Au CEN Auvergne, Pierre Mossant favorise les « solutions fondées sur la nature »

Le directeur du Conservatoire d’Espaces Naturels Auvergne revient sur les grands enjeux de la biodiversité sur le Puy-de-Dôme, en insistant sur notre dépendance aux écosystèmes.


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Mon ressenti

Une fois n’est pas coutume, je ne vous propose pas un entretien comme tous les samedi mais un « quasi-entretien » : ayant animé la TEDxClermont Conversation du 6 mai dernier, qui portait sur les questions de dynamiques de biodiversité, j’y ai accueilli Pierre Mossant comme intervenant (aux côtés de Charles-Etienne Dupont que nos lecteurs assidus connaissent déjà).

J’étais sensibilisé au rôle du CEN Auvergne, que dirige Pierre, depuis mon entretien il y a un an avec Lucie le Corguillé, qui avait développé l’action de l’association concernant les zones humides dans le département.

Les propos de Pierre sont plus englobants – même s’il insiste plusieurs fois sur le dérèglement du cycle de l’eau dans le Massif Central, et le rôle clé des zones humides. Ayant par ailleurs beaucoup de retours concordants sur ce point, et plus globalement sur l’importance des « services écosystémiques« , il m’a semblé utile de vous proposer une synthèse thématique principalement basée sur les propos de Pierre lors de la Conversation du 6 mai.

Damien

Les principaux points à retenir

  1. La biodiversité n’est pas vitalement menacée car elle a toujours été résiliente. En revanche, il est certain qu’elle diminue très rapidement au niveau mondial, même si cela s’observe moins en France où la politique de protection est plus ancienne. Pierre Mossant insiste néanmoins sur la très grande dépendance de l’humanité et de son économie aux « services écosystémiques » fournis par la nature.
  2. Le changement climatique est sans doute plus débattu, mais la perte de biodiversité est tout aussi urgente et capitale. Les deux sujets sont liés, l’un participant à l’autre. Ils impactent les différents habitats que l’on observe sur Terre, qui sont aujourd’hui tous « anthropisés »
  3. Dans le Puy-de-Dôme, c’est le cycle de l’eau qui est menacé et l’ensemble des habitats naturels qui en dépendent, des petits ruisseaux de montagne à la rivière Allier. Pierre insiste sur le sort des zones humides comme les tourbières, les méandres, etc. Il cite également certains habitats comme les « côteaux secs » en flanc de plateau : ils préfigurent la végétation méditerranéenne qui sera majoritaire en Auvergne demain.
  4. Pour assurer une forme de « confort » pour nous et les générations à venir, il est donc capital de protéger ou restaurer les services écosystémiques. Pierre développe l’exemple de l’agriculture conventionnelle qui se veut indépendante de ces services grâce à la technologie et aux intrants de synthèse, et qui s’avère au final très contre-productive. Le CEN Auvergne a notamment pour mission d’acheter et de protéger certaines parcelles fragiles.
  5. Faut-il agir ? Si la nature laissée en roue libre peut parfaitement s’auto-réguler, la vitesse du changement climatique rend nécessaire l’intervention de l’homme. C’est l’enjeu de la résilience des territoires, d’un point de vue de la biodiversité : il faut en restaurer la variété des espèces, mais aussi diminuer notre impact par nos choix de consommation ou de gouvernance.
  6. Selon Pierre, la bonne approche réside dans la priorité donnée aux « solutions fondées sur la nature » que viendront compléter si besoin des apports technologiques. Il prend ainsi l’exemple des zones humides dans la rétention de l’eau, selon lui bien moins cher et plus efficace que les bassines ou les barrages.
  7. Plus globalement, Pierre nous invite à revoir notre vision de la conservation de la biodiversité. D’une approche statique, centrée sur des espèces emblématiques à protéger, il proposer une vision plus dynamique, fondée sur la recherche constante d’un équilibre à long terme incluant toutes les parties prenantes – dont les acteurs des territoires. De plus, il insiste sur le rôle d’une biodiversité « diffuse » comme celle dans le sol, capitale pour les services écosystémiques mais pourtant peu prise en compte.
  8. En conclusion, il nous faut repenser notre rapport au vivant – sommes-nous partie intégrante de la nature ? – en espérant que notre prise de conscience soit assez rapide pour contrebalancer la dégradation hyper-rapide de la biodiversité.

