*DOSSIER SPECIAL* Mobilité, eau, isolation sont abordés par le maire de Clermont, qui reconnaît avoir pris conscience de l’urgence climatique et de la gravité des crises à venir.
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Pourquoi cet article ? *DOSSIER SPECIAL*
Cet entretien est réalisé dans le cadre d’un Dossier spécial sur les municipales 2020 à Clermont : comment les trois listes présentes envisagent de traiter les enjeux de la transition écologique et sociale et de la résilience territoriale ?
Pour vous faire un avis le plus éclairé possible, rien de tel que de prendre connaissance des différents points de vue exprimés à travers les entretiens proposés 🙂
L’intervenant : Olivier Bianchi

Maire de Clermont-Ferrand et président de Clermont Auvergne Métropole depuis 2014, Olivier Bianchi (membre du Parti Socialiste) était auparavant adjoint à la culture sous le mandat de Serge Godard. Cette expérience l’a poussé notamment à lancer plusieurs projets culturels d’envergure pour Clermont, en particulier le projet de Capitale Européenne de la Culture 2028.
Olivier Bianchi s’est exprimé, avant la crise sanitaire, le 17 février dernier à Epicentre sur la place de la transition écologique et sociale dans son programme électoral [podcast audio, 1h15]
Sa liste, « Naturellement Clermont« , était en tête du premier tour des municipales 2020 avec plus de 38% des voix. Dans ce cadre, Olivier Bianchi s’est allié avec plusieurs partis engagés sur la question de la transition écologique, tels qu’Europe Ecologie les Verts ou Génération.s.
Accès direct aux questions
- Quel est le nouveau contexte imposé par la crise sanitaire du Covid-19 ?
- Tu estimes donc qu’il ne suffit plus de vouloir compenser ou réparer les atteintes à l’environnement ?
- C’est un changement de paradigme assez radical pour le dirigeant d’une Métropole …
- Partant de ce constat, que peut-on faire à l’échelle de Clermont ?
- Quels sont les types d’actions que peut entreprendre la Métropole sur le sujet de la résilience territoriale ?
- La Métropole est aussi un acteur à la fois central et intermédiaire sur le territoire …
- A la fin de ce mandat, de quoi es-tu le plus fier en matière de transition écologique et sociale ?
- Et quel sera le sujet principal du mandat à venir, si tu es élu ?
- A propos du vélo, les pistes cyclables “temporaires” ont fait polémique. Priorises-tu l’incitatif ou le coercitif quand il s’agit d’aboutir à des résultats en matière de transition ?
- Ton domaine de prédilection reste la culture, et le projet de Capitale Européenne de la Culture est toujours sur les rails. Ne va-t-il pas pâtir des crises climatiques et sociales à venir ?
- La Ville, comme la Métropole, sont des territoires, entourés d’autres territoires, et au sein de territoires plus grands … Selon toi, comment faut-il interagir avec l’Etat et l’Europe par exemple ?
- Comment le territoire clermontois peut-il réaliser ces expérimentations pour faire face aux enjeux de la transition ?
Quel est le nouveau contexte imposé par la crise sanitaire du Covid-19 ?
Le Covid a prouvé qu’il n’y avait plus de capacité rationnelle de maîtrise : des éléments extérieurs à nous-mêmes peuvent remettre en cause le fonctionnement de la société. On sort d’une crise sanitaire, mais, demain, on peut [par exemple] avoir une crise hydrique !
[Ainsi,] la situation a définitivement changé, même si ça s’est fait progressivement. (…) On n’est plus dans le [développement] “durable”. Il faut désormais éviter que le pire du pire n’arrive.
Tu estimes donc qu’il ne suffit plus de vouloir compenser ou réparer les atteintes à l’environnement ?
Le climat du monde change. On produira du Sidi Brahim en Bourgogne, du Bourgogne en Angleterre. Le Massif Central n’est pas un îlot préservé. Il faut s’y préparer, et prendre certaines mesures. Mais les mesures qu’on pourra prendre ne suffiront pas à inverser la machine.
Il faut désormais éviter que le pire du pire n’arrive.
Je pensais, [au début de ma vie politique], que ce n’était pas important … puis j’ai compris que c’était une priorité capitale. Depuis quelques mois, c’est irrémédiable, j’en suis convaincu et je l’ai compris en écoutant plusieurs experts et témoignages.
C’est un changement de paradigme assez radical pour le dirigeant d’une Métropole …
J’ai fait ma révolution. Je suis un enfant des Trente Glorieuses, j’ai biberonné au socialisme démocratique, j’étais très engagé sur l’émancipation, la lutte contre les inégalités … et le discours était alors : la croissance va entraîner la redistribution.
Mais si j’ai pu faire ce changement, tout le monde doit pouvoir le faire. Les 150 citoyens de la Convention Citoyenne pour le climat n’étaient pas tous militants écologistes, mais après avoir écouté des experts et des intellectuels, ils reconnaissaient eux-mêmes qu’ils avaient beaucoup évolué.

