En tant que gestionnaire financier de l’évolution des marchés, Laurent nous livre son analyse du rôle des banques centrales et du nouveau “cycle” de croissance qui semble s’ouvrir en 2020.
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Je travaille avec Laurent depuis quelques années, en tant que client d’Axyne comme en tant que prestataire de communication. J’ai le plaisir de connaître Eric, son associé, ainsi que plusieurs membres de l’équipe.
Dans ce cadre, je reçois la « météo des marchés » que Laurent et Eric envoient régulièrement à leurs clients. Ils y suivent de près les indicateurs nécessaires à l’optimisation de divers types de placements financiers et d’investissements patrimoniaux.
Je sais par ailleurs que Laurent est sensible aux enjeux de l’engagement territorial et de la transition écologique.
De par cette expertise multiple, et de par sa neutralité (Axyne est indépendante des grandes banques, notamment), Laurent me semblait être la personne la plus indiquée pour porter un regard sur la crise actuelle.

Laurent est issu du sérail bancaire – il a travaillé au sein des Banques Populaires sur les sujets de gestion financière et patrimoniale. Il a créé Axyne Finance en 2007 avec Eric Borias (par ailleurs président d’Auvergne Business Angels).
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Cabinet de conseil clermontois en gestion patrimoniale et financière pour les particuliers et les entreprises, avec des spécialisations ESG et fusions-acquisitions.
Axyne Finance couvre – outre la gestion patrimoniale et financière – l’immobilier, la retraite, la prévoyance, l’épargne salariale, et toutes les problématiques personnelles des clients. Elle s’est de plus développée récemment vers les fusions-acquisitions avec la création de la filiale Fusax Partners.
L’offre ESG et ISR y est fortement présente de par l’expertise d’Eric Borias, co-fondateur et associé, qui a travaillé depuis les années 90 dans ce domaine du côté des banques.
Créée en 2007 par Laurent Cornet et Eric Borias, et basée dans la zone de la Pardieu à Clermont, Axyne Finance comptait en mars 2020 six collaborateurs.
- Ce qui se passe aujourd’hui est-il une crise uniquement sanitaire ?
- Quel était jusqu’à présent l’état du monde de la finance ?
- Peux-tu nous décrire ce qu’il s’est passé depuis la dernière “crise”?
- On arrivait donc, en 2020 et indépendamment de la pandémie, à un point de bascule …
- Dans l’économie mondiale, on raisonne en termes de “cycles”. Comment vois-tu le nouveau cycle à venir ?
- Quels seront selon toi les facteurs de croissance pour l’avenir ?
- A ce jour, la période de “purge” financière est-elle terminée ?
- L’endettement majeur des Etats est-il problématique ?
- N’y a-t-il pas également une évolution des mentalités sur la mondialisation et l’environnement ?

Ce qui se passe aujourd’hui est-il une crise uniquement sanitaire ?
Aujourd’hui, on peut parler d’une crise sanitaire qui va se transformer sans doute en crise économique (et financière ?). Les marchés financiers ont très vite réagi et connu une baisse très violente. Matériellement, la problématique du virus Covid19 et surtout du confinement viennent amplifier le “mal profond” qui préexistait.
Quel était jusqu’à présent l’état du monde de la finance ?
On a vécu une dizaine d’années d’un cycle plutôt favorable aux actifs risqués, en particulier les actions. Sur les marchés financiers, on peut investir sur de nombreuses classes d’actifs (actions, obligations, devises, immobilier côté…), la classe des actions étant celle où la volatilité est la plus grande.

