L’espace public clermontois sera-t-il prêt pour les canicules extrêmes ?

Îlots de chaleur à résorber, végétalisation, chasse au goudron… Les Rencontres Tikographie, dans le cadre du cycle « Clermont sous 50°C », ont exploré l’espace public. Et observé comment il se transforme pour affronter le changement climatique.

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AU SOMMAIRE

Les intervenants

Autour de la table (cliquer sur le bandeau noir)

La synthèse écrite

Grandes lignes (cliquer sur le bandeau noir)

La ville idéale et comment elle se construit

Un été de canicule en ville : il fait chaud nuit et jour depuis plus d’une semaine, avec des pointes à 50°C au plus fort de l’après-midi. Chez vous, c’est intenable. Quelles options avez-vous ? L’eau est rationnée : pas question de prendre dix douches fraîches par jour. Aller se balader en voiture avec la clim’ à fond : super, mais ça va ajouter à la chaleur ambiante et à la pollution. Aller au parc, sous les arbres ! Oui, mais pour y aller, vous devez traverser la fournaise ; c’est l’insolation assurée…

Voilà le scénario qui nous attend si on ne change rien à la ville en général et à Clermont en particulier. Mais Clermont change, plus ou moins rapidement, plus ou moins brutalement, avec des polémiques, des effets « waouh », des ajustements bien pensés mais plus discrets… C’est ce que les invités de cette rencontre se sont attachés à décrypter, plus précisément pour l’espace public où les collectivités ont le plus de prise pour adapter la ville.

Christel Griffoul, directrice adjointe de l'Agence d'urbanisme
« En été, on peut relever un écart de 8,5°C entre Aulnat et le centre-ville de Clermont », indique Christel Griffoul

Leur objectif premier : faire la chasse aux îlots de chaleur, la plaie des villes en été. « La ville se réchauffe plus vite que la campagne et en été, on peut relever un écart de 8,5°C entre Aulnat et le centre-ville de Clermont », indique d’emblée Christel Griffoul pour (ne pas) refroidir l’ambiance. Elle en énumère les raisons : sols minéralisés et asphaltés, revêtements sombres qui gardent la chaleur, voitures, climatisation de ces dernières ou des bâtiments, qui est, dira-t-elle plus tard dans le débat, « une mal-adaptation par définition ».

La conséquence, ce sont des risques sanitaires importants, car notre santé « dépend à 70% de l’environnement dans lequel nous vivons », dépeint encore la directrice adjointe de l’Agence d’urbanisme, organisme dont la cartographie de confort thermique de Clermont souligne aussi l’injustice sociale, avec des « canyons de chaleur » concentrés plutôt à l’est, dans les quartiers populaires.

« Ce n’est pas le nombre d’arbres qui est important, mais l’indice de canopée. »

Eric Desmazeau

Pour atténuer ce tableau, de nombreuses techniques s’additionnent et se complètent. La première étant la végétalisation. Eric Desmazeau, en spécialiste des arbres, avertit que la végétation peut aider de deux façons : l’ombre portée et la transpiration. Pour l’ombre, il relève que « ce n’est pas le nombre d’arbres qui est important, mais l’indice de canopée », autrement dit le volume de feuillage capable de produire de l’ombre. De ce point de vue, les arbres du boulevard qui ont subi un élagage sévère « ne sont pas efficaces ». De même, sur l’effet climatiseur de la transpiration : « un gazon ras va avoir les mêmes données que le béton ; plus l’herbe est haute, plus l’effet va être important », explique-t-il, précisant que c’est le changement d’état de l’eau qui, dans la transpiration, crée du froid.

Eric Desmazeau
Eric Desmazeau, coordinateur de la licence pro « Gestion des arbres » au lycée agricole de Marmilhat, a listé les bonnes pratiques pour optimiser l’apport des arbres en ville.

Prévoir donc des arbres plutôt du côté des façades au sud – quitte à placer les réseaux souterrains sur l’autre trottoir – végétaliser entre les arbres sur les boulevards, pratiquer la tonte différenciée dans les pelouses, laisser pénétrer l’eau dans la terre et diriger celle qui ruisselle vers les arbres… « Tout cela se travaille très en amont », dit-il.

