Comment le TEDxClermont parle « des sujets environnementaux, et de leur perception dans la société »

Carton plein pour le retour du TEDxClermont, le 8 octobre dernier, avec 800 participants. La thématique environnementale y est plus prégnante que jamais. Croisements de points de vue, avec Lionel Faucher, organisateur, mais aussi plusieurs intervenants et partenaires de l’événement.


Contenu écrit en partenariat avec TEDxClermont

Les intitulés dans un rectangle noir sont des blocs déroulants : cliquez dessus pour accéder à leur contenu.
De même, cliquez sur chaque photo ou visuel pour l’afficher en grand format.

Mon ressenti

Je suis le TEDxClermont depuis 2016, année de création du Connecteur. D’abord en coulisses, j’avais réalisé des reportages photo et des sujets portant sur la préparation des intervenants puis l’organisation matérielle et partenariale. Cette année, après une longue pause (notamment) pandémique, j’étais heureux de retrouver ce grand événement, pour une fois assis confortablement parmi le public.

Mais le TEDxClermont, et les conférences TEDx ou TED en général, ne sont pas tant connues que ça du grand public, ou même des individus engagés et curieux. C’est sans doute surprenant, compte tenu du nombre d’événements organisés chaque année (3000 par an avant la pandémie sous format TEDx, chacun diffusant au moins une dizaine d’interventions thématiques en vidéo). Je suis personnellement convaincu de l’intérêt et de la qualité des talks et surtout de leur format : 15 minutes debout, sur scène, avec pas ou peu de slides, et un discours calibré pour être compréhensible par tous. Vous retrouverez l’ensemble des interventions en vidéo sur la chaîne mondiale Youtube TEDx (les talks du TEDxClermont 2022 seront mis en ligne sous peu)

Cette année, Tikographie est partenaire média du TEDxClermont. Cet article reprend les échanges que j’ai pu avoir le jour J avec plusieurs intervenants et partenaires, puis un entretien plus long avec Lionel, porteur de la licence et infatigable organisateur de l’événement depuis 2014.

Damien

Les principaux points à retenir (entretien de Lionel)

  1. Convaincu que le développement durable ne suffit plus et qu’il faut « réparer » la nature, Lionel Faucher, organisateur du TEDxClermont depuis 2014, assume l’orientation de cet événement autour de la question écologique et de sa perception dans la société. Si toutes les interventions ne portent pas directement sur ce thème, il est transversal dans les choix éditoriaux. C’est selon lui une spécificité du TEDxClermont, qui est par ailleurs porté par une équipe dynamique et accessible en termes de prix.
  2. Plusieurs talks ont repris, au cours du temps et notamment en 2022, la thématique écologique. A commencer par Fanny Agostini en 2015 puis Dominique Bourg en 2018, notamment. En 2022, la sortie de pandémie a été marquée par un « TEDxClermont Countdown » (avril) sur les initiatives locales pour la transition écologique, puis par des Conversations régulières sous forme de tables rondes. Le 8 octobre, l’événement annuel proposait plusieurs interventions sur l’écologie, par la solastalgie, l’exemple d’une ferme éco-responsable, les biais cognitifs ou encore la dynamique forestière. Mais aussi plusieurs approches indirectes pour faire un pas de côté, sur le management, l’éducation ou le numérique.
  3. Lionel revient sur l’organisation de l’édition 2022, très réussie en termes de public (800 participants à la Maison de la Culture), plus difficile à mettre en place à cause d’une incertitude bien plus forte et plus « à la dernière minute » quant à la billetterie ou à certains sponsors. Lionel insiste sur le cadre donné par la licence TEDx, annuelle, et sur le bénévolat complet de l’équipe, ce qui étonne souvent ses interlocuteurs au vu de l’ampleur de l’événement. Enfin, de nombreux partenaires, anciens ou plus récents, ont soutenu le TEDxClermont, sous conditions qu’ils n’aient aucune influence sur les choix éditoriaux.
  4. Pour l’année à venir, Lionel évoque la suite des Conversations, un possible TEDxKids d’ici l’été. Surtout, il espère trouver de nouveaux moyens de communication pour élargir la communauté car la marque, reconnaît-il, est appréciée mais peu connue. Pour ce faire, il se méfie des réseaux sociaux, contraignants et moins efficaces, et souhaite miser sur le relationnel direct et l’animation au long de l’année.

