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Le pourquoi et le comment [cliquer pour dérouler]
Pardon pour ce titre un peu trash. Je ne veux surtout pas gâcher la fête. Mais mon esprit tordu a toujours une fâcheuse tendance à soulever le tapis (ou la branche) des traditions les plus ancrées pour voir ce qu’elles cachent.
Car les plus ancrées sont aussi les plus tenaces et les plus difficiles à faire évoluer. Donc commençons par poser des questions, et par semer des petites graines (de sapin). Car le chemin pour faire changer nos fêtes va être long…
Sur ce, je vous abandonne pour deux semaines, car j’ai besoin de recharger mes batteries en allant brancher mon cerveau sur l’odeur des sapins pectinés et les paysages de nos volcans.
Et puis c’est pas l’tout, j’ai encore un arbre de Noël à décorer, moi…
Marie-Pierre
Trois infos express [cliquer pour dérouler]
- A de rares exceptions près, les sapins de Noël naturels du commerce ne viennent pas de notre département et sont cultivés à grands renforts de produits chimiques. La plus grosse production française se situe dans le Morvan et les importés viennent principalement de Belgique ou du Danemark. En France, les arbres de Noël sont originellement des épicéas et majoritairement des sapins de Nordmann.
- Les sapins de Noël ne sont donc pas de la variété de sapin qu’on trouve naturellement dans nos forêts locales, qui sont des sapins blancs ou sapins pectinés. Ils côtoient ici le pin sylvestre, également autochtone, l’épicéa et le douglas, qui sont deux espèces plantées pour la sylviculture. Les résineux sont également exploités pour leur résine (mais pas chez nous) et utilisés en phytothérapie. On produit aussi en Auvergne le rare et étonnant miel de sapin.
- Plutôt qu’un arbre en plastique, si vous ne souhaitez pas décorer vos fêtes avec un arbre vivant coupé pour l’occasion, optez pour une déco créative faite de bouts de bois ou d’objets de récup’. Et ne vous indignez pas du géant quasiment centenaire transporté jusqu’à la place de Jaude : il s’agit d’un épicéa provenant de Murat-le-Quaire, de toute façon condamné, car victime d’une sévère attaque de scolytes. Dans tous les cas, passé Noël, ne jetez pas votre sapin naturel dans la poubelle jaune ou noire. Déposé en déchetterie ou dans un point de collecte spécifique, il sera valorisé en compost ou en broyat.
Mon sapin est-il vraiment un sapin ?
On a l’habitude de parler de sapin de Noël, pourtant tous les arbres de Noël ne sont pas des sapins. Ce sont des conifères, certes. Mais celui qui traditionnellement ornait les intérieurs à l’arrivée du père Noël appartenait plutôt à l’espèce épicéa – plus précisément l’épicéa commun ou Picea abies, originaire d’Europe du nord.
De nos jours, il est supplanté par un « vrai » sapin, du genre sapin de Nordmann ou Abies nordmanniana : d’après Wikipédia, il se vend en France environ 80% de sapins de Nordmann et 16% d’épicéas, le reste se répartissant entre divers autres représentants de la famille des sapins.
En tout cas, vous ne trouverez pas chez le marchand le sapin natif des forêts d’Auvergne (comme d’une grande partie de l’Europe) : le sapin blanc ou sapin pectiné, de son nom savant Abies alba. Et encore moins l’autre conifère autochtone et localement répandu, le pin sylvestre ; car le port un peu « ébouriffé » de ce dernier ne cadre pas avec la silhouette conique aux branches tombantes et arquées dessinée par tous les enfants.
Étonnamment, le même article de Wikipédia nous apprend que les Nord-Américains privilégient ce pin sylvestre, produit en grande quantité et pourtant originaire d’Europe (ne le répétez pas au président des États-Unis, il serait capable de les expulser, notamment au profit du douglas ou du sapin de Fraser, d’authentiques yankees… quoique le premier se soit bien acclimaté dans les exploitations forestières du vieux continent).
Reste LA question : comment savoir si votre sapin est un épicéa ou un sapin ? Le mieux serait de regarder l’étiquette si vous l’avez encore ! Mais sachez tout de même que l’épicéa a des aiguilles plus fines et piquantes, et une forte odeur caractéristique de Noël. Le Nordmann offre une plus belle densité et des aiguilles plus souples, qui ont aussi l’avantage de tenir plus longtemps avant de se répandre sur le tapis de votre salon.
Dans vos balades en forêt, la distinction sera plus simple, car le sapin blanc présente sur certains rameaux des aiguilles disposées sur un seul plan, de part et d’autre de la branche. Il tient son petit nom du fait que le dessous de ses aiguilles est parcouru de deux bandes blanches. L’autre particularité du sapin, peu observable dans votre salon, le distingue encore plus sûrement : ses cônes sont orientés vers le haut, contrairement aux épicéas ou aux douglas, deux conifères présents ici en plantations pour la sylviculture.

