Vivre dans une métropole caniculaire

Par

Damien Caillard

Le

Le cycle "Clermont sous 50°C" des Rencontres Tikographie se termine, mais la problématique demeure. La dernière session s'est interrogée sur la façon de convaincre la population de la nécessité d'engager les adaptations. Espérons que nous y avons contribué...

Sommaire

Retour sur quatre acteurs locaux engagés, point sur Tikographie, sortie du recueil “l’année tiko 2024”, message de notre ennemi juré, buffet végé…

Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?

Les intervenants

  • Anne-Laure Stanislas, adjointe au maire de Clermont-Ferrand en charge de la Ville en Transition
  • Eric Grenet, vice-président à la transition écologique de Clermont Auvergne Métropole et maire de Pérignat-lès-Sarliève
  • Vanessa Iceri, directrice de la recherche et du développement au CISCA (Centre d’Innovations Sociales Clermont Auvergne)
  • Anne-Sophie Veret, directrice générale de Sol Solutions, bureau d’études riomois spécialisé en géologie et en géophysique

Intervention introductive de Alexis Treilhes, consultant, enseignant et conférencier spécialisé en stratégie durable, prospective et adaptation au changement climatique

Le podcast

Vous pouvez accéder à un enregistrement “nettoyé” – pour une meilleure écoute – de la Rencontre ici :

La synthèse : L’adaptation est une affaire collective

C’était la fin du cycle ! Depuis janvier, les Rencontres Tikographie s’intéressent mois après mois à l’adaptation de la métropole clermontoise à de futurs étés plus chauds, avec pics de canicules fréquents, orages violents, fournaises dehors et dans les bâtiments. Rappelez-vous : nous avons parlé de confort thermique des logements, d’approvisionnement en eau potable, d’espaces publics rafraîchissants, de possibles crues de la Tiretaine, de maraîchage en condition de sécheresse… Il fallait bien conclure, en prenant un peu de hauteur pour considérer de façon globale la problématique « Clermont sous 50°C ».

Cette dernière séance du cycle a donc porté sur la notion générale d’adaptation, avec en introduction un court mais percutant exposé d’Alexis Treilhes pour clarifier, chiffres et métaphores à l’appui, ce qui devient une évidence : atténuer les causes de changement climatique, c’est important ; mais il faut simultanément s’adapter aux conditions climatiques qui s’aggravent. Car, démontre-t-il, l’inversion de la trajectoire « ne se produira pas avant la fin du siècle dans le meilleur des cas. »

“L’inversion de la trajectoire des températures ne se produira pas avant la fin du siècle dans le meilleur des cas. »

Alexis Treilhes
La prise de parole introductive a été menée par Alexis Treilhes (de dos) qui a expliqué, de manière simple et pédagogique, la différence entre atténuation et adaptation.

Les premières interventions de la table ronde ont fait écho à la fin de sa démonstration expliquant qu’on n’a globalement pas assez pris conscience de l’importance du sujet.

Pourtant l’information ne manque pas et on ne peut plus dire que les politiques publiques ne se sont pas emparées de la question. En tout cas à Clermont où un diagnostic de vulnérabilité« de bonne qualité » selon Alexis Treilhes – a été établi et a enclenché un schéma d’adaptation aux risques climatiques.

« L’information existe », reconnaissent en chœur les intervenants, mais il y a « un vrai défi », résume Anne-Sophie Veret, à savoir quoi faire, par où commencer et comment embarquer toutes les personnes concernées par la nécessité d’engager l’adaptation. « Ces sujets ne sont pas simples à transmettre », admet Éric Grenet, tandis que l’autre élue présente, Anne-Laure Stanislas, abonde et nuance en même temps : « C’est facile de communiquer auprès du grand public sur certains sujets comme l’eau, qui sont très tangibles – et on le fait. Mais on ne veut pas créer des mouvements de panique », dit-elle, appelant à être alarmiste mais pas trop, à créer chez les citoyens un état « d’écolucidité » plutôt que d’écoanxiété. Pour autant, les élus s’inquiètent à constater que la population « n’a pas la culture du risque » permettant d’adopter les bons réflexes dans les situations de crise.