L’intervenant : Pierre Mossant

Directeur du CEN [Conservatoire d’Espaces Naturels] Auvergne


Originaire de l’Est de la France, Pierre était directeur par intérim du Conservatoire d’Espaces Naturels [CEN] des Vosges de 1995 à 2002. Puis il rejoint la Fédération nationale des CEN en tant que chef de projet « Loire Nature » jusqu’en 2004. Cela le rapproche du Massif Central, et il prend la direction du CEN Auvergne en septembre 2004, poste qu’il occupe toujours aujourd’hui.

Sous sa direction, la structure prend de l’ampleur jusqu’à compter 400 adhérents – dont 30 personnes morales – et 40 salariés. Elle gère désormais 212 sites pour 1535 hectares protégés. Enfin, Pierre a supervisé le déménagement du siège de l’association à Mozac, à l’ouest de Riom, en 2021.

Contacter Pierre par email : pierre.mossant [chez] cen-auvergne.fr

Crédit photo : Pierre Mossant (DR)

La structure : Conservatoire d’Espaces Naturels Auvergne

Association dédiée aux actions de protection et de restauration des écosystèmes naturels locaux


Le CEN Auvergne est une association fondée en 1989. Elle compte en 2022 400 adhérents, 40 collaborateurs et de nombreux bénévoles, répartis à travers plusieurs antennes sur le Puy-de-Dôme, le Cantal et la Haute-Loire (l’Allier ayant son propre CEN départemental). Son siège est à Mozac, près de Riom.

Historiquement, le CEN était consacré à l’achat de terres agricoles en vue de sauvegarder divers écosystèmes naturels qui s’y trouvaient : zones humides (tourbières, marécages …), eaux courantes (rivières), forêts, zones sèches … c’est pourquoi son budget est public à 90%.

Aujourd’hui, au-delà de l’achat de sites à préserver, le CEN accompagne les politiques publiques dans une logique de préservation de la biodiversité, par ses compétences à la fois techniques (ingénieurs écologues) et de montage de projet (recherche de financement). Enfin, il déploie plusieurs dispositifs de sensibilisation auprès du grand public comme des réseaux de professionnels.

Le CEN Auvergne fonctionne en réseau avec 5 autres CEN sur la grande région Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi qu’avec les 22 CEN nationaux. Son but est toujours de travailler avec les acteurs locaux, et de mettre en place des activités socio-économiques compatibles avec la préservation à long terme de l’environnement.

Voir le site web du CEN Auvergne


Information sur notre prochain événement

« Quelles dynamiques pour la biodiversité sur notre territoire ? » C’est la question d’ensemble qu’a abordée Pierre Mossant, directeur du CEN [Conservatoire d’Espaces Naturels] Auvergne, le 6 mai dernier lors de la TEDxClermont Conversation*. Le terme de « dynamiques » n’est pas anodin : au-delà de l’évolution inquiétante de la biodiversité, il met en question le principe de « conservation » – plutôt statique – qui reste majoritaire dans les politiques actuelles.

Peut-on ainsi envisager une autre logique, moins figée, plus en interaction avec les besoins sociaux et économiques de l’humanité ? Surtout, comment cela peut-il nous aider à définir et appliquer rapidement des solutions efficaces pour restaurer la biodiversité perdue ?

*Ce rendez-vous mensuel – qui fait suite aux Rencontres de la Résilience – a eu lieu à la Goguette. Il sera prochainement disponible en podcast audio. Prochaine Conversation le vendredi 8 juillet à 12h sur la biodiversité des pollinisateurs et la faune du sol.

C’est l’homme qui dépend de la nature, pas l’inverse

On parle de plus en plus d’effondrement de la biodiversité. Or, « non, la biodiversité n’est pas menacée au point de disparaître », insiste Pierre. Dans le sens où la nature est très résiliente, puisqu’elle s’est remise de crises cataclysmiques au cours de l’histoire de la Terre, et qu’elle nous survivra toujours.

Non, la biodiversité n’est pas menacée au point de disparaître.

Néanmoins, les spécialistes observent des impacts de plus en plus nombreux, et les chiffres sont vertigineux – dans le monde, 68% des vertébrés sauvages disparus depuis 1970, 75% des écosystèmes dégradés en 2021 … Mais, selon Pierre, « en France, une politique de préservation de la biodiversité a été mise en place il y a longtemps, et notre climat tempéré nous est favorable.« . Cela expliquerait des pertes sans doute un peu moins rapides dans notre pays, en tous cas moins visibles par le grand public. A confirmer toutefois avec des études précises qui restent à généraliser.