Peut-on trouver des sapins locaux ?
Oui, mais pas beaucoup. Rassurez-vous, personne ne vous vendra un sapin coupé dans les belles forêts d’Auvergne, ni même un épicéa. Nos forêts fournissent beaucoup de bois pour faire des planches, des meubles ou des menuiseries. Mais pas de sapins de Noël.
Le sapin (naturel) qui va trôner dans votre salon est probablement produit ailleurs, mais pas forcément très loin. Car la région qui en fournit le plus en France est le Morvan, suivie de loin par la Bretagne et la région Rhône-Alpes. Les sapins importés viennent principalement de Belgique (pour 60%) ou du Danemark, le champion du monde de l’exportation de sapins de Noël.
En cherchant bien et à force de poser la question de-ci de-là, j’ai fini par repérer au moins un fournisseur local. Il s’agit d’un pépiniériste de Celles-sur-Durolle, près de Thiers, qui le cultive en rangs serrés comme d’autres cultivent le blé ou les carottes, sauf que la récolte, ici, se fait au bout de 10 ans. Il indique cultiver sur 40 ha, sans pesticides, en replantant autant d’arbres qu’il en coupe chaque année. Mais ne cherchez pas à vous fournir directement chez lui : il produit pour les revendeurs et les collectivités.

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Peut-on trouver des sapins écolos ?
Oui, mais c’est rare. J’en ai discuté avec Benoît, qui vend des sapins sur quelques marchés du Puy-de-Dôme (ou plutôt qui en a vendu car il a épuisé son stock pour cette année). Pas n’importe quels sapins : « Ils viennent du Morvan dont je suis originaire, et plus précisément de la propriété de mon grand-père, qui s’est mis à le cultiver de façon plus respectueuse il y a très longtemps : à l’époque, tout le monde le prenait pour un fou ! »
« Ça ne ressemble pas du tout aux plantations de sapins classiques. Il y a beaucoup de vie. »
Qu’est-ce qui fait sa spécificité ? « Ce ne sont pas des sapins clonés, comme dans la plupart des productions, qui sélectionnent un ‘sapin parfait’ et le reproduisent à l’infini. Le clonage produit des sapins fragiles, qui nécessitent beaucoup de pesticides. Nous pratiquons au contraire une sélection massale, c’est-à-dire en sélectionnant les plus beaux arbres dans différentes parcelles pour assurer une diversité génétique et produire des sapins adaptés à leur environnement. »
Pas de pesticides ni avant, ni après la récolte : il y a un petit risque que le sapin une fois coupé subisse une attaque d’acariens, mais elle est limitée par une récolte tardive des arbres et en les protégeant sous bâche. « Ça demande un peu plus de travail, mais c’est plus sain, y compris pour la maison où vous accueillez le sapin », dit-il, s’offusquant de ce que la culture des arbres de Noël soit « la deuxième production la plus polluée de l’agriculture française. »