“On ne veut pas créer des mouvements de panique. »

Anne-Laure Stanislas

« On sait qu’on doit agir mais il faut qu’on s’arme et qu’on travaille entre nous », ajoute Anne-Sophie Veret en représentante du monde économique engagé dans la Convention des Entreprises pour le Climat.

Anne-Sophie Veret, directrice générale de Sol Solution SAS

Ce que développe Vanessa Iceri : elle appelle à créer des espaces de débat collectif pour « construire ensemble avec les territoires les politiques d’adaptation » en pariant sur l’intelligence collective, y compris entre acteurs du terrain qui « ne seront jamais d’accord » mais peuvent trouver des trajectoires qui conviennent à tous.

« On est d’accord sur le fait que le collectif est nécessaire », approuve Éric Grenet, expliquant que l’Alliance pour la transition engagée par la Métropole et la Ville de Clermont a pour objet, à partir du schéma de transition écologique « que personne ne connaît », de voir « comment on arrive à se mettre d’accord avec des gens très divers qui ont d’autres pratiques, tels que la Fédération du Bâtiment, l’association de sauvegarde des chauves-souris, etc. »

Voir comment on arrive à se mettre d’accord avec des gens très divers qui ont d’autres pratiques.”

Eric Grenet

Il s’agit, approuve Anne-Laure Stanislas, de « créer une communauté de destin », les collectivités jouant un « rôle d’assemblier », qu’elle détaille : « nous avons souhaité y réunir, plutôt que les citoyens en général, les parties prenantes qui peuvent ensuite embarquer » leurs communautés ou leurs collectifs.

La suite de votre article après une petite promo (pour Tikographie)

Retour sur quatre acteurs locaux engagés, point sur Tikographie, sortie du recueil “l’année tiko 2024”, message de notre ennemi juré, buffet végé…

Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?

Merci pour votre temps de cerveau disponible ! Le cours de votre article peut reprendre.

Cette nécessité d’être, comme le souligne Vanessa Iceri, « dans la coopération et pas dans la compétitivité », les entreprises le ressentent aussi, témoigne Anne-Sophie Veret : « la difficulté, c’est qu’engager des mesures d’atténuation ou d’adaptation a un coût. Comment fait-on dans un environnement concurrentiel ? Il est important d’entraîner son écosystème ; parce que si les autres ne font pas les mêmes efforts et conservent des prix bas, l’entreprise engagée disparaît tout simplement. »

« La difficulté, c’est qu’engager des mesures a un coût. Comment fait-on dans un environnement concurrentiel ?”

Anne-Sophie Veret

A l’invitation de François Thomazeau, animateur de la Rencontre, les intervenants ont aussi été invités à partager l’expérience qu’ils ont de leur écoute des habitants et acteurs du territoire. Témoignages qui font encore remonter de nombreux freins à la volonté d’agir pour adapter le territoire. « Clairement l’espoir que l’on met dans la technologie est le frein auquel je suis confrontée autant comme élue que comme citoyenne », commence Anne-Laure Stanislas, qui appelle à se tourner davantage vers « la recherche de solutions douces et sobres ».

Vanessa Iceri, responsable de la recherche et du développement au CISCA

Éric Grenet voit encore trop d’attitudes de déni pour éviter d’engager « des actions qui risquent de placer les gens dans une situation inconfortable. » Côté industrie, Anne-Sophie Veret ironise sur tous ceux qui pensent qu’« on s’est toujours adapté ; c’est comme les normes. »

“Les entreprises ont un vrai rôle pour aider à l’acceptabilité des démarches d’adaptation.”

Anne-Sophie Veret

Tandis que Vanessa Iceri, sur un autre registre, dénonce le manque de temps, « la bureaucratie du quotidien qui fait qu’on a d’autres urgences ». Lors des questions de l’auditoire, les deux élus ajouteront à cette bureaucratie les « injonctions contradictoires », notamment liées à des règlementations qu’ils se doivent de respecter même quand elles sont en retard face aux urgences de l’adaptation.

