Une “sécurité sociale alimentaire” à la Doume

Par

Damien Caillard

Le

Abonder à la monnaie locale participative de manière mensuelle pour permettre une redistribution équitable : c’est le projet porté par Quentin Dabouis et qu’il espère voir aboutir.

Retour sur quatre acteurs locaux engagés, point sur Tikographie, sortie du recueil “l’année tiko 2024”, message de notre ennemi juré, buffet végé…

Tout cela à la Soirée Tiko 2024, jeudi 5 décembre à 18h à la Baie des Singes ! On s’y retrouve ?

Acte I : la Doume, si vous ne la connaissez pas encore, est la monnaie locale du Puy-de-Dôme. Concrètement, vous pouvez changer vos euros en Doumes et les dépenser dans des commerces adhérents au réseau – et liés par une charte de valeurs (respect de l’environnement, économie de proximité, etc)

Comme toute monnaie locale, la Doume ne peut donc être dépensée que sur son propre territoire d’émission. Avec la charte de valeurs, c’est donc un bon moyen d’orienter la consommation au quotidien (vêtements, nourriture, services …) dans un sens vertueux.

Vers une Doume redistribuée ?

Acte II : Quentin Dabouis, membre du collectif de coordination d’Alternatiba, travaille depuis plus d’un an sur un projet hérité des idées de Bernard Friot, sociologue engagé. L’idée peut se résumer par le principe de sécurité sociale alimentaire. Soit, en deux minutes :

Quentin retient alors le principe de redistribution à travers un support dédié, et l’applique du macro au micro via la Doume. C’est en tous cas l’idée qu’il a proposé en février 2020 à l’association ADML63 qui porte notre monnaie locale.

Selon lui, “Chaque personne cotise chaque mois un montant fixe, ou proportionnel à ses revenus. Puis, elle reçoit un montant, en monnaie locale, correspondant – aux frais de fonctionnement près – à la moyenne des cotisations collectées.”.

Geneviève Binet, du collectif de la Doume, abonde : “On a trouvé les travaux de Bernard Friot très intéressants, même si c’était à grande échelle pour un pays.” précise-t-elle. “Comme les signaux ne sont pas évidents en ce moment, on se proposait d’expérimenter ça à notre niveau.”

Lire l’entretien avec Quentin Dabouis : “On aimerait que les décisions soient évaluées par le prisme écologique”

C’est donc une forme de redistribution, mais permettant la conversion d’euros en Doumes, ce qui “force” la consommation à s’orienter vers du local, de l’éthique et du durable. Autre avantage souligné par Quentin : “Cela permet de mettre en place un système de cotisation mensuelle, par prélèvement, et donc d’augmenter la quantité de Doumes en circulation.”

Sondage en cours, projet à lancer

La Doume présenterait, selon Quentin, plusieurs avantages. Déjà, le projet est bien lancé sur le département, et comptabilise 350 commerces partenaires, 15 groupes locaux, 58 comptoirs d’échange euros-doumes et près de 1000 utilisateurs (dont je fais partie 🙂

La masse critique de la Doume permettrait donc à cette sécurité sociale alimentaire d’avoir plusieurs externalités positives. Par exemple, “cela pourrait augmenter les échanges autour des produits bio” pour Geneviève. “Les producteurs auraient ainsi plus de débouchés, et on pourrait y consacrer davantage de terres.”

En outre, histoire d’aller dans du technique, l’association ADML63 – qui porte donc la Doume – bénéficie d’un conventionnement avec Clermont Métropole entre autres. “Ce programme de ‘bonus social’ est basé sur plusieurs subventions de collectivités du département” résume Geneviève. “La Métro en finance une partie, et les personnes à faible revenu bénéficient d’un taux de conversion plus favorable” poursuit Quentin.

Un comptoir d’échange d’euros en doumes, lors du dernier Camp Climat à Sauxillanges en août 2020. Les billets sont très chouettes / Crédit photo : éditeur

Le projet coche donc toutes les cases pour bien fonctionner … sauf qu’il en est encore à ses débuts : Quentin a lancé un sondage auprès des utilisateurs et partisans de la Doume pour recueillir leur avis, notamment sur les barèmes de conversion. Tout est donc dépendant du portage par l’association-mère, et de l’énergie que ses bénévoles pourront y consacrer (une question récurrente dans le monde associatif).

Peut-être que des projets similaires déjà portés en interne à l’ADML63, par la Métropole ou par la Confédération Paysanne pourraient se regrouper et atteindre une masse critique suffisante pour passer les premières étapes. En attendant, si vous voulez donner votre avis sur le projet de Quentin, c’est par ici.


Ce qui m’a plu chez Friot, c’est l’approche macro pour contourner la grande distribution.” conclut Quentin. “Tu te dotes d’outils redistributifs, pour que ceux qui ont des bas revenus puissent accéder à des consommations dites responsables.”

Les meilleures pratiques alimentaires, ça faisait partie des buts qu’on avait.” selon Geneviève. “D’emblée, on voulait que ça soit à la portée de tous, et on l’a inscrit dans notre charte. Tout ce qui peut entraîner un changement d’habitude, en passant par une incitation pécuniaire, est donc une bonne chose.”

Pour aller plus loin :
le site de la Doume (pour adhérer, échanger, dépenser …)
le sondage en ligne de Quentin
et vous reprendrez bien un peu de Bernard Friot ?
Pour contacter Quentin par mail : quentin.dabouis@gmail.com

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