Au coeur de la stratégie d’innovation de GRDF, Philippe Métais revient sur le pari du “100% gaz renouvelable” en 2050 … dans le cadre d’un mix énergétique local interconnecté.
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Cet entretien est subdividé en cinq thématiques. Elles s’enchaînent logiquement – du projet d’entreprise GRDF jusqu’à l’enjeu de la résilience énergétique territoriale, par la généralisation du biométhane et les problématiques économiques et politiques liées.
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GRDF, acteur à part dans le marché de l’énergie, s’est engagé à distribuer uniquement du gaz d’origine renouvelable dans son réseau d’ici 2050. Et il met tout en oeuvre pour y parvenir.
Attention, le « gaz naturel » n’est pas du tout vert, et l’hydrogène reste une solution encore complexe à ce jour. Le biométhane, issu de la décomposition maîtrisée des déchets végétaux (notamment), est-elle une solution d’avenir ?
L’avenir à moyen terme du marché de l’énergie tend forcément vers un renchérissement des énergies fossiles et un renouvellement des capacités de production. La clé pour parvenir à la transition réside dans les comportements de consommation.
En détaillant les divers avantages du biogaz, on constate son intérêt pour des solutions adaptées aux territoires et aux circuits courts. Cela se cumule avec les caractéristiques pratiques du gaz, une énergie facile à stocker et à distribuer.
Comment parvenir à une forme de résilience énergétique sur les territoires ? Par un mix énergétique varié, composé prioritairement d’énergies renouvelables, en privilégiant l’interconnexion des réseaux.

Philippe est membre de la délégation « Data, Recherche et Développement, Innovation et Valorisation » au sein de la Direction de la Stratégie de GRDF.
Cette délégation vise à impulser une nouvelle politique d’innovation au sein de GRDF, en particulier dans le cadre du nouveau projet d’entreprise : « 100% de gaz vert » en 2050.
Très proche de l’écosystème d’innovation clermontois, Philippe soutient ou participe à plusieurs initiatives locales autour de la transition et de l’innovation.
- GRDF, un acteur à part dans l’énergie
- Comment se positionne GRDF dans la “galaxie” des acteurs de l’énergie en France ?
- Tu insistes sur la mission de service public de GRDF. Comment est-elle vécue de l’intérieur ?
- C’est aussi un groupe important mais de taille “moyenne” qui permet d’innover …
- Et vous pariez sur les apports des projets tiers menés sur les territoires. Comment les aidez-vous ?
- Comment interagis-tu avec les écosystèmes d’innovation locaux ?
- Le gaz reste … une énergie d’avenir
- Quelle est la place du gaz dans l’énergie en France ?
- En deux mots, quels sont les problématiques du réseau de distribution ?
- Quels sont les catégories de gaz ?
- La transition énergétique, une réponse nécessaire
- Quelle est ta vision globale de la transition énergétique ?
- Tu estimes que la crise énergétique est inéluctable. Pourquoi ?
- Quels sont les enseignements énergétiques que l’on peut tirer de la pandémie du Covid-19 ?
- Comment vois-tu le “territoire idéal” qui appliquerait ces principes ?
- Quel est l’enjeu de l’énergie – notamment pour le chauffage – dans l’habitat ?
- L’enjeu du biométhane, “troisième révolution gazière”
- Revenons à GRDF : le pivot stratégique en cours, axé sur le biométhane, est présenté comme une révolution énergétique …
- Quels sont les intrants et les résidus du processus de création de biométhane ?
- Du côté du processus de production, le modèle économique est-il pérenne ?
- Tout se jouera pour toi dans le “croisement des courbes” …
- Un autre problème, plus politique qu’économique, consiste à convaincre les riverains. Quelle expérience as-tu à ce sujet ?
- Résilience territoriale et énergie
- Quels sont les caractéristiques d’un territoire résilient dans son énergie ?
- Comment cela se concrétise-t-il dans la stratégie de GRDF ?
- Pourra-t-on permuter les énergies utilisées ?
- Comment, dans ce cas, garantir suffisamment d’énergie pour tous, tout au long de l’année ?
- A quelle taille idéale de territoire te réfères-tu ?
- En Auvergne, les acteurs locaux sont-ils prêts à travailler ensemble sur le sujet ?