L’intervenant : Lionel Faucher

Porteur de la licence et organisateur du TEDxClermont depuis 2014


Passionné de technologie dès son enfance (puis de vidéo), Lionel a suivi des études scientifiques au lycée Blaise Pascal, à Clermont avant une école d’ingénieur à Paris. Dès son diplôme, il prend part au développement de magazines gratuits – papier – à destination des étudiants. Puis il entre à l’hebdomadaire le Point et devient responsable des éditions spéciales, puis du premier site web du journal.

Là, il prend conscience de l’importance de l’image, photo puis vidéo : « pour faire passer un message, il ne faut pas hésiter à utiliser tous ces leviers », disait-il en 2018 au Connecteur. Il s’intéresse alors à la numérisation des supports, et à la question des droits dans l’univers digital. En 2003, il fonde Akamédia, une « place de marchés » de contenus vidéos numériques via internet, pour les acteurs des médias vidéo. En avance de phase, Lionel avait autant une mission de prestataire que d’évangélisateur. L’entreprise comptait 12 salariés en 2008 après une levée de fonds, et distribuait des images d’actualité à une centaine de producteurs mondiaux et à la plupart des chaînes de télévision européennes. L’entreprise est rachetée en 2015 par SIPA Press.

En parallèle, Lionel découvre en 2006 les conférences TED via une intervention filmée de Hans Rosling. Au fil du temps, il s’intéresse à ces événements qui se popularisent peu à peu par les licences TEDx, déclinables au niveau local. Sa rencontre avec Alexis Offergeld, manager de l’innovation interne chez Michelin, est décisive : en 2014, les deux amis se lancent dans l’organisation d’une première conférence limitée à 100 personnes. C’est la naissance du TEDxClermont. A partir de 2015, à chaque début d’automne jusqu’en 2018, puis de nouveau à partir de 2022, l’événement se déploie et donne la parole à une douzaine d’intervenants sélectionnés pour parler de sujets variés mais souvent axés autour des enjeux de transition écologique.

Aujourd’hui, Lionel est principalement reconnu comme l’organisateur du TEDxClermont, qu’il fait vivre aussi au cours de l’année à travers d’autres rendez-vous sur la même marque. Il continue à travailler pour des contenus multimédia auprès de certains clients et garde quelques activités à l’international, lui qui a vécu à Paris, Sydney, Vancouver, et bien sûr Clermont-Ferrand.

Contacter Lionel via le site de TEDxClermont
Lire l’interview de Lionel dans le Connecteur en 2018, pour mieux comprendre son parcours

Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

La structure : TEDxClermont

Evénement annuel rassemblant des intervenants locaux sur divers sujets autour des sciences, des arts, de la technologie et du design, organisé par une association clermontoise.


« Des idées qui méritent d’être partagées » : c’est la devise des événements TEDx, issus des fameux TED – pour Technology, Entertainment, Design. A l’origine, ces conférences de haute volée rassemblaient sur la côte ouest américaine des intervenants de renom dont l’exercice consistait à s’exprimait debout, avec à peine quelques diapositives support, en moins de 18 minutes. Les TEDx sont une déclinaison « ouverte » de ces conférences, à savoir que n’importe quelle ville ou université (notamment) mondiale peut s’en emparer et organiser une conférence, à condition de respecter la charte TED.

A Clermont, l’initiative a été portée depuis 2014 par Lionel Faucher et Alexis Offergeld via une association indépendante des pouvoirs publics. Chaque année jusqu’en 2019 inclus (avant la pandémie), une conférence TEDxClermont était organisée, traditionnellement à l’opéra-théâtre, en partenariat avec de nombreux acteurs locaux et animée par un groupe de bénévoles.

Les conférences TEDxClermont ont ainsi permis de donner la parole à de nombreux intervenants, très souvent auvergnats, parfois célèbres mais tous pertinents. Les interventions (« talks ») sont toutes filmées et disponibles sur la plateforme mondiale des TEDx et sur le site de TEDxClermont – en année normale, il y a près de 3000 conférences TEDx organisées de par le monde.

