Et si l’eau venait à manquer à nos robinets ?

S’il y a un risque majeur lié au changement climatique qui frappe aux portes de la métropole clermontoise, c’est bien celui de l’eau. Et il n’attendra peut-être pas 2050 pour frapper. Les Rencontres Tikographie, dans le cadre du cycle « Clermont sous 50°C », ont abordé la question de l’approvisionnement en eau potable.

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AU SOMMAIRE

Les intervenants

Autour de la table (cliquer sur le bandeau noir)

La synthèse écrite

Grandes lignes (cliquer sur le bandeau noir)

Tensions et leviers de l’amont à l’aval

Un auditoire debout, faute de sièges en nombre suffisant, et même assis par terre dans le patio de la librairie des Volcans… Pour une période de vacances, c’était bien inédit pour nos rencontres. Signe que l’enjeu de l’approvisionnement en eau commence à être bien sensible dans la métropole clermontoise. Comme le disait Laurent Alquier, un des intervenants, approuvé en cela par les deux autres, « les politiques et la société se réveillent, alors que les spécialistes ont l’impression d’alerter depuis longtemps ».

« Les spécialistes ont l’impression d’alerter depuis longtemps. »

Laurent Alquier, Suez

Même si les deux heures de débat ont paru trop courtes et ont obligé parfois à passer un peu vite sur certaines notions, la rencontre sur « le petit cycle de l’eau » a tenté de balayer tout le cycle en question, d’amont en aval, en posant les enjeux et les défis à chaque étape, les leviers et les solutions sur lesquelles travaillent les très nombreuses instances qui en ont la charge.

Ralentir le cycle

Car sur ce thème, l’horizon à 2050, à 50°C, à saisons estivales très sèches et répétées est déjà tangible. Alors que le débit de l’Allier à Vic-le-Comte ne descend pas aujourd’hui (en principe) au-dessous de 10 m3/s grâce au soutien du barrage de Naussac, Muriel Burguière explique que la Métropole « a fait travailler un doctorant sur la question de ‘que faire si l’Allier baissait à moins de 2 m3/s ?’ et modéliser le champ captant de Cournon », où l’eau potable de 60% des habitants de Clermont et ses environs est puisée. La directrice du cycle de l’eau précise que dans ses conclusions « la thèse est plutôt rassurante ».

Muriel Burguière, directrice du cycle de l'eau à la Métropole
Muriel Burguière a détaillé les travaux et études de la Métropole pour anticiper des baisses de débit de l’Allier, dont la nappe alluviale approvisionne 60% des Clermontois.

Cependant il faut aussi tenir compte des 40% alimentés par la nappe souterraine de la chaîne des Puys, « en baisse globale des ressources – légère mais continue », mais aussi du partage des usages de l’eau, dont il a beaucoup été question. Et encore de l’hypothèse, soulevée par une personne du public, d’un passage au-dessous du seuil de 2 m3/s.

Difficile d’aborder dans une synthèse tous les points discutés. On retiendra que de nombreux leviers existent à chaque étape du cycle.

« On vise à ralentir le cycle de l’eau, à l’inverse de ce qui a été fait auparavant. »

Cyril Bessey, Agence de l’Eau Loire Bretagne

Dès l’amont, la rétention de l’eau sur le territoire a une grande marge d’amélioration, par la restauration des zones humides, le reméandrage, la désimperméabilisation… « On vise à ralentir le cycle de l’eau, à l’inverse de ce qui a été fait auparavant », indique Cyril Bessey. Ensuite, au niveau des captages, la modernisation des prélèvements et de la potabilisation a été évoquée par Muriel Burguière, y compris sur la qualité des eaux, apparemment pas trop inquiétante grâce au procédé d’ultrafiltration utilisé dans les dispositifs de potabilisation de l’eau puisée.

Lire aussi le reportage : « Vu du barrage #2/2 : Naussac face aux défis du changement climatique »

Réseau en fuites

Les réseaux d’adduction, à l’étape suivante, constituent « un gros axe de développement », reconnaît la directrice du Cycle de l’eau, d’autant plus que la Métropole n’a reçu la compétence eau qu’en 2017, et encore sur dix communes seulement.