Aujourd’hui, perdre près de 40 % en quelques semaines est similaire à la crise de 1929. C’est donc très rare ! Pour rappel, en seulement un mois, et 20 séances, le CAC 40, représentant les 40 plus grosses capitalisations boursières françaises) est passé de 6.111 à 3.755 points. Au coronavirus, est venu s’ajouter un krach pétrolier d’une ampleur rarement vue par le passé.
La problématique du virus Covid19 et surtout du confinement viennent amplifier le “mal profond” qui préexistait.
On a connu de grandes baisses en 1987, en 2001, en 2008, en 2011 avec la Grèce … qui d’une certaine manière matérialisent des cycles. Il semble que l’on termine donc un cycle qui aurait commencé vers 2009 après la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, et la crise des subprimes.
Peux-tu nous décrire ce qu’il s’est passé depuis la dernière “crise”?
[Après] Lehman Brothers, les marchés étaient repartis. Les banques centrales étaient intervenues, et ont amplifié leur soutien post 2011 après la crise de la dette Grecque, ce qui a amplifié la reprise. Les marchés étaient donc de plus en plus abreuvés en liquidités, ce qui veut dire que les banques centrales pouvaient racheter de la dette et accompagner les banques commerciales pour leur permettre de faire du crédit, à des taux de plus en plus favorables. On a donc retrouvé des marchés actions plutôt positifs et en croissance globale, et surtout aux Etats-Unis (malgré des soubresauts).
En matière de dettes souveraines, à titre d’exemple, avant la pandémie, l’Etat français pouvait s’endetter à taux zéro sur 10 ans. Cette situation était-elle normale ? Etait-elle cohérente par rapport au contexte macro-économique ? Les taux très bas facilitent les choses, mais la valeur est-elle en lien avec le business et les perspectives économiques du pays ? Car ce qui permet d’illustrer la santé d’une économie, ce sont au cas particulier des actions, les bénéfices actuels et futurs des société, et leur capacité à créer de la croissance. Quelle sera la valeur des entreprises dans lesquelles on peut investir post Covid-19 ? Aurons-nous la même méthodologie d’évaluation des sociétés ?
Quelle sera la valeur des entreprises dans lesquelles on peut investir post Covid-19 ? Aurons-nous la même méthodologie d’évaluation des sociétés ?
Les marchés, très élevés, étaient donc décorrélés de la réalité économique des entreprises – que ce soit les actions, les obligations, l’immobilier, etc. Le rôle des banques centrales est devenu prédominant dans l’économie, c’est à mon sens devenu un paramètre assez nouveau en matière de soutien des économies ; l’ampleur du soutien récent conforte (amplifie) finalement une situation qui s’était déjà installée pendant la dernière décennie. La question est dorénavant de savoir comment nous serons capables de rembourser ces dettes colossales …
On arrivait donc, en 2020 et indépendamment de la pandémie, à un point de bascule …
On avait à mon sens en effet beaucoup plus de chance de baisser que de monter. D’autant plus qu’avec des taux à zéro, les capacités de soutien complémentaire semblaient très limitées – on peut malgré tout passer à des taux négatifs, c’est d’ailleurs le cas en Allemagne (-0,5% sur 10 ans). Cela matérialise le fait que l’on accorde une confiance extrême dans la capacité des Etats à rembourser leur dette, tout en acceptant une absence de rendement pendant des durées très longues… Cela pose une autre question ; celle de la garantie du capital : sommes-nous certains de récupérer notre capital en prêtant à l’Etat ?
Le coronavirus est finalement un facteur exogène (ou un cygne noir, comme l’a théorisé Nassim Taleb dans son livre du même nom), comme dans beaucoup d’histoires passées, les facteurs exogènes précipitent la crise mais ne font que mettre à jour des déséquilibres importants. Dans le cas présent, le Covid19 est en train de faire dégonfler les bulles dans lesquelles le monde s’était installé.
Dans l’économie mondiale, on raisonne en termes de “cycles”. Comment vois-tu le nouveau cycle à venir ?
[La question est :] quelle typologie d’actifs permettra d’avoir une revalorisation de son capital sur la durée ? Le champ des possibles, est extrêmement large, que ce soit sur le marché des actions et bien entendu sur celui beaucoup plus large des obligations, Entre les entreprises cotées (grandes entreprises, small et midcap) et le private equity qui rassemble les ETI et les PME, les possibilités sont nombreuses. Il nous faut à mon avis d’abord purger certaines valorisations qui semblent encore excessives.
Mais il y aura des dégâts collatéraux. Dans les phases comme celle que nous vivons actuellement, on observe souvent une (re)corrélation entre toutes les classes d’actifs : certains titres peuvent décrocher très vite, ce qu’on a vécu, même pour des sociétés qui semblaient se porter très bien (TOTAL par exemple avec + de 11Mds€ de bénéfices en 2019, et qui a perdu près de 60 % de sa valeur du 1er janvier au 18/3) ! Cela veut dire que le marché a des doutes sur la capacité des entreprises à faire des bénéfices demain ?
Quels seront selon toi les facteurs de croissance pour l’avenir ?
On peut ici faire un parallèle avec la fin des années 90, même si ce n’est pas si éloigné que ça. Qu’est-ce qui fait changer l’économie et par voie de conséquence notre niveau de vie ? Des innovations comme la voiture, l’avion, la télévision, internet … ont été de véritables ruptures. On est globalement dans un monde de ruptures, les cycles ont même tendance à se raccourcir. Et souvent, les ruptures technologiques ont permis d’assurer la croissance demain.
En 2000, les GAFA n’existaient pas. Aujourd’hui, ce sont des mastodontes, des boîtes qui sont plus riches que certains pays ! Est-ce une bonne chose ? On a connu les conglomérats dans l’automobile ou dans le pétrole, et ces entreprises ont été morcelées. On peut se poser ces questions aujourd’hui.