Le 14 avril 2022, les événements TEDxClermont reprennent avec un « Countdown » organisé pour mettre en avant les initiatives locales sur la transition écologique. Les Conversations suivent, à un rythme mensuel, sous forme de petites tables rondes diffusées en podcast et enregistrées en public, sur des sujets liés à l’écologie et au territoire. Enfin, le 8 octobre 2022 a vu le retour de l’événement annuel sur le thème « [RE]GÉNÉRATION« , avec 800 participants. Prochain objectif : organiser un TEDxKids sur Clermont, sans doute d’ici la fin de l’année scolaire 2022-2023.

Voir le site web de TEDxClermont

Accès direct aux questions


Information sur notre prochain événement

Entretien avec Lionel Faucher, organisateur du TEDxClermont

Le thème de la conférence 2022 était “[RE]GÉNÉRATION”; le précédent – en 2018 – était “KINTSUGI, l’art de la résilience”. C’est une progression voulue ?

Si nous avons choisi “[RE]GÉNÉRATION”, c’est parce que le concept même de développement durable est en fin de vie. Nous ne pouvons plus nous contenter de réduire notre impact ou de compenser ! Il faut réparer. Nous faisons ainsi référence à la réflexion en cours à l’ONU, sur l’après-ODD [Objectifs de Développement Durable].

« Nous ne pouvons plus nous contenter de réduire notre impact ou de compenser ! Il faut réparer. « 

En 2018, “KINTSUGI” faisait référence à cet art ancestral japonais de réparer les objets anciens cassés. C’était en effet une forme de résilience, très matérielle. Avec “[RE]GÉNÉRATION”, on voit plus large, on prend un pas de plus de recul : on questionne l’éducation, la politique, jusqu’à notre propre perception du monde qui nous entoure…

L’édition 2018, la dernière avant celle de 2022, a eu comme thème la résilience à travers le « Kintsugi », art japonais ancestral de réparation d’objets. Le lien avec l’écologie y était déjà évident / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

TEDxClermont parle beaucoup d’écologie …

Disons que nous traitons la question écologique dans toutes nos éditions depuis 2015. Je dirais même davantage que les autres TEDx en France. Et nous parlons moins de sujets sociaux comme la pauvreté, les réfugiés… d’autres, TEDxMarseille, TEDxChampsElyséesWomen ou TEDxVaugirardRoad font (ou faisaient) cela très bien.

Notre approche de l’écologie est plutôt la suivante : les sujets environnementaux, et leur perception dans la société. En 2015, avant la Cop21, Fanny Agostini parlait sur la scène du TEDxClermont de l’impact des 2 degrés de réchauffement, alors que le sujet émergeait à peine dans le grand public. En 2018, Dominique Bourg fustigeait la croissance verte. Je pense que nous sommes un peu précurseurs sur ces thématiques, qu’on arrive à aller au-delà de ce qui est raconté dans les médias.

Cela dit, les TEDx européens sont globalement en pointe sur les sujets sociétaux en général. Tandis que les TEDx nord-américains, par exemple, parlent beaucoup plus de technologie ou de communautés. C’est probablement lié aux différences culturelles et aux fonctionnements sociaux locaux.

Le talk de Fanny Agostini en 2015, sur l’augmentation de température. La COP21 démarrait à peine à Paris.

Quels sont les talks de 2022 qui nous parlent d’écologie ?

Cette année, je pense d’abord à Sandrine Bélier qui s’est exprimée sur les biais cognitifs : pourquoi on se laisse prendre à surconsommer alors qu’on n’en a pas besoin ? Il y a aussi Laurent Lathuillière, sur la forêt qui reprend toujours ses droits. Ou encore Sébastien Bony, éleveur près d’Orcival, qui nous raconte comment il fait de son mieux pour une ferme éco-responsable, malgré les contraintes.

Lire l’entretien : « Le changement est inconfortable pour le cerveau » selon Delphine Py

D’autres talks ont développé une approche indirecte, avec des pas de côté sur les grands sujets sociétaux : l’éducation avec la méritocratie à l’école, ou encore le management avec la kakistocratie [gouvernement par les pires, NDLR]. On comprend que si nos dirigeants sont médiocres, la transition va être compliquée ! Tamara Klink, qui a traversé l’Atlantique à 24 ans, véhiculait, elle, un magnifique message de frugalité. Et Augustin Trapenard a mis un petit tacle au numérique en parlant du “livre qui nous relie”…

Augustin Trapenard, animateur de l’émission « La Grande Librairie » et originaire du Bourbonnais, est venu parler du « livre qui nous relie » au TEDxClermont 2022 / Crédit photo : Charlotte Verdier (DR)

Il y a aussi une progression sur les cinq heures d’événement, d’une intervention à l’autre. Comment l’as-tu organisée ?

