Feux de forêt : quels risques pour le Puy-de-Dôme ?

Première Rencontre de la Résilience d’une nouvelle saison à la librairie Les Volcans, mercredi 20 septembre. Nous avons discuté incendies, réchauffement climatique et prévention des feux de forêt. Compte rendu, podcast et vidéos.

Les intitulés dans un rectangle noir sont des blocs déroulants : cliquez dessus pour accéder à leur contenu.
De même, cliquez sur chaque photo ou visuel pour l’afficher en grand format.

Au sommaire

La synthèse de la rencontre

Une culture du risque à développer collectivement

On se souvient des interminables feux de forêt dans les Landes l’an dernier. Et du dramatique été au Canada avec ses images spectaculaires. Tous les spécialistes le disent : les bouleversements climatiques sont en cours et les étés de plus en plus chauds et secs accroissent les risques d’incendie, dans les régions boisées où le mélange de bois sec, de résine et de feuilles mortes s’embrasent au moindre mégot mal éteint.

Qu’en est-il dans notre département où les massifs forestiers tiennent une place importante ? C’était le sujet de cette nouvelle Rencontre de la Résilience qui a réuni aux Volcans, le 13 septembre, quatre interlocuteurs aux profils différents : expert forestier, représentante d’une commune forestière et représentants du SDIS (service départemental d’incendie et de secours) du Puy-de-Dôme sont venus témoigner que ces risques, s’ils n’ont pas encore donné lieu à des situations catastrophiques sur notre territoire, sont d’ores et déjà une préoccupation importante. État des lieux, risques et solutions de prévention ont été passés en revue. Avec un message général : tout le monde est concerné et doit être sensible à la question, y compris le grand public, ou plus exactement, le citoyen.

Inquiétant dépérissement

Avec son œil d’expert forestier, Sylvestre Coudert a ouvert les débats en dressant un portrait de la forêt puydomoise, qui couvre un tiers du département, en résineux ou en mélange feuillus et résineux principalement, où l’on retrouve deux historiques différents – massifs forestiers anciens et reboisements d’après-guerre gagnés sur d’anciennes cultures délaissées.

« La commune est propriétaire de 300 hectares de résineux, dont 150 hectares de forêt dépérissante. »

Cécile Birard

Quant au foncier, il est constitué majoritairement de très petites parcelles privées, ce qui constitue une force de par sa grande diversité, mais aussi une faiblesse par la présence de nombreuses parcelles non entretenues qui peuvent aggraver la sensibilité au feu.

Parmi les propriétaires, on compte aussi des communes, dont les forêts sont gérées par l’Office national des forêts (ONF). Cécile Birard représentait l’une d’elles, en l’occurrence Saint-Genès-Champanelle, propriétaire de 300 hectares de résineux « dont 150 de forêt dépérissante », souligne-t-elle.

Cécile Birard et Sylvestre Coudert
Cécile Birard et Sylvestre Coudert, représentants de deux acteurs majeurs de la prévention : les collectivités et les gestionnaires forestiers. – Photo Marie-Pierre Demarty

Ce dépérissement, les intervenants l’attribuent en grande partie aux aléas climatiques, et cela à plusieurs niveaux : « La sécheresse affaiblit les arbres, pouvant encore avoir des impacts deux ou trois ans après. Ensuite, les arbres affaiblis sont plus sensibles aux attaques parasitaires. Enfin les éclosions de parasites sont favorisées quand il y a un réchauffement. Les arbres subissent plus violemment cette agression et dépérissent », explique Sylvestre Coudert. Il précise que ces phénomènes sont plus ou moins développés selon les zones dans notre département, car dans les périodes de canicule, « l’altitude protège grâce à la fraîcheur nocturne, qui permet aux arbres de s’apaiser… exactement comme nous ».