GRDF, un acteur à part dans l’énergie
Comment se positionne GRDF dans la “galaxie” des acteurs de l’énergie en France ?
Notre activité consiste à acheminer de l’énergie gaz aux clients. C’est donc une mission de distribution et d’exploitation des ouvrages appartenant aux collectivités locales, avec des contrats de concessions sur des durées de 20 à 30 ans. Nous sommes présents quasiment sur toute la France sauf quelques exceptions [certaines régies municipales, ou dans le cas d’autres opérateurs locaux comme à Bordeaux, Grenoble ou Strasbourg].
En résumé, GRDF, c’est le “dernier kilomètre” du réseau gaz. [A ne pas confondre avec] GRT Gaz, qui opère les “grandes autoroutes” du gaz (depuis les terminaux méthaniers ou les interconnexions avec les autres pays européens).
Tu insistes sur la mission de service public de GRDF. Comment est-elle vécue de l’intérieur ?
Nous ne sommes pas une entreprise comme les autres ! La notion de “service au public” anime vraiment les collaborateurs. Et dans notre “chair de gazier”, la mobilisation de l’entreprise dans une situation de crise – de la gestion d’un dysfonctionnement de service normal (par exemple pour un chantier de raccordement client retardé), jusqu’à la réponse à un incident/accident pour lequel toute l’entreprise se mobilise en quelques instants – permet toujours de garantir la sécurité du réseau.
La notion de “service au public” anime vraiment les collaborateurs.
C’est sont dans ces moments que tu constates cet esprit de service au public et de l’existence de ce collectif de collaborateurs. En fait, tous les jours, nous sommes mobilisés pour faire de cette énergie que l’on achemine une source de confort pour les clients.

C’est aussi un groupe important mais de taille “moyenne” qui permet d’innover …
GRDF est une entreprise organisée sur un modèle traditionnel avec des métiers nationaux et des entités régionales, et les managers sont très souvent issus des écoles d’ingénieurs. Nous sommes approximativement 11 000 salariés, ce qui permet d’avoir une vraie diversité dans les métiers et en même temps nous avons forcément une organisation processée pour répondre de la même manière à Clermont-Ferrand, à Marseille ou à Rennes à une problématique identique.
Dans cette organisation, il y a tout de même des sujets sur lesquels les collaborateurs peuvent “avoir envie”de tester, expérimenter avec ce qu’ils ont sur leur territoire … et cette liberté qui nous est laissée nous permet d’innover et de faire vivre cette démarche. Et c’est dans ce cadre que je me suis mis à faire des choses différentes en Auvergne, pas forcément immédiatement en lien avec mon métier de l’époque.
L’entreprise nous fait confiance pour nous laisser explorer.
Pour les collaborateurs qui ont cette “envie d’essayer”, dès lors que leurs missions originelles sont réalisées, l’entreprise nous fait confiance pour nous laisser explorer (…) Au final, cette exploration qui nous est offerte est une réelle source d’enthousiasme et de motivation. Elle nous permet aussi de proposer des innovations à GRDF, pour faciliter la nécessaire transition énergétique (comme la production de gaz renouvelables dans laquelle nous devons être engagé, pour la survie de l’entreprise mais également pour contribuer à la Société.
Et vous pariez sur les apports des projets tiers menés sur les territoires. Comment les aidez-vous ?
Nous sommes convaincus de ce modèle d’économie circulaire local : faciliter au maximum les porteurs de projets locaux, comme des collectifs d’agriculteurs qui investissent dans des sites de production de méthanisation.
Nous sommes convaincus de ce modèle d’économie circulaire local
Faciliter, c’est aider avec des études préalables, trouver la meilleure place dans le réseau pour injecter du gaz vert, communiquer sur les bénéfices de la méthanisation …
Comment interagis-tu avec les écosystèmes d’innovation locaux ?
En arrivant à Clermont il y a 6 ans, [je voulais] rencontrer des gens dans des domaines d’activité similaires – ou pas – à ce que je faisais. Les interactions via les réseaux sociaux ou les afterworks variés sur la métropole m’ont permis de rencontrer rapidement de nombreuses personnes. Puis, une chose en entraînant une autre, avec certains acteurs du territoire nous avons eu envie de monter des projets, de travailler ensemble … Le catalyseur, c’était ça.