Lire l’entretien : “En Auvergne, la biodiversité est en régression significative”, analyse Christian Amblard

Mais Pierre nous avertit sur le plus grand risque de la perte de biodiversité : « c’est l’humanité qui en dépend fortement, par l’agriculture, le cycle de l’eau, le cadre de vie… donc c’est elle qui sera directement impactée. » Nous sommes bien en première ligne de la très rapide dégradation de notre environnement.

Biodiversité et changement climatique

Cette dégradation est souvent évoquée à travers le prisme du « changement climatique » : gaz à effet de serre, « transition énergétique »… or, ces notions font peu de place à l’enjeu de la biodiversité. « Peut-être parce qu’on constate facilement les aléas [du climat]– comme les sécheresses » estime Pierre. « Et qu’un indicateur « intégrateur » – la concentration de CO2 dans l’atmosphère – a fait florès. »

Quelques déchets récupérés dans la forêt en contrebas de Ceyrat, lors d’une « cleanwalk » organisée par l’association Clermont Zéro Plastique. Certains y étaient semi-enterrés depuis des années … on peut imaginer l’impact de leur lente dégradation sur l’habitat naturel. / Crédit photo : Damien Caillard, Tikographie

Pour autant, il est certain que le changement, ou plutôt le dérèglement, climatique est intrinsèquement liée à l’état de la biodiversité. « Ce sont deux faces d’une même pièce. » résume Pierre. « Avec la dégradation de la biodiversité, les milieux naturels fonctionnent moins bien et régulent moins le climat. ». Et, en retour, les habitats sont directement impactés par le dérèglement climatique, qui entraîne sécheresses, canicules, fonte des glaces, inondations …

Les milieux naturels non humanisés n’existent plus sur Terre.

On arrive ici sur la notion d’habitat, ou d’écosystème – mais au pluriel : on peut en effet résumer les types d’habitats sur Terre à une petite dizaine, à ne pas confondre toutefois avec les zones climatiques. Tous sont « anthropisés » – impactés par l’homme – à un degré divers. « La nature qui nous environne est complètement humanisée, depuis les premiers défrichages de nos ancêtres gaulois. » insiste Pierre. « Les milieux naturels non humanisés n’existent plus sur Terre, d’autant plus que les circulations atmosphériques diffusent des produits, comme les aérosols, partout. »

La diversité des principaux habitats terrestres et leurs interactions conditionne la biodiversité. A noter que, si tous les habitats sont impactés par l’homme d’une manière plus ou moins directe, des habitats très « anthropisés » existent, en ville et sur les terres agricoles / Crédit visuel: Olivier Debuf, OFB (DR)

Les zones humides plus menacées dans notre département

Qu’en est-il dans le Puy-de-Dôme ? Pierre concentre son attention sur le cycle de l’eau, dont la régularité est sérieusement menacée par l’atteinte aux habitats naturels. « On constate une dégradation sur tous les milieux aquatiques, des cours d’eau des montagnes, par les zones humides, jusqu’à l’Allier dans notre cas. (…) Les plus impactés sont les « petites zones humides », tourbières, petits cours d’eau … qui s’assèchent alors que cela n’avait jamais été vu. », observe-t-il.

Lire l’entretien : Pour Lucie le Corguillé, “les zones humides ont un rôle capital dans le cycle de l’eau”

Mais cette évolution peut nous aider à nous adapter au monde de demain. Ainsi des « côteaux secs », au bord de plateaux clermontois comme Chanturgue ou Gergovie : ils présentent un peuplement par des espèces végétales méditerranéennes et des orchidées. « C’était des lieux de pâturage, abandonnés pour la plupart, qui ont un intérêt particulier : ils seront la source de la végétation de demain. » estime Pierre. En effet, le climat de Clermont a tendance à évoluer vers celui de Montpellier. « Ces côteaux secs faciliteront, demain, l’adaptation de la végétation. » conclut-il.

Il faut renforcer les services écosystémiques

Notre société, notre économie, notre « confort de vie » dépend donc largement de l’état de la biodiversité et du climat. Plus précisément, insiste Pierre, des « services écosystémiques » rendus par les habitats naturels et la vie qu’ils comportent : apports du sol dans la production agricole, adoucissement du climat par la forêt, dépollution de l’eau par les plantes … toutes ces fonctions sont assurées par la nature, et, s’il est difficile de les évaluer, elles sont clairement indispensables à notre bien-être global.

Il y a un enjeu majeur à préserver les zones humides qui sont encore en place, et à restaurer celles qui ont été dégradées.