Surtout, les canalisations sont plus ou moins vétustes, certaines datant des années 1920, ce qui se traduit par un rendement de 82%, « donc 18% d’eau perdue ». On apprendra que le réseau représente 1000 kilomètres pour desservir les 46 000 abonnés de ces dix communes. « C’est énorme », souligne Laurent Alquier, en soulignant que les fuites peuvent avoir des causes multiples.

Laurent Alquier, chef d'agence Suez
« L’eau est un bien peu cher et a été jusque-là en abondance, donc le rendement du réseau n’était pas un problème. Mais il le devient », souligne Laurent Alquier.

On devine alors les travaux titanesques nécessaires pour améliorer l’état de ce réseau. « Les enjeux de gain de rendement sont essentiels, mais coûteux », résume Muriel Burguière. Les travaux d’InspiRe, ajoute-t-elle, constituent « une grosse opportunité » d’avancer, mais pas suffisante pour autant. Laurent Alquier, pour sa part, détaille les innovations technologiques en cours, pour anticiper sur les fuites et « tendre vers 100% de rendement ».

Par les réseaux, l’eau finit par arriver chez les particuliers. Avec aussi des fuites possibles au-delà du compteur, là où elles sont de la responsabilité des abonnés. « On peut supposer qu’il y en a beaucoup », avance le représentant de Suez.

« Les enjeux de gain de rendement sont essentiels, mais coûteux. »

Muriel Burguière, Clermont Auvergne Métropole

Bien sûr, la sobriété des usages est également primordiale. Les intervenants insistent là-dessus et constatent des changements de comportement. Campagnes de communication, arrêtés sécheresse… « La sensibilisation fonctionne », soulignent-ils.

La sobriété des usages doit s’accélérer aussi pour les utilisations professionnelles, qu’elles soient industrielles ou agricoles. Dans ces domaines, on avance aussi sur les solutions techniques, usages plus rationnels, changements de process, que les trois intervenants ont détaillés.

Muriel Burguière, Cyril Bessey et Laurent Alquier
De gauche à droite : Muriel Burguière, Cyril Bessey et Laurent Alquier, durant la rencontre à la librairie des Volcans.

Le prix à payer

Mais d’autres leviers existent du côté des consommateurs, à commencer par celui du prix de l’eau, délicate question. Cyril Bessey le rappelle à plusieurs reprises : « Le service [de distribution de l’eau potable] n’est pas à son juste prix » ; il ajoute même au passage que nous payons beaucoup plus cher, sans broncher, d’autres services moins indispensables.

« A nous d’inventer de nouveaux modèles. »

Laurent Alquier, Suez

L’équation est en effet délicate, car plus les gens prennent conscience de la nécessité d’économiser l’eau, moins ils en consomment. Les services de gestion de l’eau encaissent donc de moins en moins de contributions alors que les efforts doivent redoubler pour entretenir et améliorer la distribution dans un contexte climatique de plus en plus difficile… ce qui coûte de plus en plus cher. « Le modèle ‘l’eau paie l’eau’ va être révolu ; à nous d’inventer de nouveaux modèles », avertit Laurent Asquier.

Des solutions s’inventent effectivement, mais soulèvent d’autres difficultés. Exemple : à Clermont, la tarification progressive a été écartée du fait des immeubles collectifs avec un compteur unique pour plusieurs dizaines ou centaines de foyers, explique Muriel Burguière en l’illustrant par les tours Galaxie, desservies seulement par quatre compteurs.

Quelle ligne de partage de l’eau ?