Ce qui fait l’originalité de cette petite production familiale et artisanale, c’est surtout une plantation aux allures originales : « Ce sont des plantations peu densifiées, sans coupe rase : nous prélevons un sapin sur trois de sorte que dans les parcelles, il y a des sapins d’âges différents et mon grand-père a planté aussi d’autres arbres, des fruitiers surtout. Avec de l’herbe, du BRF, ça ne ressemble pas du tout aux plantations de sapins classiques. Il y a beaucoup de vie. »
Dernière précision de sa part : « Pour chaque sapin que je vends, j’en replante trois, pour être sûr d’en récolter un dans dix ans. On n’est pas dans la déforestation ! »
Quant à chercher un sapin labellisé bio dans le commerce, ça revient à chercher une aiguille dans… une forêt du Morvan : ils représentent moins de 1% des ventes en France.
D’où vient le grand et beau sapin de la place de Jaude ?
Ni de Finlande, ni du Danemark, ni même du Morvan. Cet épicéa de 27 mètres de haut, pesant 7 tonnes, vient de beaucoup plus près : du côté de la Banne d’Ordanche, exactement de la commune de Murat-le-Quaire. « Cela fait environ 5 ans que le sapin de Noël de Jaude vient de cette commune, car ils ont des vieux arbres, malades, qu’on est obligé d’abattre », explique Thierry Pranal. Le responsable du service logistique de la Ville de Clermont a orchestré en novembre, pour la 25e et dernière fois de sa vie professionnelle, le transport complexe de ce géant jusqu’à la place de Jaude.
L’arbre de cette année était en proie aux scolytes, petits insectes destructeurs de résineux, qui ravage certaines forêts du Grand Est et fait des apparitions régulières – et redoutables – en Auvergne. En outre, précise Thierry Pranal, il se trouvait non pas en pleine forêt, mais en proximité de chalets et sa fragilité l’avait rendu dangereux.

Ce « bel » arbre, quasi centenaire, a tout de même dû être remplumé de branches supplémentaires. Et sur place dans la commune de Murat, l’opération, comme les années précédentes, a donné lieu à une sensibilisation des enfants des écoles, qui ont participé à une replantation de plusieurs conifères en compensation.
En aval, la Ville de Clermont a aussi le souci de valoriser ce bois de médiocre qualité. La bille est récupérée par un apiculteur de Saint-Jean-en-Val qui, comme l’an dernier, a l’intention de l’utiliser pour en faire des ruches et des nichoirs à oiseaux.
Quant aux branches, elles sont destinées selon leur état à être transformées par les services municipaux : soit compostées, soit broyées en copeaux pour le paillage des espaces verts.

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Jeudi 18 décembre (18h) à Coworkit (près des Salins à Clermont) – inscription nécessaire
À part la déco de Noël, quels usages du sapin ?
Le sapin est un bois commun, bon marché, utilisé en construction, en planches de coffrage, en menuiserie intérieure. Mais il nous est aussi utile sur pied et vivant. Résine, bourgeons ou petites pousses ont aussi leurs usages.
Pour la première, on utilise surtout celle du pin mais tous les conifères – appelés aussi résineux – en produisent. Elle leur sert à panser leurs blessures et à se protéger de certains insectes, champignons et autres pathogènes. Les humains l’utilisent notamment pour produire l’essence de térébenthine et la colophane.
« Le sapin est globalement reconnu pour ses propriétés antiseptiques. »
La phytothérapie s’intéresse surtout au sapin blanc et au pin, en infusion, en alcoolatures ou en huiles essentielles plus concentrées. « Mais les alcoolatures peuvent suffire car ces espèces ont de bons rendements », m’apprend Claire Mison, fondatrice d’Herbulatêké. Si on reconnaît diverses propriétés au sapin, Claire résume : « Le sapin est globalement reconnu pour ses propriétés antiseptiques et fonctionne sur l’arbre respiratoire ». Et elle précise que ces produits ont un autre avantage, provenant d’arbres communs chez nous : ils ne sont pas importés.
Tout de même, n’essayez pas de faire vos tisanes maison ou alcoolatures avec votre sapin de Noël. Non seulement il n’appartient pas aux variétés les plus propices, mais il y a de fortes chances pour que vous vous retrouviez avec un bon cocktail de pesticides. En phytothérapie, c’est bof bof.