Ainsi avec les services rendus au monde agricole. « Le modèle agricole encore dominant considérait qu’on pouvait être indépendant du sol, avec les engrais et diverses techniques. », résume Pierre. Or, « beaucoup [d’agriculteurs] se sont rendu compte que les seuls endroits où le fourrage persistait, c’était dans les zones humides. De même, l’explosion du prix des engrais à cause de la guerre en Ukraine a fait prendre conscience de l’intérêt d’utiliser au mieux les ressources naturelles du territoire, [donc de préserver] les milieux pour valoriser les services écosystémiques. »

Le directeur du CEN Auvergne insiste encore une fois sur la disruption du cycle de l’eau dans notre région, et sur le rôle capital des zones humides en tant qu’habitats. « Il y a un enjeu majeur à préserver celles qui sont encore en place, et à restaurer celles qui ont été dégradées. », insiste-t-il. « Les services écosystémiques rendus par les zones humides sont indispensables pour notre cycle de l’eau. »

La zone humide, interface complexe entre l’eau, l’air et le sol, est un type d’espace naturel jouant un rôle tampon capital dans le cycle de l’eau / Crédit photo : Refrain (Wikimedia Commons, CC BY SA 3.0)

Agir ou ne pas agir ?

Comment maintenir, ou rétablir, ces services écosystémiques ? D’une manière générale, Pierre recommande de « laisser [la nature] en paix. N’oublions pas que la vie s’est toujours adaptée, depuis des milliards d’années. Dans une forêt équilibrée, les interactions entre les espèces sont nombreuses et la résilience est forte. » Et donc de ne pas se lancer dans une simple « compensation carbone » – en plantant un arbre pour racheter son kilomètre en avion, par exemple – sans bien réfléchir et évaluer les différents impacts.

Nos choix de consommation détermineront énormément de choses.

Hélas, la vitesse du dérèglement climatique et de la perte de biodiversité ne laissent pas assez de temps à la nature pour s’auto-réguler, du moins sans conséquence majeure sur les services écosystémiques. Selon Pierre, « dans des écosystèmes perturbés, notre intervention est nécessaire pour les restaurer. » Seule la diversité de la vie, par le nombre d’espèces dans un habitat, par les « populations », et par la variété génétique au sein d’une même espèce, est un gage de résilience des écosystèmes. Pierre cite notamment les monocultures d’épicéas dans les Vosges, très impactées dès qu’un insecte ravageur y prolifère.

Lire l’entretien avec Charles-Etienne Dupont : “travailler la forêt, injecter de la naturalité”

Ce n’est pas tout : la restauration est capitale mais non suffisante. « Il nous faut prélever pour nos besoins humains, mais de manière biosourcée, renouvelable et durable. » avertit Pierre. Egalement, diminuer notre pression générale sur les écosystèmes, en faisant les bons choix : « On a tous notre bulletin de vote et notre carte bancaire. » conclut-il sur ce point. « Nos choix de consommation détermineront énormément de choses. Lisons les étiquettes de ce que nous achetons, prenons en compte la chaîne de valeur, et nous améliorerons notre impact. »

Estimation des principales pertes en biodiversité en France. N’oublions pas que la France s’en sort plutôt mieux que la plupart des pays du globe où les politiques de préservation sont plus récentes ou moins contraignantes / Crédit visuel : UICN (DR)

Vers des « solutions fondées sur la nature »

C’est le pari de l’UICN [Union Internationale pour la Conservation de la Nature], la principale organisation mondiale de concertation sur la biodiversité, qui a organisé son sommet à Marseille en septembre dernier. Pierre est fondamentalement en accord avec cette approche qu’il résume ainsi : « Face aux défis sociétaux, il faut nous appuyer au maximum sur les écosystèmes naturels, en les préservant et en les restaurant. »

Il faut nous appuyer au maximum sur les écosystèmes naturels, en les préservant et en les restaurant.