« La sécheresse affaiblit les arbres, pouvant encore avoir des impacts deux ou trois ans après. Ensuite, les arbres affaiblis sont plus sensibles aux attaques parasitaires. »

Sylvestre Coudert

Cécile Birard ajoute, pour son secteur sur la faille de Limagne, les risques d’éboulement et la fréquentation importante des forêts proches de la métropole clermontoise. « Ce sont autant de facteurs qui aggravent la fragilisation. » Et donc, les risques d’incendie.

Changer de culture

Car le risque d’incendie existe. Le bois mort, les tapis d’aiguilles des forêts en dépérissement, l’absence d’humidité dans les sous-bois l’accroissent. Pascal Thomas et Stéphane Cubizolles, représentants des sapeurs-pompiers en charge notamment de la prévention, ont confirmé que « le département est touché tous les ans par des feux de végétaux », qui certes n’ont jamais jusqu’à présent connu l’ampleur des grands feux de forêt que connaît le sud de la France.

Pascal Thomas
Le commandant Pascal Thomas, du SDIS 63, rappelle que 9 feux sur 10 sont d’origine humaine, et 80% naissent à moins de 50 mètres d’une habitation. – Photo Marie-Pierre Demarty

Mais le risque grandissant contraint le SDIS à adapter ses méthodes et stratégies, et en particulier à développer la prévention, dans un département où « on n’a pas encore la culture du feu », souligne le commandant Thomas.

Alors que l’écrasante majorité des départs de feu, est-il rappelé, sont d’origine humaine et surviennent à moins de 50 mètres d’habitations, le public doit être toujours plus informé des bons comportements à avoir. Il doit aussi mieux comprendre que ces risques nécessitent des aménagements qui sont plus familiers dans les zones déjà touchées du Midi : chemins d’accès qui peuvent servir autant aux pompiers qu’aux gestionnaires forestiers, larges allées qui contribuent à circonscrire le feu, points d’eau à repérer et à préserver…

« Ici, on n’a pas encore la culture du feu. »

Pascal Thomas

Sylvestre Coudert confirme : « Il va falloir changer nos comportements, prévient-il. Avoir des extincteurs dans les voitures, fermer des forêts en cas de risque… Ce sont des petites choses au quotidien. On en est aux prémices, mais c’est lancé. »

Cécile Bidart rappelle les règlementations spécifiques arrêtées par le préfet du Puy-de-Dôme : « interdiction de brûler des déchets verts, interdiction de faire du feu à moins de 200 mètres d’une forêt », mais elle ajoute : « encore faut-il le faire respecter ».

Ce qui a pour effet de faire arriver dans la discussion le sujet de la malveillance. « Les images spectaculaires des incendies, que l’on montre en boucle à la télé, incitent les pyromanes à passer à l’acte », déplore Stéphane Cubizolles.

Vue générale de la rencontre dédiée aux feux de forêt
Les quatre intervenants ont prôné la nécessité de coordonner la prévention des risques et la sensibilisation du public. – Photo Marie-Pierre Demarty

Adapter les moyens

La prévention ouvre donc de nombreuses pistes de solutions. Mais la stratégie passe aussi par l’adaptation des moyens de lutte contre les potentiels incendies. Moyens matériels en augmentation, formation des sapeurs-pompiers, qui gagnent aussi en expérience, souligne Pascal Thomas, en allant prêter main forte à leurs collègues du sud ou même du Canada, stratégie d’accessibilité aux forêts et aux points d’eau sont autant de moyens que le SDIS 63 déploie pour se préparer à ses premiers vrais embrasements violents de la nature.

« Les images spectaculaires des incendies, que l’on montre en boucle à la télé, incitent les pyromanes à passer à l’acte »

Stéphane Cubizolles

Stéphane Cubizolles évoque aussi les progrès des techniques de cartographie, notamment par procédé Lidar, qui permet de caractériser la forêt y compris pour la hauteur des arbres ou l’allure des sous-bois, et de croiser les données avec la direction du vent, le profil de la pente…

Stéphane Cubizolles
Stéphane Cubizolles, en charge de la prévention au SDIS 63, a détaillé les progrès stratégiques de cartographie permis par la technologie Lidar. – Photo Marie-Pierre Demarty

La coordination des différents acteurs – pompiers, forestiers, collectivités, services météo, ONF – est aussi une réponse qui permet de mieux préparer les interventions.