Pas si facile, répondent Nicolas Bonnet et Romain Sarry. « Le sol est truffé de réseaux, avec chacun leurs contraintes », indique ce dernier. « Pendant longtemps on a considéré plus simple de minéraliser, parce que c’est plus facile d’entretien et parce qu’il y avait une grosse attente d’avoir des espaces verts propres. Il fallait aussi des places de stationnement », enchérit l’élu municipal. Mais celui-ci assure que les choses changent, au rythme où se refait l’espace public : « on ne va pas le faire du jour au lendemain, mais on le pense. »

« Des parcs plus naturels, avec des forêts, des mares… et où on va privilégier les petits espaces, plus intimes. »

Romain Sarry

Romain Sarry décrit la façon dont sont pensés les quartiers en mutation, notamment ceux de Saint-Jean et de Saint-Jacques dont il a la charge : « Nous créons des fosses plantées continues multi-strates, avec des herbacées, des arbustes et des arbres. » Pour ces derniers, la question se pose du choix des essences, au vu du microclimat clermontois et du changement climatique notamment. « On écoute les spécialistes ; on travaille avec l’Inrae à Saint-Jacques. On est aussi à l’écoute du personnel gestionnaire des espaces verts. On tâtonne », reconnaît-il.

Romain Sarry, chargé de l'aménagement de l'espace public dans les quartiers Saint-Jean et Saint-Jacques
Romain Sarry, chef de projet en charge de l’aménagement des quartiers Saint-Jean et Saint-Jacques, décrit une ville du futur « où on ne vit pas à cent à l’heure ».

On apprendra aussi que ces nouveaux quartiers sont conçus pour « maximiser la place des piétons », avec des trottoirs larges, et encore plus devant le lycée du quartier où les jeunes s’agglutinent à la sortie. Romain Sarry dessine « une ville où on ne vit pas à cent à l’heure » et où les parcs publics – encore un point important pour les périodes caniculaires – ressemblent à ce que les habitants demandent de plus en plus : « des parcs plus naturels, avec des forêts, des mares… et où on va privilégier les petits espaces, plus intimes », qui ont l’avantage de minimiser les piétinements qui tassent et détériorent les sols.

On pourra aussi y trouver des systèmes de brumisation, utilisant peu d’eau pour un bénéfice important : « c’est 10°C en moins par rapport à l’espace environnant, plus efficace qu’une fontaine, et cela utilise l’équivalent de la consommation annuelle de trois ménages ; je trouve que ce n’est pas de l’eau gaspillée », souligne Romain Sarry, qui décrit ces dispositifs associés à des pergolas et des jeux d’enfants.

« On a vraiment transformé notre gestion, en passant d’une logique de l’esthétique à une logique de résilience. »

Nicolas Bonnet

On se sent rafraîchi rien qu’à l’imaginer… mais ce n’est pas suffisant, insiste Christel Griffoul, qui prône de penser des « parcours fraîcheur », des trames arborées permettant de circuler en mobilité douce, même en plein cagnard, pour pouvoir atteindre ces refuges idylliques. Trames qui sont aussi des corridors de circulation pour la biodiversité, tout cela « à réfléchir en trame globale systémique, à l’échelle de la ville. »

On le comprend peu à peu, la ville future s’esquisse sur d’autres paradigmes. « La ville de demain, logiquement, c’est faire sauter une grosse partie de ce qui ne sert à rien en termes d’enrobé », suggère Eric Desmazeau. « On a vraiment transformé notre gestion, en passant d’une logique de l’esthétique à une logique de résilience », assure Nicolas Bonnet.

Nicolas Bonnet
« Au bilan, il y aura 3 000 arbres de plus », plaide Nicolas Bonnet, adjoint au maire, en réponse à ceux qui s’inquiètent de voir couper des arbres pour réaménager les voies de circulation.