Par exemple pour le dérèglement du cycle de l’eau – pluies plus intenses et concentrées, périodes de sécheresse, faible recharge hivernale, ruissellement… Alors, pour Pierre : « au-delà des nécessaires économies et adaptations de nos usages de l’eau, deux solutions sont possibles : une approche technologique (barrages, bassines), et une approche naturelle (restauration de zones humides, de cours d’eau). Cette dernière est bien moins chère, et apportera le plus de services. Faisons déjà cela, et ça ne nous empêche pas de compléter – si besoin – par des bassines ou des réservoirs. »

Lire l’entretien : Regeneration veut “pré-financer la transition agro-écologique de millions d’hectares”

Pour une politique de biodiversité plus dynamique

Enfin, le directeur du CEN Auvergne nous encourage à changer d’approche quant à la politique de conservation de la nature. Déjà en prenant en compte l’ensemble du vivant, et pas que les espèces emblématiques et « médiatiques ». « On a fait le plus facile en préservation de la biodiversité, [en traitant] les cas les plus « spectaculaires ». » résume-t-il. « Par exemple pour (…) la loutre, le faucon pèlerin, autrefois menacés, et aujourd’hui en croissance. Mais il y a du « vivant diffus », moins visible, qu’on doit absolument préserver » car il est souvent à la base des services écosystémiques. Ainsi des insectes pollinisateurs ou des vers de terre pour l’agriculture.

Un vautour fauve dans le Sancy. Au XIXème siècle, on trouvait encore des aigles royaux en Auvergne. Mais ces espèces emblématiques ne doivent pas masquer l’importance capitale du « vivant diffus » selon Pierre Mossant. / Crédit photo : Christian Amblard (DR)

Plus largement, Pierre nous invite à questionner l’approche patrimoniale de la politique de conservation de la biodiversité, pour évoluer vers « une logique plus dynamique. » résume-t-il. « En adoptant une vision holistique, systémique. On peut par exemple se baser sur certaines espèces qui sont des indicateurs de qualité de la biodiversité, selon les habitats. Et ne pas forcément se focaliser sur les espèces à protéger, qui ne sont pas toujours les plus importantes dans un écosystème donné. »

Il y a du « vivant diffus », moins visible, qu’on doit absolument préserver.

C’est donc une approche de « maintien, de recherche constante, d’un équilibre sur le long terme » que promeut Pierre et, à travers lui, le CEN Auvergne. Ce qui n’empêche pas de développer des îlots de biodiversité préservés d’intervention humaine. « Le CEN Auvergne achète ce genre de parcelles et les met en non-exploitation. » précise-t-il. « En tant que « petits réservoirs de biodiversité », ils favoriseront cette dernière, de par leurs interactions avec les autres milieux. »

L’IPBES [Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services] a identifié quatre principaux facteurs anthropiques impactant la biodiversité. Parmi ceux-là, la destruction des milieux naturels est la plus prégnante / Crédit visuel : TEDxClermont

Cette approche dynamique, systémique, inclut donc l’ensemble des paramètres : composantes de biodiversité, habitats, interactions entre ces derniers, mais aussi services écosystémiques et activités humaines, y compris par une approche « paysagère ». Toutes les parties prenantes des territoires sont concernées, des acteurs publics aux entreprises en passant par la société civile et les habitants. Le CEN Auvergne accompagne, à ce titre, les collectivités locales dans leurs politiques de renforcement de la biodiversité. Pierre est optimiste sur la prise de conscience, mais fait le constat suivant : « Le problème est plutôt l’accompagnement technique des collectivités – plus que le financement. Les gens veulent agir, mais ne savent pas toujours comment. »

Conclusion : quel rapport de l’homme au vivant ?

C’est le mot de la fin du TEDxClermont Conversation qui abordait ces « dynamiques de biodiversité ». Nous parlons beaucoup d’environnement, ou même de « nature » … par opposition, ou en complément, de l’humanité. Cela en dit long sur notre rapport au « vivant ». Pierre la résume ainsi : « nous avons une vision très occidentale de la nature. Philippe Descola avait montré, par exemple, que pour les Indiens d’Amazonie, cela n’a pas de sens : ils font partie de la nature !« 

Et de conclure sur la notion d’urgence vitale, qui caractérise la crise actuelle de la biodiversité : « On va dans le bon sens, mais sera-t-on assez rapide ? Ce qui se joue, c’est notre confort, et surtout celui des deux générations qui viennent.« 

Participez à la prochaine TEDxClermont Conversation sur la biodiversité et l’agriculture dans le Puy-de-Dôme
le vendredi 8 juillet à 12h au Musée Lecoq (inscription gratuite via ce lien)
Information sur notre prochain événement

Texte réalisé le 10 juin 2022 sur la base de l’enregistrement du 6 mai (TEDxClermont Conversation), et de propos synthétisés de Pierre Mossant. Visuels au format « diapositive » provenant de la TEDxClermont Conversation. Crédit photo de Une : Hugues Mitton (DR)