Le thème “[RE]GÉNÉRATION” est posé en amont du choix des intervenants. Mais tous ne doivent pas obligatoirement intégrer le thème dans leur intervention ! On cherche les meilleures idées du moment, et on réagit parfois à des opportunités, qu’elles soient dans le thème ou pas.

L’ordre des talks, lui, est bien réfléchi. On ne peut pas mettre trois sujets scientifiques, ou trois sujets trop négatifs, à la suite. On a besoin de rythme, de respirations, de relance, d’une fin et d’un début. Cette année, c’est Mattia Geonget, lycéen militant de 16 ans, qui a ouvert le TEDxClermont avec la “solastalgie”. La réflexion, la compréhension que nous portons, nous adultes, est-elle adaptée à ce que perçoivent les générations futures ? Nous avons été éduqués à une autre époque. Mais ce seront eux qui devront affronter les problèmes.

Au-delà de l’événement principal, comment déployer la thématique écologique sur l’année ?

Disons qu’elle peut en effet constituer un prisme sur tous nos sujets, même si on n’en parlera pas toujours directement. Je rappelle tout de même que les événements TEDx, petits ou grands, sont soumis à des licences de douze mois, gratuites, encadrées et renouvelables sur dossier. Pour les prolonger, on doit montrer la qualité de ce qu’on a fait l’année précédente.

Lionel dans les coulisses de l’Opéra de Clermont, pendant le TEDx de 2017. Il est à la manoeuvre durant plusieurs mois, avec l’équipe de bénévoles / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Quels sont alors les temps forts que tu envisages sur 2022-2023 ?

Il y a eu un TEDxClermont Countdown en avril dernier [dédié aux initiatives locales pour la transition écologique, NDLR] qui était un report de décembre 2021. Les licences Countdown 2022 doivent donner lieu à des événement avant la fin de l’année et cela ne sera pas possible pour nous. Peut-être y aura-t-il un autre programme Countdown en 2023… mais on ne le saura pas avant mars prochain.

Lire le reportage : Le TEDxClermont se relance par un « Countdown » sur la transition écologique

L’autre projet, annoncé le 14 avril et le 8 octobre, serait la tenue d’un TEDxKids. L’idée est de donner les clés d’un événement à des lycéens et des collégiens qui voudraient s’engager. On sera là pour les mentorer bien sûr, et pour éviter qu’ils ne travaillent sur l’événement à la place de leurs études. Mais ils auront une vraie liberté dans ce cadre. Pour l’instant, on a des marques d’intérêt pour la fin de l’année scolaire…

Enfin, il reste les rendez-vous plus intimes et plus souples à organiser : les TEDxClermont Salons, plutôt en soirée, autour d’un ou quelques speakers. Et bien sûr le podcast TEDxClermont Conversations, qui sont une initiative propre à Clermont, où l’on parle de thématiques écologiques sous forme de tables rondes enregistrées en public. Elles donnent une autre perspective et peuvent engendrer de vrais talks par la suite.

Durant l’année, les TEDxClermont Conversations ont lieu dans différents sites clermontois, sur un format léger, convivial et accessible (ici le 8 juillet au Musée Lecoq) / Crédit photo : TEDxClermont (DR)

Comment se portent les TEDx en France, au sortir de la pandémie ?

Certains événements TEDx ont du mal à redémarrer. C’est en fait assez variable, et pas du tout lié à la taille des villes. Ainsi, en Auvergne-Rhône-Alpes, il y a de nombreux TEDx étudiants, mais il n’y a plus de TEDx standards à Lyon, à Chambéry, à Annecy ou à Grenoble ! Saint-Etienne devrait en revanche démarrer dans les prochains mois. La clé, c’est le dynamisme de l’équipe en charge.

« TEDxClermont est un des TEDx les moins chers de France »

Je précise aussi que TEDxClermont est un des TEDx les moins chers de France, avec des places à partir de 30 euros. En moyenne, c’est plutôt 45 à 50 euros. A Vienne, en Autriche, les places vont de 90 à 150 euros ! Certes sur une journée, avec un en-cas offert à midi, mais c’est un événement beaucoup moins accessible.

