « Le choix a été d’éteindre de 23 heures à 5 heures. C’est très vite entré dans les mœurs et aux élections suivantes, ce n’était plus un sujet. Il faut juste informer les nouveaux arrivants. » Et à l’échelle de la Métropole, un bilan récent a conclu qu’il fallait plutôt travailler sur des points précis pour répondre à des « écueils d’inquiétude ». « Nous avons eu plutôt des gens qui demandent pourquoi ça n’a pas été fait plus tôt », conclut Eric Grenet.
Les éclairages privés aussi
Les communes et intercommunalités, certes font des efforts. Mais qui ne touchent pas les éclairages privés. Lesquels font pourtant l’objet de lois de plus en plus drastiques sur le sujet, malheureusement pas assez appliquées : la moitié des entreprises ne respectent pas l’obligation d’extinction, apprend-on. « Mais à partir du 1er janvier 2024, le pouvoir de police sur ce point va basculer aux communes ou aux intercommunalités, ce qui nous permettra d’avoir plus de force pour le faire respecter », indique Eric Grenet. Complété par Daniel Rousset qui indique que ce délit est passible d’une amende de 1500 euros.

Citons pour finir les bonnes pratiques évoquées par les intervenants : éteindre le plus possible certes, mais aussi diffuser la lumière vers le sol plutôt que vers le ciel, préférer les teintes chaudes, les intensités « justes et raisonnables », éviter l’éclairage à moins de 500 mètres de couloirs de biodiversité telles que les haies, avoir des éclairages modulables qui permettent les « frappes chirurgicales » sur tel secteur ou tel segment de rue, comme c’est possible à Clermont, ville pionnière en la matière.
Et travailler au développement de trames noires permettant à grande échelle, sur le modèle des trames vertes ou bleues, la circulation de la faune sur son territoire ou dans ses couloirs de migration. Enfin, comme une évidence : se concerter et sensibiliser, pour que, comme Eric Grenet en rêve, « l’obscurité devienne rassurante. »
Marie-Pierre
Les intervenants
- Magali Germain, chargée de communication de la Ligue pour la protection des oiseaux Auvergne (LPO)
- Eric Grenet, maire de Pérignat-lès-Sarliève et vice-président de Clermont Auvergne Métropole en charge du Développement durable et de la Transition énergétique et écologique
- Daniel Rousset, responsable Auvergne de l’Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes (ANPCEN)
Crédits photo de la Rencontre : Marie-Pierre Demarty ; animation : Patrick Derossis ; technique : Damien Caillard
Le podcast intégral
Vous pouvez accéder à un enregistrement « nettoyé » – pour une meilleure écoute – de la Rencontre ici :
Les interviews vidéo
Pour alimenter le débat et apporter des contrepoints supplémentaires, des interviews vidéo ou extraits de reportages sont proposés durant les rencontres.
interview de tony bernard, maire de châteldon
interview de sébastien picot, directeur de la semelec
Document complémentaire

Crédits
Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour leur accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres de la Résilience pour cette saison, et en particulier Boris, Philippe, Lénaïc, Olivier et Gaëlle.
Merci à nos invités et à l’équipe de l’association Par Ici la Résilience qui porte et organise les Rencontres : Marie-Pierre, Patrick, Roxana
Prochaine Rencontre de la Résilience le mercredi 13 décembre à 17h à la SCOP Librairie les Volcans sur la thématique : « L’impact de la neige artificielle sur nos montagnes » – accès libre ! >>> voir la page de présentation des Rencontres de la Résilience <<< |
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