Une anecdote pour illustrer le dynamisme de l’innovation ouverte sur notre territoire : En 2017, un nouveau directeur régional Auvergne est arrivé. Et finalement, son premier échange que nous avons pu organiser avec le président de la région Auvergne Rhône-Alpes a été à l’occasion de l’inauguration des nouveaux locaux du Bivouac avec lequel nous venions de lancer un partenariat.
Le gaz reste … une énergie d’avenir
Quelle est la place du gaz dans l’énergie en France ?
Le gaz naturel représente 20% de la consommation d’énergie en France mais plus de 40% pour les process industriels. [chiffres nationaux 2018]
Les principaux usages du gaz naturel aujourd’hui sont:
- pour les particuliers : la cuisson, le chauffage, l’eau chaude … pour la mobilité : le “Gaz Naturel Véhicules” dit GNV dont l’usage pour transport collectifs (bus) ou routier (poids lourd) est particulièrement intéressant
- pour les professionnels :la production de chaleur
En deux mots, quels sont les problématiques du réseau de distribution ?
Un réseau de distribution appartient à une collectivité qui choisit un opérateur pour le construire, y investir et l’exploiter. Toute personne souhaitant accéder à l’énergie distribuée par ce réseau paie cet accès selon un tarif fixé par l’Etat (selon les préconisations de la Commission de Régulation de l’Energie) qui est le même pour chaque catégorie de client quelle que soit la localisation (id est la péréquation tarifaire).
Le réseau de distribution de gaz naturel permet donc d’alimenter en énergie tout client raccordé. Il a un autre intérêt car grâce à toutes les canalisations, il représente aussi une part de stockage de l’énergie. Les réseaux de transport ainsi que des stockages souterrains de gaz complètent la structure gazière en France. Les installations de stockage représentent un quart de la consommation annuelle.

Quels sont les catégories de gaz ?
Dans le passé, le gaz consommé était produit à partir de charbon (le gaz manufacturé). Puis dans les années 60 grâce à la découverte du gisement de Lacq, la production de gaz naturel s’est développée ce qui a permis d’abandonner le gaz manufacturé. Aujourd’hui c’est toujours le gaz naturel qui est consommé et qui est importé de différentes sources d’approvisionnement.
Un réseau de distribution appartient à une collectivité qui choisit un opérateur pour le construire, y investir et l’exploiter.
Un autre gaz combustible a de plus en plus le vent en poupe : l’hydrogène. Sa production n’est pas encore très aisée (avec une problématique d’impact carbone) mais il permet la transformation de l’électricité renouvelable qui elle ne peut pas être stockée.
Tous ces types de gaz – dont les gaz verts que nous allons évoquer plus bas – peuvent être mélangés dans le réseau de distribution ou dans les sites de stockage. Pour rappel, les gaz renouvelables représente un dixième de la consommation
La transition énergétique, une réponse nécessaire
Quelle est ta vision globale de la transition énergétique ?
Forcément, j’ai une vision partiale du sujet, et je ne suis pas expert indépendant en la matière. On entend plus facilement parler de transition écologique, de changement climatique. Et l’on met en général la problématique énergétique en conséquence de cela. On oublie que notre vie d’humains nécessite de l’énergie et que nous avons à prendre en main ce sujet..
Avoir conscience de nos comportements, pour faire des choix raisonnés sur l’utilisation de l’énergie.
C’est donc un des points clé pour opérer une transition globale ! Avoir conscience de nos comportements, pour faire des choix raisonnés sur l’utilisation de l’énergie. Et ainsi, agir en conséquence sur la transition écologique.
Tu estimes que la crise énergétique est inéluctable. Pourquoi ?
Pendant longtemps, nous avions l’illusion en France que l’énergie n’était pas chère. Les choix industriels fait il y a 50 ans ont permis d’avoir une capacité de production en électricité très efficace sur le plan économique.
Mais, quoi qu’il arrive, le coût l’énergie augmentera inéluctablement. Et si collectivement nous ne participons pas à la transition énergétique, la précarité galopante se poursuivra Aujourd’hui :
- Les capacités de production électrique devront être renouvelés, en particulier les installations industriels des années 70/80
- les énergies fossiles vont se renchérir. Les ressources ne sont pas infinies et la géopolitique va plutôt dans le sens de tensions sur ces énergies
- les énergies renouvelables sont en croissance, mais elles coûtent toutes – à ce jour – plus cher à produire que les autres énergies disponibles.

