Que veut dire « Tikographie » ?

Vous vous demandez quel est le sens de « Tikographie » ? « Tiko » qui est un « néo-préfixe » inspiré par l’histoire d’une île du Pacifique, et « graphie », plus familier, qui fait référence aux techniques de narration, de description et de projection

Comme je fonctionne beaucoup à l’inspiration et la visualisation, j’ai imaginé le néologisme qu’est Tikopia à travers deux images qui m’ont marqué.

Tikopia, une île résiliente

Tikopia est une île particulièrement isolée de l’océan Pacifique, dans l’archipel des Salomons. Avec 1200 habitants pour 5 km², elle ne pouvait compter depuis ses 3000 ans d’occupation humaine que sur ses propres ressources agricoles. Pourtant, la communauté des Tikopiens a pu mettre en place un système écologiquement durable, via un micro-management des ressources agricoles et un contrôle strict de la hausse démographique. Ces contraintes ont été rendues possibles et acceptables parce qu’elles ont été décidées par l’ensemble de la communauté et non par un leader ou un petit groupe.

Quelques auteurs modernes évoquent le cas de Tikopia, mais il a surtout été mis à l’honneur dans le livre de référence Collapse publié en 2004 par Jared Diamond. Dans cet ouvrage, le chercheur américain étudie scientifiquement la survenue de l’effondrement sociétal dans l’histoire lié à des causes environnementales. Ici, l’effondrement est un phénomène parfaitement identifié et même réversible : certaines sociétés – les Mayas, les habitants de l’île de Pâques – ont disparu suite à une surexploitation de leurs ressources (souvent forestières), d’autres – l’Islande, notamment – ont pu survivre et même prospérer en acceptant de changer de modèle de développement.

Plusieurs critiques ont été émises à l’encontre du travail de Diamond – un ouvrage entier y a d’ailleurs été consacré – mais le principe de « démystifier l’effondrement« , de ne pas en faire une fin du monde inéluctable, et d’affirmer que des contre-mesures sont possibles, me semble porteur d’espoir. Il nous incite à agir, que l’on habite dans le cœur d’une métropole ou au milieu d’une île du Pacifique.

Imaginaire et projection

Enfin, la terminaison -graphie est une référence à la fois à la photographie, puisqu’il s’agit de « prendre une photo » d’un territoire pour mieux le voir, en comprendre son état, ses évolutions, ses mécanismes de résilience. Mais aussi à la biographie, et plus généralement à la narration et au besoin de raconter un futur souhaitable. Tant que les habitants d’un territoire n’auront pas écrit une histoire différente de celle de la civilisation thermo-industrielle, et tant qu’elle ne leur donnera pas envie de s’y embarquer, ils ne pourront réaliser la transition nécessaire.

Là aussi, on peut argumenter davantage en faveur d’un futur « plausible » que souhaitable. En d’autres termes, à quoi bon se projeter dans une société idéale, où nous serons en harmonie avec la nature, nos semblables, mais dans un confort moderne et accessible à tous bla bla bla ? J’ai conscience du nécessaire réalisme des solutions à mettre en œuvre, et de leur disponibilité rapide voire immédiate. Pour autant, il faut pondérer cela avec une envie et une dynamique ; ne pas juste « réagir », sur la défensive ou en mode survie, mais « agir » et construire quelque chose de différent dans lequel on s’identifie. Et une construction, ça commence par un plan, ça continue avec des moyens techniques, et ça se réalise par étapes.

« Les effets du bon gouvernement » (détail), allégorie peinte par Lorenzetti sur les murs de la Salle des Neuf du Palazzo Pubblico de Sienne. Magnifique exemple d’une fresque narrative et inspirante, entremêlant la société des hommes et le monde de la nature – ayant notamment inspiré Julien Dossier pour la « fresque de la renaissance écologique »

Pour les lecteurs attentifs, j’avais fait référence à ces notions de « construction graphique » progressive dans le premier Tiko. Autrement dit, il s’agissait d’avoir une approche « façon puzzle« , à travers une véritable exploration média. La problématique de la transition écologique et de la résilience territoriale était vue comme une terra incognita à mes yeux, une zone non cartographiée. Je voulais la défricher progressivement et noter la progression, parfois aléatoire, au gré de l’actualité, parfois en rebondissant d’une rencontre à une autre. Et, ainsi, représenter une histoire cohérente.

J’étais inspiré par plusieurs réalisations en ce sens, comme la Fresque de la Renaissance Ecologique, et bien sûr la Fresque du Climat et ses nombreux avatars. La notion de fresque est elle-même à la fois narrative et graphique. Elle est aussi ambitieuse et sans doute pompeuse. Je ne saurai dire si l’ensemble des petites pièces que sont les articles de Tiko depuis 2020 constituent un début d’image dans ce grand puzzle. Je pense avoir plutôt agi en sérendipité, par le jeu des rencontres et de l’inspiration. Il est temps d’avancer de manière plus ordonnée, et ça ne peut se faire qu’à plusieurs : c’est l’enjeu de Tiko 2 qui se lance à la rentrée 2022 et que je vous invite à découvrir ici.

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