Évidemment, au cœur d’un département où montent les polémiques sur les projets de retenues agricoles à Billom et sur les prélèvements de Volvic, la question du partage équitable des usages a été abordé. Retenons juste pour cette synthèse un propos de Cyril Bessey : « Le risque de conflits liés à l’eau est déjà présent (…) et le partage ne peut être que collectif, avec tous les usagers. » Partage, donc, entre les habitants, l’agriculture, l’industrie – ce qui n’est déjà pas rien ! – mais sans oublier les besoins des milieux naturels, ni la solidarité entre l’amont et l’aval du grand bassin versant, souligne-t-il : « il faut qu’il y ait de l’eau à Nantes. »

Lire aussi l’entretien : « Il y aura moins d’eau, et on sera forcé de s’y adapter », prévient Cyril Bessey »
Cyril Bessey
« La question du prix de l’eau est primordiale », insiste Cyril Bessey.

La dernière brique est la restitution de l’eau au milieu naturel, donc autant que possible passant par un assainissement efficace – on a eu quelques éclairages sur les bassins d’orage ou sur la station des Trois Rivières – et par une éventuelle réutilisation des eaux usées, telle que la pratiquent les agriculteurs de l’ASA Limagne Noire, pionniers en la matière, qui puisent dans les lagunes de la station d’épuration de la Métropole pour l’irrigation des cultures.

« Le risque de conflits liés à l’eau est déjà présent. »

Cyril Bessey, Agence de l’Eau Loire Bretagne

On le comprend, les défis sont complexes à relever, urgents, coûteux, avec des responsabilités multiples qu’il faut réunir autour des tables de décisions. On ne sort pas forcément de ce débat en sautant en l’air d’optimisme. Mais plutôt avec une petite musique en tête qui va nous faire encore un peu plus abréger nos passages sous la douche. Et pour les paroles, on retiendra cette phrase conclusive de Cyril Bessey : « on paie collectivement notre usage du territoire. »

Synthèse Marie-Pierre Demarty

Information sur notre prochain événement

Crédits photo de la Rencontre : Marie-Pierre Demarty ; animation : Damien Caillard ; technique : Patrick Derossis

Le podcast intégral

Vous pouvez accéder à un enregistrement « nettoyé » – pour une meilleure écoute – de la Rencontre ici :

Un public nombreux, attentif, inquiet pour assister au débat sur le cycle de l'eau
Un public nombreux, attentif, inquiet pour assister au débat sur le cycle de l’eau

Les vidéos diffusées

Interview introductive sur le contexte climatique à Clermont – Alexandre Letort (prévisionniste météo) et Vincent Cailliez (climatologue)

Interview sur la commission locale de l’eau – lucile mazeau (animatrice pour le SAGE allier aval)

Interview sur l’accompagnement des entreprises aux économies d’eau- baptiste marie-catherine (conseiller développement durable à la cci63)

Interview sur la situation de la rivière allier – julien saillard (responsable de pôle au cen auvergne)

Liens complémentaires

    Le cycle « Clermont sous 50 degrés »

    Cette série de Rencontres Tikographie (janvier à juin 2024 inclus) se focalise sur la question de l’adaptation de la métropole clermontoise et de ses acteurs – publics comme privés – aux conséquences du dérèglement climatique et notamment au fort risque d’étés caniculaires à répétition.

    A quoi faut-il s’attendre au niveau des bâtiments ? De l’approvisionnement en eau ? Des événements météo extrêmes ? Quelle stratégie adopter à ce moment, et surtout, que peut-on faire aujourd’hui pour s’y préparer ? Ces questions n’éludent pas le besoin d’atténuation en parallèle mais elles le complètent, le dérèglement climatique étant largement enclenché et inéluctable.

    Pour en savoir plus (thématiques, dates, modalités), cliquez ici pour accéder au dossier de presse.

    Crédits

    Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour leur accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres de la Résilience pour cette saison, et en particulier Boris, Philippe, Lénaïc, Olivier et Gaëlle.

    Merci à nos invités et à l’équipe de l’association Par Ici la Résilience qui porte et organise les Rencontres.

    Prochaine Rencontre de la Résilience le mercredi 21 février à 17h à la SCOP Librairie les Volcans
    sur la thématique : « Comment garantir et raisonner notre approvisionnement en eau »accès libre !
    >>> voir la page de présentation des Rencontres de la Résilience <<<

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