Le consommateur qui ne change rien à son comportement de consommation verra inexorablement sa facture augmenter. Le changement de comportement, d’habitudes ou d’usages de consommation sont nécessaires pour accompagner la transition énergétique
Quels sont les enseignements énergétiques que l’on peut tirer de la pandémie du Covid-19 ?
Du fait du confinement, et que les consommateurs particuliers restaient chez eux, on pensait que la consommation dans les logements allaient augmenter, à l’inverse de la consommation des process industriels mais aussi des usages de mobilité qui allaient eux être fortement réduits.. Finalement, on a constaté environ 6% de baisse de consommation des particuliers.
Tout cela est encore en train d’être analysé, mais en première lecture, on estime que cette baisse provient de nos comportements et pour lesquels on prend davantage conscience de notre vrai besoin énergétique. Nous avons donc été plus à la maison, et en même temps nous avons moins consommé d’énergie. L’enjeu est d’abord là : l’énergie la moins chère et la plus efficace sera celle que nous n’aurons pas besoin de consommer.
Comment vois-tu le “territoire idéal” qui appliquerait ces principes ?
Le territoire idéal, c’est donc celui qui consomme le moins d’énergie possible. On peut optimiser en organisant l’espace urbains, en particulier l’habitat et les transports : réduire les déplacements, modifier les logements pour qu’il n’ai pas besoin de consommer d’énergie en chauffage.
Il y a l’exemple des éco-quartiers, que l’on trouve dans des territoires urbanisés – Confluence à Lyon, par exemple, ou Trémonteix à Clermont – et qui fonctionnent. Dans le cas de Confluence [à Lyon], beaucoup d’efforts sur la faible consommation énergétique des bâtiments a été réalisée. Et , on peut aussi tout faire dans le quartier : se divertir, faire ses courses, habiter, travailler …

Quel est l’enjeu de l’énergie – notamment pour le chauffage – dans l’habitat ?
Aujourd’hui, dans un logement neuf répondant à la réglementation thermique en vigueur, tu ne consommes que très peu d’énergie pour te chauffer. Et l’habitat neuf poursuivra dans les années à venir cette démarche des réductions des besoins énergétiques pour le chauffage des logements.
En revanche, la transformation du bâti existant est davantage problématique, car l’amélioration de l’isolation a un coût économique majeur. Si tu veux [rénover] une maison des années 70 avec des [nouveaux] matériaux existants et plus résilients (chanvre, bois …), le coût peut être prohibitif [pour correspondre aux normes thermiques du neuf].
L’enjeu du biométhane, “troisième révolution gazière”
Revenons à GRDF : le pivot stratégique en cours, axé sur le biométhane, est présenté comme une révolution énergétique …
Le biométhane est une énergie renouvelable. Plus précisément, on utilise aujourd’hui le procédé de la méthanisation qui repose sur le phénomène biologique de fermentation des matières organiques. Par cette fermentation de bio-déchets, de déchets agricoles, d’effluents d’élevage ou encore des boues de stations d’épuration, il est possible de produire un digestat qui remplace les amendements agricoles et les fertilisants, et du biogaz.