Dernier usage indirect mais combien réconfortant : nos conifères locaux, qui n’ont pourtant pas de fleurs, interviennent (comme son nom l’indique) dans la production du miel de sapin. Les abeilles ne récoltent donc pas de nectar, mais un miellat, substance liquide et visqueuse excrétée par des pucerons. Cette récolte étant aléatoire et concentrée sur une assez courte période, on comprend pourquoi le miel de sapin est rare et parmi les plus chers. Très foncé, sirupeux, à l’arôme boisé et au goût malté dépourvu d’amertume, il est aussi réputé pour avoir plein de vertus pour la santé. Il est produit surtout dans les Vosges et le Jura, mais aussi en Auvergne. Tiens au passage : une belle idée de cadeau à déposer… sous le sapin.
Quelles alternatives au sapin ?
D’ailleurs, faut-il une alternative ?
Je ne vais pas vous faire le coup de la tarte à la crème du moment : sapin naturel versus sapin en plastique. Rappelons que votre sapin en plastoque est produit à partir de pétrole, est sans doute importé de très loin et que la pollution plastique infeste notre monde jusque dans les océans et les sommets de l’Himalaya et des Pyrénées. Mais c’est vous qui voyez.

Quitte à renoncer au sapin naturel, tentez la créativité à partir de bois ou autres objets de récup’, vous serez d’autant plus fiers de votre œuvre et vous aurez un sapin complètement unique. Vous êtes en manque d’inspiration ? Internet vous offre plein plein plein de ressources. Rien de spécialement local, mais j’ai trouvé des idées de ouf ici. Gros coups de cœur perso dans cette liste pour les arbres de Noël à base de photos de famille, de cintres, de boîtes d’œufs et même de skis !
Que vous ayez opté pour un sapin naturel, en plastique ou en empilement de boîtes d’œufs, ou même, soyons fous, pour pas de sapin du tout, rappelez-vous que cette tradition du résineux de Noël n’est que… l’arbre qui cache la forêt ; celle-ci étant constituée de toutes les autres traditions de notre fête familiale préférée. L’Ademe nous rappelle ainsi quelques réalités : les sapins sont responsables d’environ 1% des émissions de carbone de nos fêtes de Noël, le plus gros étant constitué des cadeaux (57%), des déplacements et de nos repas pantagruéliques. Conseils pour faire mieux dans le même article.
Que faire de mon sapin après Noël ?
Pour être complet, examinons la fin de vie de votre « roi des forêts ». Si vous faites partie des rares perfectionnistes qui achètent un sapin sur pied dans l’intention de le replanter, ne tardez pas trop à le faire après la fête. Un sapin en pot dans un salon bien chauffé n’est pas du tout dans son élément naturel et ne tardera pas à dépérir.
Surtout, même s’il est petit, ne pas mettre un sapin dans la poubelle jaune car il ne pourra pas être traité par le centre de tri. Il sera donc réacheminé vers l’incinérateur comme toutes les « erreurs de tri ». Pas non plus dans la poubelle noire ou (pire) à côté.
En règle générale, le mieux est de le déposer dans une déchetterie. C’est par exemple ce que recommande le Syndicat du Bois de l’Aumône, qui gère la collecte des déchets pour une grande partie du Puy-de-Dôme, notamment dans la Limagne et les Combrailles.

De son côté, Clermont Auvergne Métropole a prévu de mettre en place 50 points de collecte spécifiques, que vous pouvez localiser ici. On pourra y déposer son sapin (naturel, hein !) du 26 décembre au 1er février. Il subira le même sort que les branches du grand sapin de la place de Jaude : broyé ou composté, mais dans tous les cas, il finira valorisé quelque part dans les plates-bandes, parcs et cultures.
Il me reste à vous souhaiter de joyeuses fêtes et de belles balades en forêt. On se retrouve dès la rentrée de janvier !
Enquête Marie-Pierre Demarty, réalisée tout au long du mois de décembre 2025. Photos Marie-Pierre Demarty, sauf indication contraire. À la une : forêt de résineux avec flocons de neige, entre le lac de Guéry et les roches Tuilière et Sanadoire.
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