Partant de ce constat, que peut-on faire à l’échelle de Clermont ?
Aujourd’hui, je suis vraiment attaché à corriger la situation pour essayer de l’améliorer, mais je vais préparer la gestion de crise. C’est ce qu’on fera dans les mois qui viennent. A savoir : corriger le plus vite possible ce qu’on peut corriger, et se préparer à gérer la pénurie, la crise.
Si j’ai pu faire ce changement, tout le monde doit pouvoir le faire.
Par exemple, le plan de sauvegarde de la ville a été inventé pour faire face à des problèmes de types séismes ou attentats. Dès le mois de septembre 2020, je proposerai de lister les crises possibles, de voir quelles conséquences et quelles mesures dans l’urgence. [Pour résumer,] on a manqué de masques, il ne faudra pas manquer de jerrycans pour stocker l’eau.
Quels sont les types d’actions que peut entreprendre la Métropole sur le sujet de la résilience territoriale ?
De la sensibilisation, tout d’abord. On a fait une campagne de publicité qui va dans cette thématique : “ouvrez les yeux, fermez le robinet”. Autrement dit : prenez conscience que telle ou telle action – le bain, le nettoyage de voiture – est un gaspillage d’eau inutile. Il faut déjà changer les comportements !

Nous avons aussi pris un engagement fort : nous considérons, avec les élus de la Métropole, que l’eau doit être un service public, et nous avons décidé que, dans moins de 5 ans, l’ensemble du réseau d’eau des 21 communes [de Clermont Auvergne Métropole] fonctionnera sur le modèle de la régie publique.
Je ne sais pas si ça résoudra les pénuries, mais au moins on ne pourra pas “faire d’argent” là dessus. Contrairement à l’Australie, par exemple, où le réflexe est la privatisation, et donc la non-maîtrise par les citoyens de leur capacité à gérer les réserves locales.
La Métropole est aussi un acteur à la fois central et intermédiaire sur le territoire …
Nous pouvons fédérer et donner des opportunités : rapprocher les acteurs du territoire, notamment les chambres d’agriculture, les grands groupes comme Limagrain … pour discuter ensemble de notre résilience collective, et des types de réponses à apporter. Nous avons [ici] un rôle de fédérateur, d’accélérateur, de chef d’orchestre.
Nous avons un rôle de fédérateur, d’accélérateur, de chef d’orchestre.
Par exemple, il y a eu plusieurs conférences sur les questions économiques, internationales, sociales … je pense que les grandes prochaines manifestations [de ce type] doivent apporter la connaissance de ces enjeux [de transition et de résilience] au plus grand nombre, y compris les décideurs. Pour que eux-mêmes soient capables d’être moteurs de transformation. Et ça, ça peut être mon rôle : donner des tribunes à des acteurs et des spécialistes de la transition.

A la fin de ce mandat, de quoi es-tu le plus fier en matière de transition écologique et sociale ?
De la transition énergétique pour les logements des habitants, en particulier des logements sociaux. 7500 d’entre eux étaient des passoires énergétiques, et des gens risquaient de ne pas pouvoir payer leur facture d’énergie à cause de cela.
En 6 ans, la moitié [de ces logements] ont été refaits, l’autre moitié le sera dans le prochain mandat. Je pense qu’on a assuré à ces habitants de pouvoir passer le cap des 15 prochaines années avec un toit sur la tête.
Et quel sera le sujet principal du mandat à venir, si tu es élu ?
L’enjeu du prochain mandat sera la mobilité, où nous avons encore du retard : vélo, ville à 30, zones piétonnes, transports en commun … Il nous faut des outils pour réduire drastiquement la place de la voiture en ville tout en proposant de vraies alternatives pour les citoyens. [Pour cela,] il faudra changer complètement notre regard sur les déplacements urbains.
Olivier Bianchi s’est exprimé, avant la crise sanitaire, le 17 février dernier à Epicentre sur la place de la transition écologique et sociale dans son programme électoral [podcast audio, 1h15]
A propos du vélo, les pistes cyclables “temporaires” ont fait polémique. Priorises-tu l’incitatif ou le coercitif quand il s’agit d’aboutir à des résultats en matière de transition ?
Il faudra les deux : je ne crois pas une seconde que l’incitation fonctionne seule. La coercition sera nécessaire, mais elle pourra être acceptée. Il faudra par exemple être capable d’expérimenter, et de reculer quand on s’est trompés. Pour les pistes cyclables temporaires, on s’est plantés sur Lafayette et on va la refaire. Mais on a eu bon sur Côte Blatin ! On va donc pérenniser cette dernière.
L’enjeu du prochain mandat sera la mobilité.
La vie, c’est un dialogue entre ce qui marche, ce qui ne marche pas, ce qui est négociable, obligatoire … C’est là qu’on a encore besoin du politique : c’est lui qui organise le débat entre l’acceptable et le nécessaire, entre le coercitif et le volontariste.