Il cite la fin des plantes en bacs, la végétalisation des pieds d’immeubles. Il rassure sur les arbres supprimés pour la refonte en cours de l’espace public : « on imperméabilise uniquement le minimum nécessaire ; on va ensuite maximiser la place du végétal. Au bilan, il y aura 3 000 arbres de plus. » Même s’il reconnaît que le volume de la canopée générée mettra du temps à acquérir une efficacité.

Autres mutations : des parcs supplémentaires – dont celui, déjà existant, des Petites Sœurs des Pauvres, qui va être ouvert au public très bientôt, ou celui qui sera aménagé vers Fontgiève et servira aussi de déversoir d’orage à la Tiretaine, laquelle va dans ce secteur refaire surface.

« Il s’agit de changer de modèle de fabrique de la ville. »

Christel Griffoul

Ajoutez des cours d’écoles métamorphosées et ouvertes au public en période de vacances, des matériaux plus clairs, des mesures pour favoriser la préservation de l’eau dans les parcelles, des voiles ou filets d’ombrage dans les rues où l’arbre se fait rare…

« Il s’agit de changer de modèle de fabrique de la ville ; la ville doit devenir plus habitable et plus désirable », dit Christel Griffoul.

Le tout, autant que possible, en concertation avec les habitants. « Ça prend du temps. C’est aussi plus de travail pour les élus. C’est complexe », souligne Romain Sarry.

Reste à espérer que les « canicules extrêmes » évoquées par Christel Griffoul mettront au moins autant de temps à survenir.

Synthèse Marie-Pierre Demarty

Information sur notre prochain événement

Crédits photo de la Rencontre : Marie-Pierre Demarty ; animation : Damien Caillard ; technique : Patrick Derossis

Le podcast intégral

Vous pouvez accéder à un enregistrement « nettoyé » – pour une meilleure écoute – de la Rencontre ici :

Vue de la salle lors de la rencontre sur l'aménagement de l'espace public
A nouveau un patio de la librairie des Volcans très rempli pour écouter les intervenants de cette rencontre sur l’aménagement des espaces publics en vue d’étés de plus en plus caniculaires.

Les vidéos diffusées

Interview introductive sur le contexte climatique à Clermont – Alexandre Letort (prévisionniste météo) et Vincent Cailliez (climatologue)

Interview sur l’opération de plantation citoyenne « horties libres »

interview sur le retour d’expérience et la méthodologie de l’aménagement du parc urbain de saint-chamond (loire) en 2018

Pour aller plus loin

La carte de l’ambiance thermique sur Clermont Métropole

Crédit : Agence d’Urbanisme Clermont Massif Central

Le guide « rafraîchir les villes » de l’ADEME

Cliquez ici pour accéder à ce document gratuit

Le cycle « Clermont sous 50 degrés »

Cette série de Rencontres Tikographie (janvier à juin 2024 inclus) se focalise sur la question de l’adaptation de la métropole clermontoise et de ses acteurs – publics comme privés – aux conséquences du dérèglement climatique et notamment au fort risque d’étés caniculaires à répétition.

A quoi faut-il s’attendre au niveau des bâtiments ? De l’approvisionnement en eau ? Des événements météo extrêmes ? Quelle stratégie adopter à ce moment, et surtout, que peut-on faire aujourd’hui pour s’y préparer ? Ces questions n’éludent pas le besoin d’atténuation en parallèle mais elles le complètent, le dérèglement climatique étant largement enclenché et inéluctable.

Pour en savoir plus (thématiques, dates, modalités), cliquez ici pour accéder au dossier de presse.

Crédits

Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour leur accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres de la Résilience pour cette saison, et en particulier Boris, Philippe, Lénaïc, Olivier et Gaëlle.

Merci à nos invités et à l’équipe de l’association Tikographie qui porte et organise les Rencontres.

Prochaine Rencontre de la Résilience le mercredi 21 février à 17h à la SCOP Librairie les Volcans
sur la thématique : « Comment garantir et raisonner notre approvisionnement en eau »accès libre !
>>> voir la page de présentation des Rencontres de la Résilience <<<

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