Lionel (à gauche) entouré d’autres organisateurs de TEDx en France, qui avaient fait le déplacement à Clermont ce 8 octobre 2022. Egalement en présence de Pierre Gérard, coach d’intervenants, à droite sur la photo / Crédit photo : TEDxClermont (DR)

L’édition 2022 du TEDxClermont a-t-elle trouvé son équilibre économique ?

On a accueilli 800 personnes le 8 octobre dernier, dont 500 places vendues, plus les places suspendues, les partenaires et leurs invités et les bénévoles. Le parterre de la Maison de la Culture était complètement rempli, et les participants ont apprécié autant le cadre que les interventions. Je pense néanmoins qu’on pourra difficilement aller au-delà, simplement parce qu’il n’y aurait pas assez de place pour organiser les pauses de manière agréable pour les participants…

« Les partenaires n’ont aucune influence quant à ce qui se passe sur scène. »

Contrairement à ce que croient certains, notre équilibre économique n’est pas établi et pas simple, comme c’est le cas de beaucoup de manifestations organisées de manière bénévole. Nous sommes très reconnaissants aux nombreux partenaires qui nous suivent depuis longtemps et nous permettent d’organiser un événement mémorable et de produire une captation vidéo des interventions locales qui n’a pas à rougir des autres TEDx.

Je précise que les partenaires n’ont aucune influence quant à ce qui se passe sur scène. Ils proposent des rendez-vous et des animations autour. Ainsi, GRDF a réalisé et distribué un carnet de voyage avec Elyx, l’ambassadeur digital des Nations-Unies, et une chasse au trésor dans Clermont, dans le cadre de la candidature à la Capitale Culturelle Européenne. Nous avons aussi prototypé cette année un Village des Initiatives pour présenter une sélection de projets locaux qu’il nous semble important de connaître et de suivre… 

Organisé le midi du 8 octobre et animé par l’équipe du Connecteur, le Village des Initiatives permetttait à plusieurs porteurs d’initiatives locales sur la transition écologique de « pitcher » devant les partenaires du TEDxClermont 2022 / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Êtes-vous parvenus à toucher de nouveaux publics ?

On a beaucoup plus de places disponibles, donc pas mal de nouveaux participants, certains venant sans vraiment savoir à quoi s’attendre : c’est bien ! Il me semble qu’il y avait davantage de jeunes adultes, semble-t-il drainés par les autres rendez-vous en amont de l’édition 2022, comme les TEDxClermont Conversations ou encore le Countdown. Ce sont en effet des formats plus courts, peut-être mieux adaptés à la découverte, et à prix très modique…

Quel sentiment retires-tu de cette édition 2022 ?

Je suis satisfait qu’elle ait eu lieu, et fier du résultat et du retour des participants. Mais cette édition a été très difficile à mettre en place. Nous avons vécu une période compliquée, pleine d’incertitudes. Organiser un TEDx, c’est comme être entrepreneur : on vit des hauts et des bas. L’équipe “cœur”, entièrement bénévole, y met une énergie dingue, certains depuis plus de six mois. Dans la dernière ligne droite, certains ont pris plusieurs jours de congés, parfois sans solde, pour gérer les problèmes de dernière minute.

« Nous avons vécu une période compliquée, pleine d’incertitudes. »

Nous sommes un OVNI pour beaucoup et on nous rappelle sans cesse que nous n’entrons dans aucune case ! Nous organisons un événement de qualité et pour certains, ce n’est pas compatible avec le fait que nous l’organisons de manière bénévole… C’est usant et parfois démotivant ! Mais Clermont est sur la carte des TEDx qui comptent et cela nous paraît suffisamment important pour continuer.

Porteur de la licence TEDxClermont et principal organisateur, Lionel assure le développement et la promotion de la marque au cours de l’année. Ici lors d’une interview en fin de TEDx 2018 / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Le TEDxClermont est-il vraiment connu du public clermontois ?

Il y a de nombreux fantasmes autour de cette superbe marque qu’est TEDx. Nous avons simplement une licence gratuite (disponible en ligne sur le site TED.com) pour organiser TEDxClermont et contribuer avec des idées locales à la plus grosse chaîne de connaissance de la planète. Pour information, c’est une chaîne Youtube qui compte aujourd’hui 37 millions d’abonnés, 185 000 interventions dans 140 langues, et une audience cumulée de 6,7 milliards de vues. 