Ce biogaz peut-être transformé en chaleur puis électricité, ou bien après différentes opérations (purification, odorisation) il peut devenir du biométhane et être injecté dans les réseaux de distribution de gaz.
Il y a d’autres techniques en cours de développement comme la méthanation, ou la pyrogazéification. Des travaux sur la captation du CO2 dans ces procédés sont également en cours.
Un des côtés vertueux de la méthanisation est l’utilisation des biodéchets qui ne sont pas valorisés autrement.
Il y a moins de 5% de biométhane aujourd’hui circulant dans le réseau GRDF. Notre objectif est d’atteindre 30% en 2030 … et 100% en 2050 ! cet objectif est repris dans l’étude de l’ADEME “Mix de gaz 100 % renouvelable en 2050“
Quels sont les intrants et les résidus du processus de création de biométhane ?
L’un des côtés vertueux de la méthanisation est l’utilisation des biodéchets qui ne sont pas valorisés autrement, en circuit court, pour produire du gaz vert utilisable, des engrais azotés … le tout via une activité de proximité génératrice d’emplois locaux.
Les types d’intrants pour la méthanisation sont :
- les biodéchets (résidus alimentaires …);
- les déchets verts et agricoles;
- les effluents d’élevages;
- les boues de stations d’épuration.

En France, il y a également des cultures intermédiaires à valorisation énergétique (CIVE) qui peuvent être des intrants d’un site de méthanisation. Et ces CIVE participent également aux rotations de cultures et à l’enrichissement des sols.
Des études et des développements sont également en cours afin de bénéficier du fort pouvoir méthanogène des algues qui contribueront à l’objectif de 100% de gaz vert en 2050.
Du côté du processus de production, le modèle économique est-il pérenne ?
Il y a environ 120 sites de production de biométhane aujourd’hui. Mais ces sites de méthanisation sont des investissements lourds pour les porteurs de projet qui les montent avec un investissement médian de l’ordre du million d’euro. le retour sur investissement se fait entre 8 et 10 ans.
Dans la balance des recettes, ces installations bénéficient de tarifs de rachat de l’énergie, et les installations agricoles économisent également dans la prise en charge des déchets et l’utilisation du digestat en tant qu’amendement des sols et fertilisants.
L’enjeu néanmoins des prochains mois et années pour pérenniser ce modèle est la poursuite des travaux de réductions des coûts de production de ce gaz vert.

Tout se jouera pour toi dans le “croisement des courbes” …
Le problème est que le coût de production de la molécule de biométhane reste aujourd’hui plus élevé que l’achat d’une molécule de gaz naturel. On sait que les courbes finiront par se croiser … mais le plus tôt sera le mieux !
Un des axes pour y parvenir réside dans les évolutions technologiques et la Recherche & Développement des gaz renouvelables qui permettront de faire des sauts.
La pyrogazéification, citée plus haut, qui produit du gaz renouvelables en chauffant la matière, va permettre des sauts de performance économique.
Cette technologie présente l’avantage d’utiliser d’autres déchets de la filière bois, qui ne sont généralement pas valorisé. Et, comme la méthanisation, cette technologie se fait dans une logique d’économie circulaire.
Un autre problème, plus politique qu’économique, consiste à convaincre les riverains. Quelle expérience as-tu à ce sujet ?
Les “externalités négatives” de la méthanisation sont concrètes aujourd’hui avec des collectifs de riverains à des projets de méthanisation qui expriment des craintes, des peurs quant à ce mode de production d’énergie. Et parfois animés par une méconnaissance du procédé technologique.
En Auvergne, il y a un projet à Hauterive dans l’Allier qui se trouve dans cette situation et dont la réalisation prend du retard. En région Centre Val de Loire, très dynamique sur le sujet de la méthanisation, depuis plusieurs mois nous avons travaillé sur l’implantation d’un Living Lab pour permettre justement aux porteurs de projets d’intégrer les riverains dans le déploiement de leur site de méthanisation. Dans un premier temps ils peuvent recueillir les objections et craintes de ces riverains pour proposer dans un deuxième temps des actions pédagogiques mais également l’adaptation de leurs installations.
Résilience territoriale et énergie
Quels sont les caractéristiques d’un territoire résilient dans son énergie ?
J’ai plusieurs convictions : notamment, pour aller sur une transition énergétique au bénéfice du plus grand nombre, il faut diversifier le mix énergétique du territoire. Autrement dit, proposer une vraie variété dans les sources d’énergie.
Il faut diversifier le mix énergétique du territoire
Autre point clé : il est nécessaire de décentraliser les moyens de productions, multiples et en proximité des territoires de consommation.. Des moyens de production variés participent de ce besoin de mix énergétique.
Comment cela se concrétise-t-il dans la stratégie de GRDF ?
Pour rappel, GRDF n’est pas un fournisseur d’énergie, nous acheminons les molécules de gaz auprès de tous les consommateurs. Et notre action aujourd’hui est d’aider à la transition énergétique en facilitant les projets de gaz renouvelables.
Cette facilitation passe aussi par l’adaptation du réseau de distribution, pour relier les sites de méthanisation aux réseaux voire de mailler le réseau pour permettre de “stocker” davantage de gaz verts.
Et nous sommes également facilitateur dans le domaine de l’innovation: Axibio par exemple, une start-up qui a conçu un container permettant la collecte des bio-déchets, qui est ensuite envoyé sur un site de méthanisation. En accompagnant cette startup nous facilitons le développement de la filière ce qui participe indirectement à la baisse du coût de production de cette énergie verte.
Pourra-t-on permuter les énergies utilisées ?
La multiplicité des sources d’énergie renouvelable est nécessaire. Le tout-éolien, le tout-méthanisation ou le tout-photovoltaïque, est utopique. Le réseau de distribution de l’énergie de demain doit permettre de basculer de l’une à l’autre, en particulier parce que certaines de ces énergies ne peuvent être stockées telle quelle : par exemple, en cas d’excédent de production d’électricité renouvelable, elle pourrait être transformer en hydrogène pour être injecté dans un réseau de distribution de gaz.