Ton domaine de prédilection reste la culture, et le projet de Capitale Européenne de la Culture est toujours sur les rails. Ne va-t-il pas pâtir des crises climatiques et sociales à venir ?
Je reste convaincu d’une chose : même au moment du plus grand désastre, il doit y avoir de la culture. Dans les camps de concentration, les gens continuaient à écrire des livres et à jouer de la musique. La culture nous sauvera de la barbarie ! Elle ne peut donc pas être un simple supplément d’âme qu’on évacuerait au profit de l’écologie, par exemple.
En revanche, il n’est pas imaginable qu’un projet comme la Capitale Européenne de la Culture de 2028 ne prenne pas complètement en compte les besoins de transition et de résilience. Une des forces de la culture, c’est de saisir à bras-le-corps les problèmes de notre société, et de leur apporter des réponses à travers l’imagination, le regard artistique, la création …
Il faut mobiliser la culture pour cette nouvelle civilisation qui s’ouvre.
Les hommes et les femmes de culture seront certainement parmi les premiers à être “au front” sur ces questions [de transition]. Dans la culture, il y a la dimension du savoir, de l’éducation, de la recherche, de la pensée … les experts que je citais, qui bénéficieront d’un espace d’expression, font partie du champ culturel. Il faut donc mobiliser la culture pour cette nouvelle civilisation qui s’ouvre.
La Ville, comme la Métropole, sont des territoires, entourés d’autres territoires, et au sein de territoires plus grands … Selon toi, comment faut-il interagir avec l’Etat et l’Europe par exemple ?
Dans une société complexe, il faut du multiscalaire. Si on souffre ici, qu’est-ce que ça peut être en Afrique ou en Asie ? (…) Les réponses doivent être internationales. En même temps, je suis en responsabilité locale. Mon action porte donc sur mon périmètre d’activité. Mais elle doit se faire en y additionnant les réponses internationales, nationales et locales.
Mon action doit se faire en additionnant les réponses internationales, nationales et locales.
En même temps, il nous faut davantage de marge de manœuvre pour faire des expérimentations territoriales. Et nous le demandons à l’État depuis longtemps ! Mais nous sommes globalement dans une société très crispée, où chacun se campe dans ses compétences [Région, département, ville …].

Comment le territoire clermontois peut-il réaliser ces expérimentations pour faire face aux enjeux de la transition ?
Il faut qu’on se redonne de la souplesse à toutes les échelles : avec une nouvelle décentralisation pour expérimenter des choses que l’État n’est pas capable de faire, et avec une forme de démocratie locale pour que des acteurs de l’ESS, associatifs, intellectuels tentent des choses en-dehors du cadre des collectivités.
Il faut qu’on se redonne de la souplesse à toutes les échelles.
Attention cependant ! L’expérimentation ne peut être la traduction du communautarisme ou de l’individualisme. Elle doit se faire dans le cadre de l’intérêt général. Or, c’est le pouvoir public qui fait le contrat social : il faut donc trouver un bon équilibre entre bien commun, droit, collectif d’une part, et expérimentation, agilité, liberté individuelle d’autre part. Sans déstructurer notre société.
Pour aller plus loin : voir le site de la liste portée par Olivier Bianchi : « Naturellement Clermont » |
Propos recueillis le 22 juin 2020, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigés par Olivier Bianchi. Crédit photo de Une : Naturellement Clermont (DR)