Ce que renvoient les intervenants, c’est qu’ils endossent le rôle de sensibiliser autour d’eux et qu’ils engagent tous les convaincus à faire de même. Éric Grenet fait confiance aux associations dont le rôle, dit-il, est « primordial ». Anne-Sophie Veret, parlant pour les dirigeants d’entreprises, affirme : « on a un vrai rôle pour aider à l’acceptabilité » des démarches d’adaptation.

Eric Grenet, vice-président à Clermont Métropole en charge de la transition écologique

Quant à Vanessa Iceri, elle souligne que le Cisca se donne pour rôle de transmettre aux collectivités et autres acteurs des territoires « des outils pour les amener à avoir leur propre écoute des habitants, pour qu’ils sachent comment aller à la rencontre des autres, pour se mettre en écoute constante » afin d’engager la coconstruction de l’action.

“Les émotions nous rappellent que nous sommes des êtres humains. »

Vanessa Iceri

Pendant le débat ou dans les réponses aux questions de la salle, on aura aussi entendu quelques pépites à embarquer dans le voyage vers une métropole en route pour l’adaptation.

Anne-Laure Stanislas, adjointe à la Ville de Clermont-Ferrand en charge de la ville en transition.

Ainsi Anne-Laure Stanislas n’oublie pas que « des personnes vivent sur le territoire et nous avons conscience que les premiers impactés seront les plus précaires », mais trouve aussi qu’« on n’écoute pas assez la nature. » Alexis Treilhes recommande de « s’inspirer des gens qui n’ont pas d’argent », et qui « n’ont pas le choix » de s’adapter par la voie de la sobriété.

Et Vanessa Iceri invite à davantage accueillir les émotions dans les réunions de travail sur ces sujets : « cela déconstruit les postures et les casquettes d’élu, de chef d’entreprise, etc. ; car les émotions nous rappellent que nous sommes des êtres humains. »

Tiens au fait, c’est vrai ça…

Synthèse par Marie-Pierre Demarty

Merci et bravo à François, membre de l’association Tikographie et expert des enjeux climatiques, qui a conçu et co-animé le cycle de rencontres “Clermont sous 50 degrés”
Le second césar d’honneur est attribué à Patrick, membre assidu de notre association depuis sa création, co-fondateur (donc), super animateur et responsable son

Les vidéos diffusées

Interview sur la méthodologie de “Paris à 50 degrés”

Avec Alexandre Florentin,

Interview sur la vision des risques mondiaux et locaux chez Michelin

Avec Francis Renault, responsable des risques mondiaux chez Michelin

Autres ressources

Présentation sur les enjeux d’adaptation

Délivrée par Alexis Treilhes en introduction de la Rencontre

Cliquez ici pour accéder au document (PDF)

Le cycle “Clermont sous 50 degrés”

Cette série de Rencontres Tikographie (janvier à juin 2024 inclus) se focalise sur la question de l’adaptation de la métropole clermontoise et de ses acteurs – publics comme privés – aux conséquences du dérèglement climatique et notamment au fort risque d’étés caniculaires à répétition.

A quoi faut-il s’attendre au niveau des bâtiments ? De l’approvisionnement en eau ? Des événements météo extrêmes ? Quelle stratégie adopter à ce moment, et surtout, que peut-on faire aujourd’hui pour s’y préparer ? Ces questions n’éludent pas le besoin d’atténuation en parallèle mais elles le complètent, le dérèglement climatique étant largement enclenché et inéluctable.

Pour en savoir plus (thématiques, dates, modalités), cliquez ici pour accéder au dossier de presse.

Les crédits

Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour son accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres Tikographie pour cette saison, et en particulier à Boris, Philippe, Lénaïc, Olivier et Gaëlle.

Merci à nos invités, aux participants et à l’équipe de l’association Tikographie qui porte et organise les Rencontres.

Pour cette Rencontre spécifique ont œuvré :

  • Patrick à la préparation éditoriale et à l’animation;
  • Damien à la prise de son;
  • Roxana à la préparation de l’espace événementiel;
  • Marie-Pierre aux photos et au compte-rendu.

Crédit illustration : djedj sur Pixabay

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