Et les priorités des uns et des autres témoignent de ce que chacun prend le problème avec le plus grand sérieux : mieux communiquer auprès du grand public, sensibiliser, appeler même les volontaires à rejoindre les rangs des pompiers bénévoles ou professionnels. Et pour l’élue municipale : « Le plan communal de sauvegarde est un document obligatoire qui permet de réfléchir à la façon de s’organiser. Nous n’en avons pas, mais on va s’y mettre. Ça rassure. »

« Ces événements nous font bouger, très vite et très fort. »

Sylvestre Coudert

On a encore du bouleau…

Enfin, dans une table ronde sur la résilience, il fallait aussi poser la question – certes en avance de phase ici – de l’après-incendie. « Il faut tirer les enseignements des grands incendies, que ce soit sur les essences adaptées pour la replantation ou sur les aménagements, avec des pratiques de brûlage pour créer des zones de pyro-résistance, ou sur une meilleure implantation des accès », évoque le commandant Thomas.

Cécile Birard
Pour Cécile Birard, la priorité pour les collectivités forestières est de se doter d’un plan communal de sauvegarde. – Photo Marie-Pierre Demarty

« Ces événements nous font bouger, très vite et très fort ; c’est réellement une révolution », annonce Sylvestre Coudert, qui échange avec des confrères dans les pays touchés par les incendies. Il demande à ce qu’on soit averti du pouvoir régénérant d’un sol amandé par les cendres. Et réfléchit au potentiel d’une essence comme le bouleau, trop absent de la culture forestière française. Même si, dans un secteur aussi spécifique que la gestion forestière, il reconnaît que « ça ne va pas se faire en 24 heures »… Les témoignages dans la salle en fin de discussion attestant que les pratiques de coupes rases et de plantations en monoculture sont encore bien vivaces dans certains coins du département.

Marie-Pierre

Les intervenants

  • Cécile Birard, adjointe au maire de Saint-Genès-Champanelle en charge de l’environnement
  • Sylvestre Coudert, expert forestier, PDG de Forestry France
  • Pascal Thomas et Stéphane Cubizolles, commandants au SDIS 63, en charge de la prévention des feux de forêt
Information sur notre prochain événement

Crédits photo de la Rencontre : Marie-Pierre Demarty ; animation : Damien Caillard

Le podcast intégral

Vous pouvez accéder à un enregistrement « nettoyé » – pour une meilleure écoute – de la Rencontre ici :

Les rencontres sur le sujet des feux de forêt
Aux rencontres de la Résilience sur le sujet des feux de forêt. – Photo Marie-Pierre Demarty

Les interviews vidéo

Pour alimenter le débat et apporter des contrepoints supplémentaires, des interviews vidéo ou extraits de reportages sont proposés durant les rencontres.

TONY BERNARD, maire de châteldon

Version courte (2 minutes) diffusée lors de la Rencontre :

Version longue (intégralité de l’interview vidéo) :

philippe regad, office national des forêts

Version courte (2 minutes) diffusée lors de la Rencontre :

Version longue (intégralité de l’interview vidéo) :

Liens complémentaires

Crédits

Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour leur accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres de la Résilience pour cette saison, et en particulier Boris, Philippe, Lénaïc, Olivier et Gaëlle.

Merci à nos invités et à l’équipe de l’association Par Ici la Résilience qui porte et organise les Rencontres : Marie-Pierre, Patrick, Roxana

Prochaine Rencontre de la Résilience le mercredi 18 octobre à 17h à la SCOP Librairie les Volcans
sur la thématique : « Cas d’étude d’espèces invasives dans le Puy-de-Dôme »accès libre !
>>> voir la page de présentation des Rencontres de la Résilience <<<