Les ruptures de demain, à la mesure des investissements en R&D numérique des GAFA, créeront forcément de la croissance. Mais quel sera le nouveau cycle ? On peut mettre en avant l’IA [Intelligence Artificielle], l’économie verte, le traitement des eaux, les énergies renouvelables… ce sont des choses que l’on n’a pas encore exploré de manière large, et/ou que nos politiques n’ont pas encore eu le courage de soutenir massivement.
Les choses vont reprendre. Beaucoup d’entreprises sont sur des secteurs qui peuvent paraître “has been”, mais par exemple Total est une des sociétés qui investit le plus sur le développement durable, et qui a la capacité de changer les choses !
A ce jour, la période de “purge” financière est-elle terminée ?
On n’est sans doute pas au bout de la baisse. Le confinement est en train de créer des distorsions dans l’économie réelle. Est-ce comparable à la Dépression post-1929 ? On n’est plus du tout dans le même contexte, et je n’y crois pas tant que ça – parce que les instances politiques sont plus présentes, sans toujours être très efficaces hélas.
Est-ce comparable à la Dépression post-1929 ? On n’est plus du tout dans le même contexte.
Personnellement, je suis plutôt déçu de notre façon de gérer les choses sur le plan sanitaire. Mais, économiquement parlant, on a des armes monétaires qu’on n’avait pas il y a 90 ans. Cela peut faire la différence avec les années 30, même si bien évidemment cela ne suffit pas !
L’endettement majeur des Etats est-il problématique ?
Les Japonais sont ultra-endettés depuis bien plus longtemps que nous, depuis les années 80 (aujourd’hui leur dette s’élève à près de 250 % de leur PIB !). Et ils s’en sortent ! Être endetté, est-ce un problème ? Pas si on a des ressources pour rembourser les dettes. Ce ne semble pas très sain car l’on transmet le remboursement aux générations futures, mais on peut quand même fonctionner en étant endetté. Dans un contexte de baisse des taux, ce n’est pas très problématique, le crédit étant gratuit voire à taux négatifs, il faut s’assurer de la capacité des débiteurs à rembourser …donc par exemple pour l’Etat, continuer à percevoir des rentrées fiscales (IR, TVA, IS, IFI…) nécessitant bien entendu une croissance économique suffisamment dynamique …
Que devront faire les acteurs publics à court/moyen terme ? Quel est le rôle des Etats ? Dur de comparer les USA avec l’Europe et la Chine … faut-il “juste” assurer la santé de chacun ? Aider les entreprises ? Tout régenter ? On a tendance à vouloir que l’Etat nous aide en tout … mais peut-il le faire ?
Pour moi, tout passe par l’économie. Je pense que l’Etat doit faciliter la fluidité du système économique, tout en assurant bien entendu certains services publics indispensables à l’harmonie de nos institutions et de notre République (hôpitaux, éducation, transports, sécurité). C’est ce qu’il doit toujours faire. Mais, avec le coronavirus, on commence à demander à l’Etat de garantir des crédits, conserver les emplois, tout en soignant nos concitoyens… et trop de sécurité ira probablement à l’encontre de la fluidité du système, et la reprise de l’activité économique ne se fera pas aussi facilement post-Covid.
N’y a-t-il pas également une évolution des mentalités sur la mondialisation et l’environnement ?
Il me semble que ce besoin de sécurité est plus important aujourd’hui. Si on demande à un jeune ce qu’il attend de la vie aujourd’hui, il cherchera plutôt de la sécurité à long terme. Ce qui est complètement différent des anciennes générations. Et je pense que, en réaction, on va retrouver de la solidarité, et que ce sera un changement de paradigme.

Très clairement, on va revenir à du national, du local, avec moins de mondialisation. Aux USA, quoi qu’on pense de Trump, la tendance de fond est de se recroqueviller sur soi-même, à grande échelle ! Cela pose beaucoup de problèmes, mais c’est aussi un moyen de contrecarrer l’hégémonie future de la Chine (dans un monde ouvert et mondialisé de toute façon).
Sur l’économie verte, les intérêts des pays sont divergents par rapport aux problèmes de la planète.
Sur l’économie verte, les intérêts des pays sont divergents par rapport aux problèmes de la planète. A un moment, il faudra bien modifier notre manière de produire et consommer pour faire face aux enjeux de demain. En matière d’investissement, l’ISR [Investissement Socialement Responsable] sera certainement plus mis en avant, tout comme les critères ESG – Environnementaux Sociaux et de Gouvernance permettant de prendre en compte le développement durable et les enjeux de long terme dans la stratégie des entreprises.,. Il faudra également beaucoup plus s’intéresser aux sujets climatiques, à l’économie collaborative, aux progrès en matière de santé/ biotechnologies. Il faut repenser notre modèle économique autour de sociétés ayant à cœur de privilégier le bien-être des salariés, l’éthique, la santé.
Mais encore une fois tous les pays ne partent pas du même niveau. Cette crise du COVID19 rebat les cartes en matière de leadership mondial, et a le mérite de nous interroger sur les grands enjeux de demain.
Pour aller plus loin : le site de Axyne Finance |
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Propos recueillis le 26 mars 2020 et mis à jour le 16 avril, réorganisés pour plus de clarté puis relus et corrigés par Laurent.