Au fil des années, la neige se fait plus rare sur nos montagnes. Certaines stations de sports d’hiver misent sur la neige artificielle pour sécuriser la saison. Mais avec quel impact ? La rencontre de la résilience de décembre a fait le point sur le sujet.
Les intitulés dans un rectangle noir sont des blocs déroulants : cliquez dessus pour accéder à leur contenu.
De même, cliquez sur chaque photo ou visuel pour l’afficher en grand format.
Au sommaire
- Les intervenants
- La synthèse écrite de la Rencontre
- L’enregistrement audio intégral
- Les crédits
Les intervenants
- Anne Marie Juliet : ancienne présidente de la commission nationale de la protection du milieu montagnard au sein de la Fédération Française des Clubs Alpins et de Montagne, membre de France Nature Environnement, adhérente à l’initiative Mountain Wilderness
- Pierre Rigaud : vétérinaire à Besse, bénévole ski de rando au sein du Club Alpin Français, membre de France Nature Environnement
La synthèse de la rencontre
La neige artificielle n’est pas très canon
Alors que les glaciers fondent presque à vue d’œil et que les montagnes – a fortiori nos moyennes montagnes – voient leur enneigement diminuer de façon spectaculaire à l’échelle d’une cinquantaine d’années, aussi bien en épaisseur qu’en durée annuelle d’enneigement, les stations de sport d’hiver cherchent des solutions pour éviter de fondre à leur tour.
La réponse de beaucoup d’entre elles est de prolonger la durée d’accueil sur leur domaine skiable grâce à la fabrication de neige artificielle. Par exemple à Super-Besse, qui s’est équipée de sept unités d’usine à neige toute température, ou au Lioran qui en a deux.
Pas de culture pour la neige
Une aubaine pour les passionnés de ski, sauf s’ils sont aussi, comme les deux invités de la Rencontre de la Résilience de ce mois de décembre, soucieux de préserver l’environnement montagnard.
Car les solutions techniques ne sont pas sans conséquences. Anne-Marie Juliet a d’abord expliqué de quoi il s’agit… ou ne s’agit pas : « parler de neige de culture est une hérésie : on ne cultive pas la neige, on la fabrique », martèle-t-elle avant de souligner les dérives de son usage : « elle est apparue en 1970, d’abord pour boucher les trous dans la période où elle commence à fondre. Petit à petit son usage s’est complètement transformé : on a anticipé l’enneigement pour ouvrir les stations un peu plus tôt. Aujourd’hui elle remplace la neige naturelle ; c’est un mode d’exploitation des stations. »
« Aujourd’hui elle remplace la neige naturelle ; c’est un mode d’exploitation des stations. »
Anne-Marie Juliet
Pierre Rigaud enchaîne en citant quelques chiffres ahurissants : que ce soit les 2 millions d’euros d’équipement à Super Besse, ou les quelque 25 millions de m3 d’eau utilisés annuellement en France à cette fin, soit l’équivalent de la consommation en eau d’une ville de la taille de Grenoble.
Dégâts en souterrain
On retiendra donc d’abord les effets néfastes de cette gourmandise en eau. Même si Super-Besse évite de puiser dans les torrents ou dans le réseau d’eau potable grâce au lac des Hermines, créé artificiellement sur une ancienne zone humide, le milieu naturel pâtit de cette pratique : « 30 à 40% de l’eau puisée s’évapore avec l’usage des canons à neige ; c’est une perte nette pour le bassin versant », souligne le vétérinaire Bessois, qui ajoute un autre effet : « la consommation d’eau se fait à une période où le milieu est en tension, quand il fait très froid ; ce qui fait qu’on accentue les irrégularités du débit des cours d’eau. »
« C’est une perte nette pour le bassin versant. »
Pierre Rigaud
Et encore faut-il regarder aussi ce qui se passe dans la fabrication de la neige : installation en sous-sol, avec opérations de pompage, conduites d’eau, d’air comprimé, câbles électriques. « Tout ça est enterré ; qui dit tranchées dit gros travaux de génie civil, et autant de drains qui vont assécher le terrain et affecter la végétation », décrit encore Pierre Rigaud.