« Clermont est sur la carte des TEDx qui comptent »

De plus, comme tous les spectacles, festivals et conférences, nous faisons face à des décisions de dernière minute des participants. Nous avons vendu beaucoup de places dans les derniers jours avant l’événement. Il faut probablement que nous ré-inventions notre communication, et que nous animions mieux la communauté tout au long de l’année. 

Comment faire ? Les réseaux sociaux marchent moins bien, et nous prennent en otage : privilégions les contacts directs, les rendez-vous récurrents comme les Conversations, les Salons… Il faut aussi que nous travaillions notre notoriété ! Beaucoup de gens ne connaissent pas TEDx, ou ne savent pas qu’il y a un TEDxClermont alors qu’ils connaissent TEDx. En revanche, quand la marque est connue, elle est très appréciée.

Aller plus loin (liens proposés par Lionel):
Comprendre :
la B.D. de Jancovici et Blain intitulée « Le monde sans fin« , pour comprendre le fonctionnement de notre société face aux enjeux énergétiques et climatiques
Agir : rejoindre le TEDxClermont, pour participer à l’organisation des événements ou pour soumettre des idées (sur candidature)
Sur la scène de la Maison de la Culture, des lierres étaient disposés à chaque entracte, de façon à envahir peu à peu l’espace. Un des talks portait sur la forêt qui reprenait ses droits / Crédit photo : TEDxClermont (DR)

Retours d’intervenants et de partenaires du TEDxClermont

Comment cette thématique environnementale et sociétale est-elle perçue par les acteurs du TEDxClermont ? Voici une série d’échanges courts avec plusieurs intervenants et partenaires du TEDxClermont que j’ai pu rencontrer le 8 octobre, après l’événement. A noter que les vidéos des interventions seront publiées prochainement – n’hésitez pas à vous abonner à la newsletter sur le site de TEDxClermont ou à suivre sa page Facebook pour vous tenir informés.

Mattia Geonget, lycéen, intervenant sur la solastalgie

“Les gens savent qu’il y a un problème, en tous cas en France. Il faut éviter de se laisser avoir par les discours qui cherchent UN moyen d’agir. Je pense que la crise est tellement d’envergure que tous les leviers sont utiles, il n’y a pas besoin de se contraindre à faire quelque chose qui nous soit étranger.

En plus, l’action climatique est possible dans tous les domaines de la société et de l’économie. Et on n’a de toute façon pas le temps de trop réfléchir ! Tout le monde doit s’emparer de la question, avec ses moyens, son métier, ses passions. Que ce soit de la croissance verte ou au contraire de la sobriété, le principal est de passer à l’action maintenant.”

Crédit photo : Charlotte Verdier (DR)

Sandrine Bélier, psychologue, intervenante sur les biais cognitifs

“J’ai parlé du biais de conformité, une forme de réponse à la pression sociale ou aux modes. C’est très puissant pour aller vers du vertueux, par exemple. On le voit sur certains comportements éco-responsables. Je pense que c’est un levier très utile, et c’est à nous de construire ce vers quoi on peut aller, sans attendre qu’on nous l’impose.

Au niveau plus personnel, il faut sortir de notre mode de décision automatique, inconscient, dont je parlais. Prendre un peu de recul, se demander si on a besoin de tel ou tel objet avant de l’acheter. Développer son esprit critique ! Cela passe par une forme de pleine conscience, en prenant garde à ne pas trop être en “multi tâche”, et au fait qu’on est souvent manipulé – par la publicité, l’ambiance sur le lieu de vente … Il faut se demander ce qui nous fait vraiment du bien, et renouer avec des expériences au contact de la nature.”

Crédit photo : Charlotte Verdier (DR)

Laurent Lathuillière, expert sylvicole, intervenant sur la forêt

“Ce qu’on peut retenir, c’est que les forêts ont une puissance régénératrice phénoménale. Les arbres repousseront toujours, je dirais surtout si on ne fait rien ! C’est rassurant de voir que la nature est capable de résilience, et c’est un message d’espoir. 

Il y aura toujours des forêts, mais la vraie question est : quelles forêts pour nous, demain ? Notre société, notre économie est construite en partie sur la forêt, sur la ressource bois. S’il n’y a plus de Douglas demain, par exemple, quel impact sur nos activités ?