Les modèles existent déjà au niveau d’un habitat individuel. Les maisons “BEPOS” (bâtiment à énergie positive) sont une réalité concrète qui mélangent systématiquement les énergies : solaire thermique, bois, électricité photovoltaïque, pile à combustible.
Cependant, il faut veiller à pouvoir vivre toute l’année avec des énergies qui sont la plupart du temps intermittentes. .
Comment, dans ce cas, garantir suffisamment d’énergie pour tous, tout au long de l’année ?
Les différents échelons du territoire (quartier, ville, aire urbaine …) doivent être interconnectés. Il est capital d’imaginer cette complémentarité des sources dans le futur ! Le mix énergétique de demain nécessitera des moyens de productions décentralisés, une interopérabilité des énergies, mais aussi la connexion des territoires entres eux pour un pilotage dynamique des réseaux d’énergie.

A quelle taille idéale de territoire te réfères-tu ?
Probablement la taille d’une Communauté de Commune, ou d’une Métropole. C’est la maille qui me semble la plus pertinente pour ce sujet.
Le tout-éolien, le tout-méthanisation ou le tout-photovoltaïque, est utopique.
Car il est nécessaire aussi de faire travailler le gens ensemble. La co-construction n’est pas toujours évidente dans le domaine de l’énergie, et le politique doit accompagner ces coopérations.
En Auvergne, les acteurs locaux sont-ils prêts à travailler ensemble sur le sujet ?
Le territoire auvergnat a des certitudes sur des sujets précis – par exemple, sur la filière bois. Des collectivités s’étaient engagées dans des réseaux de chaleur avec chaufferie bois en projetant que la matière première était disponible sur le territoire. Et le “fond chaleur” ADEME leur facilitait cette mise en place.
Pour certains de ces réseaux aujourd’hui, la matière première est importée d’autres territoires, français ou européens. Mais surtout ils sont difficilement connectables aux autres énergies. Et la résilience énergétique territoriale doit passer par l’interconnexion des énergies.
L’Auvergne à une très belle carte à jouer dans le domaine de la mobilité, et les coopérations existent, avec les projets d’avitaillement en hydrogène ou en bioGNV.
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Propos recueillis entre octobre 2019 et mai 2020, mis en forme pour plus de clarté puis relus et corrigés par Philippe. Crédit photo de Une : Hugo de Piccoli – Studio « A Different Story«