Ajoutez à l’addition les dameuses qui tassent la neige déjà très dense quand elle est artificielle, ce qui empêche les infiltrations de l’eau, les pollutions du lac des Hermines dont l’eau souillée est remontée vers des étages censés être plus propres, ou l’usage d’énergie pour le pompage et le refroidissement de l’eau.
« Ces installations fonctionnent comme des pompes à chaleur. On pourrait récupérer cette chaleur mais en pratique c’est compliqué. A Super-Besse, deux canons à neige sont équipés pour chauffer la piscine, sauf qu’ils fonctionnent à une période où la piscine est fermée », ironise Anne-Marie Juliet.
Des pistes de… solution
Parmi les solutions pour continuer à s’adonner au ski, les intervenants en proposent de deux ordres.
Individuellement, le skieur pourra s’efforcer de réduire son empreinte environnementale, par exemple en évitant de renouveler régulièrement son équipement, en préférant le ski de randonnée ou en allant skier au Lioran, une des rares stations encore accessibles en train. Mais Pierre Rigaud souligne que de manière générale, les transports représentent la moitié de l’empreinte carbone des séjours au ski. Quant à la dépense des stations pour les remontées et la fabrication de neige artificielle, elle représente tout de même 5 à 10% du prix de votre forfait.
Anne-Marie Juliet souligne l’autre versant de l’action : celle qui relève des stations de ski elles-mêmes. « Dans certaines stations il y a une vraie prise de conscience et elles cherchent des solutions, en s’orientant vers un tourisme quatre saisons », dit-elle.
Elle compare les choix de Métabief, station du Jura qui a « pris des décisions radicales en votant la disparition de l’activité de ski à 2030 », et les orientations prises par Serre-Chevalier qui surveille l’épaisseur de la neige par drone et équipe ses dameuses de radars, pour mesurer au plus juste le besoin en neige artificielle. On devinera aisément sa préférence pour la première option.
Marie-Pierre
Crédits photo de la Rencontre : Marie-Pierre Demarty ; animation : Patrick Derossis ; technique : Damien Caillard
Le podcast intégral
Vous pouvez accéder à un enregistrement « nettoyé » – pour une meilleure écoute – de la Rencontre ici :
Crédits
Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour leur accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres de la Résilience pour cette saison, et en particulier Boris, Philippe, Lénaïc, Olivier et Gaëlle.
Merci à nos invités et à l’équipe de l’association Par Ici la Résilience qui porte et organise les Rencontres : Marie-Pierre, Patrick, Roxana
Prochaine Rencontre de la Résilience le mercredi 13 décembre à 17h à la SCOP Librairie les Volcans sur la thématique : « L’impact de la neige artificielle sur nos montagnes » – accès libre ! >>> voir la page de présentation des Rencontres de la Résilience <<< |
Tikographie est un média engagé localement, gratuit et sans publicité. Il est porté par l’association loi 1901 Par Ici la Résilience, dont l’objet social est à vocation d’intérêt général.
Pour continuer à vous proposer de l’information indépendante et de qualité sur les conséquences du dérèglement climatique, nous avons besoin de votre soutien : de l’adhésion à l’association à l’achat d’un recueil d’articles, il y a six moyens de participer à notre projet :
Envie de recevoir l’essentiel de Tikographie par mail ?
Vous pouvez vous inscrire gratuitement à notre newsletter en cliquant sur le bouton ci-dessous. Résumé des derniers articles publiés, événements à ne pas manquer, brèves exclusives (même pas publiées sur le site !) et aperçu des contenus à venir… la newsletter est une autre manière de lire Tikographie.