Pour y répondre, il faut bien comprendre que la forêt est un écosystème vivant, qui s’inscrit dans le temps long. J’invite à un changement de perception, pour mieux la comprendre, la respecter et vivre avec elle.”

Crédit photo : Charlotte Verdier (DR)

Sébastien Bony, éleveur, intervenant sur la ferme éco-responsable

“Il faut planter des arbres en ville ! La ville est une démocratie, il faut infiltrer les institutions, replanter le modèle, remettre de la nature  le plus possible. Moi j’ai replanté 600 mètres de haies cette année sur mon terrain. Si un agriculteur peut le faire, pourquoi pas un citoyen lambda ? Et on sait que les végétaux font du bien à la planète : il faut s’en occuper. Que ça soit par des fleurs sur le balcon, du compost pour apporter des matières organiques.

Il faudrait du pragmatisme agricole ! La société est hors-sol, il se reconnecter à la nature par l’action, mais aussi le ressenti : chercher en soi ce qu’on peut faire de bien pour l’environnement, et ne pas attendre que l’autre fasse mieux.”

Crédit photo : Charlotte Verdier (DR)

“Ce que les gens peuvent retirer de mon expérience, c’est qu’on peut faire beaucoup avec très peu de ressources. Un long voyage est possible avec un petit bateau que j’avais déjà, et cette expérience d’une forme de frugalité était très enrichissante pour moi.

Mon bateau n’était peut-être pas “le bateau de mes rêves” mais il me va très bien ! La leçon, c’est qu’il faut faire du mieux possible, aller le plus loin, avec ce que l’on a. Etre créatif, inventif et adaptatif. Ne pas se dire qu’il nous manque toujours quelque chose. C’est aussi la mission de l’architecte, une formation que j’ai suivie également : transformer les inconvénients en avantages. On peut être les architectes de notre avenir.”

Crédit photo : Charlotte Verdier (DR)

Pauline Rivière et Véronique Jal, co-directrices du Connecteur, partenaires et animatrices du Village des Initiatives

“On aime bien créer des ponts entre différents mondes autour de l’innovation, de l’entrepreneuriat et de l’impact. Nous sommes un média, et nous avions identifié des initiatives porteuses de sens autour de la “regénération”. Et nous leur avons proposé de venir se présenter sous forme de pitches, avant l’événement.

L’idée était d’avoir des initiatives qui souhaitent changer la donne : regénération par le réemploi du verre (Pampa), par le budget participatif de Clermont, par la sensibilisation des jeunes à l’entrepreneuriat agricole … Ces gens, ont les avait rencontrés, et ils nous ont touché car ils sont animés par une forme d’intérêt général.

Les organisateurs du TEDxClermont voulaient aussi prolonger l’expérience de la conférence par des moments différents, en marge de l’événement. Ici, c’est un cocktail avec des pitch courts, ce qui favorise les rencontres et la connection.”

Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Lucie Vorilhon, partenaire, co-fondatrice des Marchés de Max&Lucie

“Aujourd’hui, nous proposons des produits alimentaires locaux, de saison et issus de l’agriculture paysanne. Nous travaillons aussi de plus en plus sur le zéro gaspillage et le zéro déchets, autour de notre boutique située avenue Charras à Clermont.

Au TEDxClermont, nous proposons des paniers végétariens et locaux pour le “brunch des partenaires”, avant l’événement, et l’after, le soir même. Cela nous donne de la visibilité pour nous, et pour montrer qu’on peut bien manger avec un apport en viandes limité. Cela a un impact positif sur l’écologie comme sur la santé publique. C’est un moyen de réponse important face au dérèglement climatique.”

Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Laura Bossé, partenaire, fondatrice de Raboule !

“Raboule ! est une association qui lutte contre les emballages jetables, à usage unique, dans la restauration. Nous mettons à disposition des contenants sur des buffets zéro déchets. Un contenant réemployable remplace 2000 emballages jetables, sur sa durée de vie !

Au TEDxClermont 2022, nous étions présents au Brunch des partenaires à la mi-journée, en mettant à disposition 300 contenants avec des couverts. Ce en relation avec Max&Lucie et l’Armoire à Cuillières qui proposaient des plats préparés. Cela nous a permis de montrer qu’il existe des solutions durables pour l’alimentation, et que ce n’est pas difficile à mettre en place. 

