Pourquoi et comment stocker l’eau sur le territoire ?

Compte-rendu de la Rencontre de la Résilience du mardi 16 mai en présence de Jean-Pierre Buche, Bruno Le Chevillier et Bertrand Nicolas, qui ont fait le point sur les stratégies et projets de stockage de l’eau – artificiel et naturel – dans le Puy-de-Dôme.

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La synthèse de la rencontre

Un bien commun et plusieurs visions

Après nos articles sur le projet de retenues de substitution près de Billom et l’entretien avec le représentant de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne, nous avons conclu (provisoirement) notre série sur les préoccupations relatives à la ressource en eau mardi dernier, lors de notre rendez-vous mensuel des Rencontres de la Résilience.

Entre la hauteur de vue de l’Agence de l’eau et le focus sur les mégabassines, les trois invités de ce débat ont apporté un regard intermédiaire sur la question du stockage de l’eau à usage agricole, en balayant les différentes facettes du sujet : technique, économique, écologique, éthique…

Pour l’agriculture, « le temps presse. »

Bertrand Nicolas

Des invités choisis pour leurs points de vue contrastés mais néanmoins respectueux les uns des autres, pour apporter la nuance nécessaire et la compréhension des inquiétudes, menaces, difficultés et interrogations qui pèsent sur les uns ou les autres : agriculteurs, habitants, défenseurs de la nature…

Bertrand Nicolas sur le stockage de l'eau
Bertrand Nicolas : « Mon grand regret, c’est que ces retenues ne soient pas multiusages. »

D’un côté, nous avions Bertrand Nicolas, vice-président de la Chambre d’agriculture, défendant le point de vue d’une agriculture familiale – en moyenne 74 ha dans le Puy-de-Dôme, souligne-t-il – et moins irriguée qu’on le pense – 15% des surfaces agricoles du département – mais devant faire face au changement climatique et à la nécessité de produire de la nourriture qui, revendique-t-il, « fait partie aussi des biens communs » au même titre que l’eau.

Selon lui, la problématique va concerner de plus en plus l’ensemble des usages et nécessitera du stockage sous toutes les formes possibles, y compris les bassines, et parallèlement aux autres solutions mises en œuvre. « Mon grand regret, conclut-il, c’est que ces retenues ne soient pas multiusages ; mais on les fait pour l’agriculture parce que dans ce domaine, le temps presse : ça se joue à dix ans. »

Jean-Pierre Buche avec Patrick Derossis
Jean-Pierre Buche (avec Patrick Derossis, animateur du débat) : « Est-ce qu’on a besoin de Naussac ? »

C’est aussi un agriculteur, en retraite depuis deux ans, mais toujours maire de Pérignat-ès-Allier, Jean-Pierre Buche, qui a apporté une autre vision de la production agricole, plus respectueuse du vivant et partisane de laisser le plus possible la nature retrouver ses équilibres et offrir un climat moins problématique. Volontairement provocateur, il va jusqu’à questionner, à propos du barrage qui régule les étiages de l’Allier et sécurise l’alimentation en eau potable et autres usages d’une part importante du département : « Est-ce qu’on a besoin de Naussac ? »

Il s’interroge sur la part – trop faible selon lui – de la production destinée à nourrir le territoire, sur les niveaux de rendement que l’on se fixe, sur le prix auquel nous sommes prêts à payer notre alimentation pour qu’elle respecte les équilibres naturels. « Avec les connaissances que nous avons aujourd’hui du vivant, nous pourrions le considérer comme notre partenaire et non comme notre vassal », dit-il, tout en prônant le vivre-ensemble, sans jugement les uns sur les autres, mais à condition de s’interroger collectivement « sur les modèles vers lesquels on veut tendre ».

« Nous pourrions considérer [le vivant] comme notre partenaire et non comme notre vassal. »

Jean-Pierre Buche

A leurs côté, Bruno Lechevillier, récent retraité de l’Office français de la biodiversité et qui a participé à l’élaboration du protocole de 2020 sur les retenues agricoles dans le Puy-de-Dôme, a apporté une « modération » avant tout technique et didactique, sur ce que sont les cours d’eau, les plans d’eau, les différents modèles de retenues…

Bruno Lechevillier
Bruno Lechevillier nous livrait son analyse en tant qu’ancien directeur de l’Office Français de la Biodiversité (antenne puydômoise)

Il avertit que les barrages et la canalisation des cours d’eau peuvent avoir des conséquences néfastes sur la rivière, sur le climat, sur le biotope, etc., parlant de « l’effet karcher » des recalibrages. Il parle aussi des connaissances encore insuffisantes, mais nécessaires, pour une gestion de l’eau plus précise. D’où une certaine prudence à avoir sur les solutions techniques.

« Attention aux conséquences des aménagements sur les cours d’eau »

Bruno Lechevillier

Rien n’est définitivement tranché sur ces questions, sinon une certitude : nous avons tous intérêt à préserver cette ressource, le « produit le plus antique de la planète, bien commun à toutes les espèces », comme l’a rappelé en introduction Jean-Pierre Wauquier, président de l’association H2O sans frontières. Et à la préserver dès maintenant : le barrage de Naussac, qui doit garantir le niveau de l’Allier cet été, n’est rempli qu’à 41 %.

Marie-Pierre

Les participants

  • Jean-Pierre Buche est maire de Pérignat-ès-Allier, ancien président du Projet Alimentaire Territorial du Grand Clermont, et agriculteur à la retraite
  • Bruno le Chevillier est l’ancien directeur départemental Puy-de-Dôme de l’Office Français de la Biodiversité
  • Bertrand Nicolas est vice-président à la Chambre d’Agriculture du Puy-de-Dôme en charge des grandes cultures, et agriculteur à Lussat
Information sur notre prochain événement

Crédits photo de la Rencontre : Marie-Pierre Demarty ; animation : Patrick Derossis

Le podcast intégral

Vous pouvez accéder à un enregistrement « nettoyé » – pour une meilleure écoute – de la Rencontre ici :

Rencontre stockage de l'au
Le patio de la librairie Les Volcans bien rempli pour ce sujet sensible…

Les interviews vidéo

Pour alimenter le débat et apporter des contrepoints supplémentaires, des interviews vidéo ou extraits de reportages sont proposés durant les rencontres.

Cyril Bessey (Agence de l’eau Loire-Bretagne) sur les projets de bassines à Billom

Vincent Tardif (groupe Limagrain) sur l’aide à la résilience des agriculteurs par la technologie

Extrait du documentaire « Mégabassines : la guerre de l’eau est déclarée » réalisé par Blast

Crédits

Merci à la librairie les Volcans d’Auvergne pour leur accueil et le partenariat de réalisation des Rencontres de la Résilience pour cette saison (jusqu’en juillet 2023), et en particulier Boris, Philippe, Margaux, Olivier et Gaëlle.

Merci à nos invités et à l’équipe de l’association Par Ici la Résilience qui porte et organise les Rencontres : Marie-Pierre, Patrick, Roxana

Prochaine Rencontre de la Résilience le mercredi 14 juin à 18h15 à la SCOP Librairie les Volcans
sur la thématique : « Des ceintures maraîchères pour nourrir les villes »accès libre !
>>> voir la page de présentation des Rencontres de la Résilience <<<