L’économie d’impact, ça fait mal ?

Tentative de définition de l’économie d’impact … entre risque de greenwashing et complexité de l’évaluation

On parle beaucoup de cette notion d’économie d’impact pour décrire la sphère des entreprises et des acteurs institutionnels ou territoriaux qui oeuvrent à « améliorer leur impact sur l’environnement ». La transformation du site Michelin de Cataroux, par exemple, sera en partie dédiée à cette économie d’impact.

Si j’ai commencé cette chronique avec un pauvre jeu de mots, c’est pour poser la question de la définition de l’impact. Car, un peu comme « résilience » ou « transition », « impact » fait partie de ces notions à la mode qui ont du sens mais sans que ce dernier soit bien clair. Essayons d’affiner cela.

Impact et choc

L’impact, ça fait mal car c’est d’abord lié à un choc, une collision. L’impact d’une voiture dans un accident, d’un obus sur un champ de bataille, etc. Un tel impact est rarement positif : il ébranle, il fragilise, voire il détruit. Ca, c’est pour le sens littéral.

Au sens figuré, l’impact représente l’effet produit : impact d’un argument, d’une démonstration, d’une campagne publicitaire … et d’une activité économique. Donc.

Mais ce qui m’intéresse ici, c’est que les promoteurs de l’économie d’impact privilégient le sens figuré en minimisant le sens littéral. Si on développe ce dernier, cela revient à souligner le potentiel destructeur de l’activité économique sur l’environnement.

L’impact peut-il être positif ?

Alors là, stop : non, je ne veux pas clouer au pilori toutes les entreprises, je fais exprès d’être un peu provoc’ pour pousser l’argumentation. Mais, à la base, quand une entreprise veut « améliorer son impact », ou avoir un « impact positif », finalement elle évoque une antithèse : littéralement, un impact ne peut pas être positif.

Et, si vous suivez la thèse de Jean-Marc Jancovici (entre autres), l’économie moderne soit basée sur les préceptes de Jean-Baptiste Say (économiste français, 1767-1832) qui énonçait que les ressources naturelles étant présentes gratuitement dans l’environnement, elles ne pouvaient être prises en compte dans les calculs économiques.

Donc, une entreprise qui suit ces préceptes, encore largement majoritaires, ne peut qu’avoir un impact négatif – destructeur – sur l’environnement.

Possible … mais complexe

MAIS les entreprises cherchent justement à améliorer cet impact ! Autrement dit, soit à compenser un impact négatif (voire à restaurer ce qui a été détruit), soit à réduire cet impact négatif pour le rendre … positif.

Est-ce possible ? Une entreprise, ou même un acteur social, peut-il avoir un impact uniquement positif sur l’environnement ? A priori, non. Nous avons tous plusieurs impacts, plusieurs externalités, tantôt positives, tantôt négatives, selon notre comportement et nos choix. Nous pouvons faire en sorte de rendre notre impact globalement positif, mais c’est en faisant une addition globale mêlant des chiffres « moins » et des chiffres « plus », la somme étant au-dessus de zéro.

Ainsi, une entreprise qui se contente de planter des arbres pour compenser l’impact négatif d’une activité fortement carbonée (comme l’aviation par exemple), est-elle d’emblée dans l’économie d’impact ? Je vous laisse en juger, mais je dirais que c’est un sujet plus complexe que ça, et qui se prête bien au greenwashing. Donc, prudence.

Les indicateurs de l’impact

Je terminerai ce petit travail de définition qui vaut ce qu’il vaut par cette notion mathématique, des moins et des plus. Si l’impact est une notion plurielle, le résultat d’une addition plutôt longue, il faut en connaître les différents termes. C’est là que les indicateurs – économiques, environnementaux – interviennent. Nous avons déjà des méthodes intéressantes pour l’impact « carbone », les émissions de gaz à effet de serre. Nous pourrions intégrer les volumes d’eau consommés, la quantité d’énergie, etc. Mais ce sera plus dur pour la pollution diffuse comme les micro-plastiques, ou l’impact sur la biodiversité par exemple.

Sans compter l’abominable complexité de l’impact de nos achats (en amont sur la chaîne de valeur : comment se comportent les fournisseurs ?) et l’impact de nos clients. L’équation de l’économie d’impact a l’air au moins aussi compliquée à générer que celle du sens de la vie.

Damien

Image : Roger McLassus sur Wikimedia Commons (CC BY CA 3.0)