Raboule ! est aujourd’hui surtout présent dans la restauration à emporter. Participer à des événements grand public comme le TEDxClermont nous permettent de démocratiser ces sujets du réemploi.”

Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Clément Baldellou, ancien intervenant, co-fondateur de Capillum

“On a participé comme intervenants au TEDxClermont Countdown, sur le sujet des matériaux durables. Capillum propose un dispositif de recyclage et de transformation des cheveux coupés par les coiffeurs, en d’autres matériaux et objets très variés. Il y a une notion de l’homme au centre de la transformation écologique.

Je ne suis pas partenaire aujourd’hui, mais je pense que le TEDxClermont porte des valeurs de cohésion sociale, de partage, et montre qu’il se passe des choses bien sur le territoire. C’est un temps fort pour mettre en avant les innovations pour demain.”

Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Yacine Aït Kaci et Adeline Pilon, partenaires, créateurs de la Fondation Elyx

“Cette fondation porte le nom du personnage créé en 2011, aujourd’hui ambassadeur des Nations Unies notamment sur le développement durable. C’est un plaidoyer pour que cette boussole devienne indispensable aux décideurs politiques. Nous travaillons à l’international, au national mais aussi en local.

Lionel est un ami et TEDxClermont un partenaire historique. Nous aimons aussi diffuser les idées, et nous parlons ici d’une double opération clermontoise en lien avec la Candidature Capitale Européenne de la Culture 2028. D’une part, avec un carnet de voyage édité avec le soutien de GRDF, d’autre part avec une chasse au trésor en réalité augmentée sur la ville de Clermont.”

Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Sébastien Lepicard, partenaire, managing director chez Accenture Clermont

“Nous sommes partenaires depuis le début de TEDxClermont. C’est naturel pour nous, on ne se pose pas la question : la relation avec Lionel et Alexis [Offergeld] est très forte depuis le début.

Accenture est une société américaine, on parle de sustainability. C’est une des trois priorités de la firme : la sustainaibility peut être partout, et nous l’évoquons toujours dans nos relations avec les clients. On s’impose d’étudier la durabilité de ce que l’on fait.”

Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Laurent Laporte, partenaire, PDG de Braincube

“Sur la résilience territoriale, je pense à titre personnel qu’on a perdu énormément il y a une quarantaine d’années, quand Paris s’est lancé dans la mondialisation et a arrêté d’acheter en province. Nous, Braincube, sommes installés à Issoire, pas à Clermont ! Les territoires, ce ne sont pas que des ressources mais aussi des porteurs de projets. Et on vit très très bien même dans des petites villes.

Au niveau plus professionnel, nous travaillons à optimiser les processus industriels de nos clients par des outils digitaux intelligents. Nous faisons gagner beaucoup en termes d’impacts à nos clients. En interne, le télétravail est généralisé, la flotte de véhicules passe en électrique, nous travaillons sur notre bilan carbone… et nous avons un projet de ruches sur notre domaine de 36 000 m2. C’est une série de petites choses, mais symboliques et qui peuvent embarquer les collaborateurs.

Le TEDx, c’est local, de grande qualité et inspirant. Je les soutiens et j’y viens pour apprendre et capter des idées. C’est rafraîchissant, selon moi. Et beaucoup de mes collaborateurs sont là aujourd’hui, ça peut véhiculer une énergie nouvelle en interne dont il faudra profiter.”

Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Tikographie est un média engagé localement, gratuit et sans publicité. Il est porté par l’association loi 1901 Par Ici la Résilience, dont l’objet social est à vocation d’intérêt général.

Pour continuer à vous proposer de l’information indépendante et de qualité sur les conséquences du dérèglement climatique, nous avons besoin de votre soutien : de l’adhésion à l’association à l’achat d’un recueil d’articles, il y a six moyens de participer à notre projet :

Envie de recevoir l’essentiel de Tikographie par mail ?

Vous pouvez vous inscrire gratuitement à notre newsletter en cliquant sur le bouton ci-dessous. Résumé des derniers articles publiés, événements à ne pas manquer, brèves exclusives (même pas publiées sur le site !) et aperçu des contenus à venir… la newsletter est une autre manière de lire Tikographie.

Propos recueillis le 8 octobre 2022, mis en forme pour plus de clarté. L’entretien a été et relu et corrigé par Lionel. Crédit photo de Une : TEDxClermont (DR)